38- Jacinthe
J'ouvris un œil et le refermai instantanément, éblouit par la blancheur du lieu où je me trouvais. Je poussai un gémissement.
— Jacinthe ? Tu es réveillée ?
Cette voix. C'était Nicolas. Il était assis près de moi.
Je gémissais à nouveau. Je sentis les doigts de mon copain passer dans mes cheveux et me mettre une mèche derrière mon oreille.
— Jacinthe, ouvres les yeux. C'est moi, Nico.
Le matelas du lit s'abaissa signe que Nicolas venait de s'asseoir à mes côtés. Sa chaleur corporelle m'envahit, signe qu'il était vraiment tout près de moi.
Je fis une nouvelle tentative pour ouvrir les yeux en gémissant. Pourquoi c'était si dure ? Pourquoi je me sentais si faible ?
Au prix d'un immense effort, je parvins à m'éveiller. Je tournai la tête vers le beau jeune homme juste à côté de moi. Il me fixait avec un grand sourire qui illuminait son regard noisette.
— Jacinthe, j'étais si inquiet !
Son sourire était tellement contagieux qu'il me donna envie de le faire aussi. Mais, même ce petit geste insignifiant me demandait beaucoup trop d'efforts.
— Gardes tes forces, ma chérie.
Mon cœur bondit dans ma poitrine. "Ma chérie", jamais encore quelqu'un ne m'avait appelé comme ça...
Je détournai mes yeux de Nicolas et les posai sur le plafond blanc. Ce fut à ce moment là que je me rendis compte que je n'étais pas du tout chez moi. Je fronçai les sourcils ce qui me donna mal à la tête. Je murmurai, d'une voix faible :
— Où suis-je ?
— À l'hôpital, ma chérie.
À l'hôpital ? Mais qu'est-ce que je fichais à l'hôpital ? Le dernier souvenir qu'il me reste c'était que je marchais avec Philippe jusqu'à mon prochain cours, un cours d'histoire.
Mon cœur s'emballa et une boule se forma dans ma gorge. Est-ce que mes parents étaient au courant que j'étais ici ?
— Mes parents...
— Ils ont été prévenus.
J'eus soudain du mal à respirer.
— Eh, tout va bien ?
Je secouai la tête, incapable de parler. Je ne savais même pas pourquoi j'étais ici, ça ne vallait pas la peine d'importuner mon père avec ça...
— Tu sais pourquoi tu es là, Jacinthe ?
Nicolas me lança un regard qui me déstabilisa. Je n'en savais rien mais, lui, avait dû être renseigné par les médecins...
Je secouai à nouveau la tête. Mon copain soupira :
— Jacinthe, ils disent que tu as fait un malaise à cause de ta sous-alimentation... ils disent que tu es beaucoup trop maigre pour ton âge et ta taille...
Encore une fois, je ne parvins qu'à secouer ma tête pour montrer mon désaccord.
— Je ne déconne pas, Jacinthe ! C'est sérieux !
Bizarrement, il n'y avait plus de "ma chérie" sortant de sa bouche... Il devait vraiment être sérieux alors...
Il continua sur sa lancée, à mon plus grand déplaisir :
— Ils pensent que tu pourrais souffrir d'anorexie... c'est vrai ?
Je fronçai les sourcils et rassemblai toutes mes forces pour me redresser.
— N'importe quoi, je vais très bien ! C'était juste un malaise dû au stress, rien de grave ! Je vais très bien maintenant !
En disant cela, j'essayais tant bien que mal de me mettre sur pieds. Nicolas me regarda faire sans rien dire en haussant les sourcils.
Par miracle, je parvins à rester debout malgré mes vertiges. Je continuai donc :
— Regarde, je suis déjà prête à partir ! Tout va très bien, je te dis !
Nicolas secoua la tête en soupirant :
— Tu ne vas nulle part, Jacinthe. Les médecins veulent parler à tes parents, ils pensent que ce serait bien que tu restes quelques temps ici pour te faire soigner.
Je sentis une colère sourde se répandre en moi.
— Me faire soigner de quoi, au juste ?! Je viens de te dire que je vais très bien !
Nicolas haussa le ton, comme si je lui avais transmis ma colère.
— Tu n'as pas écouté tout ce que je viens de te dire ?! Tu souffres d'anorexie, bordel ! Voilà pourquoi ton corps est si...
Il s'arrêta net de parler. Il savait qu'il était en train d'aller trop loin dans ses propos. Je serrai les dents.
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il a mon corps ? Il est trop affreux ? Trop immonde ? Trop informe ?
Il ouvrit la bouche plusieurs fois pour s'expliquer mais il ne trouvait pas les mots.
— Jacinthe... ce n'est pas ce que j'ai dit... je... tu...
— Épargne ta salive. Je ne veux plus te voir. De toute façon, j'ai vu tes stories avec cette autre fille... Tu t'en fous de moi, tu t'en ai toujours foutu...
Je sentis les larmes me monter aux yeux mais je ne laissai rien paraître devant le jeune homme. Celui-ci leva les yeux au ciel :
— Arrêtes avec ton caprice maintenant et vas te recoucher.
— Je crois que tu n'as pas très bien compris, je veux que tu dégages de ma vie.
Encore une fois, il haussa sa sourcils.
— T'es sérieuse là ?!
Ses yeux brillaient de colère.
— Tu me quittes comme ça alors que j'essaie de t'aider ?!
— Tu ne m'aides pas ! Tu viens de me dire que j'étais affreuse !
Il parut indigné.
— Mais j'ai jamais dis ça ! C'est toi qui te mets ça dans la tête toute seule !
— Casses toi bordel !
Je vis sa mâchoire se contracter comme si il se retenait de m'insulter de tous les noms. À la place, il dit simplement :
— Pauvre folle.
Ma main atteignit sa joue avant que je ne puisse la retenir. La claque résonna longuement dans la petite chambre d'hôpital.
Un silence pesant s'installa entre nous tandis que la joue de Nicolas devenait de plus en plus rouge. Il porta la main à sa figure avec une grimace de douleur. Il murmura entre ses dents serrées :
— Connasse.
Puis, il se détourna et alla ouvrir la porte de la chambre pour sortir.
Il se retrouva nez à nez avec un autre jeune homme habillé d'une veste en cuire, tenant un casque de moto sous le bras et ayant l'air vraiment inquiet. Philippe.
Il fit un pas de côté pour laisser passer Nicolas. Ce dernier toisa Philippe de haut en bas pendant un moment avant de hausser les épaules et de s'en aller d'un pas nerveux.
Philippe s'avança dans la pièce en fronçant les sourcils.
— C'était ton petit copain non ?
Je soupirai en m'assayant sur le lit.
— Je crois que je viens de le quitter.
Mon meilleur ami me rejoignit sur le lit, la mine grave. Il me prit la main et la serra très fort dans la sienne ce qui eu le don de me réchauffer un petit peu le cœur.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? me demanda-t-il d'une voix emplie de douceur.
Je ne savais pas s'il me demandait ce qu'il s'était passé pour que je quitte Nicolas ou ce qu'il s'était passé quand je me suis évanoui... Je me contentai donc de hausser les épaules.
Soudain, un monsieur en blouse blanche, les cheveux grisonnants, entra dans la chambre sans frapper. Il s'arrêta net en me voyant main dans la main avec Philippe puis, il fronça les sourcils. Il pointa mon meilleur ami du doigt.
— Il me semble avoir déjà vu votre petit copain et ce n'était pas lui...
Philippe leva les deux mains en l'air avec un sourire.
— Il y a erreur, monsieur ! Je suis juste son meilleur ami !
— Je vois...
Mais le médecin ne sembla pas convaincu.
— Enfin bref, jeune homme, pouvez-vous nous laisser un moment seuls, votre copine et moi ?
J'allais protester mais Philippe se leva avec un sourire.
— Ça marche. Pas trop longtemps, hein ?
Il n'attendit pas de réponse et quitta la chambre, me laissant seule avec le docteur. Mon cœur se mit à battre la chamade.
Le médecin s'avança vers moi et je pus apercevoir son nom écrit sur une étiquette collée sur sa blouse au niveau de son cœur. Dr Anthony. Il s'accroupit devant moi pour pouvoir être à ma hauteur. Il avait l'air grave.
— Je ne vais pas passer par quatre chemins, mademoiselle...
— Jacinthe, je m'appelle Jacinthe. le coupai-je.
— Très bien, Jacinthe, je vais vous poser une question : depuis quand n'avez vous pas pris un véritable repas ?
Je fronçai les sourcils. Qu'es-ce qu'il voulait dire par "véritable repas" ?
Comme s'il avait lu dans mes pensées, monsieur Anthony répondit à ma question muette :
— Un véritable repas c'est un repas complet avec une entrée, un plat et un dessert.
Je haussai les épaules.
— Hier soir j'ai juste mangé une salade. Mais c'est parce que je suis en plein régime !
L'homme grisonnant me fixa d'un drôle d'air.
— En plein régime ?
Il secoua la tête en soupirant :
— C'est bien ce que je pensais...
Il laissa sa phrase en suspens ce qui eu le don de m'énerver.
— Quoi ?! Vous pensez quoi exactement ?!
Il soupira à nouveau :
— Ce que je vais vous dire ne va pas vous faire plaisir, Jacinthe... vous n'avez absolument pas besoin d'un régime, au contraire... je ne sais pas comment dire ça sans être trop brusque mais... vous êtes beaucoup trop maigre par rapport à votre taille. On soupçonne que vous souffrez d'anorexie. C'est ce qu'on a dit à votre soi-disant petit copain... Où est-il d'ailleurs ?
Je sentis une boule se former dans ma gorge au fur et à mesure que le docteur parlait.
J'étais persuadé qu'il se trompait. Cet homme ne connaissait rien de ma vie, il ne pouvait pas comprendre.
— J'ai prévenu vos parents de votre condition. Ils sont en route.
Je sentis les larmes me piquer les yeux. Je ne voulais pas avoir affaire à mon père. Pas maintenant...
Ce fut ce moment là que choisit Philippe pour passer sa tête dans l'embrasure de la porte et demander :
— C'est bon ? Je peux revenir ?
Encore une fois, il n'attendit pas de réponse pour rentrer dans la pièce. Il vint s'asseoir à mes côtés et dû voir à quel point j'étais décomposée car il enroula son bras musclé autour de mes épaules et me serra contre lui.
— Bon, je vous laisse.
Dr Anthony s'en alla. Je sentis un liquide chaud couler sur mes joues. Des larmes.
Philippe ne posa aucune question et je ne l'en remercierais jamais assez pour ça. Il se contenta de me serrer un peu plus fort. Je me blottis contre son corps chaud et réconfortant et me mets à pleurer de plus bel. Il me caressa le dos avec douceur ce qui m'apaisa.
Bientôt les larmes s'arrêtèrent de couler. Je reniflai bruyamment tout en me séparant de mon meilleur ami. Celui-ci plongea son regard dans le mien. Ses yeux noirs brillaient d'un million de questions. Pourtant, il n'en posa qu'une seule :
— Tu veux en parler ?
Oui. Je pouvais lui dire ce que le médecin m'avait annoncé. Philippe, au moins, me soutiendra. J'ouvris la bouche pour lui raconter ce qu'il s'était passé quand quelqu'un entra en trombe dans ma chambre d'hôpital.
Une femme grande, mince et blonde comme les blés nous fixa, ses yeux bleus clairs brillants d'un air inquiet. Ma mère. Elle ignora complètement Philippe, se rua sur moi et me prit dans ses bras.
— Oh, ma puce, que s'est-il passé ?
Je ne répondis pas, attendant avec angoisse que mon père entre aussi dans la pièce.
Philippe se leva en se raclant la gorge :
— Bon... euh... je pense que je vais y aller maintenant que tu es entre de bonnes mains...
Il sortit de la pièce. Ma mère me lâcha et me toisa de haut en bas.
— Les docteurs disent que tu as fait un malaise à cause de ta sous-nutrition...
Je la coupai :
— Papa n'est pas là ?
— Non, il avait une réunion très importante qu'il ne pouvait malheureusement pas raté... Mais il sera là au plus vite, il me l'a promis !
Je serrai les dents. Pourquoi ça m'étonnait ? Ça avait toujours été comme ça. La travail de mon père avait toujours été beaucoup plus important pour lui que moi...
Le docteur Anthony fit à nouveau irruption dans la pièce.
— Ah ! Vous devez être la mère de Jacinthe !
— Oui, c'est moi. Qu'est-ce que vous allez faire pour aider ma fille à aller mieux ?
Le médecin soupira.
— Je vais lui prescrire les compléments alimentaire pour l'aider à retrouver un poids normal ainsi que des séances de thérapies avec une approche cognitivo- comportementale qui va lui permettre de retrouver des habitudes normales d'alimentation et de gérer son poids.
Ma mère hocha la tête avec un air grave. Moi, je ne dis rien, les dents toujours serrées. Je n'avais aucune envie de suivre une thérapie. Je n'en avais pas besoin !
— Très bien. Jacinthe, votre première séance de thérapie se déroulera mercredi prochain dans le secteur psychiatrique de notre hôpital. En attendant, je vous conseil de rester chez vous, de vous reposer et de bien manger.
Je n'avais pas mon mot à dire. Ils me prenaient pour une malade mental...
— Vous pouvez rentrer chez vous.
Ma mère me prit la main et me tira littéralement hors de l'hôpital. Dehors, elle soupira :
— Je déteste vraiment les hôpitaux...
Je murmurai, pour moi-même :
— Papa n'est pas venu...
— Je suis désolée. Sa réunion a dû durer plus longtemps que prévue...
Je haussai les épaules. Ça n'avait pas d'importance.
Je ne rêvais que d'une chose à présent : rentrer chez moi et dormir jusqu'à la fin des temps.
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