15- Valentin
Je me dirigeais vers la grille du lycée avec mes béquilles. Peu à peu, je m'habituai à marcher avec ces deux "bâtons". Mes bras se musclaient. Ça, c'était une bonne nouvelle, j'espérais que Sara aimait les mecs aux bras musclés.
On était mercredi, j'avais deux heures de maths, une heure d'histoire et une heure d'anglais. Normalement, ça passerait vite.
J'entrai dans le lycée. Comme si la vie voulait me punir, la moto de ce stupide Philippe entra en même temps que moi avec, derrière lui, cet abrutie de Jacinthe. Je l'observais descendre et enlever son casque rose fluo. Puis, il aida la blondasse à descendre à son tour. J'avais juste envie de l'insulter, je ne savais pas pourquoi.
Je secouai la tête. Je devais peut-être arrêter d'être obsédé par lui, ça devenait malsain...
Je pris le chemin vers le bâtiment en décidant de les ignorer pour une fois. Évidemment, j'allais un peu lentement avec mes béquilles. Les deux minables me rattrapèrent en moins de deux.
Je les entendais discuter et rire derrière moi. Ça m'énervait.
Je serrai les dents en essayant d'aller plus vite. Malheureusement, ma béquille gauche dérapa sur un mouchoir qui trainait par terre. Je faillis tomber à la renverse mais quelqu'un m'attrapa par le bras, évitant la catastrophe.
- Fais attention, regarde où tu mets tes béquilles.
Mon sang se glaça au son de la voix de Philippe tout près de mon oreille. Vraiment trop prêt.
Je m'écartai vivement, sans croiser son regard. Pourquoi avait-il fallut que je tombe ? Pourquoi avait-il fallut que ce soit Philippe qui me rattrape ?
- Pff... Dis pas merci surtout... Viens Jasse on se casse.
- T'aurais du le laisser tomber.
Je les regardais s'éloigner bras dessus bras dessous. Mon cœur battait la chamade sans que je comprenne pourquoi. Que venait-il de se passer exactement ?
Je repris le chemin vers ma classe, un peu sonné. Quelques élèves insignifiants à mes yeux me dépassèrent en me jetant des regards intrigués. J'avais bien envie de les insulter de tous les noms mais ça ne servait à rien de s'énerver contre des inconnus.
Je pris l'ascenseur et arrivai enfin devant ma classe. Le prof de maths venait d'arriver et faisait rentrer les élèves dans la salle. J'entrai donc à leur suite, heureux de ne pas être arrivé en retard.
J'allais m'installer à ma place, au fond de la classe, à côté d'une fille dont je ne connaissais pas le prénom mais qui n'arrêtait pas de me zieuter comme si j'étais l'une des sept merveilles du monde. Ça ne me dérangeait pas, j'aimais même plutôt ça, être désiré par les autres. Mais là, je n'étais pas d'humeur...
- Arrête de me fixer, t'es flippante.
La pauvre fille détourna aussitôt le regard, les joues aussi rouge qu'une tomate. Je levais les yeux au ciel en portant mon attention vers le prof et son cours de maths qui commençait.
C'était sur les nombres complexes, je trouvais ça extrêmement facile. Je finis les exercices en une fraction de seconde. Le prof me félicita, comme d'habitude.
Il me donna d'autres exercices, plus compliqués cette fois-ci. J'eus un peu plus de mal à les faire mais, je réussis à y venir à bout juste au moment où la sonnerie qui annonçait la fin du cours retentit. Je souris. C'était encore une mission accomplie pour moi ! J'étais trop fort !
Je sortit de la salle et allait dans la récréation, à la vitesse d'un escargot à cause de mes béquilles.
Je rejoignit Sara qui était devant les toilettes des garçons. Elle était étrangement seule. Aucunes filles de sa petite bande ne l'accompagnait. Je fronçai les sourcils. Étrange...
- Salut, Sara ! Elle est où ta clique ?
La belle jeune fille haussa les épaules.
- J'en sais rien... Je crois que... Elles sont là-bas.
Elle montra un coin de la cours de la main. Elle croyait peut-être que je voulais les rejoindre.
Soudain, Ulysse sortit des toilettes. Il avait un ignoble sourire qui tordait son immonde visage.
Quand il aperçut Sara, son sourire devint un peu timide et il devint légèrement rouge. Il allait passer son chemin quand la belle Sara l'appela :
- Eh, Ulysse ! Je peux te parler ?
Ulysse s'avança donc vers nous, à petits pas. Arrivé à notre portée, il fit la bise à Sara. Je remarquais qu'il était étrangement tactile. En effet, il avait posé ses deux mains sur les épaules de la belle Sara.
Après, il se tourna vers moi et me fit la bise à mon tour. Mais je ne sentis aucune mains sur mes épaules...
Une pointe de jalousie me pinça le cœur. Comment osait-il la toucher comme ça ?! Elle était bien trop belle pour lui.
- Qu'est-ce que tu voulais me dire Sara ?
La belle fit un sourire.
- La semaine prochaine, c'est les vacances ! Je vais faire une grande soirée dans ma grande maison, tu viendras ?
J'écquarquillai les yeux. Une fête ? Elle ne m'en avait jamais parlé ! Elle ne m'avait même pas invité ! Pourtant elle était en train d'inviter Ulysse !
- Et moi ? Je ne suis pas invité ?
Sara soupira.
- Bien sûr que oui ! T'es mon meilleur ami !
Je me sentis rassuré même si mon cœur se brisa au mot "ami".
Ulysse n'avait toujours pas répondu.
- Alors, Ulysse, tu viendras ?
- Euh... Je ne sais pas encore... Je te dirais ça plus tard.
- Oh... D'accord...
- Bon, je vous laisse. Bat m'attend.
Sans rien dire d'autre, il passa devant nous et s'éloigna. Sara le regarda partir jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière un groupe de gens inconnus.
Je n'en croyais pas mes yeux, elle n'avait vraiment d'yeux que pour lui... Je n'avais aucune chance...
Je soupirai. Ça ne servait sans doute à rien d'insister mais, ce n'était pas mon genre d'abandonner ! Je devais persévérer, j'aurais peut-être une chance un jour ou l'autre ! Il ne fallait pas que je baisse les bras !
La sonnerie de la fin de la récréation sonna. C'était l'heure d'aller en histoire. Je saluai Sara et partais vers ma salle.
J'arrivai en avance. Évidemment, ma journée n'était pas assez pourri comme ça, je croisais Jacinthe, Baptiste, Ulysse et Philippe qui traînaient dans le couloir. Je levais les yeux au ciel en ignorant leur présence.
Malheureusement, Ulysse en avait décidé autrement. Il se dirigea vers moi, et tout les autres le suivirent. Les quatre personnes que je détestais le plus au monde m'encerclaient.
- Qu'est-ce que vous voulez bande d'abrutis ?
J'entendis Jacinthe râler et Philippe grogner. Ulysse me répondit simplement :
- Je suis désolé pour tout a l'heure, avec Sara... C'était gênant qu'elle ne t'ai pas invité à sa fête avant...
Je haussai un sourcil.
- Pourquoi tu t'excuses ? T'as réussis à l'attirer, avec ta tête de monstre, tu devrais être fier.
Je vis sa mâchoire se contracter, signe qu'il serrait les dents. Je fis un petit sourire narquois. Si il croyait que j'allais être gentil avec lui, juste parce qu'il s'était excusé, il se fourrait bien le doigt dans l'œil.
- Putain mais t'es un connard ! T'en a pas marre d'agresser les gens sur leur physique ?!
Baptiste venait de s'interposer. Je me mis à rire. Comment une grosse baleine comme lui pouvait me faire la morale ?
- Casse toi la baleine, c'est pas à toi que je parlais.
- Bon, ça sert à rien de parler avec lui les gars, venez on se casse. Laissons-le seul, il a pas d'amis.
Philippe me lança un regard moqueur avant de se détourner avec toute sa clique. Avant de vraiment partir, Ulysse de retourna, le visage triste :
- Je ne viendrais plus le jeudi soir. Je préfère ne pas avoir mon bac que de réviser avec une ordure dans ton genre. Maintenant, t'es tout seul.
Puis, il rejoignit sa bande. Mon sang s'était glacé dans mes veines. Je n'avais pas d'amis. Ils avaient raison. Je n'avais pas d'amis, à part Sara. Et j'étais, elle aussi, en train de la perdre.
Une boule se forma dans ma gorge quand j'entrai dans la salle d'histoire. J'étais cette fois-ci à côté d'un type blond avec plein de boutons d'acné. J'avais pour habitude de l'appeler Calculette. Je ne savais même pas son vrai prénom.
Le cours commença tandis que je fixai le gars à côté de moi.
- Qu'est-ce que tu veux ? Pourquoi tu me regarde comme ça ?
Dans son regard brillait une lueur de crainte. C'était moi qu'il craignait ? Je me sentis soudainement très mal.
- Je suis désolé.
Il écquarquilla les yeux. J'avais sortis ça sans prévenir. Mais ça soulageait un peu de s'excuser. Je devrais faire ça plus souvent...
Je reportai mon attention sur le prof d'histoire, un poids s'était légèrement envolé. Malgré ça, je me sentais toujours extrêmement mal face à cette vérité dite par ce maudit Philippe... Je n'avais absolument aucun ami.
***
Ma mère attendait dans la voiture juste en face du lycée. Je ne pouvais plus rentrer à pied à cause de mes béquilles. J'entrai dans le véhicule en poussant un long soupire.
- Alors ? La matinée a été bonne ? T'as eu des notes ?
Je soupirai encore pour lui faire comprendre que ses questions m'ennuyaient.
- C'était comme d'hab. Et pas de notes.
Elle démarra et prit le chemin de la maison sans rien ajouter d'autre. C'était comme ça avec ma mère, on ne se disait pas grand chose. Tant que j'avais de bonnes notes, tout allait bien, elle m'aimait. Mais je ne savais pas ce qu'il se passerait si je lui ramenais une mauvaise note...
On arriva a la maison. Ma mère gara la voiture dans le jardin puis arrêta le moteur. Elle se tourna vers moi.
- Tu as faim ? J'ai fais chauffer une pizza au four.
Je hochai la tête et sortis de la voiture. Je montais les marches du perron péniblement avant de rentrer dans la maison.
Je m'assis sur la chaise à l'entrée pour enlever mes chaussures. Une fois ma besogne terminée, j'allais poser mon sac dans ma chambre.
Une fois à l'abri des regards de ma mère, je m'étalais sur mon lit, le visage enfouis dans mon oreiller et je poussai un cri. Je faisais souvent ça pour décompresser.
- Valentin ! Viens manger !
Je soupirai, l'appétit complètement coupé. Je me levais et sortis de ma chambre, toujours accompagné de mes éternelles béquilles.
J'arrivais dans la salle à manger, la table était déjà dressée, Charlotte était déjà a sa place, les yeux pétillants. Elle semblait si heureuse malgré tout ce qui lui était tombé dessus.
Ma mère amena la pizza sur la table. C'était une quatre fromages. Je grimaçais. Depuis le temps, elle ne savait toujours pas que je n'aimais pas le fromage.
Elle coupa la pizza et mit un bout dans l'assiette de Charlotte puis un autre dans la mienne.
Ma sœur commença à dévorer sa part avidement. Je la regardais manger, attendri.
- Valentin, tu ne manges pas ? demanda ma mère.
- Je n'ai pas très faim...
- Je peux avoir ta part ?
Sans attendre une réponse, ma petite sœur tendit le bras et se servit dans mon assiette.
- Tout va bien Valentin ?
Je soupirai.
- J'aime pas le fromage, t'as oublié ?
Elle mit une main devant sa bouche d'une mine choquée.
- Oh... Je suis désolée...
- C'est pas grave. Bon, si tu me le permet, je vais sortir de table, j'ai des trucs à faire.
Je me levai et m'en allai sans prendre le temps de débarrasser mes couverts.
J'entrai dans ma chambre, le cœur gros. J'avais envie de pleurer, je ne savais même pas pourquoi.
Je m'allongeai dans mon lit, sur le dos. Mon attention fut attirée par le blanc immaculé du plafond.
Je restais là, à fixer le plafond durant une éternité, mes sombres pensées me brouillant l'esprit.
J'étais juste un minable parmi tous les autres minables. Je n'avais rien de différent. Je n'étais pas le meilleur. Est-ce que je méritai seulement d'être sur cette terre ?
Je secouai la tête. Mais qu'est-ce qui me prenait bon sang !?
Je me redressai en position assise et m'emparai de mon téléphone.
Je fronçai les sourcils. Je venais d'être invité sur un groupe Instagram... J'appuyais sur la notification, curieux.
Le groupe se nommait "truc chiant du vendredi soir" et avait été créé par Sara. Elle avait invité tout les membres du cours de vendredi et avait envoyé le premier message :
De Sara_jl :
Bon les gars, qui raconte son histoire vendredi ?😅
De Flip(er le_🐬) :
Moi c'est déjà fait je suis hors compète 😌😝
C'était le seul à avoir répondu. Je regardais sa photo de profil de plus près. Il était torse nu avec des gants de boxe.
J'appuyais sur sa photo, intrigué. J'arrivai sur le compte de mon ennemi. Il n'était pas en privé et il y avait seulement trois photos.
Je les fit défiler devant mes yeux. La première était une photo de dauphin clairement prise d'internet qui datait de 2017. Dans la légende il était écrit "le dauphin est le meilleur animal du monde 🐬🐬". Un sourire se forma sur mes lèvres sans que je m'en rende compte.
La deuxième photo était une photo de lui et de trois autres garçons avec des gants de boxe qui datait de il y a un an. Il y était écrit "Avec le gang 💪🥊".
La troisième photo était bien plus récente. C'était simplement une photo de lui souriant a la caméra. Ses yeux noir pétillaient de joie, ses cheveux étaient ébouriffés et il portait son éternelle veste en cuire. La légende était simplement
"📸@ja_sainte".
Je regardais cette photo, le cœur battant. Son sourire était si beau... Je ne l'avais jamais vu sourire ainsi... Peut-être parce que j'étais un connard...
Je secouai la tête en poussant un soupire. Je retournai sur le groupe pour répondre.
Moi :
Moi aussi je suis déjà passé eheh
Puis, je posais mon téléphone sur ma table de nuit. Ce n'était pas mon problème de savoir qui passerait vendredi. Et puis, franchement, pourquoi Sara avait-elle créée ce groupe ? C'était complètement inutile...
Je soupirai en m'allongeant à nouveau dans mon lit. Je mis mes écouteurs comme ça, les sons étaient diminués et j'avais l'impression que mon cerveau Bourdonnait.
J'aimais bien cette sensation.
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