Chapitre 15 : Victor
Quelques semaines après la soirée
Je ne savais pas quoi faire. Elle était là, à côté de moi, nous étions tous les deux sur mon canapé et elle zappait, tranquillement.
Voilà seize ans que l'on se connait et c'est à chaque fois pareil.
Je paniquais, je transpirais et je laissais filer ma chance. Je crois qu'elle était avec Olle depuis la soirée.
Mon regard jonglait entre la beauté à côté de moi et la télé. Elle s'arrêta sur une chaîne. C'était un reportage sur une "tendance" chez les jeunes. Quelque chose qu'ils voient comme un jeu avec des papillons.
Elle se replia sur elle-même et je compris donc qu'elle ne changerait pas de chaîne. Je m'installai plus confortablement.
Après quelques minutes de silence, elle me demanda mon avis sur le sujet. Je souriai et lui répondis que ces ados sont beaucoup trop maléables, sans repères et que c'est juste une masquarade pour qu'on leur accorde un peu d'attention, mais qu'il faut arrêter de s'inquiéter, car ils sont bien conscients de ce qu'ils font. Puis, que de toutes façons s'ils le voulaient il arriveraient à manger correctement.
Durant toute ma tirade, je ne la regardais pas ; c'est simplement lorsque j'ai eu finis et que j'ai croisé son regard, que j'ai compris que mon opinion craignait.
Alors je lançai une blague pour détendre l'atmosphère en lui disant que je rigolais et qu'il ne fallait pas que le jeu continue. On laissa le documentaire sur quelque chose que je trouvais ridicule et puéril. Elle semblait prendre la chose à coeur, je la voyais s'énerver en silence. Je ne savais pas pourquoi. Je lui ai demandé, elle ne me répondit qu'à la fin. Elle ferma les yeux et me dit que ces gens voyaient ce jeu comme un danger, pourtant ce n'était qu'un défi personnel et qu'aucun ne va sur ces sites et ne s'y inscrit sans le vouloir. Je ne comprenais pas tellement ce principe, ni sa façon de voir ce caprice de la maigreur.
Je n'ai pas fait attention sur le moment. Je n'ai pas remarqué qu'elle portait un gilet en été ou qu'elle avait orné son cou d'un collier discret qui représentait un papillon. Mais, lorsqu'elle était là, à côté de moi, je n'ai vu que son sourire gêné et son rire qui sonnait un peu trop faux quand on y repense. Je sais que j'ai été nul, parce que je n'ai pas vu son frêle corps se replier sur lui lors du reportage et que je n'ai pas su entendre son appel au secours. Nous sommes tous coupables à notre manière mais je l'ai été plus que d'autres.
Ce soir là, je me suis rappelé la soirée et sa danse, et j'ai souri bêtement quand je me suis dis qu'elle était venue chez moi. Même si mon opinion craignait, même si je n'avais pas compris l'appel que je venais de lui retirer, elle était venue chez moi, elle m'avait parlé et tout ça valait bien quelques détails, noyés dans le reste. Mais à quel prix? Aujourd'hui je ne la verrai plus, elle ne viendra plus sur mon canapé car je l'ai détruite, car nous l'avons tuée. Car je l'ai tuée, de la pire façon possible : Je n'ai pas été là comme il le fallait, je n'ai pas écouté le deuxièmes sens de ses paroles. Mais personne ne m'a appris à faire ça, à écouter plus que les mots, personne ne pense qu'on aura besoin, un jour, de le faire.
Moi, j'en aurais eu besoin, ce jour là, pour comprendre et ouvrir les yeux sur ce qu'il se passait. Parce que, parfois, dans la vie, les gens ne rient pas et ils ont besoin d'être écoutés.
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