Chapitre 3: La Vieille Mendiante
En prenant place sur notre banc, je remarque le sac de Noah dans le casier.
Où peut-il bien être ? Ah, le voilà.
Il est assit auprès de miss menace. Tous les deux discutent comme des amis de longue date. La sale garce a posé sa main sur la cuisse de Noah et il est consentant.
Sont-ils en couple ? Ça expliquerait tout.
Les savoir si proche me dérange énormément. Même si j'ai passé ces deux derniers jours à me disputer avec Noah, je me suis habituée à sa présence. Je me sens délaissée. Le problème ne se pose pas dans le fait qu'il parle avec autrui, mais dans le choix de la personne avec qui il discute. Cette pimbêche que je n'arrive pas à blairer depuis notre altercation.
Comme s'il avait deviné mon arrivée, Noah se tourne dans ma direction et me surprend en flagrant délit d’observation. Ils échangent quelques mots et monsieur se lève pour me rejoindre quelques secondes plus tard.
— Bonjour, Nessa.
— Bonjour.
Je viens de lui répondre ?
— Comment vas-tu ?
— Bien.
Oui, je lui ai répondu.
Je comptais garder l'épisode de mon accrochage d’hier secret, mais les voir tous les deux si complice me pousse à lui en parler.
— Noah, ta copine là, enchaîné-je en montrant miss menace d’un mouvement de tête, va falloir lui expliquer qu'il n'y a rien entre nous deux. Hier, elle m'a menacé car elle trouve que je me frotte un peu trop à toi, ce qui en passant n'est pas du tout le cas. C'est plutôt toi qui me colle à vrai dire.
— Qu'est-ce que tu racontes, mais Flore n'est pas ma petite-amie, Nessa. Elle et moi sommes amis et voisins c'est tout. Tu dis qu'elle t'a menacé ?
Un soulagement, que je ne m'explique pas, m'envahit en apprenant qu'il n'y a rien entre eux.
— Oui. Je me fous de la nature de votre relation. L'essentiel c'est qu'elle ne m'approche plus, conclus-je en sortant mon cahier de science-physique.
Au même instant, le prof entre dans la salle, mettant fin à notre discussion.
♡
Depuis notre retour de la pause, je sens le poids d'un regard sur ma nuque. Un regard haineux et meurtrier qui vient de miss menace. Décidément elle a du temps cette fille. Noah lui a passé le message. Il m'a certifié qu'elle ne me cherchera plus des noises, mais moi j'en doute. C'est clair qu'il lui plaît. Elle n'abandonnera pas aussi facilement.
— J'ai appris que vous venez d'arriver en ville. Tu te plais à Atakpamé ?
Voilà que monsieur veut à nouveau faire la causette. Autant terminer ce que j'ai commencé ce matin en lui répondant. Je veux bien faire quelques d'efforts.
— Vos informations sont exacts, monsieur le détective. Ma famille et moi vivions à Davié. Une petite ville proche de Tsévié, située dans la région maritime.
— La chance ! Tu dois avoir beaucoup voyagé. Moi, depuis ma naissance je ne suis jamais sortie de cette ville. Je quitterai le nid familial pour la première fois après le BAC, me confie-il.
Si seulement il savait à quel point moi aussi j'ai hâte de prendre mon envole ! Que lui et moi ayons un rêve commun fait fleurir un sourire sur mes lèvres.
— Tu es plus mignonne ainsi, détendue et souriante, Nessa. Je ne comprends pas pourquoi tu t'acharnes à être si agressive et à repousser tout le monde, mais saches que tu te fais du mal. Ça fait déjà trois jours que tu es là mais tu n'as approché ni adressé la parole à personne d'autre que moi. Lors des pauses tu t'assieds toute seule dans ton coin et passe ton temps à observer la nature. Et à la fin des cours, tu te presses pour rentrer.
— Comment tu...
— Je suis juste un très bon observateur, me coupe-t-il, en devinant ma question. Personne ne viendra à toi si tu ne t'ouvre pas un peu plus aux autres. Je ne sais pas ce que tu as vécu, ou vis, et qui te rend ainsi, mais tu ne penses pas qu'il est temps d'aller de l'avant ?
J'inspire profondément pour calmer mon palpitant qui s'est emballé à ses mots. En quelques jours seulement, Noah a réussi à me cerner. Ne pas m'ouvrir aux autres n'est pas ma volonté. J'aimerais bien aussi avoir des amis ! Être seule ne m'a jamais posé de problème. Mais parfois la solitude me pèse, je me surprends à rêver de sortie en groupe, de shopping entre filles, de ce que serait ma vie si j'avais cette liberté qu'ont les autres. Avec mon père et la situation dans laquelle je vie, j'ai toujours repoussé cette idée. Cependant il faut bien un début à tout. Noah a raison. Il faut que je fasse des efforts, que j'arrête de m'apitoyer sur mon sort et prenne des initiatives. Au cas contraire je risque de pourrir dans mon coin et peut-être même plonger dans la dépression. Ses mots sont tellement véridiques et me touchent à tel point que je sens mes yeux rougir.
Je ne vais quand même pas pleurer pour ça, si ?
Pourtant c'est ce que je fais. Mes larmes coulent silencieusement, traçant un sillon sur chacune de mes joues. Précipitamment je les essuie, espérant que Noah n'a rien remarqué. Il ne dit rien, même si je sens son regard sur moi.
— Merci, murmuré-je.
— Pourquoi ?
— Pour le compliment, gros bêta.
Il rit franchement, et je le rejoins dans sa bonne humeur.
♡
— Avec Noah, ça se passe comment ? s'enquiert Saïd, curieux.
Un petit sourire naît sur mon visage et pendant un court instant je m'égare à contempler l'environnement dans lequel nous nous trouvons. Pour ce troisième jour de la rentrée, mon frère de cœur a délaissé le raccourci que nous empruntons d'habitude pour me montrer un nouveau chemin.
Actuellement, nous longeons la route goudronnée menant au quartier Lom-Nava. Le sentier est bordé de boutiques, de maisons et de plaques publicitaires. Des élèves comme nous, rentrent chez eux. Des revendeurs sont en pleine promenade, hurlant aux passants le nom de leurs produits. Des motos et des voitures roulent incessamment sur l'unique voie, goudronnée, à double sens. Des bruits de klaxon et de circulation couvrent les lieux.
— Vu ton air souriant, je crois que ça s'est arrangé entre vous deux, devine-t-il.
— On peut le dire, mais... ce n'est pas comme si on était les meilleurs amis du monde, je le freine dans son enthousiasme.
— Pff... Je parie que d'ici quelques semaines vous serez plus que ça.
— Ma mère et toi vous êtes pareils.
Il se moque de moi et pointe du doigt un immense bâtiment à l'entrée duquel, une pancarte gravée du mot CLAC (Centres de Lecture et d'Animation Culturelles) prône fièrement.
La bibliothèque municipale !
— Petit coquin, c'était donc ça ta surprise ? demandé-je, mon visage rayonnant de bonheur.
— Puisque tu m'as avoué adorer les livres...
— Merci beaucoup, mon bout de chou.
— Eh ! M'appelles pas comme ça. C'est trop beurk.
Toute joyeuse, je reporte mon attention sur le grand immeuble et imagine les futures heures que j'y passerai. Je fais l'effort de mémoriser le reste du trajet afin de pouvoir y revenir un autre jour. Je prends comme repère un cyber café, une revendeuse de pagne et de perles, et une librairie. Je compte le nombre de rues ainsi que les directions à prendre : à gauche, puis deux rues après à droite et tout droit... Finalement je me perds, mauvaise que je suis en orientation.
Quelques mètres plus loin, je suis percutée par une vielle femme ayant des cheveux totalement gris. Elle s'appuie sur une canne en bois de tout son poids. Mince, visage ridé, des dents manquantes, elle est le stéréotype de la sorcière qu'enfant je m'imaginais lorsque ma mère me racontait des contes. Elle porte un châle autour du cou et une longue robe noire qui lui couvre même les pieds. Elle dégage une aura sombre et malfaisante qui me donne un désagréable frisson dans le dos.
D'un geste tremblotant, la mémé nous présente une petite assiette de forme circulaire, demandant de l'argent.
— Écoute, grand-mère, nous n'avons rien pour toi. Continue ton chemin, la chasse Saïd.
Dans le regard de la vieille, s'allume une lueur que je n'arrive pas à déchiffrer et qui fait tressauter mon palpitant de peur. Tous mes sens sont en alerte. Je ne sais pas trop pourquoi mais, j'ai l'intime conviction qu'il vaut mieux lui donner ce qu'elle demande.
Elle n’est pas nette cette mémé !
— Ne lui parles parle pas comme ça, mon grand. Il faut toujours accorder du respect aux gens âgés, lui reproché-je.
Fouillant dans mon sac, je finis par mettre, avec chance, la main sur une pièce de cent franc que je donne à la dame.
Elle ne la touche pas, tend l'assiette et la réceptionne grâce à l'ustensile. Ses lèvres se fendent en une grimace édentée à faire flipper, puis elle s'en va sans dire un seul mot.
— Même pas reconnaissante, crache Saïd tandis que je suis du regard notre inconnue qui s'éloigne et disparaît au coin de la rue.
— Contrôle tes paroles, Saïd. La vie et la mort sont au pouvoir de la langue. Attention donc à tout ce qui sort de ta bouche ! je le réprimande.
Tandis que nous nous éloignons, sans trop savoir pourquoi, je suis saisie d'un mauvais pressentiment.
♡
Elle est là ! Vêtu de sa longue robe noire, son châle posé sur une chaise en argent et ses cheveux gris, relâchés, lui atteignant le bas du dos.
La pièce, en verre, dans laquelle se tient la femme est la même que celle de mon rêve. Le parquet est en or et couvert de fleurs brillantes et multicolores. La petite estrade soutenant les crânes humains est aussi là.
Au centre de la salle brûle un feu de bois magique ne produisant pas de fumée. Dessus est posée une grosse marmite remplit d'un liquide verdâtre, bouillonnant, à l'odeur douteuse.
Debout devant sa potion, son assiette en main, elle semble attendre le bon moment. Quelques minutes plus tard, elle jette la pièce que je lui ai donné dans la marmite. Un son strident s'en échappe, créant des bourdonnements dans mon oreille. La vieille femme laisse échapper un rire machiavélique qui m'emplit de peur.
Malgré ma présence et le fait que je sois juste face à elle, je parais invisible aux yeux de la sorcière. Oui, c'en est bien une. Comment en douter après tout ce à quoi je viens d'assister ? Que signifie tout ceci ? Pourquoi je me retrouve encore une fois, nue, au fond de l'océan ? Et cette scène, est-elle réelle ou juste le fruit de mon subconscient ? Oh Seigneur, protège-moi s'il te plaît.
Comme la veille, tout se floute autour de moi. Je me retrouve dans une marre sombre et sans fond.
En sursaut je sors de mon sommeil de plomb. Ma respiration étant saccadée, j'essaye de reprendre mon souffle. Deux jours d'affilés que mes nuits sont bercées de mauvais rêves. Une fois ça passe, mais deux fois ça commence par être inquiétant. J'espère du fond du cœur que cela ne se reproduira plus, que ces rêves ne sont que le fruit de mon imagination débordante !
Comme pour anéantir mon souhait, des miaulements de chat retentissent derrière ma fenêtre, faisant grimper mon niveau d'anxiété.
Protège-moi, Seigneur !
☆☆☆
Et de trois ! On avance doucement, mais sûrement 😉. J'espère que vous allez tous bien ?
Dites-moi ce que vous pensez de Nessa ?
De Noah ?
De la vielle mendiante ?
Des remarques / critiques?
À la prochaine 😘.
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