6- Baptiste
Je lui donnais la première note et il partit. Il chanta les premières notes de la chanson qu'il avait lui même inventé et je le suivis au piano. Je trouvais le rendu vraiment beau. J'espérais que beaucoup de gens viendrait à notre concert de la semaine prochaine. Même si l'affiche n'était pas très accrocheuse...
Mes doigts dansaient sur les touches du piano comme une simple caresse. Quand je jouais du piano, c'était le seul moment où je me sentais léger. En cet instant, j'avais l'impression de pouvoir m'envoler à tout moment. Mais, la chanson prit bien vite fin et je redescendis sur Terre. Mon poids s'abattit sur mes épaules et je soupirai.
- C'était comment ? me demanda Ulysse.
Je lui fis un sourire pour lui signifier que c'était parfait. Il hocha la tête. Malgré tout, il ne semblait pas convaincu.
- Je pense qu'on devrait annuler notre concert... Personne ne viendra. Les seuls qui viendront nous écouter seront là pour se moquer de nous.
Je savais qu'il avait raison mais, malgré tout, j'avais envie de monter sur scène. Peut-être pour prouver aux autres que je n'étais pas juste le petit gros du fond de la classe qui se faisait discret.
- Je comprends, mais c'est trop tard maintenant... La prof est aller afficher nos affiches dans tout le lycée... Si tu voulais éviter les moqueries je crois bien que c'est raté...
Le garçon au visage déformé soupira et alla s'asseoir sur une des chaises de la salle. Il sortit son téléphone de sa poche et eu un petit sourire. Il venait sûrement de recevoir un message de quelqu'un qu'il aimait bien. Comme quoi être moche n'était pas une chose si dure à vivre pour lui...
Moi, personne ne m'envoyait de message à part mes parents. En même temps, je n'avais donné mon numéro à personne. Même pas à Ulysse lui-même alors que c'était le seul à me parler comme à une personne normale, ce que j'étais d'ailleurs ! Même avant son accident, il avait toujours été sympa avec moi.
Je jetais un oeil à mon propre téléphone. Je grimaçais. J'avais reçu un message de ma très chère mère... Elle me demandait encore à quelle heure je rentrais ce soir. Je ne pris même pas la peine de lui répondre. Je ne faisais que lui répéter que le jeudi je terminais les cours tard, vers 19h, mais elle n'avait pas l'air de l'avoir enregistré...
- Bon ! Moi j'y vais !
Je me levais lourdement de ma chaise de piano.
- Moi aussi, je pense que ça sert à rien d'attendre la prof...
Je suivis Ulysse en dehors de la salle. Nous prîmes le chemin de la sortie du lycée ensemble mais en silence. Peut-être que c'était l'occasion pour lui demander son Snap...
Je me raclai la gorge et sortis mon téléphone de ma poche.
- C'est quoi ton Snap ?
Il me sourit et me le donna. Je l'ajoutai.
Soudain, mon téléphone sonna. Je regardai l'écran pour voir qui m'appelait. C'était ma mère. Je levais les yeux au ciel. Elle devait se faire tout un tas de films en ne me voyant pas rentrer...
Je fis un signe a Ulysse pour lui dire que je devais répondre. Il hocha la tête, me fit un signe de la main et partit de son côté.
- Allô maman...
- Oh, mon chéri ! Je suis si inquiète ! Où es-tu ?
Tout en l'écoutant geindre, je marchais vers ma maison. Heureusement que j'habitais près du lycée...
- Maman, combien de fois je t'es répété que le jeudi soir je rentre tard du lycée ? Tu sais très bien que je suis dans un groupe !
- Oh... Oui, maintenant que tu le dis...
Je soupirai et raccrochai. De toute façon j'étais arrivé devant chez moi. J'entrai a l'intérieur. Ça sentait extrêmement bon la pizza. Mon ventre se mit a gargouiller de plus bel.
***
La cantine. J'avais attendu ça toute la matinée. J'avais faim même si j'avais pris un maxi petit déjeuner ce matin et a la récré de 10h j'avais mangé trois barres chocolatées.
J'avais faim parce que j'étais vraiment très stressé. Cet après-midi, comme tous les lundis, j'avais philosophie sauf que cette fois-ci, il y avait un gros contrôle... J'avais vraiment peur de faire n'importe quoi. Du coup, pour compenser, je mangeais.
Je rempli donc mon plateau de toutes sortes de choses. Je m'avançais dans la cantine. C'était midi donc toutes les places étaient prises. Soudain, j'entendis quelqu'un crier mon nom :
- Eh ! Baptiste ! Par ici !
Je tournai ma tête vers le cri. Le type avec la veste en cuir et les cheveux en bataille me faisait des signes de la main. Avec lui était assise la fille qui ne mangeait pas. Je grimaçais. Cette fille ne m'aimait pas, je le sentais...
Malgré tout, je me dirigeais vers eux avec un sourire. Je posais mon plateau à côté de Philippe et m'assis. Je commençais mon repas avec appétit.
Je sentis le regard pesant de cette Jacinthe sur moi. Je levais les yeux vers elle. Son assiette de salade était a moitié entamé. Elle ne semblait pas vouloir la finir.
Soudain, Philippe coupa ce silence qui commençait à devenir pesant :
- Alors comme ça tu vas faire un concert mercredi ?
Je fis les gros yeux. J'avais presque oublié le concert, trop omnubilé par la nourriture de mon plateau. Ça aussi ça me faisait une dose de stresse supplémentaire...
J'avalais ma bouchée de pain et répondis :
- Euh... Ouais.
- Jacinthe et moi, on viendra !
Jacinthe eut un hoquet de surprise. Elle ne m'aimait vraiment vraiment pas...
- Je sais pas... Mercredi après-midi, je suis occupé.
- Bon ben, je viendrais tout seul !
La jeune blonde fit une grimace et capitula :
- Bon, d'accord, je viens aussi...
- Super !
Il me fit une tape dans le dos, avec tellement de puissance que je faillis me retrouver la tête la première dans mon assiette de viande en sauce.
Je fini bien vite mon repas. Cette fois-ci, Jacinthe attendit avec Philippe. Comme si elle était jalouse... Mais de quoi pourrait-elle être jalouse au juste ?
Nous nous levâmes avec les plateaux pour aller les débarrasser. Mais, avant qu'il ai pu faire un pas, quelqu'un donna un coup dans le plateau de Philippe et il alla se renverser dans un immense fracas a ses pieds.
Un rire retentit dans la cantine. C'était Valentin... C'était lui qui avait donné le coup dans le plateau. Ce mec, je le haïssait. Il ne ratait pas une occasion pour me traiter de baleine, et pour emmerder son monde. Pourtant, de nombreuses personnes l'appréciaient, même des profs...
Un grognement sortit de la gorge de Philippe.
- Oh non... murmura Jacinthe.
Philippe agrippa Valentin par le col et le souleva littéralement du sol. J'ouvris de grands yeux, étonné par tant de puissance.
Valentin ne s'attendait vraiment pas à ça. Il poussa un petit cri de surprise et gigota tel un ver de terre pour se libérer. Philippe gronda :
- Tu voulais voir mon vrai visage ? Le voilà !
Et, sans prévenir, il lui abattit son poing dans la figure. On entendit les os du nez de Valentin craquer. Une fille qui mangeait avec lui poussa un cri horrifié.
Philippe lâcha l'autre qui tituba, reprit son équilibre et, envoya son poing dans le ventre de Philippe qui se courba, le souffle coupé. Évidemment, se fut le coup de trop. Les deux garçons se sautèrent dessus avec des cris de sauvages.
Toute la cantine hurlait :
- Baston ! Baston ! Baston !
Mais personne ne venait les séparer... Je jetai un œil a Jacinthe. Elle ne savait pas quoi faire non plus...
La fille qui avait poussé un cri horrifié - Sara - se leva enfin de sa chaise et commença a tirer Valentin en arrière. Mais elle n'était pas assez forte...
Il fallait que je l'aide et que je tire de mon côté Philippe, qui ressemblait actuellement a une bête enragée.
J'essayais de tirer la bête tant bien que mal mais il était bien trop puissant. Jacinthe, quant à elle, alla se mettre au milieu des deux garçons. Mauvaise idée, car elle se prit une droite en plein dans la figure.
C'est d'ailleurs à ce moment précis qu'un surveillant arriva.
Il hurla et un grand silence se fit dans la cantine. Les deux garçons avaient instantanément cessés de se battre.
- Vous cinq, dans le bureau du proviseur, immédiatement !
J'ouvris de grands yeux.
- Monsieur, je n'ai rien a voir là-dedans ! J'essayais juste de les séparer ! s'indigna l'autre fille.
- Je ne veux rien savoir !
Alors, tous les cinq, nous nous dirigeâmes vers le bureau du proviseur dans un silence de mort. Mieux vallait ne rien dire. Je vis du coin de l'œil que Jacinthe avait porté sa main à son nez. Elle saignait. J'aurais aimé l'aider mais je n'avais pas de mouchoir...
À ma grande surprise, ce fut l'autre fille qui lui passa un mouchoir.
Nous arrivâmes dans la salle d'attente. Je m'assis sur une chaise et Philippe s'assit a côté de moi. Jacinthe vint s'asseoir a côté de Philippe. Les deux autres allèrent plus loin. Philippe soupira :
- Je suis désolé que vous ayez vu ça... Je m'étais promis de ne pas créer de baston cette année... C'est raté.
- Sauf que là, elle était justifié ! Valentin est un vrai connard ! Et dire que je l'aimais bien en seconde !
Je ne dis rien. La sonnerie retentit. C'était la reprise des cours. L'heure de mon contrôle de philosophie que j'allais raté visiblement. Donc ça voulait dire que j'avais manger tout ça pour rien au final... Une boule se forma dans ma gorge.
On attendit encore quelques minutes dans un silence de plomb avant que le proviseur nous fasse entrer dans son bureau.
Je n'étais jamais venu dans son bureau auparavant. Il était très spacieux et bien décoré. J'aimais bien...
Le proviseur nous fit signe de nous asseoir sur cinq chaises qu'il avait placé devant son bureau. Je pris donc place.
- Hum ! Laissez moi deviner... Monsieur Philippe... Sûrement une baston ?
Philippe soupira en levant les yeux au ciel.
- Oui, ça doit être ça ! Il n'y a que ça que vous savez faire, vous battre comme un sauvage !
Philippe garda les yeux baissés et ne dit rien.
- Mais je crains que nous ne sommes pas des sauvages... Et puis... Vous m'aviez fait une promesse... Si je vous reprenez dans mon lycée, vous ne vous battrez plus jamais... Je vois que la promesse est tenue...
Je vis du coin de l'œil Philippe serrer la mâchoire. Je décidai alors de prendre les choses en main :
- Monsieur, si je puis me permettre, c'est Valentin qui a commencé... Il l'a cherché...
- Alors d'après vous, tout ce règle par les poings ?
- Ce n'est pas ce que j'ai dis...
- C'est exactement ce que vous avez dit ! D'ailleurs vous me décevez beaucoup Baptiste, vous, un excellent élève comme ça, qui se bat comme un sauvage...
Il secoua la tête, désolé. Ce fut au tour de Jacinthe de prendre la parole :
- Mais Baptiste, Sara et moi on était pas en train de se battre ! On essayait seulement de les séparer !
- Je ne veux rien savoir ! Vous êtes tous impliqué à mes yeux !
- S'il vous plaît ! Ne me virer par Monsieur ! Je ne veux pas rater les cours ! dit Valentin d'une voix suppliante.
Wahou... Quel lèche botte ce Valentin... Vraiment détestable...
Le proviseur plissa les yeux. Il se gratta le menton fraîchement rasé. Il semblait prit dans une immense réflexion.
Je fermai les yeux en serrant les dents. Dans ma tête, je récitais des prières. Je ne voulais absolument pas me faire virer.
- Non, je ne vais pas vous virer...
Il laissa sa phrase en suspens. Je me détendis instantanément.
- Je veux que vous alliez aux cours d'aide pour les élèves au comportement inadapté, ou quel que soit le nom de ce cours.
Je grimaçais. C'était des cours pour aider les élèves avec leurs problèmes. Je n'avais absolument pas besoin d'aller a ce genre de cours. Surtout que c'était le soir, après les vrais cours. Ou pire, entre midi et deux...
La première a capituler fut Sara, Jacinthe acquiesça pas longtemps après. Voyant que Jacinthe était d'accord, Philippe soupira et accepta a son tour.
- Baptiste, Valentin ?
Je jetai un regard à Philippe. Il me fit un sourire encourageant.
- C'est d'accord...
Valentin venait de donner son accord. Avant de prendre cette décision, je devais savoir :
- C'est quoi les horaires ?
- Tous les vendredis soir.
Ça allait, tant que ce n'était pas entre midi et deux... Je hochai donc la tête pour donner mon accord.
- Super, je vais prévenir M. Renoux de ce pas !
Il fit un geste dédaigneux de la main qui nous invitait à sortir.
Nos chemins se séparèrent donc, chacun allant rejoindre la salle où leur prochain cours allait commencer.
J'hésitais quelques instants a rejoindre mon cours de philo mais je me ravisais quand je vis l'heure.
Il était trop tard, autant que je rejoigne moi aussi ma prochaine salle...
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