𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑

➠ ❛Elle m'a donné envie de connaître mes limites, jusqu'à me les prendre de plein fouet

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Il s'était habitué à la voir, ou plutôt, s'était habitué à ce qu'elle vienne le retrouver lorsqu'elle le croisait dans le parc. L'année s'était écoulée, il l'apercevait de moins en moins souvent mais suivait chaque combat auxquelles elle participait. Nana Shimura était devenue... Comme un modèle, un tantinet inaccessible, mais pour la première fois depuis toujours il avait l'impression d'avoir quelqu'un en qui croire. Et Toshinori s'était mis à se poser maintes questions, sur la vie, sur la mort, sur l'espoir, sur la paix... Il y avait beaucoup réfléchi, en classe, dans la rue, chez sa tante ou lorsqu'il écrivait des lettres à son père sans jamais avoir la certitude qu'il les lise. Il réfléchissait en s'entraînant à donner des coups à ce pauvre arbre qui n'avait rien demandé, enchaînant parfois les exercices de sport après les cours. Et parfois, alors qu'il était trop perdu dans ses profondes pensées, il ne remarquait pas l'héroïne ricaner légèrement pendant qu'il courait à en perdre haleine le long de la plage. Et il avait besoin de réponse, se répétait-il en s'essouflant. D'une seule, en fait, et il savait qui allait la lui donner.

C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent près du parc, devant un canal gelé par l'hiver. Il sortait tout juste de l'école et avait à peine froid dans sa tenue sombre boutonnée jusqu'au menton. Son sac en bandoulière blanc ne lui semblait plus si lourd que ça, à force de le porter et d'entraîner ses bras. Il était toujours frêle du haut de ses quatorze ans et demi, et même si cela ne se voyait physiquement pas – ou alors très peu – il s'affirmait. Il s'affirmait et lorsqu'il l'avait aperçue en cette fin d'après-midi-là, observant le canal sous la légère brise, il s'était approché sans hésitation. Et sans un bonjour, il se posa près d'elle pour regarder la ville de l'autre côté de la berge, comme hypnotisé par le paysage mort. Un moment de silence l'aborda, et puis finalement, Nana le salua.

« J'aime regarder la ville avec ce sentiment d'ennui, ça veut dire que tout va bien. Mais qui sait pour combien de temps... (Elle tourna la tête vers l'adolescent.) Imagine un peu la sensation d'avoir accompli quelque chose seulement parce que rien ne se passe. Sens cette odeur de plénitude, n'était-elle pas agréable ? Dommage que peu de gens ne le remarque. Il devient difficile de les faire sourire dans un endroit aussi insécurisé...

- Je veux créer ce monde où tout le monde sourit et vit heureux tous ensemble, déclara fermement Toshinori, touché par cette légère détresse qu'il percevait dans la voix de la jeune héroïne. Mais pour ça ces personnes ont besoin de quelqu'un en qui croire, un genre de symbole.

- Un symbole ? demanda-t-elle visiblement très surprise et un tantinet amusée.

- Un symbole de la Paix, précisa-t-il sérieusement, comme si cela relevait de l'évidence. La raison pour laquelle les crimes sont en hausse est parce que personne n'a quelqu'un en qui croire. »

Comme moi, fut un temps, se retenait-il bien de dire pour ne pas froisser la super-héroïne.

« Ils doivent pouvoir compter sur quelqu'un. (Il se tourna vers la noiraude et dévoila ce qu'il avait sur le cœur.) C'est pourquoi je veux devenir le pilier qui donne l'espoir.

- ... C'est donc ça qui te pousse à devenir un héros. Même si tu es un sans-alter.

- Oui ! »

Nana le dévisageait sérieusement, si sérieusement qu'elle aurait pu lui jeter un refus de plein fouet, avant d'émettre un ricanement clairement égayée. Elle se tourna à son tour face au garçon, l'écrasant par sa posture de grandeur. Mais ce n'était pas le sentiment qu'elle lui dégageait. On aurait presque dit, à cet instant, que malgré la différence de taille, les deux étaient pareils, surpassant l'autre à sa façon. Et cela plut à Nana.

« Toshinori Yagi, c'est bien ça ? Tu as là de bien drôles d'idées, j'aurais presque dit que tu étais fou si je ne te savais pas aussi sérieux. »

Le garçon eut un moment d'incertitude quant à ces dires, mais finit par froncer des sourcils et serrer les poings avec une détermination affolante.

« Je veux devenir un héros ! Est-ce que je peux, même si je n'ai pas d'alter ? Je m'entraînerais dur !

- Je ne doute pas un seul instant de ta foi, mon garçon. Je vais d'ailleurs te dire un petit secret... Mon alter de grande puissance, nous avons coutume de l'appeler le One for All. C'est un alter qui se transmet de génération en génération. Il servira à vaincre la plus grande menace qui règne dans ce monde, le All for One. Et il se trouve que j'accepte ta requête.

- Q-quoi ? Un alter... qui se transmet ? Le All for One ? Le One for All ?

- Deviens mon apprentis, Toshinori Yagi ! Et j'exaucerai ton souhait ; celui de devenir le symbole de la Paix, le pilier que tu clames vouloir offrir à ce peuple ! »

Et durant l'espace d'un instant, les deux âmes semblaient plus puissantes que l'univers entier, déterminés à le protéger de la menace qui régissait.

[...]

Après plusieurs mois d'entraînement, il finit par hériter de l'alter de Nana Shimura et est allé à l'académie de Yuei pour se former. Ces premiers mois lui auront fait voir de toutes les couleurs, mais il était heureux plus que jamais de cette chance. Son professeur principal était un tirant mais le meilleur ami de son mentor, donc en plus de devoir faire bonne figure en cours, il devait également recevoir ses foudres en dehors. Il avait même l'impression qu'il le torturait plus que les autres élèves, ce qui relevait bien des moqueries de ses camarades qu'il prenait toujours avec le sourire. Pour ses seize ans – le dix juin, pour être exact – il s'est fait tiré jusqu'à un WacDonald. Avouant n'y être jamais allé avec son père en raison de leurs problèmes d'argent, Nana avait décidé de lui faire découvrir ces petites choses qui lui aura été dès lors inconcevable d'essayer.

« C'est mieux que manger des cheveux, pas vrai ? plaisanta Nana en regardant son apprenti mordre dans un burger, malicieuse et un tantinet moqueuse. »

Il s'étouffa à moitié avec sa salade et s'essuya la bouche avec le dos de sa main.

« Hm'oui, bien mieux, peina-t-il de répondre entre deux quintes de toux.

- Merci de ne pas rappeler cet épisode de la cérémonie de transmission, déclara Gran Torino qui mangeait, lui aussi, un burger et qui aurait aimé ne pas finir dans le même état que son élève. »

Son amie explosa de rire, attirant les rougissements du plus jeune. Il serait redevable auprès de son mentor de ne pas évoquer ce souvenir, surtout à chaque fois qu'ils mangeaient ensemble. À croire qu'elle voulait absolument le dégoûter. Il poursuivit sa dégustation avec une certaine frustration, mais pas suffisamment pour ne pas profiter du goût divin du fastfood.

« Je suis sûre qu'il doit se dire que ça valait bien le coup. Quand il connaîtra ses limites, tu verras, il aimerait aller encore plus loin ! Et ça c'est beau. Tu ne me crois pas, Sorahiko ?

- Attendons déjà les résultats aux examens de la rentrée. Tu as bien choisi ton apprentis, Nana. Une bonne tête de flan, il n'y a que ça dans son crâne !

- Rooh, je ne te permets pas de parler d'un élève sur ce ton, surtout pas du mien ! le défendit-elle sur le ton de la plaisanterie la noiraude en remuant une frite sous le nez de son meilleur ami. »

Gran Torino, la veine battant sur son front, perdit patience et lui arracha la frite avec les dents pour ensuite la manger en bougonnant. L'héroïne sursauta sous la surprise et rit de plus bel. Toshinori, bien qu'essayant de maintenir son air gêné, réalisa qu'il souriait.

Lorsqu'ils eurent terminé de manger, le trio se retrouva devant le fastfood, sous les dernières lueurs du jour pour se dire à bientôt.

« Merci beaucoup pour le repas, dit le plus jeune en se penchant en avant. »

Pour simple réponse, son professeur principal lui donna un coup dans le haut du dos pour le redresser et son mentor souriait, les bras croisés.

« Demain matin à neuf heures. »

Et sur ces mots un peu durs, Gran Torino partit, laissant seuls l'adulte et l'étudiant. Ce dernier se sentit tout de suite un peu plus à l'aise.

« Il est toujours comme ça... ?

- Qui, Sorahiko ? Non, il a juste besoin de se décoincer un peu. Je crois qu'il est inquiet, on n'est pas vraiment sensés traîner avec son élève, lui expliqua-t-elle en lui ébouriffant les cheveux. En vérité, c'est un grand comique.

- Vous l'aimez bien ?

- Pardon ?

- Gran Torino, vous l'aimez bien ? Vous avez l'air proches tous les deux. »

Nana eut un bref instant d'hésitation quant à l'ambiguïté de la question. Puis, après cette courte réflexion, elle se permit enfin de lui répondre.

« Nous sommes proches, oui. Mais nous ne voyons pas notre amitié d'une autre manière. »

Elle jeta un regard en coin derrière elle pour le regarder se recoiffer. Elle profita de son inattention pour lui refaire face et lui réajuster le col de sa chemise blanche. Toshinori leva les yeux sur la femme, étonné par ses gestes doux. Elle était vraiment grande et encore plus sublime vue de près, il en rougirait presque s'il n'avait pas l'habitude qu'elle agisse ainsi auprès de lui.

« Je ne vais pas te retenir plus longtemps, Toshi, tu ferais mieux de rentrer avant que ta tante ne pense que je t'ai kidnappé.

- Vous savez bien qu'elle ne s'inquiète jamais.

- ... Oui, je sais bien. »

Elle termina de le recoiffer d'un bref mouvement de main pour dégager une de ses mèches, et son bras recula dans un geste de salutation.

« Ne sois pas en retard pour ton entraînement.

- Je ne le suis jamais ! clama-t-il, la main sur son front là où il avait senti la caresse de son mentor.

- Hahaha, ça aussi je sais bien ! »

Il répondit à son sourire et ils se séparèrent pour cette nuit, prêts à se retrouver le lendemain.

[...]

« Wow, je suis impressionnée ! Tu as eu les meilleurs résultats aux examens ! Tu as vu ça, Sorahiko ?

- Oui Nana, c'est moi qui ai évalué mes élèves, rouspéta le héros professionnel en repoussant sa meilleure amie d'une main.

- Et toi qui répétais que ce n'était qu'une tête de flan ! »

Gran Torino leva les yeux au ciel et les posa ensuite sur son élève, droit comme un piquet, qui le fixait non pas de façon insolente, ni fier, mais plus comme... une prévention. Oui. Gran Torino en était persuadé, ce garçon avait été le choix parfait pour hériter du One for All. Il finit par avoir un rictus.

« J'admets qu'il a été impressionnant. Comme quoi, même les poissons peuvent se voir pousser des ailes. »

Toshinori, alias l'apprenti All Might, décontracta les muscles et des étoiles pétillaient dans ses yeux bleu azur. Bien que la métaphore n'était pas des plus sympatiques, c'était toujours bon à prendre de la part de son professeur un peu trop sévère. Et violent. ...

« Raaah je suis trop fière de toi !! »

La noiraude brandit le bulletin au-dessus de sa tête et se rua sur son apprenti pour le prendre dans ses bras. D'abord intimidé, l'aspirant héros céda finalement à l'étreinte et enroula ses bras autour de l'héroïne. Elle sentait terriblement bon et de l'amour s'émanait de ses bras. Il avait l'agréable impression d'étreindre une maman, et priait pour que cette sensation ne s'estompe jamais.

...

Et la sensation ne s'était pas estompée.

Il se souvenait de leur étreinte comme si c'était hier, l'odeur qu'elle avait, la puissance qu'elle y avait mis, alors que cela s'était déroulé deux ans plus tôt à la sortie de l'Yuei. Et aujourd'hui, allongé sur son matelas, il se perdait à regarder le plafond en crépis blanc, obombré par la nuit, rayé par un lampadaire à travers ses volets fermés. Un sentiment de vide et de chagrin emplissait son cœur. Elle lui manquait, si fort, et c'en était d'autant plus douloureux car il savait que ce sentiment de manque ne cessera plus jamais.

Elle l'avait propulsé dans les airs comme un simple grain de poussière, d'une main, sans effort. Et lui n'avait pas pu lutter, seulement crié son nom, le bras tendu vers elle en espérant l'atteindre malgré la distance qui s'étirait.

Ce souvenir agrippa sa poitrine d'un seul coup et cela lui fit terriblement mal.

Gran Torino l'avait attrapé en plein vol, le serrant contre lui avec force pour qu'il ne puisse pas se débattre. Et il l'avait emmené, loin du combat, loin de All for One, et loin d'Elle.

« Je vais me reposer sur toi, à présent. Sorahiko, fais tout pour l'aider à réaliser son rêve.

- Non !! Master !! avait hurlé Toshinori en réponse. »

Elle avait souri, l'index pointé sur le garçon en tenue de super-héros qui se faisait entraîner aussi loin que Gran Torino en était capable au vol.

« All Might, je compte sur toi. »

Et All for One, amusé par cette petite comédie, avait déchaîné son pouvoir dans une détonation monstrueuse, retirant à Toshinori la seule personne qui avait donné une raison à son existence.

« M-Master... sanglota-t-il derrière ses mains, les yeux entre-ouverts qui laissaient s'écouler des flots de larmes sur ses joues rougies. »

Elle a été son soutien ces dernières années durant. Son propre pilier. Son petit bout de bonheur dans ce monde chaotique. Il l'avait aimé comme la mère qu'il ne le lui aura jamais donné le droit d'avoir, et arracher une mère à son enfant lui est comme la pire des souffrances. L'abandon de ses parents biologiques n'était rien comparé, et son cœur était brisé par le désespoir. Anéhanti. Trahi, car une promesse n'aura pas été tenu...

Toi et moi, ce devait être pour la vie.

....

. .  .   .     .

«  All Might ? »

Toshinori papillonna des yeux et croisa le regard d'Izuku. Ce dernier avait son verre de jus d'orange vide et son papier de sandwich roulé en boule dans une main.

« All Might, j'ai fini ma pause. On reprend l'entraînement ?

- Évidemment ! Viens, mon garçon. Reprenons où nous étions restés ! »

Nous deux, ce sera pour la vie, jeune Izuku. Promis.

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[Fin]

Merci pour avoir lu cette mini-fiction, un peu différente des autres, certes ^^
J'espère que la thématique abordée vous aura plu !

Hâte de vous revoir dans mes autres écrits ~

Ano

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