chapitre 12

- Monseigneur, nous ne l'avons pas trouvée. C'est comme si elle avait disparu.

Le chevalier essaya de tenir bon face à la fureur de son seigneur, mais il inclina
légèrement la tête en voyant sa colère monter.

-Nous la cherchons partout.

-Bien sûr, pas partout, parce qu'elle n'est pas encore apparue, imbécile, répondit-il durement. Regardez encore, faites plus attention !

- Nous n'arriverons à rien monseigneur. Il n'y a aucune trace de Dame Eléonore.
Nous traquons les bois au sud et les marais au nord. Il n'y a aucun signe
qu'elle soit passée par là. Aucun paysan ne l'a vue, et s'ils l'ont vue, ils ne l'ont pas dit.

Le monsieur posa doucement sa main sur la poignée qui menait à sa ceinture. Il se gratta ses cheveux blonds derrière son oreille avec une main gantée avant de suggérer d'un air penaud :

-Je pense que nous devrions attendre et voir s'il y a une demande de rançon.

- Vous croyez ça !

Le Comte de Dunbar se jeta
sur le soldat qui osait défier ses ordres.

Il croisa le visage avec
sa main avec une telle force que cela l'envoya sur le sol sale.

Puis, se retournant, il aperçut un chien allongé sur un tas de paille.

L'animal s'amusait à ronger un os. L'emmenant avec lui, le comte donna un coup de pied au chien dans le
ventre et renvoya l'animal errant en hurlant.

Pendant quelques secondes, le comte ne bougea pas, quand il a vu le chien s'enfuir, il n'a pas été soulagé.

Personne n'était venu aider l'homme car il était seul.

L'homme se leva, n'osant pas remonter vers le chargement. Il releva fièrement la tête et resta silencieux.

Vincent jeta un bref coup d'œil aux murs négligés de son château. La pierre découverte commençait à se fissurer.

À l'intérieur, le sol de la pièce principale était recouvert de paille, mais il était fait de crasse au lieu de pierre.

Le château tombait en ruine, il avait besoin d'argent, et vite !

Maintenant que sa fille était partie, les domestiques ne faisaient plus leur travail car ils n'avaient personne pour les commander.

La poussière était partout, les détritus
s'amoncelaient le long de la palissade et les toilettes dégageaient une odeur difficile à ignorer.

Le comte portait un pardessus en lin, très fin et de couleur crème avec des manches ajustées au poignet, sur lequel il portait un pardessus cramoisi en laine délicate avec des manches qui n'atteignaient que ses coudes.

Les poignets, richement décorés de broderies dorées, indiquaient que la cape était ancienne. Ses sous-vêtements marron étaient décolorés au niveau des genoux et du bas, un exploit qu'il essayait de cacher avec sa cape. Cependant, en marchant, les crevasses révélaient les pièces usées.

Soupirant à cette pensée, le comte passa une main sur son front avant de dire :

-Je ne veux plus entendre dire qu'ils ne peuvent rien faire ! Retrouvez ma
fille ! Elle n'aurait pas pu aller très loin sans aide.

-Si nécessaire, capturez
deux paysans pour voir s'ils souhaitent parler ou non. Et sinon... capturez leurs
enfants !

-Vous avez entendu les ordres de votre seigneur. Lord Dalton se tenait à côté de lord Dunbar. Trouvez ma fiancée !

Le comte se tourna vers Dalton. Il fronça les sourcils, serrant les poings et les dents.

Il n'aimait pas être interrompu, même s'il commençait à s'habituer aux intrusions de Dalton.

C'était un homme de grande taille, beaucoup plus grand que la plupart des gens, pas aussi grand que Vincent, plus large et plus petit. Mais sa taille ne le rendait pas plus large.

Il était plutôt maigre, ses joues enfoncées dans son visage le rendaient peu attrayant pour les femmes.

Sa défunte mère l'avait gâté
pendant que son père était en guerre, et il avait un caractère incroyable.

Mais ces deux hommes n'étaient pas seulement physiquement différents.

Vincent était un homme noble et un grand propriétaire foncier.

Il jouissait du respect du
reste des seigneurs pour être le chef intrépide qu'il était, même s'il avait
l'habitude d'envoyer ses hommes à la guerre et préférait assumer
l'aspect politique des guerres en tant qu'ambassadeur.

Le défunt roi Brandon White
de Wessex le considérait comme son fidèle ambassadeur, et le comte aimait penser que le successeur de White, le roi Cayden Marshall, le tenait dans la même estime.

Il lui avait fallu des années pour voyager vers des pays étrangers et rencontrer
leurs dignitaires.

Il était un membre honorable de Witan et avait souvent été élu comme représentant de ses décisions.

Mais il était pauvre.

Dalton était riche, immensément riche, mais il n'avait ni château, ni armée
à lui.

Il n'avait aucune terre dont il puisse
se vanter, sauver une petite maison en bois.

En raison de sa grande richesse
et de ses liens familiaux, il était considéré comme un noble, même s'il n'avait aucun titre officiel.

Il ne faisait pas partie des Witan et était connu parmi les messieurs qui combattaient comme des hommes prêts à tout pour obtenir ce qu'ils voulaient.

Et Dalton voulait le pouvoir.

Vincent n'avait pas d'héritiers mâles car malheureusement, sa femme avait donné naissance à douze petits garçons morts nés avant la naissance d'Éléonore et était morte depuis.

Le comte avait besoin de la fortune de Dalton pour que Glasscock de Aberdeen reste liée à sa famille et Dalton aspirait au pouvoir et au prestige qu'apporterait un mariage avec la fille unique du comte.
Il hériterait ainsi du titre et des terres.

- Aryan ! beugla inutilement le comte, levant le poing de désespoir.

Dès que les soldats furent partis, Vincent se tourna vers le fiancé de sa fille.

-Nous devons la retrouver, sinon il n'y aura pas d'alliance possible.

-Nous la retrouverons, ainsi que le coupable.

Dalton plissa les yeux pour regarder les hommes partir.

Lorsqu'il se tourna vers le comte, ses yeux étaient noirs.

- Eléonore ne serait jamais partie seule, répondit le comte en fronçant les sourcils. Elle sait quel est son devoir envers vous, elle ne s'enfuirait jamais.

Dalton ne parla pas, mais hocha lentement la tête.

- Des nouvelles d'Alma, votre servante ? demanda Vincent.

-Un des paysans a déclaré l'avoir vue passer avant qu'Eléonore ne disparaisse. La chose la plus sûre est qu'elle s'est enfuie avec un amant, répondit désespérément Dalton.

Il regarda distraitement au
loin, se protégeant les yeux avec sa main.

-Quelqu'un du village des marais, je suppose.

-Ceux qui sont dans le marais sont une bande de paysans pestilentiels, grogna le comte, écartant d'un geste de la main le sort de la servante disparue.
Cette Alma a toujours été bizarre.

Les lèvres de Dalton formèrent une grimace.

- J'irai moi-même avec vos hommes chercher ma dame, elle ne peut pas être allée très loin. Je ne peux pas rester ici et regarder votre inutilité une minute de plus.

-D'accord Dalton, grogna le comte avec irritation. Il donna un coup de pied à une pierre près de la porte. Car vous partez à la recherche de votre avenir. Sans mariage, pas de titre de noblesse.

Dalton fronça les sourcils.

- Dunbar, sans Eléonore, vous n'aurez pas d'autre choix que de me donner votre titre.

Eléonore se frotta le nez et remonta sa jupe jusqu'à sa taille, essayant en vain de se débarrasser de la suie noire.

On aurait dit qu'ils n'avaient pas nettoyé la cuisinière depuis longtemps.

La pierre était sale des restes des repas précédents.

 
La qualité de son manteau n’était pas bonne, mais elle était faite d’une laine très résistante.

C'était une robe de femme de chambre, et elle était moins glamour que les vêtements auxquels elle était habituée, mais vu les circonstances, elle s'en fichait.

Elle se contenterait de n'importe quoi pourvu que ce soit propre.

 
En soupirant, elle se souvint du nombre de robes et de voiles colorés qu'elle possédait
dans la maison de son père.

Le comte avait toujours veillé à ce qu'elle soit bien habillée, comme il convenait à son rang.

Il était si attentif que parfois Eléonore
ne pouvait s'empêcher de penser qu'il essayait de compenser son manque d'
affection par des cadeaux.

Son dernier cadeau avait été une précieuse cape de couleur crème en lin fin, c'était pour adoucir la nouvelle qu'il devait lui annoncer : ses fiançailles avec lord Dalton.

C'était censé être sa robe de mariée.

 
Ces jours étaient derrière elle maintenant, elle était moins qu'une servante : elle était une prisonnière.

 
Eléonore se reprocha d'être si banale et concentra toute son attention sur sa
tâche : nettoyer à la main le château de Nottingham.

Le vieux chaudron noir suspendu au-dessus du feu empestait la bouillie de poisson, la seule chose qu'ils lui avaient proposée à manger.

Elle sentit les yeux des femmes de cuisine sur son dos, alors, elle passa sa main le long du bord du chaudron, sachant qu'avant même d'avoir le temps de regarder, ses doigts seraient couverts de graisse.

 
Le feu de joie n'était rien d'autre qu'un exemple de la négligence et de l'abandon
du château de Nottingham.

Les toiles d'araignées de l'ancienne et de la nouvelle chambre d'Éléonore n'étaient qu'un début. À mesure que l'on avançait, la situation devenait de pire en pire.

Eléonore avait pensé avec beaucoup d'optimisme que sa première
chambre avait été si négligée parce que personne ne l'avait utilisée avant elle.

Mais son âme s'était effondrée lorsqu'elle avait vu le reste des couloirs et à quoi ressemblaient ses nouveaux quartiers.

À l'étage, les murs en bois étaient ébréchés et pleins de poussière.

Les tapisseries étaient en lambeaux, les paillasses sentaient l' humidité et le voile qui pendait aux baldaquins des lits était troué.

La pièce principale, au rez-de-chaussée, n'était guère mieux, même si à première vue, elle paraissait plus propre
que les dortoirs.

 
Mais c'était uniquement parce que des hommes vivaient ici.

Se retournant avec dédain, elle soupira et regarda froidement les serviteurs.

Eléonore les regarda un à un dans les yeux avant de parler :

- J'ai demandé à ce que ce chaudron soit nettoyé avant mon retour, cela fait plus de deux heures et ce n'est toujours pas fait.

Aucun des serviteurs ne répondit, et aucun ne bougea pour toucher le chaudron
en question.

La jeune femme essuya ses doigts sur son tablier pour écarter les cheveux de son visage du revers de la main.

Elle ramassa les boucles avec un morceau de cuir pour qu'elles ne tombent pas sur son visage pendant qu'elle aidait à nettoyer.

-Le duc m'a demandé d'agir en tant que maîtresse du château, souhaitez-vous répondre à sa fureur ? Eh bien, je ne serai pas la seule à souffrir si je n'approuve pas la façon dont les choses sont faites.

Eléonore aurait préféré ne pas avoir recours à des menaces, mais les domestiques  refusaient de l'écouter.

Il lui fallut toute la matinée pour lutter contre son poste vacant.

 
Au début, elle avait essayé de remplacer les roseaux de la pièce principale par de la paille neuve et propre, mais en vain.

Ensuite, elle avait essayé de faire retirer les toiles d'araignées des poutres au-dessus de la table à manger, mais elles avaient toujours refusé de le faire.

La même chose s'était produite lorsqu'elle avait tenté de faire enlever les décombres qui se trouvaient à côté de la palissade.

Lorsqu’elle avait demandé à voir le
maçon local, on s’était moqué d’elle.

-Je ne sais pas combien de temps votre seigneur sera absent, mais je sais que puisque vous ne voyez pas clairement les améliorations autour de vous...

Eléonore regarda ses mains, les tordant d'
horreur, laissant volontairement les serviteurs inquiets.

Cela sembla avoir son effet, car l'une des filles les plus grandes s'avança.

-Madame, dit-elle en faisant une petite révérence. Nous ne savons pas comment faire.

 
-Tu ne sais pas comment nettoyer un chaudron ? demanda Eléonore, incrédule.
Comment est-ce possible ? C'est très simple.

-Ce que je voulais dire madame, c'est qu'on ne nous a pas dit quelles sont nos tâches.
Qui videra le chaudron ? Qui doit remplacer la paille ?

La servante haussa doucement les épaules et baissa les yeux sur ses pieds sales, frappant un caillou avec.

-Le roi Brian nous a tous envoyé travailler ici. Nos terres ont été ravagées par les guerres, nous n’avions donc pas non
plus de foyer où retourner. Les Vikings ont incendié nos fermes et le roi nous a donné la possibilité de travailler comme serviteurs pour mon seigneur pendant qu'il était son prisonnier.

 
-Comment t'appelles-tu ? demanda Eléonore.

 
Pas étonnant que le château s'effondre ! Le seigneur ne s'en souciait pas.

 
-Naja.

La servante leva brièvement la tête et regarda ses pieds.

Elle prit le bord de son tablier dans sa main et tira sur une ficelle qui pendait.

 
-Est-ce que quelqu'un sait comment nettoyer la paille ? demanda Eléonore au groupe.

L'une des servantes leva un bras tremblant, regardant autour d'elle pour voir si elle était la seule.

-Parfait, prends donc en charge la tâche.
Faites un feu près de la clôture et choisis six autres personnes pour t'aider. Les autres nettoieront les toiles d'araignées des chevrons.
Nous commencerons par nettoyer la
pièce principale et la cuisine, avant de passer au plan du dernier étage. Je veux que cette demeure brille avant le retour de votre seigneurie, je suppose que nous voulons tous le satisfaire.

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