❦8- Confrontation ❦

Chapitre 8:
Les blessures du passé me hantent, mais je ne laisserai jamais l'ombre de mes doutes ternir la lumière que tu représentes pour moi.

𝐌𝐀𝐑𝐈𝐍𝐄𝐓𝐓𝐄

Mes paupières frémirent doucement, hésitantes au réveil redouté, effrayées aussi à son affrontement ascendant.

Ma première douleur apparut au niveau de mes lèvres asséchées. Mes doigts caressèrent la surface rugueuse pour deviner l'origine de cette nouvelle souffrance avant de comprendre qu'il s'agissait d'une ouverture causée par ma négligence.

Ce désagrément, en réalité qu'un malheureux détail, rappela hors de la terre mes luttes nocturnes et silencieuses de la veille. J'eus une abominable boule au ventre, de celles qui dégageaient d'un revers la joie avec l'instar de saisir l'opportunité de pourrir la journée.

Un voile blanc frappa mes yeux lorsque je quittai l'obscurité pour retrouver madame réalité, vêtue pour aujourd'hui de son épais vêtement noir et gris.

Enfin redressée, droite comme un piquet sur le canapé, un pieu serviteur de mes délires noctambules, le goût métallique et salé du sang parsema ma langue.

À peine venais-je de reprendre vie qu'elle m'en faisait déjà amèrement payer le prix.

Sur la table, une tasse de café m'attendait, sa chaleur réconfortante emplissant la pièce d'une douceur inattendue. À côté, un petit mot d'Alya attira mon attention, ses mots me frôlèrent le cœur avec la délicatesse d'une caresse :

"Ton café préféré, trois sucres et une touche de lait. Fais comme chez toi, ma chérie. On s'appelle ce soir. — Alya."

Mes lèvres s'étirèrent malgré ma blessure, attendrie et réchauffée par l'attention anodine mais sincère de ma meilleure amie partis depuis quelques temps. Tout à coup, l'espace d'une mince seconde j'ai envisagé un autre sort de cette journée, des couleurs plus clairs sans dépasser les limites au blanc, quelques teintes seulement. Du beige, du marron, peut-être du rose pale ?

Je portai la tasse à mes lèvres, laissant la chaleur du café envahir mon corps, réchauffant ces coins de mon âme que je croyais gelés à jamais.

Plus tard, je m'enfuyais trouver refuge sous l'eau chaude d'une agréable douche, ni trop longue ni trop courte, à temps suffisant pour détendre tous mes muscles ou une partie et débarrassé les mauvais souvenirs de la nuit dernière.

L'eau possédait ce don magique de ruisseler sur mon corps avec une grande et élégante légèreté sans vriller dans une frénésie indolore.

Chaque moment passé, plongée au cœur de l'hydrogène me ramenait à ressentir à nouveau le vide, la paix, et un semblant de liberté cruciale à ma survie. Les gens négligeaient trop souvent ce moment de détente, inteprétant ce rituel telle une vulgaire obligation, vide d'émotion.

Pourtant, cela n'était pas toujours trop vide de sens.

La porte en verre peinte de buée glissa lorsque je me hissais hors de la douche, une serviette propre, douce et blanche emballée autour du corps. Mes maux d'esprits restèrent indemnes, ou presque. Ils furent seuls à résister au bonheur et à ce passage salvateur, néanmoins.

Je frôlais la frénésie pendant ma préparation tant reprendre conscience, parfois, pouvait sincèrement être une étape de la journée détestable. Mes responsabilités s'effondraient sur mes épaules maitresses d'un dos maigre, étroit et globalement inaptes à supporter un poids pareil.

La vaisselle se finissait rapidement, composée de deux verres, trois assiettes et de deux fourchettes uniquement. Lorsque l'appartement fut d'un état impeccable il ne me resta plus qu'à emporter mes affaires et partir. Une mission assez facile, me diriez-vous.

Et effectivement, ce fut le cas.

Au moment de refermer la porte, me baisser pour planquer la deuxième clef sous le paillasson noir, une enclume de la taille du soleil avait alourdis mon estomac faisant traverser un long frisson le long de mon corps.

Ce sentiment d'inquiétude, inexplicable, me suivit jusqu'au retour chez moi et disparut quand le parfum familier de mon appartement me sauta au nez, faisant jaillir du réconfort et de l'accalmie.

À la maison, je récupérai rapidement mon dossier pour mon rendez-vous. Ce rendez-vous à Plag Agence était essentiel à la bonne continuité de mon dossier universitaire ainsi qu'au tournant que prendrait, ou pas, je l'espérais, mon avenir professionnel.

Il était interdiction d'arriver en retard. L'horloge affichait onze heures, heure de vérité.

Mon cœur s'accéléra.

Le froid de l'extérieur me saisit dès les premiers pas, et face à l'immensité des rues désertes, l'idée de marcher jusqu'à là-bas me sembla insurmontable. Je cédai, commandai un taxi pour éviter d'affronter à la fois mes pensées et le monde.

À l'intérieur du taxi, je serrai les papiers contre moi, cherchant à contenir le flot d'émotions qui me submergeait. Tout semblait s'échapper. Le stress montait lentement, comme une marée implacable.

J'enfilai mes écouteurs pour trouver un peu de répit, et une douce mélodie résonna, mais à peine réussissait-elle à apaiser mon esprit.

Inspire. Expire.

L'air me manquait. Mon cœur battait trop vite, chaque respiration semblait plus difficile que la précédente. Je jetai un coup d'œil rapide à mon portable. Dix heures trente. Un coup de poignard traversa mon esprit.

Je devais être là pour onze heures, mais il fallait y arriver un peu avant. Juste cinq minutes, cinq petites minutes.

Mais maintenant, à cet instant précis, une pensée glaçante s'imposa. J'étais déjà en retard. Le monde autour de moi s'accélérait, alors que moi, je restais immobile, figée dans un stress qui refusait de me lâcher.

Quand j'arrivai, je bondis hors de la voiture, lâchant un remerciement poli au chauffeur. La porte claqua derrière moi, et l'impact résonna à travers mon corps, me faisant frémir des pieds à la tête.

Devant moi, le bâtiment se dressait, immense, surplombant non seulement ma silhouette, mais aussi mon cœur, mon esprit, mon âme. Ses parois de verre scintillantes semblaient s'étendre sur des kilomètres, bien plus intimidantes en réalité que sur les photos.

En approchant de l'entrée, je tentai de calmer mon esprit, de rationaliser mes pensées.

Pourquoi étais-je ici ?

Mes études exigeaient une alternance, et cet endroit représentait l'opportunité rêvée. C'était le poste que je convoitais depuis des années, le seul, le meilleur, et le plus ambitieux.

Chaque note obtenue à l'université, chaque sacrifice, chaque nuit sans sommeil, tout pointait vers ce moment.

Mes résultats frôlaient l'excellence, et mes cernes sous les yeux en étaient les témoins indiscutables.

Je pénétrai dans l'immeuble, et mes yeux furent aussitôt attirés par les posters accrochés aux murs. Le visage que j'avais tenté d'éviter pendant des années m'apparut soudainement : souriant, hypocrite, charismatique, attirant.

Il me frappa en pleine conscience, accompagné d'une femme aux cheveux noirs, au regard étiré et à la silhouette athlétique. Elle était splendide, elle aussi.

Ensemble, ils formaient un couple parfait, presque irréel.

Mes sourcils se froncèrent instinctivement. Selon mes recherches, bien que cette agence soit l'une des meilleures de Paris, elle n'était censée avoir aucun lien avec l'entreprise Agreste. Du moins, elle était supposée être complètement indépendante.

Avais-je fait une erreur ?

Non, impossible.

Mes pieds me menèrent, presque mécaniquement, jusqu'à l'accueil. La réceptionniste me scruta un instant, avant de m'adresser un sourire poli, mais glacial, comme si elle avait vu défiler mille personnes avant moi sans qu'aucune ne laisse d'empreinte.

Bonjour, que puis-je faire pour vous ? demanda-t-elle d'un ton courtois, mais distant, son regard aussi tranchant que son apparence impeccable.

Déstabilisée, je posai mon dossier sur le comptoir, maladroite, mes mains tremblant légèrement.

Bonjour... J-Je m'appelle Marinette Dupain-Cheng. Je suis ici pour un entretien, balbutiai-je, la voix étranglée par la nervosité.

La femme blonde, coiffée d'un chignon strict, ses lunettes parfaitement ajustées, avec un maquillage soigné mais saisissant, feuilleta rapidement mes documents, son regard bleu polaire impénétrable.

Puis, sans un mot de plus, elle me tendit les instructions dont j'avais besoin, comme si tout cela n'était qu'une formalité de plus dans sa journée déjà bien remplie.

Merci... soupirai-je, un sourire doux mais légèrement forcé sur les lèvres.

Bonne journée, répondit-elle, déjà absorbée par l'écran de son ordinateur, son visage détourné de moi, comme si ma présence n'était qu'une brève interruption dans son flux de travail.

Je hochai la tête en me détournant, une vague d'embarras m'envahissant. Cette femme n'était pas particulièrement aimable, ni chaleureuse, mais je n'en attendais pas plus.

Après tout, son travail ne nécessitait pas de déborder de courtoisie. Elle remplissait ses tâches avec une efficacité froide, impersonnelle.

En y réfléchissant, rares étaient ceux qui, dans ce genre d'environnement, alliaient perfection et gentillesse. Tant que le travail était fait, le reste importait peu.

J'appuyai sur le bouton de l'ascenseur, et les portes métalliques s'ouvrirent immédiatement. Sans réfléchir, je m'engouffrai dans cette cabine grise et impersonnelle. Mon esprit ne pouvait se permettre aucune distraction. Cet entretien était crucial, et chaque fibre de mon être devait rester concentrée sur cet objectif. Rien d'autre n'avait d'importance.

Neuvième étage, annonça la voix froide et mécanique de l'ascenseur alors que les portes s'ouvraient.

Je suivis les instructions de la secrétaire à la lettre, mes pas résonnant sur le sol lisse jusqu'à ce que je me retrouve devant la porte marquée d'un simple numéro neuf, là où le rendez-vous devait se tenir. Mon cœur battait la chamade alors que je jetai un coup d'œil rapide à mon téléphone : onze heures pile.

Un miracle. J'étais à l'heure.

Je frappai à la porte, mon cœur battant à tout rompre, et attendis, la gorge nouée. L'autorisation d'entrer retentit de l'autre côté, froide et distante. Mes mains moites glissèrent légèrement sur la poignée alors que j'ouvrais la porte avec précaution.

Bonjour, saluai-je d'une voix que j'espérais stable, refermant la porte derrière moi avec soin, comme si ce geste pouvait me protéger.

Je fis face à l'intérieur de la pièce, mon sourire forcé gravé sur mon visage, et mes yeux tombèrent immédiatement sur une silhouette familière, figée de dos. Des cheveux blancs, impeccablement coiffés. Mon souffle se bloqua dans ma gorge, une vague de froid me parcourut alors qu'il se retournait lentement vers moi.

Quand nos regards se croisèrent, le monde sembla vaciller. Son visage, lisse et imperturbable, ses yeux gris perçants. Ce sourire, si poli, mais terriblement glacé.

Le diable incarné.

Bonjour, Marinette, cela fait longtemps, prononça-t-il, sa voix d'une familiarité effrayante, caressant chaque syllabe avec une douceur qui me donna des frissons.

Mes lèvres tremblèrent, mais seuls des murmures en sortirent.

M-Monsieur Agreste... bredouillai-je, l'horreur s'infiltrant lentement dans mes pensées, mes yeux s'agrandissant à mesure que la réalité s'imposait.

Impossible. Il ne pouvait pas être là. Pas ici, pas maintenant.

C'est un plaisir de te revoir. Comme tu as grandi... tu es devenue une véritable femme, désormais, ajouta-t-il d'une voix si calme, si apaisante qu'elle en devenait insidieuse, perçant jusqu'à mon âme.

Trop douce. Bien trop douce.

Excusez-moi, mais sommes-nous bien censés avoir rendez-vous ensemble ? Il me semble que l'homme que je devais rencontrer se nomme Elferq... commençai-je, cherchant nerveusement dans ma pochette pour confirmer l'identité de mon interlocuteur initial.

En effet, répondit Gabriel Agreste, imperturbable. J'ai personnellement insisté pour que cet entretien avec toi ait lieu.

Oh... ! m'échappai-je, ma bouche restant entrouverte sous l'effet du choc.

Je cessai de fouiller, paralysée.

Assieds-toi, je te prie, dit-il en désignant calmement le siège devant son bureau.

Je l'observai s'asseoir à son fauteuil et posé ses mains liées sous son menton, coudes posés sur le bureau, en me fixant avec un regard de prédateur.

Tétanisée, je m'approchai, mes pas lourds et maladroits, comme si le sol sous mes pieds s'effondrait peu à peu.

Je... je ne savais pas que vous vous occupiez du recrutement des alternants de Plag, balbutiai-je, tentant de maintenir un ton fort et assuré.

Mais mes paroles sonnaient faux. En arrière-plan, mes tremblements trahissaient le chaos intérieur qui s'agitait en moi. Mon cœur battait si fort qu'il semblait vouloir s'échapper de ma poitrine. Des points lumineux dansaient devant mes yeux, mais je m'asseyais.

Pourquoi était-il ici ?

Comment allais-je sortir indemne de cette rencontre ?

La réputation glaciale de Gabriel Agreste le précédait, telle une ombre menaçante. Depuis des années, il était connu pour sa capacité à soumettre ses interlocuteurs, son esprit acéré plongeant ceux qui osaient croiser son regard dans une profonde introspection. Chaque seconde à ses côtés semblait réduire mes chances d'en sortir indemne.

Je n'avais aucune chance. Et toutes les raisons de craindre cet entretien.

Plag est une acquisition récente d'Agreste Entreprise, avoua-t-il, sans une once de fierté dans la voix.

Si ce n'est pas indiscret, puis-je savoir quand cela s'est produit ? demandai-je, la gorge nouée et le ventre en proie à un profond malaise.

Un sourire s'étira sur ses lèvres, mais ses yeux ne me lâchaient pas, scrutant chaque réaction. Il se redressa, s'adossant au dossier de son siège, les bras posés nonchalamment sur les accoudoirs, et répondit :

J'ai signé le contrat hier soir.

Gabriel Agreste semblait savourer avec une délectation troublante le spectacle de ma décomposition.

Hier ? Hier soir ?

L'information me frappa avec la force d'un coup de poing. J'étais à deux doigts de me laisser tomber par la fenêtre, l'idée même de cette coïncidence me flanquait une énorme claque dans la figure.

Au bord du malaise, il finit par adoucir son ton, comme pour apaiser l'angoisse palpable qui flottait dans l'air.

Marinette... Nous connaissons tous les deux ton passé avec mon fils, et je ne vais pas le nier : je suis ici pour te parler de cela. Mon fils a toujours été ma priorité, mais ces derniers temps, il est devenu incontrôlable. Cela ne me plaît pas de le dire, mais je réalise que les sentiments qu'il éprouvait pour toi étaient très forts. Dès son arrivée à New York, il n'a plus jamais été le même. Gabriel expliqua cela avec une sincérité brute, sans prendre de gants.

D'après mes souvenirs son père jugeait la relation inappropriée et vulgaire. Un prince amoureux d'une paysanne ? Il n'avait pas utilisé ces termes précis mais son sens restait identique. L'argent accumulé sous la forme de plusieurs milliard d'euros le conduisant face à un contraste saisissant.

Encaisser tout cela sans m'effondrer en larmes, peut-être grâce au temps et à la distance qui adoucirent la douleur, fut une chose plus aisée.

Sans vouloir vous importuner, monsieur Agreste, c'est fini depuis des années. répliquai-je, tentant de garder un ton posé. Cette histoire est derrière nous, désormais.

Gabriel sembla réfléchir un instant, puis se redressa et lia ses mains devant lui, les coudes toujours posés sur les accoudoirs.

Laisse-moi te raconter une petite histoire, commença-t-il. Avec la mère d'Adrien, j'ai connu un amour si fort qu'il a perduré malgré sa soudaine disparition. Même après sa mort, je pensais encore à elle, je l'aimais encore, et je l'aimerai toujours. En observant mon fils, j'ai remarqué sa façon de regarder vos photos sur son téléphone tard dans la nuit. J'ai compris avec quelle intensité il tenait à toi. Sa manière de te regarder, de ne pas t'oublier, et d'agir même après votre séparation, m'a rappelé mon propre comportement après la perte de mon épouse. Il ne pouvait pas supporter sa propre présence, et encore moins celle des autres. Si j'ai perdu mon fils, c'est parce qu'il me tenait responsable de t'avoir perdue.

Aux dernières nouvelles, il semble s'être reconstruit et a une petite amie, tentai-je d'affirmer pour le dissuader d'explorer ce chemin insidieux.

Cette histoire n'est pas derrière vous, peut-être l'est-elle pour toi, mais au son de ta voix, j'en déduis que ce n'est pas le cas. Mon fils est célibataire, Marinette. Son sourire se teinta d'un amusement palpable face à ma tentative de démentir ce qu'il savait. Les journalistes déforment la réalité pour la rendre plus séduisante au regard du public. Je sais que ton esprit est plus vif que cela, Marinette.

Son sourire narquois véhiculait tant de sous-entendus que je peinais à saisir le sens réel de ses mots sans risquer de me méprendre.

La façon dont il articulait lentement les syllabes de mon prénom me provoqua un frisson.

Piégée dans une discussion qui s'éloignait de celle à laquelle je m'étais préparée avec tant de détermination, j'évitais de céder à la colère ou à la vexation.

Je suis venue ici pour le travail, Monsieur Agreste, intervins-je d'un ton légèrement glacial.

Absolument ! Alors je vais te faire ma proposition sans tarder ! s'exclama Gabriel avec un sourire éclatant.

Une proposition ? demandai-je, interloquée.

Ne m'en tiens pas rigueur, mais j'ai mené quelques recherches. Cette alternance est une chance inespérée pour toi, n'est-ce pas ? Tes notes, bien qu'excellentes, ne te permettront pas d'intégrer Plag. Sa voix, si calme, brisa mon cœur en plein centre à l'entente de cette vérité si cruelle. Mais !

Il leva un doigt, comme pour m'empêcher de sombrer dans le désespoir.

Je peux faire une exception.

Mes yeux s'écarquillèrent, prête à lui sauter au cou pour le remercier, mais l'ascenseur émotionnel dans lequel je me trouvais me figeait sur mon siège, me privant de tout mouvement.

En revanche, j'aurai besoin que tu me rendes un service, annonça-t-il, et je réfrénai mes remerciements impatients.

Comment ?

Mon fils et moi sommes en désaccord, mais il possède des documents que j'ai besoin de récupérer. Je te charge de te les procurer.

Je restai figée, les yeux écarquillés.

Pourquoi moi ? Nous ne nous sommes pas vus depuis des années, et je doute qu'il accepte de me les donner si je lui demande, m'empressai-je de rétorquer, l'angoisse me saisissant à la gorge.

En effet. Cependant, tu es celle qui a le plus de chances d'y parvenir. Même la femme avec qui il vit ne pourra jamais le faire. Le marché est simple : procure-toi les documents et je te garantis ton alternance. Sinon, d'autres agences seront certainement prêtes à accepter ton dossier.

Un sourire étira lentement ses lèvres, accompagné d'un regard noir et machiavélique qui me glaça le sang.

Gabriel posa sa main au centre de la table, un geste à la fois simple et lourd de sens, une promesse troublante enveloppée dans l'air épais de la pièce. Mes yeux se fixèrent sur cette main, comme si elle pouvait déclencher un séisme dans les fondations de mon être. Une anxiété sourde m'enserrait l'estomac, une douleur pressante, presque physique, me faisant vaciller.

Mon cœur, meurtri et réticent, refusait de trahir Adrien une seconde fois.

Pourtant, ma raison, accrochée désespérément à mon ambition, percevait cette main comme une ouverture, une chance unique dans un océan d'incertitudes.

Je me débattais entre mes désirs dévorants et mes valeurs chancelantes, chaque seconde m'amenant à un tournant, un choix qui pourrait tout bouleverser. L'étau du temps se resserrait autour de mon cou, et je sentais la pression devenir insupportable, comme une corde prête à rompre.

Pouvons-nous conclure le marché ? demanda-t-il, sa voix résonnant dans la pièce, comme un écho d'un destin inéluctable. Je plongeai mon regard dans le sien, cherchant désespérément une lueur de certitude. Ou pas ? ajouta-t-il, perceptible et impérieux, sa voix caressant ma confusion, révélant l'hésitation qui me dévorait, une tempête prête à éclater sous la surface.

Gabriel Agreste était un homme sournois, un manipulateur habile prêt à trahir son propre fils pour assouvir ses ambitions. Il n'avait aucune limite, et cette absence de scrupules le rendait redoutable. Je commençais à comprendre l'ampleur de la réputation qui le précédait, une ombre pesante dans son sillage.

Échanger notre désir le plus ardent contre notre âme.

Et vous, monsieur Agreste, êtes-vous conscient de la trahison que vous infligez à votre fils avec ce marché ?

Il s'immobilisa, le regard surpris, et je me redressai dans mon siège, la détermination remplaçant mon incertitude. J'attrapai la peur qui m'avait paralysée depuis le début de notre échange et, sans fléchir, je poursuivis :

Il est vrai que j'ai besoin de ce poste pour avancer dans ma carrière, mais quel genre de personne deviendrai-je si j'acceptais ? Quel exemple puis-je donner si, avant même de commencer, je renie tout ce pour quoi mes parents m'ont élevé ?

D'un coup, je me levai et plaquai brutalement mon dossier sur son bureau, le forçant à retirer sa main comme si ma détermination l'avait repoussé.

Ma réussite doit être méritée, pas volée. Que je sois éligible ou non, je veux que cela soit le fruit de mon travail, rien de moins. Tant pis si vous ne m'engagez pas, dis-je, les mots heurtant l'air avec la force d'un glas, alors que tous mes rêves semblaient se fissurer autour de moi.

Pourtant, ma voix ne tremblait plus. L'angoisse ne parvenait plus à empoisonner mon corps ; seul mon esprit, droit et assuré, affrontait ce diable en costume.

Je trouverai ailleurs une opportunité qui me correspondra mieux, car il semble que je possède les qualifications requises pour cette entreprise. Je vous prie de m'excuser, mais j'ai des tâches à accomplir et peu de temps à perdre ici. Je vous souhaite bonne chance pour la suite, car il semble que... vous en aillez plus besoin que moi.

Rapidement, l'homme retrouva contenance.

Es-tu vraiment sûr de toi ? demanda-t-il d'un ton étrangement calme.

Je l'observai, tiraillée entre l'envie de le remettre à sa place et celle de le laisser s'enfoncer un peu plus dans ses certitudes. Peu importait ce que je ferais, il ne se remettrait jamais en question à cet instant. Quant à moi, je ne voyais plus l'intérêt d'insister là où je savais que mes mots seraient ignorés, perdus dans le vide de son arrogance.

Un jour, vous vous êtes retrouvé à ma place, n'est-ce pas ? Quelqu'un vous a offert le choix, et vous n'avez pas hésité, car vous avez jugé qu'il y avait plus à gagner qu'à perdre. Mais ce n'est pas mon cas, monsieur Agreste. À vous entendre, je n'ai rien à gagner et tout à perdre. Parfois, je crois que le succès peut être si aveuglant qu'il devient un poison.

Je marquai une pause, scrutant son visage, puis continuai d'une voix ferme :

Je vous informe que la personne que vous recherchez ne sera jamais moi. Vous vous êtes déjà pourvu.

Il s'adossa à son siège, un soupir lourd échappant de ses lèvres, ses yeux se baissant avec lassitude. Retirant ses lunettes, il se massa le nez, comme si ce simple geste pouvait soulager le poids de la situation.

Marinette... Marinette... Marinette... répétait-il, l'effroi dans la voix. Tu fais une grave erreur.

Pourtant, elle ne m'a jamais semblé aussi honnête et juste que maintenant.

Nos regards s'accrochèrent dans un silence chargé d'intensité, avant que je ne détourne le mien et ne quitte le bureau sans un regard en arrière, refermant soigneusement la porte derrière moi.

Sur le chemin du retour, l'amertume me hantait, mais je ne remis pas en question ma décision. Le trajet se déroula entre doutes et résilience, une lutte intérieure incessante.

Pour devenir la personne que je désirais tant être, il me faudrait apprendre à me battre et à persévérer, malgré les obstacles. Ce n'était pas comme si je n'étais pas préparée à encaisser des refus.

Cependant, malgré ma méconnaissance des conflits qui déchiraient Adrien et son père, une peine inattendue m'envahit pour lui.

Grandissant sans sa mère, il avait été pratiquement seul, livré à lui-même d'une manière désespérante. Pourtant, il rayonnait dans le monde, incarnant l'homme le plus convoité et charismatique de notre siècle, tout en portant le poids d'une enfance aux côtés de Gabriel Agreste.

Mes ressentiments, forgés par notre passé tumultueux, ne purent hélas me voiler la vérité : derrière ses défauts, je découvrais un courage indéniable et une force tranquille.

Certes, les maladresses d'Adrien pouvaient être sources de tracas, mais en y regardant de plus près, je réalisais que chaque difficulté était le reflet d'une vie marquée par des épreuves bien trop lourdes pour un jeune homme.








Bonsoir à tous, veuillez m'excusez pour l'attente, je suis débordée en ce moment.

Alors, votre avis sur ce chapitre ? 👀

Le chapitre 9 est prêt si vous voulez. Le choix est entre vos mains, dites-moi quand le postez.

À bientôt ! 💕

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