2- Jacinthe

La cantine. Le pire moment de la journée. Parce que j'avais faim. Tous les jours plus que le précédent. Pourtant, j'étais en plein régime. Je devais absolument perdre du poids.

Je pris un plateau et avançai vers le self le cœur battant. Je regardais toutes les entrées qu'on nous proposait, l'estomac dans les talons. Je tendais ma main tremblante vers une petite assiette de carotte râpée. Ce sera tout ce que je mangerais ce midi. D'ailleurs, c'était peut-être trop...

Je m'avançais dans la cantine a la recherche d'une place libre.

- Eh, Jasse !

Je me retournai, étonnée que quelqu'un m'appelle de cette façon. Je voyais ce type à la veste en cuir qui s'était assit à côté de moi à la rentrée. Je m'arrêtai pour l'attendre.

- Je peux manger avec toi ?

Je haussai les épaules. Il ne fallait pas qu'il remarque que je mangeais peu. Je n'aimais pas qu'on me pose des questions à ce sujet...

Nous nous dirigeâmes vers une table où il restait trois places. Un garçon y était déjà assit et dégustait ses pâtes avec vraiment beaucoup d'appétit. Un appétit qui me donna instantanément la nausée.

Nous nous asseyâmes et Philippe commença son repas en jetant un coup d'oeil a l'autre garçon. Celui-ci ne nous prêta pas attention, trop concentré sur sa propre nourriture.

Je grimaçai. Il avait de la sauce tomate partout autour de la bouche. Je fixai mes carottes râpées, l'appétit complètement coupé. Comment pouvait-on manger aussi salement et aussi vite ? Ça me donnait juste envie de vomir...

- Ben Jasse, tu manges pas ?

La question que je redoutais tant venait d'arriver. L'autre leva enfin ses yeux vers nous.

- J'ai pris un gros petit déjeuner ce matin...

- Si tu ne veux pas de tes carottes, tu veux bien me les passer ? J'ai encore faim...

Je jetai un regard au garçon assit a mes côtés. Je lui tendis mon assiette avec un sourire faux. Je pus remarquer qu'il était plutôt de petite taille et semblait beaucoup trop gros pour un garçon de son âge.

Ça ne m'étonnait pas qu'il soit obèse vu la manière dont il mangeait... Je détournai le regard de lui, écoeurée. Il ne semblait pas avoir remarqué ma gène car il déclara :

- Au fait, je m'appelle Baptiste et vous ?

- Je m'appelle Philippe mais mes amis peuvent m'appeler Flip.

Un silence se fit. Je n'avait aucune envie de lui répondre, de sympathiser avec lui. C'était au dessus de mes forces. Heureusement, Flip rattrapa le malaise qui était en train de s'installer.

- Elle s'appelle Jacinthe mais elle est pas très bavarde... Ne t'étonne pas si elle te répond pas.

Je vis du coin de l'oeil Baptiste hausser les épaules et entamer avec appétit mes carottes. C'en était trop pour moi, je me levai précipitamment et sortis de la cantine sans un regard pour Flip. Je l'entendis m'appeler mais je l'ignorais.

Je sortis dans la cour et pris une grande bouffée d'air. J'avais mal au ventre et les larmes commençaient a me monter aux yeux. Il fallait que je me calme avant que quelqu'un me voit dans cet état.

Je me frottai les yeux. Heureusement que je ne me maquillai pas...

Soudain, mon regard se posa sur le corps le plus parfait que je n'avais jamais vu. Un corps que je rêvais d'avoir mais, je n'avais pas eu cette chance. Un corps qui appartenait a une fille qui s'appelait Sara. D'ailleurs, elle s'approchait de moi avec un sourire accompagné de toute sa petite troupe de gens parfait comme elle. J'espérais qu'elle ne remarque pas que j'avais pleuré...

- Jacinthe ! Comment tu vas ?

Je souris. Je savais très bien qu'une amitié entre elle et moi était impossible. On ne vivait pas dans le même monde... Mais pourtant, je ne cessai d'espérer.

- Super et toi ?

Elle me fit un sourire et me posa une main sur mon épaule.

- Dis, on m'a apprit que tu trainais avec un certain Philippe... C'est vrai ?

J'hésitai quelques instants. Qu'est-ce qu'elle voulait de Flip ? Finalement, je lui répondis à l'affirmatif.

Elle soupira et secoua la tête, faisant valser ses beaux cheveux noir.

- Il faut pas trainer avec un type comme lui.

Je fronçai les sourcils.

- Et pourquoi ça ? Il essaie de changer, je sais qu'il ne va pas me tabasser. Je n'ai rien a craindre de lui.

Elle haussa les épaules.

- C'est a tes risques et périls ma belle. Mais si il te fait du mal, sache que je t'aurais prévenu...

Elle se détourna en faisant voler ses cheveux derrière elle. Elle partit accompagné de toute sa clique.

Je soupirai et allai m'asseoir sur un banc. Peut-être qu'elle avait raison. Peut-être que Philippe était une mauvaise fréquentation... Mais il était vraiment sympa avec moi... Je ne pouvais pas croire qu'il serait capable de me faire du mal.

J'étais plongé dans mes pensées quand, soudain, je vis Philippe et Baptiste sortir de la cantine tout en ayant une discussion assez animée. Mon cœur se serra. Flip s'était trouvé un autre ami... Un sentiment que je n'avais jamais ressenti auparavant vint me ronger le cœur. La jalousie. Ce Baptiste était en train de me voler le seul ami que j'avais réussis à me faire. Ça n'allait pas se passer comme ça !

Je me levai précipitamment et couru rejoindre les deux garçons. Ce n'était pas difficile de les rattraper. L'un avait une démarche de zombi a peine réveillé et l'autre de canard enrobé.

- Les gars attendez moi !

Je les rattrappai en quelques grandes enjambées. Philippe me regarda avec un sourire mais c'est Baptiste qui prit la parole :

- Ah, Jacinthe ! Ça va mieux ? T'avais pas l'air dans ton assiette tout a l'heure...

Je me contentai de le fixer sans rien dire. De quoi il se mêlait ce gros lard ? Baptiste se gratta la nuque, gêné.

- Bon... Je vais vous laisser...

Il se détourna et partit. Philippe se tourna vers moi.

- Bravo Jasse, tu l'as fais fuir !

Je haussai les épaules. C'était tant mieux. Je me sentais tellement mieux sans sa présence !

- Tes vraiment vraiment étrange comme fille.

Un léger sourire s'afficha sur mes lèvres. Je suivis mon nouvel ami jusqu'à un banc où nous nous asseyâmes. Un silence s'installa. Mon regard se posa sur Sara qui était en pleine discussion avec un garçon aux cheveux châtains. Le garçon rigolait mais Sara semblait plutôt en colère. Je reconnu Valentin, un gars qui était dans ma classe en seconde. Il devait sûrement la draguer lourdement. Être belle ne devait pas être facile tout les jours...

Flip coupa alors le silence, me coupant de mes pensées.

- Tu connais ce type ?

Il fit un geste de la tête vers Sara et le mec avec qui elle parlait.

- Oui... Pourquoi ça ?

- C'est un connard.

C'était pas une question mais bien une affirmation.

- Si tu le dis. Je le trouve plutôt sympa moi...

Mon ami grimaça. Soudain, Valentin et Sara tournèrent leur regard vers nous. Je me raidis. Philippe ronchonna :

- Qu'est ce qu'il veut encore ?

En effet, Valentin avançait d'un pas assuré vers notre banc. Arrivé a nous, il s'assit a mes côtés sur le banc et passa son bras autour de mon épaule comme si on était les meilleurs amis du monde.

Je fronçai les sourcils. Il ne m'avait pas parlé depuis la seconde alors qu'est ce qui lui prenait ? Philippe commençait a gigoter dans tous les sens et serra ses poings très fort. C'était vraiment pas bon signe...

- Alors ma petite Jacinthe, ça faisait longtemps ! Comment tu vas ?

Je lui jetai un regard étonné. J'allais répondre mais Philippe me coupa la parole :

- Elle va bien et elle irait encore mieux si tu dégageais d'ici !

Valentin ricana et enleva son bras de mon épaule. Il se leva et se plaça devant moi.

- Tu devrais pas rester avec un connard pareil, ma belle. Ce mec est une pourriture, il mérite de finir seul et sans amis.

Philippe se leva d'un bon et brandit son poing. Mais je vis qu'il se retenait de l'abattre sur son adversaire. Je me levais à mon tour et criai :

- Dégage de la Valentin, je sais ce que je fais ! Et va dire a Sara qu'elle doit arrêter de se mêler de mes affaires !

Je posais ma main sur le poing fermé de mon ami et l'obligeait a le descendre. Valentin me fixait d'un œil noir.

- T'as fais ton choix Jacinthe. Mais sache que tu vas le regretter...

Il partit. J'eus des frissons. J'avais toujours ma main posée sur celle de Philippe. Je la retirai vivement.

Le garçon soupira et se rassit sur le banc, les jambes tremblantes. Je restais debout, le cœur battant. Que venait-il de se passer exactement ?

- Merci Jacinthe, ça aurait pu partir loin si tu ne m'avais pas retenue...

Je lui fais un sourire bienveillant. Valentin avait tort sur tout la ligne. Philippe méritait d'avoir des amis. Je voyais bien qu'il essayait de changer. Ce n'était pas ce que faisaient les mauvaises personnes.

Et je comptais bien être son amie, que Valentin et Sara le veuille ou non !

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