❦11- Altercations ❦


Chapitre 11 :
Parfois, le cœur dicte des désirs contraires à la raison... Dans la démesure, pourtant, on s'éprend passionnément.

𝐌𝐀𝐑𝐈𝐍𝐄𝐓𝐓𝐄

Son prénom, Adrien, et le son de sa voix en prononçant attentivement les syllabes du mien, Marinette, eurent raison ensemble des barrières érigées pour me protéger.

Mes doutes nageaient dans un bassin de sang. Une douleur vive s'insinuait en moi, me coupant le souffle à mesure que je m'enfonçais dans cette eau rouge et opaque, où respirer devenait une lutte désespérée.

Quel prix dois-je payer pour être digne d'être heureuse, à ses yeux ?

Une grosse larme jaillit dans mon œil droit. Son voisin me chatouilla en silence, secrètement. Pour ajouter un peu de difficulté car un chagrin sans douleur physique n'a visiblement aucune crédibilité, une boule épineuse apparut au centre de mon œsophage. Elle interrompit le flux entre l'oxygène et la voix.

Une toux sortit violemment de ma bouche.

La surface intérieure de ma gorge s'irritait au fil des rejets d'air aigus qui emmenaient de mon corps.

Il fallut quelques minutes pour que je reprenne mon souffle. Après une gorgée de grenadine, une larme fonçant en plan sagittal de ma joue, mon dos retrouva enfin la surface moelleuse du dossier du canapé.

Que dois-je faire ?

Partir ou rester ici ?

Mes yeux jetèrent un coup d'œil à l'horloge suspendue au-dessus de la télévision alors que le temps, sans ralentir, prolongeait son avancée malgré moi.

Il est tout à fait normal de douter, de se perdre, de pleurer, de désespérer d'une situation ou d'une réalité, mais nous avons toujours le choix de laisser les choses en état ou de les changer.

À travers les films, les séries, et les livres, l'histoire se répétait. Les personnages s'en sortaient toujours malgré leurs blessures.

Cela me permit d'apprendre que partout, quand on prenait des risques, on ne pouvait s'échapper indemne.

Que le cœur soit vivant est une bonne chose, mais que son cœur batte encore peut représenter une simple nécessité biologique, mécanique et automatique, sans déluge ni délais.

C'est ainsi qu'on peut exister sans aucune volonté de vivre.


Mes pieds avançaient. L'esprit empli de questions abandonnées de réponses et l'air frais en guise de soutien moral me redonna assez de courage pour me porter jusqu'à la table où Kagami m'attendait, déjà installée avec un café fumant.

Ses yeux bruns fixaient la tasse, perdus dans un vide dans lequel je me réservais de rentrer.

Donc j'attendis quelques minutes avant de l'approcher, et rangeai mes appréhensions à l'intérieur d'une boîte scellée.

  Bonsoir, la saluai-je.

Elle leva aussitôt la tête et m'adressa un léger sourire. Je vis son corps quitter pressamment sa chaise, un réflexe que j'avais remarqué chez Adrien également.

  Bonsoir, je suis contente de te voir. Répondit-elle en me tendant sa main.

Mon cœur me souffla qu'il ressentît la peur, mais ma raison m'ordonna de lui rendre son geste.

  Je t'en prie, assieds-toi.

  Merci, murmurai-je timidement.

Face à elle, je m'aperçus que j'avais imaginé une autre personne que celle à qui je faisais désormais face. Kagami était douce, polie et très calme comparée à l'idée faite initialement.

Avant de venir, j'avais pris quelques minutes pour me renseigner à son sujet, mais internet ne révélait pas la réalité, bien que ce fût pourtant l'objectif.

Malgré son visage serré et fermé, elle apportait une grande écoute au confort de son interlocuteur.

Peut-être qu'elle fait cela parce qu'elle cherche à adoucir la violence de ses révélations ?

Par où commencer ? Elle se racla la gorge.

Pourquoi ? demandai-je, aussitôt un tantinet brutal.

Elle releva immédiatement ses yeux et me fixa, étonnée par mon geste.

Il a dû te dire beaucoup de choses hier soir, non ?

Il l'a fait, confirmai-je sans entrer dans les détails.

Elle acquiesça de la tête, silencieusement, puis prit sa tasse et l'apporta à ses lèvres. Je comprenais qu'elle cherchait le bon chemin pour commencer à m'expliquer les pseudo-vérités qu'elle se vantait de connaître.

Pour ma part, mon corps entier tremblotait, mais j'affichai une apparence calme et sûre de moi afin d'éviter la chute.

Avant de venir, je m'étais fait promettre que je ne pleurerais pas. Je savais au fond de moi qu'elle ne me mentirait pas.

Impossible à expliquer, mais Kagami n'était pas ici pour me faire perdre du temps.

Comme tu as pu le constater, il est devenu un homme.

Je ne répondis rien, attendant la suite. Alors, elle continua, toujours très calme.

Son père s'est volatilisé et il a perdu beaucoup de repères malgré ce qu'il montre, mais j'imagine bien que tu connaissais leur rapport.

En effet, Gabriel Agreste a toujours été un homme dénué de fibre paternelle d'après ce que m'avait raconté Adrien.

Pour donner suite à la disparition de sa femme, il changea au point où on ne redevient jamais ce qu'on était.

L'amour l'a transformé, l'a surélevé et sans aucun doute détruit.

Pendant un temps, j'avais pensé à lui, essayé de le comprendre, me croyant naïvement dans un cas similaire. Faute de quoi, après réflexion, nos situations étaient radicalement différentes.

Sa femme était morte.

Et Adrien ne l'était pas.

J'ai déjà rencontré Gabriel Agreste, l'informai-je. Tout comme toi, ajoutai-je avec profondeur.

Serait-il judicieux que je lui avoue l'avoir revu lors de mon entretien pour Plagg's ?

Si même Adrien n'en savait rien, elle ne devait pas l'apprendre avant lui. Je me positionnai à sa place et il n'y a rien de plus douloureux.

Il veut le retrouver, c'est son père et il l'aime.

Encore une fois, aucune réponse de ma part.

S'il revient vers toi, c'est parce qu'il ressent beaucoup trop de nostalgie à votre égard. Il a besoin de repères et tu en es un, pour lui.

J'imagine que tu connais la situation, il a dû t'en parler. Alors ma question est la suivante, pourquoi m'as-tu fait venir ici pour me parler ?

Marinette, je comprends ta méfiance, mais je ne suis pas ton ennemi. Je m'inquiète pour lui, et je l'aime aussi autant que toi, nous avons grandi ensemble, fit-elle, et elle me regarda avec des yeux brillants.

Est-elle... amoureuse de lui, elle aussi ?

Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie, mais si tu le laisses ne serait-ce qu'entrevoir une chance, il s'empressera de la saisir. Pas parce qu'il en a besoin, mais parce qu'il le veut, assura-t-elle, comme si elle essayait de me persuader subtilement d'une terrible chose.

Il est adulte, il sait faire ses propres choix, il n'a pas besoin d'une mère de substitution.

Je détestais les gens qui feignaient l'empathie, mais qui ne l'utilisaient que par à-coup, un prétexte et une excuse pour mener à bien leur jeu de manipulation et leur confort personnel.

Sa mère est sa mère, mais je suis comme une grande sœur pour lui, et je ferai tout pour que personne ne lui fasse de mal...

Je ressentis une émotion étrange en l'écoutant, une menace subtile et déguisée. De plus, elle aussi ne prononçait pas son prénom pour parler de lui.

Comme mes amis.

Quand soudain, les portes de l'entrée s'ouvrirent violemment et claquèrent à en briser les vitres en verre en mille morceaux.

Mon cœur loupa un battement quand je le vis, grand, imposant, essoufflé, son torse montait et descendait au fil de sa respiration. Quelques mèches de ses cheveux tombaient en travers de son visage aux joues cramoisies par l'effort.

Marinette ! Il s'exclama en me voyant. Écarte-toi de cette sorcière tout de suite !

Les gens se retournèrent en direction de son regard braqué sur moi, interloqués par le bruit et par la brutalité assommante voire traumatisante de la situation.

Ad-Adrien, qu'est-ce que tu fais là ?! bafouillai-je, les yeux éberlués.
Je n'imaginais pas le revoir aussi tôt, et encore moins ici.

Quant à toi, tu n'aurais jamais dû faire ça.

Cette fois-ci, ses mots ne m'étaient pas adressés.

Kagami termina sa tasse avant de se lever lentement de sa chaise, dont les pieds grincèrent sur le carrelage du sol. Un bruit strident qui retint mon attention.

Pourquoi il y a-t-il toujours des spectateurs au mauvais moment ?

Il y a un malentendu, Adrien, articula Kagami d'une voix mal assurée.

Je profitais qu'ils soient en plein échange pour chercher une sortie.

Je dois me barrer, et fissa !

C'est quoi ce bordel ! aboya le propriétaire, mais Adrien lui envoya un gros coup de poing dans la figure.

Les gens hoquetèrent de surprise et de peur, et tout à coup, ils prirent tous la fuite. Adrien se déplaça pour les laisser partir.

C'est maintenant ou jamais !

Aussitôt, je bondis de ma chaise et me faufilai dans la foule. Mon corps, cramponné de toutes ses forces à ma poitrine, refusait de lâcher l'adrénaline qui pourtant l'étouffait progressivement.

À seulement deux mètres de la sortie, le dos courbé pour me cacher, un passage se créa sur moi et Adrien, à son cœur, m'attrapa par le bras.

Lâche-moi ! m'écriai-je terrifiée.

On vient tout juste de commencer, princesse.

Il me fixa, le visage penché sur le mien, son souffle chatouilla le bout de mon nez. Ce moment suspendu une milli-seconde dans le temps me propulsa dans les années du passé, à une époque où rien n'avait commencé et où tout prospérait dans le bonheur et la paix.

Cette époque me manque tellement...

Le reste de la foule quitta les lieux et je me défaisais de l'emprise tenace du blondinet pour me presser vers l'homme qu'il venait de frapper injustement.

Vous allez bien ?

Ça va, Marinette, merci...

Laissez-moi vous aider à vous relever, insistai-je en prenant son bras.

Tout en soufflant de douleur, il s'assit sur un tabouret du bar. Sa joue commençait à devenir de plus en plus rouge. Un peu de sang coulait de sa lèvre supérieure, approfondissant mon malaise.

Je vais vous chercher de la glace, vous ne pouvez pas rester comme ça.

À l'arrière du bar, ma petite, souffla-t-il, une main sur sa joue.

Son âge ne lui permettait pas d'encaisser les coups aussi bien qu'une autre personne, ce qui nourrit ma colère envers Adrien. Il n'était pas obligé de lui faire cela. Pourquoi les hommes se battent toujours entre eux pour régler un conflit ?

Avec inquiétude, je me glissai derrière le bar et récupérai dans un des petits frigos sous-jacents du comptoir une pochette de glaçons.

Lorsque je lui tendis et qu'il l'appliqua sur son visage, son expression soupira de soulagement.

Le froid va atténuer le gonflement, lui expliquai-je, les lèvres pincées.

Ne t'inquiète pas, j'ai connu ça quand j'étais petit. Mon beau-père n'avait, cela étant, pas une aussi bonne poigne que ton petit copain.

Mon corps loupa un battement à l'entente de ce mot : petit copain. Cela faisait des années que je ne l'avais plus entendu, et encore moins pour décrire Adrien.

Soit on se retenait de prononcer son nom, soit on l'appelait par le terme qui le qualifiait le mieux : ex.

Malheureusement, quand j'ouvris la bouche pour lui démontrer le contraire, la voix grave du monstre qui l'avait blessé retentit dans mon dos.

Pourquoi tu es venu ? Pourquoi tu préfères faire confiance aux autres qu'à moi, putain !

Je me retournai aussitôt et découvris Adrien près de moi, plus près que je ne l'avais supposé.

Qu'est-ce que cela peut te faire, bon sang ? Regarde comment tu te comportes ! m'écriai-je en me décalant pour qu'il voit ce qu'il avait fait. C'est donc comme ça que tu es devenu, Adrien ? Violent et impulsif ? Quelqu'un qui ne sait pas se gérer et qui a besoin de s'en prendre aux autres ?

Si tu n'étais pas venue ici, rien de tout ça ne serait arrivé, m'accusa-t-il d'une voix grave et d'un regard noir.

Maintenant, tout est ma faute ?

Peu importe, soupira-t-il, exaspéré, en passant une main fiévreuse dans ses cheveux. Elle t'a raconté n'importe quoi.

Pourquoi tu ne lui dis pas que tu es juste sous médoc, Adrien ? intervint Kagami subitement.

J'écarquillai les yeux, l'ayant presque oubliée.

Tu es...

Putain mais ça n'a rien à voir ! hurla Adrien sur le point de s'arracher les cheveux.

Depuis combien de temps tu as arrêté de les prendre ? insista Kagami, et je remarquai sa cigarette qu'elle posa entre ses lèvres.

On s'en fout. Ça ne te regarde pas !

Adrien... commençai-je et je m'approchai de lui alors qu'il commençait à vraiment me faire peur.

Il ressemblait à un lion en cage, complètement fou. La crise qu'il était en train de vivre, de nerfs qu'il entamait, le consumait et me rappelait celles que j'avais moi-même connues.

Calme-toi, s'il te plaît, on peut discuter des choses calmement. Ce n'est pas grave, ok ?

Plongé dans un autre monde, il ne m'entendit pas. Sa main attrapa le premier verre qu'il croisa et l'envoya valser contre le mur violemment.

Je viens de reconstruire mon bar, tu ne vas pas commencer à le redétruire ! s'exclama Gile.

Ferme ta gueule, toi, putain.

Adrien l'attrapa par le col et je me jetai sur eux sans penser aux conséquences. Kagami se réserva l'envie d'intervenir, malgré ma position inférieure de forces flagrante.

S'il te plaît, Adrien !

La première ne t'a pas suffi, vieux con ? siffla Adrien, la mâchoire serrée.

Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la grimace, gamin, répondit le cinquantenaire.

Ça suffit tous les deux ! m'agaçai-je, et j'attrapai les mains d'Adrien pour le forcer à le lâcher.

Mes ongles se plantèrent dans sa chair pour le dissuader d'insister et je finis par en avoir raison grâce à la douleur. Quand il se recula, un soupir de soulagement résonna dans ma poitrine.

Cependant, je ne le connaissais vraiment plus. Et Adrien, qui s'était retourné, avait feint la retraite. Le blondinet se détourna et envoya un violent coup de poing dans le ventre de Gile.

Il s'écroula sur le sol, et dans la chute, j'entendis un bruit effroyable.

Des os vinrent craquer.

Les vieux singes ont déjà un pied dans la tombe, abruti, cracha Adrien avant de lui renvoyer un coup de pied dans les côtes.

Mes mains se plaquèrent brutalement contre ma bouche, tandis que mes yeux s'étaient ouverts et élargis avec le reflet de l'horreur imprimer sur les rétines.





Bonsoir à tous !
II est sûrement encore un peu tôt, mais je vous souhaite une bonne année, quelle soit faite de miracle et de bonnes choses.

À bientôt 💙🤍

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