Aube
Je me vois encore : j'étais allongée sur mon lit et, à travers les persiennes, je contemplais la lumière du petit jour. J'adorais ces heures pastel, roses et bleues, où tout est encore serein, pris dans une douce torpeur et où pourtant se devinent déjà les prémices de l'agitation à venir. J'avais rencontré l'aube petite fille. Un matin de printemps où je m'étais éveillée à cinq heures, le chant des oiseaux, la quiétude de l'atmosphère m'avaient ravie. Ce jour-là j'avais grandi : plus jamais je n'aurais peur de me réveiller seule la nuit quand tout le monde dort, plus jamais je ne ferais promettre à ma mère chaque soir de ne pas s'endormir avant moi.
Damien dormait à mes côtés. Profondément. Nous venions de fêter nos trente ans avec tous nos amis et nos proches. Une belle fête, réussie. Nous avions bien dansé – j'ai toujours aimé danser ; aujourd'hui encore, à soixante ans passés, je ne résiste pas à l'appel d'une musique rythmée –. Nous avions pas mal bu aussi et surtout beaucoup ri. Cela m'avait fait drôle d'entendre tous ces gens entonner « joyeux anniversaire » au moment du gâteau. Trente ans ! Ce n'était pas rien. Une étape. Une sorte de cap entre la prime jeunesse, son insouciance, ses idéaux et l'entrée véritable dans le monde adulte à responsabilités. D'un côté la jeunesse à Responsabilité Limitée, de l'autre l'âge adulte à Responsabilité Illimitée. Un peu effrayant. D'ailleurs, il n'existe pas de substantif pour qualifier cette période-là. On ne dit pas « l'adultence » ou « l'adultesse » alors qu'on parle d'enfance, d'adolescence... Serait-ce une façon de détourner les yeux sur ces responsabilités pas franchement souhaitées ? Pas vu, pas pris ?
Damien s'était endormi dès que sa tête avait frôlé l'oreiller. Il avait cette sidérante faculté de plonger dans le sommeil instantanément. Je lui enviais cette capacité d'abandon. Il faut sans doute pouvoir relâcher toute forme de vigilance et de contrôle pour rejoindre Morphée aussi vite. Moi, quand je me couche, mes pensées font la gigue. Le chat n'est pas là, les pensées dansent.
J'écoutais le souffle de Damien me bercer, son corps blotti contre mon dos. C'est si bon un corps aimé contre soi : l'impression d'un univers entier rien qu'à deux. Je me disais que j'aimais tant Damien. Il avait investi chaque recoin de mon être et faisait désormais partie de moi. Cela fait cliché, mais pourtant j'avais réellement le sentiment qu'il était un bout de moi, une part précieuse, fétiche. Parfois il m'arrivait de me laisser aller à imaginer le pire et mes yeux se mouillaient à l'idée qu'il pût disparaître de ma vie. A cette époque je me demandais comment survivent les personnes qui perdent un être cher. Je croyais que je n'en aurais jamais la force. Maintenant je sais que si. Enfant, je redoutais la disparition de mes parents. Le soir dans mon lit, au moment des incantations qui conjurent le sort et les peurs, je priais pour leur protection. Puis je priais pour la mienne. Je ne voulais pas non plus qu'ils puissent connaître la douleur de ma mort.
Mais ce matin-là, aucune tristesse n'obscurcissait mon esprit. L'avenir était une belle ligne d'horizon bleue. Damien venait d'avoir une jolie promotion : il avait été nommé directeur d'une agence bancaire, certes petite, mais à trente ans c'était un beau poste. Quant à moi, je faisais l'objet d'un licenciement économique dans mon agence de pub. J'allais pouvoir prendre tout mon temps pour préparer notre mariage et envisager l'échange de nos petites graines.
Je n'avais rien pressenti cette fois-là.
C'est idiot d'écrire « cette fois-là ». Y a-t-il eu une seule fois où j'ai eu la prémonition du malheur ? Non, le malheur tant qu'il n'est pas là, on le craint mais on croit pouvoir le tenir à distance. Quand il s'abat, il est déjà trop tard, il nous a pris par surprise.
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