36- Baptiste

Je grognai. Je devais encore subir un stupide repas en compagnie de Caroline la pimbêche et son père pompier qui faisait battre le cœur de ma mère. Je faisais ça pour le bonheur de ma génitrice mais ça commençait sérieusement à me courir sur le haricot, pour rester poli.

C'était mardi soir et le père et la fille avaient déjà mangés et dormis chez nous tout le weekend et aussi lundi... C'était comme si ils avaient emménagé ici du jour au lendemain, à mon plus grand malheur.

— Baptiste, qu'est-ce que tu fiches ? Viens manger, mon chéri !

La voix stridente de ma mère résonna dans toute ma chambre. Je serrai les dents en prenant une grande bouffée d'air par le nez.

Aller, ce n'était qu'un mauvais moment à passer. En plus, je mourrais de faim.

Je me levais donc en lâchant toute l'air que j'avais inspiré et je sortis de ma chambre. Je tombais nez à nez avec Caroline qui sortait de la chambre d'ami. Elle avait les yeux bizarrement rouge...

— Qu'est-ce que tu regardes, gros lard ?

Je retins de justesse une réplique cinglante et décidai de l'ignorer. Je passais donc mon chemin et me dirigeai vers la salle à manger où étaient déjà assis ma mère et son chéri, Christophe. Celui-ci s'était rasé le crâne de près, ce qui le rendait luisant à la lumière du plafonnier de la salle à manger.

Je pris place à la table, un sourire forcé afficher sur mes lèvres. J'appréciais Christophe mais sa présence, tous les jours, chez moi, me mettait sur les nerfs. J'avais tellement pris l'habitude de vivre seul avec ma mère que je ne supportais pas de voir d'autres gens vivre ici... J'étais vraiment ridicule...

— Où est Caroline ? me demanda, innocemment, ma mère.

Je haussai les épaules, ne pouvant m'empêcher de lui répondre d'un ton froid :

— J'en sais rien. Je ne passe pas tout mon temps avec elle, tu sais.

Ma mère ne dit rien et baissa les yeux sur son assiette. Heureusement, Christophe n'intervint pas et Caroline arriva à cet instant. 

— Ah ! Te voilà enfin ! On va pouvoir commencer à manger !

— Mmm.

Caroline aussi semblait d'humeur massacrante. Elle prit place en face de moi, à côté de son père. Je remarquai qu'elle avait fait une retouche de maquillage avant de venir ici et que ses yeux avaient reprit leur teinte normale. 

Soudain, elle leva un regard noir vers moi. Je ne détournai pas le regard pour bien lui montrer que je n'avais pas peur d'elle, qu'on était ici chez moi et qu'elle n'avait pas à faire régner sa loi comme au lycée. Ce fut elle qui détourna le regard quand son père lui demanda le sel.

Enfin, le repas se termina, toujours dans cette ambiance lourde. Caroline se leva et quitta la pièce sans même prendre la peine de débarrasser la table. Son père ne la rappela pas, signe qu'elle était bien une gamine pourrie gâtée. 

Je serrai les dents pour m'éviter un commentaire grinçant sur l'éducation de la jeune fille. La corvée de débarrasser la table et de faire la vaisselle était donc tout à moi...

Une fois les couverts débarrasser, je m'apprêtais à faire la vaisselle quand j'entendis des voix sortir du salon. Même si je savais que la curiosité était un vilain défaut, je tendis l'oreille pour ne rien perdre de la discussion entre ma mère et son conjoint :

— Je crois que nos enfants ne s'entendent pas, Christophe...

— Comment ça ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Je connais mon fils par cœur. Je vois qu'il n'est pas à l'aise depuis quelques temps, alors qu'il est dans sa propre maison... Et, je sens une certaine tension entre ta fille et lui. Je crois qu'il y a un truc qu'il ne nous dise pas...

Je secouai la tête. Au fait, maman, la fille du mec dont tu es amoureuse me harcèle tout les jours au lycée à cause de mon poids. Je ne pouvais certainement pas lui dire ça...

Ce que ma mère dit ensuite me glaça le sang :

— Si ça ne marche pas entre eux, ça ne marchera pas entre nous, désolée.

Une boule se forma dans ma gorge. Ma mère m'aimait tellement qu'elle était prête à sacrifier son bonheur pour moi... Je ne pouvais pas la laisser faire ça ! Il fallait que j'ai une discussion avec Caroline tout de suite !

Je laissai donc la vaisselle en plan et allai toquer à la porte de la chambre d'ami où Caroline passait son temps.

— Qui c'est ?

— C'est moi, je peux entrer ?

Elle répondit d'un ton froid :

— Qu'est-ce que tu me veux ?

Je soupirai.

— Je dois te parler, c'est important.

Un long silence me répondit, qui me parut durer une éternité. Enfin, j'entends sa voix claire ordonner :

— Entre.

J'obéis. 

La jeune fille était avachie sur son lit, ses cheveux blond platine un peu en bataille. Je remarquai que ses yeux étaient à nouveau rouge et que son maquillage avait légèrement coulé. Elle avait sûrement essayé de limiter les dégâts avant que je n'entre et c'était pour ça qu'elle m'avait fait attendre aussi longtemps...

— Arrêtes de me fixer comme ça, c'est flippant.

— Tu étais en train de pleurer ?

Je vis tout son corps se crisper.

— N'importe quoi. Dis moi ce que tu voulais me dire au lieu de déblatérer des conneries.

Je levai les yeux au ciel.

— Très bien. Il faut qu'on fasse un effort pour s'entendre.

— Pourquoi ? C'est très bien comme ça.

Je grinçai des dents. Elle ne faisait vraiment aucun effort.

— Ma mère sent que l'on ne s'aime pas. Elle va quitter ton père si on ne fait rien pour changer notre relation.

Caroline baissa les yeux mais ne dit rien. Je décidai d'enfoncer un peu le clou pour la faire réagir :

— Tu ne veux pas que ton père soit heureux, toi ?

Quand elle releva la tête vers moi, c'est yeux étaient remplis de larmes. Cela me troubla. Alors, c'était vrai. Une fille comme Caroline pouvait pleurer, en réalité...

— Bien sûr que je veux le voir heureux ! Mais je ne peux pas m'empêcher de penser à ma mère...

Ses larmes se mirent à couler sur ses joues et elle les essuya d'un geste rageur. Ça ne lui plaisait certainement pas de pleurer devant quelqu'un, surtout devant moi.

— Moi aussi, quand mon père est parti avec une autre femme, j'étais furieux contre lui et je ne voulais plus le voir... Mais, c'est la vie. Il n'était plus heureux avec ma mère, il était heureux avec cette femme alors j'ai fini par l'accepter.

Les larmes coulaient maintenant à flots de ses yeux bleus et un léger filet de morve sortait de sa narine droite. 

— Baptiste, tu ne comprends pas. Ma mère est morte il y a 5 ans.

Là, je me retrouvais bien con, à ne pas savoir quoi dire. Tout ce que je réussi à lâcher fut :

— Oh... Je... Je suis désolé...

N'empêche que ça expliquait beaucoup de chose sur le comportement de la jeune fille, notamment son côté fifille à papa. Mais, je m'abstint, évidemment, de lui dire ça.

Elle secoua la tête et prit sa tête dans ses mains.

— Je sais, j'ai l'air stupide à pleurer. Après tout, elle est morte il y a 5 ans, j'aurais dû déjà passer à autre chose il y a longtemps...

Ses propos me choquèrent.

— Mais qu'est-ce que tu racontes ? C'était ta mère, Caroline, et tu avais seulement 12 ans ! C'est normal qu'elle te manque, et elle te manquera sûrement pour toujours ! 

Elle plongea son regard noyé dans le mien, bouleversée.

— Tu es le premier à me dire ça... Sara me disait tout le temps de passer à autre chose...

Je secouai la tête.

— Je me trompe peut-être, je n'ai jamais vécu cette situation... Mais je me mets souvent à la place des autres et, moi, si je perdais ma mère, je serais aussi anéanti ! Je sais que je ne lui montre pas forcément mais, je ne suis rien sans ma mère, je l'aime tellement !

Elle sourit en reniflant bruyamment. C'était comme si elle avait oublié qu'elle était en ma présence. 

— Tu devrais lui dire.

— Hein ? Dire quoi à qui ?

— Lui dire que tu l'aime, à ta mère. Moi, je ne lui ai dis que très rarement, par fierté, et tu peux pas savoir à quel point je le regrette...

Une boule se forma dans ma gorge. Elle avait raison... Mais je ne savais pas si j'en étais capable... 

Je décidai de changer de sujet pour éviter de montrer mon trouble :

— Bref, pense à ce que je t'ai dis pour nos parents...

Elle hocha la tête.

— Bon, je te laisse.

Je m'apprêtais à sortir mais Caroline me rappela :

— Baptiste ? 

Je me retournai, le regard interrogateur :

— Merci pour cette discussion et pour m'avoir écouter.

J'étais étonné. Je pensais plutôt qu'elle allait me demander de ne répéter cette discussion et ce que j'avais vu à personne. 

Je fis un sourire sincère :

— Pas de quoi !

Elle s'essuya le nez d'un geste pas du tout glamour.

— Par contre, ne prends pas la confiance, je te déteste toujours.

Évidemment, le contraire m'aurait étonné...

— Mais je vais faire un effort pour m'intégrer dans la famille. Pour mon père.

Je hochai la tête et sortis de la chambre de la jeune fille sans rien dire. J'entrai dans ma propre chambre, toujours bouleversé par la discussion que je venais d'avoir avec Caroline. Je n'arrivais pas à croire que la jeune fille s'était confier à moi si aisément. 

Je ne savais pas comment mais la jeune fille s'était sentis assez en confiance avec moi pour me raconter cet acte horrible de sa vie alors qu'elle était sensé me détester. On ne se confie pas à quelqu'un qu'on déteste, normalement... Mais j'avais ce don naturel de mettre les gens en confiance.

Et je comptais bien l'utiliser pour faire le bien.

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