Chapitre 17 : Emile

Elle a toujours été comme ça. Elle m'énerve. Elle a toujours aimé se faire passer pour une victime. de cette manière, nous sommes tous d'ignobles personnes. Ca lui a toujours fait plaisir qu'on la plaigne et qu'on pense qu'elle est malheureuse. De tout le groupe, elle était l'enfant sage, victime des autres ; et les gens, toujours pris de pitié en la voyant, nous rejetaient sans savoir qui avaient commis tous les méfaits. Bien entendu, ce n'était jamais ceux qu'ils croyaient, ce n'était pas nous. Leur petit ange chéri était le démon, comme toujours. Pourtant, elle fait partie de la bande, on ne l'exclut pas. Les années et les souvenirs font sans doute que l'on s'attache à elle, d'une manière ou d'une autre. Mais, à cet instant, je ne la supporte plus. Si les règles de bienséance le permettaient il y aurait un peu de sang sur scène. Une légère flaque, quelque part entre notre banc froid du troisième rang et le coffret en bois orné de gerbes tristes qui domine la salle. Ca me fait mal quelque part entre mon estomac et mon coeur. Comme si une épée m'éventrait et que c'était Rose-Evi qui tenait cette foutue arme sanglante. Je ne sais pas ce qu'il se passait entre elles, personne, ou du moins aucun garçon ne peut comprendre. Elles étaient amies et rivales, alors nous étions perdus. Elles pouvaient se caliner comme deux soeurs et se battrent tels deux chiens enragés. Je ne sais pas ce qui les séparait à ce point, ce qui faisait que deux filles, presque sœurs, étaient capables de ne se voir que rivales. Je ne sais pas si l'une était plus monstrueuse que l'autre dans ces instants. Sournoise ou violente. Un rien allumait cette haine entre les deux. Cependant, le premier cri venait toujours de Rose-Evi. Elle ne savait contenir cette colère qui bouillonnait en elle. Notre amie restait calme, toujours, elle plongeait son regard lumineux dans celui de son adversaire enragée. Or, j'ai observé que, ces derniers temps, son regard ne brillait plus, il ne se confrontait plus à rien, ni à la vie, ni à la mort. Je ne comprenais plus ce qu'il se passait en elle. Aujourd'hui, Rose-Evi a fait quelque chose d'horrible... Elle a utilisé la cérémonie pour se faire passer pour la pire des victimes. Je serre doucement les poings. Enfin... avec plus de rage que je n'en ai jamais eu. Je serre jusqu'à ce que nos mains deviennent blanches. Je ne suis pas une personne qui s'énerve rapidement, mais là ... J'ai envie de tout renverser, de hurler. Il ne faut pas frapper les filles et pourtant, je rêverai de le faire, de planter mon poing dans sa petite figure angélique. Elle regarde le sol avec un regard faussement triste, ce qui ne fait que redoubler ma colère qui bouillonne. Je ne pense pas réussir à rester encore longtemps assis sur ce banc en bois dans cette église froide. Je ne comprends pas pourquoi elle a besoin de ça, surtout aujourd'hui. Je ne pense plus à rien, je n'entends plus rien, je ne vois plus rien, à part ça, à part ça, à part ses mots qui me font l'effet d'un poignard dans le coeur. Je ne sais même pas si je pleure ou non. Le monde continue de tourner, mais je me sens déconnecté. Est-ce que c'est vrai ce qu'il vient de se passer?

Je finis par relâcher la pression dans mes mains; personne n'a bougé. Le prêtre poursuit son discours avec un ton plus que monotone. Même la voix off d'un documentaire animalier n'est pas si triste et si lasse.

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