chapitre 5

Cette pièce était petite comparée à certaines qu'il avait vues lors de ses voyages, malgré le fait qu'il avait reçu le titre de duc. 

Le titre et les domaines n'étaient rien de plus que les avantages qui lui avaient été accordés pour avoir participé au traité de Bastille, le roi William l'avait nommé duc afin que Brian ait un noble de grande classe comme prisonnier.

Heureux que ce ne soient pas eux qui aient été bannis, aucun des autres nobles sous le commandement de William n'avait protesté contre la raison pour laquelle il avait été nommé duc et le roi Charles lui avait accordé le petit duché en récompense.

Le château de Nottingham était une petite forteresse que le roi Brian avait reconstruite comme avant-poste pour ses campagnes bien que Brian

considérait que ce dernier était mieux utilisé maintenant qu'il abritait Rory. Il jouissait de beaucoup plus de prestige d'avoir un duc avec des terres comme prisonnier politique plutôt que d'avoir un simple noble. 

Dans le cadre de l’échange, Rory avait dû travailler sa terre et avait été autorisé à former ses propres hommes.

Le raisonnement du roi Charles n'avait pas été si tordu, Rory savait que le roi lui faisait confiance pour s'attacher à sa nouvelle patrie et aux pouvoirs que sa classe lui donnait, il avait automatiquement obtenu une place à Witenagemot, même s'il 

savait que le reste du Witan n'écouterait pas ses suggestions sur les questions relatives à la politique de Nottingham. 

Et en effet, Rory n'avait pas pris la peine de rencontrer le reste des nobles, seule une poignée de serviteurs l'accompagnait dans son voyage depuis le petit domaine qu'il possédait dans les régions du nord de la Northumbrie, car la grande majorité avait été terrifiée à l'idée de voyager vers des terres étrangères. 

Il ne s'en souciait pas trop non plus, car ils ne servaient que de rappels de ce qu’il s'était passé chez lui. Rory entendit un bruit et ouvrit les yeux et regarda Anna revenir avec sa bière. 

Elle posa délicatement le gobelet et le pichet sur la table devant lui, le regard de Rory dérivait, impuissant, sur les doux globes de ses seins.

La bonne était venue avec le château, ainsi que la plupart des autres serviteurs, le roi Brian lui avait avoué presque confidentiellement qu'il avait choisi la plus séduisante servante pour satisfaire les besoins personnels du duc.

La première nuit, Rory avait interdit à la jeune femme d'aller à ses appartements, la bonne avait reçut l'ordre avec un soulagement évident, il était incapable d'avoir une femme qui ne le voulait pas, il remua mal à l'aise sur son siège et fronça les sourcils, la masse de chair entre ses jambes semblait vouloir protester contre ce fait.

-Mon seigneur ? 

La bonne hésita quand elle remarqua qu'il ne lui avait pas ordonné de partir, sa voix délicate tremblait comme la feuille d'automne sur le point de tomber de sa branche, elle ne commit pas l'erreur de le fixer à nouveau, mais baissa sagement les yeux. Rory regardait, dégoûté par la peur qu'il provoquait chez la jeune femme.

  

-Part ! rugit-il, souriant de satisfaction quand il vit la servante sortir en courant de la pièce principale, morte de peur.

Il leva son verre pour prendre une gorgée, son sourire disparut de ses lèvres alors qu'il regardait par-dessus le bord de son gobelet, il se retourna vers la cage d'escalier, voulant y voir la mystérieuse jeune femme sans aucun doute, son inquiétude pour elle l'avait poussé à attaquer Caleb avec une telle force qu'il avait failli casser le jeune homme en deux. Il posa le verre sur la table avec un bruit sourd et déglutit difficilement.

C'était déjà décidé : saine d'esprit ou non, la noble devait partir !

Les ténèbres entouraient l'esprit d'Éléonore, cela la consumait, la poussant à lâcher prise complètement, mais sa volonté était tellement plus forte qu'elle avait combattu les ténèbres et l'angoisse, une lumière envahissait sa prison noire, jusqu'à ce qu'elle se retrouve bien éveillée, face à la force de la douleur qui avait disparu dans l'obscurité depuis le début.

Elle essaya d'ouvrir les yeux, lentement, mais ne put ouvrir qu'une de ses paupières gonflées pour voir une lumière brillante pénétrait par l'étroite ouverture, obscurcissant sa vision de sorte que tout dansait autour d'elle dans des éclaboussures de couleurs qui ne lui étaient pas familières.

 Elle respirait de manière irrégulière et douloureuse, elle sentait une pression dans sa poitrine, comme si un poids avait été placé dessus, son rythme cardiaque était devenu de moins en moins audible jusqu'à ce qu'elle puisse se concentrer sur les sons de la pièce. La chambre était calme, trop calme à son goût... comme un tombeau.

-M'avez-vous trouvé ? Suis-je prisonnière de votre château ? Par tous les saints, s'il vous plaît, ne le faites pas. Suis-je censée être votre femme ? Que vais-je devenir maintenant ?

Eléonore secoua la tête contre l'oreiller, essayant de se concentrer, elle reconnut à peine le gémissement de confusion qui s'échappa de ses lèvres gercées, elle ne savait pas où elle se trouvait, ni comment elle était arrivée là, la seule chose qu'elle savait, c'était à quel point ça faisait mal.

-Madame ?

Une voix étrange interrompit ses pensées, elle ne reconnaissait pas l'accent. Eléonore étouffa un cri et se força à s'asseoir, serrant sa tête entre ses mains quand elle sentit la douleur s'intensifier. Elle n'avait pas bougé, tout son corps lui faisait mal, c'était comme si elle était restée des années au lit pour se réveiller que maintenant, dans un pays différent et étrange.

Qu'est-ce qui n’allait pas chez elle ? Ses idées n'avaient pas de sens, et pourtant, c’était elle qui les pensait. Eléonore ne savait pas si ce qui obscurcissait sa vision étaient les coups qui lui avaient été donnés à la tête ou les larmes de peur qui inondaient ses yeux. Elle se tourna vers l'endroit où elle crut entendre la voix de la femme et essaya de parler, mais fut incapable de dire quoi que ce soit.

-Je lui dirai que tu es réveillée.

Le ton joyeux de la femme lui sembla étrangement déplacé, Eléonore aperçut le tablier imprécis de la bonne lorsqu'elle ouvrit la porte de la chambre et l'a laissa seule. Elle tendit une main tremblante pour essayer de toucher le fantôme, mais elle avait disparu. Avait-elle imaginé la femme ?

Par tous les saints, où était-elle ? 

-Père, pourquoi as-tu fait cela ? Dalton ?

Elle se sentait nauséeuse et se couvrit de sa main pour ne pas vomir, elle était sûre de ne pas connaître la pièce, même si elle n'était pas capable de se concentrer suffisamment pour bien la voir. Le lit sentait le vieux et était poussiéreux, ce n'était pas un parfum qu'elle connaissait à cette saison de l'année, sa maison sentait les herbes fraîches. 

-À quelle période de l'année sommes-nous ? Où suis-je ?

Grâce à sa vision floue, elle détecta du feu dans ce qui devait être une cheminée, elle ne pouvait pas voir les détails, mais elle pouvait assez bien voir la lumière orange, les flammes étaient trop faibles pour chauffer adéquatement la pièce, la fourrure emmêlée du couvre-lit avait des trous, elle sentit un frisson et toucha ses membres pour s'assurer qu'ils étaient en place.

Elle grogna et grimaça en levant le bras, son épaule lui faisait mal comme si elle avait été arrachée par les racines puis, à sa grande horreur, elle découvrit qu'elle était nue sous la couette. Son cœur bondit hors de son corps, il palpitait comme s'il voulait s'échapper de la même manière qu'elle voulait échapper à sa douleur. 

Prête à faire quelque chose, elle essaya de trouver des vêtements, mais il n'y avait rien de plus que la couverture trouée, elle tira la couette sur sa poitrine pour couvrir sa nudité de la personne que la bonne était partie avertir, et elle ne bougea pas, elle regarda la porte avec impatience. Finalement, on frappa doucement.

Dalton ? S'il te plaît, ne sois pas Dalton.

Elle agrippa fermement la couette et frissonna de peur, serrant les poings en signe de protestation silencieuse contre tout ce qui pourrait arriver. La porte s'ouvrit en grinçant, et pendant quelques secondes, la lumière des torches dans le hall fut obscurcie par le mouvement d'une silhouette.

 -Madame ?

Eléonore hocha la tête, incapable de répondre à la voix aimable. Elle se sentait étrangement soulagée de constater qu'elle n'avait pas entendu la voix de Dalton, ni celle de son père, bien qu'elle n'ait pas reconnu la gentille voix, elle savait que c'était un homme âgé.

-Madame, pouvez-vous parler ? continua la voix, il avait le même accent étranger que la bonne.

-O...? Oui, répondit-elle enfin. Elle respira fort et fit de son mieux pour paraître calme, se forçant à parler plus fermement. 

-Êtes-vous le seigneur des lieux ?

-Non madame, David sembla troublé par la question. 

-Madame, pouvez-vous me voir ?

-Qui êtes-vous ? Elle plissa les yeux pour mieux voir l'homme, en vain. Que m’avez-vous fait ? Pourquoi me gardez-vous ici ? Où sont mes vêtements ?

-Je m'appelle David madame, et je suis le sénéchal de ce lieu. Ils ont rajusté vos vêtements, mais Evelyne a pensé qu'il valait mieux ne pas vous les mettre pour qu'elle puisse soigner vos blessures, je suis sûr qu'elle est allée les chercher.

  

Eléonore hocha la tête avec compréhension, alors qu'elle tirait plus fermement la couette, couvrant ses épaules avec afin que la peau tombe le long de son dos et la recouvre complètement.

-Si vous n'y voyez pas d'inconvénient madame, poursuivit David, j'ai quelques questions à vous poser. Peut-être alors, pourrais-je mieux répondre aux vôtres.

Eléonore acquiesça à nouveau, plus sérieusement, cette fois, que pouvait-elle faire d'autre ? Sa nudité la maintenait coincée dans ce lit, et même si elle avait le culot de fuir, elle ne voyait pas vers qui se tourner.

  

-Qui êtes-vous ? demanda-t-il. Que faisiez-vous dans les bois, seule, aux abords du château ? Par vos vêtements, il est évident que vous êtes une dame, avez-vous perdu vos compagnons de voyage ?

Les yeux d’Eléonore se remplirent de larmes, elle ressemblait à une petite fille enfermée dans une pièce sombre.

-Oui.

-Êtes-vous une dame de la noblesse ? 

Elle le sentit s'approcher pour l'inspecter.

-Oui. 

Eléonore concentra ses yeux vers l'avant avec l'intention de le convaincre qu'elle était une dame et qu'elle était au-dessus de lui.

-Qui êtes-vous ? Et où étiez-vous en train d'aller ?

-Je suis Lady Eléonore, et j'étais en route pour un couvent en East Anglia. 

Ses mains tremblaient quand elle parlait, elle se força à avaler la boule qui s'était formée dans sa gorge et s'efforça de briser sa voix. 

-Quel couvent ? demanda doucement David.

  

-Celui qui est au sud, mentit faiblement Eléonore. 

La vérité était qu'elle ne connaissait le nom d'aucun couvent en East Anglia. Bien sûr, avec le roi païen nouvellement converti, il y en avait sûrement un. Elle espérait juste que celui qui régnait sur le château parviendrait à l'y amener.

-Hmm. David réfléchit à ses réponses. 

-Alors, avez-vous déjà prononcé vos vœux ? Êtes-vous nonne ?

-Non, je dois y aller et les dire. 

Eléonore détourna son visage, elle ne pouvait pas mentir à propos de quelque chose comme ça, ce serait trop blasphématoire, c'était déjà assez grave ce qu'elle avait dit.

 -Je vois, l’interrompit David, maussade.

Eléonore pensa au ton joyeux de ses paroles, sa silhouette floue se détacha d'elle et revint à la seconde. Elle s'éloigna le plus possible de lui dans son lit inconfortable.

-S'il vous plaît, monsieur… Eléonore soupira et essaya de se détendre car elle ne croyait pas que le vieil homme était une menace. Dites-moi, où suis-je ?

-Vous ne savez pas ? David rit doucement, surpris. Vous êtes dans le château de Nottingham, nous vous avons trouvé agonisante aux portes du château, j'ai pensé que vous pourriez nous dire comment vous êtes arrivée ici et, plus important encore, pourquoi.

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