Le Yin et le Yang

Juste un petit message pour vous proposer de poser toutes les questions qui vous viennent à l'esprit pour les personnages (toutes mes histoires confondues) ou pour moi pour une future FAQ ! Comme j'avais pu déjà faire par le passé ! Si vous en avez, mettez-les en commentaires ici ou envoyez-moi un MP ! Je ne mords pas, promis !
J'espère que l'idée vous plaira.

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04 Mars 2035.

Alors que j'éteins la télé puisque notre animé est terminé, Sun pose un bol de soupe sur la table basse devant moi et un autre à sa place. Il s'installe à côté de moi et nous fait signe que nous pouvons commencer de manger. Nous évitons de lui dire qu'Ezra a déjà goûté son velouté, trop affamé pour attendre plus longtemps. Chad et moi échangeons un regard amusé et complice. Je me penche un peu en avant tout en remerciant mon frère et m'empare de ma cuiller.

— Bon, on en était où ? nous interroge-t-il, enthousiaste.

— Dae allait tout nous raconter ! lui répond son petit-ami dans le même état que lui.

— Il n'y a rien à raconter ! m'exclamé-je en levant les yeux au ciel.

Ces deux-là sont de grands enfants et surtout leur curiosité est démesurée. Cela fait deux semaines que ma collaboration avec le tyran a débuté et même si je déteste toujours autant les séances de muscu, je ne peux pas nier le fait que ce qu'il me fait faire est pas mal du tout. Ça serait stupide de dire que je vois déjà les résultats mais j'ose espérer que je ne fais pas tout ça pour rien. Pour ce qui est de la chorégraphie et de la danse en elle-même, c'est une autre paire de manche...

— Rien ? intervient Chad.

Je le foudroie du regard pour lui intimer le silence mais je vois ses yeux pétillants de bonheur rien qu'à l'idée de balancer sa bombe aux garçons.

— Ils ont failli se taper dessus !

— Quoi ? réagit en chœur le couple.

J'avale ma cuillérée de soupe pour pouvoir me révolter correctement :

— Mais pas du tout ! Tu dis vraiment n'importe quoi !

— Bah dis-leur ! Comme ça, il n'y aura plus d'inexactitudes, me défie mon ami.

Je me mordille la lèvre, hésitant. Nous sommes dimanche soir, j'avais l'espoir de passer une bonne soirée avec des personnes que j'apprécie et d'enfin oublier le tyran avec qui j'ai l'impression de passer tout mon temps libre. Mais non, c'est trop demandé. Je sais que je ne peux pas y couper. Maintenant reste à savoir si je les fais encore un peu mariner ou si je me lance tout de suite. Mais plus vite je dis le peu qu'il y a à savoir, plus vite je serai débarrassé.

— Il n'y a rien à dire. Il me coache pour que je muscle le haut de mon corps. Je fais pas mal...

— On s'en fout de tes abdos, me coupe Ezra. On veut savoir pour le tyran !

Tel un seul homme, ils se tournent tous vers moi. Ils semblent réellement attendre quelque chose de moi mais je n'ai rien à leur donner.

— Je ne sais pas ce que vous espérez mais il n'y a pas grand-chose à dire. Notre chorée n'avance pas vraiment. Même si on a réussi à se mettre d'accord qu'il ferait du hip-hop et moi du contemporain, nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur les mouvements.

— Dis leur pour votre dispute ! me presse Chad.

Je pose ma cuiller sur la table et soupire.

— Laquelle ?

Moi aussi je m'impatiente mais eux se mettent à rire.

— Parce qu'il y en a tant que ça ? s'étonne Sun qui ressemble à un enfant devant son héros de dessin animé.

— Oh ! Mais il vous a rien dit ?

— Non, rien !

— Si on se voyait, ça serait peut-être plus facile pour vous parler, non ? rétorqué-je, commençant à être de mauvaise humeur.

— C'est vrai que ces derniers temps, c'est compliqué. Entre nos boulots et les cours qu'Ezra a repris...

Je jette un coup d'œil à Ezra qui a le nez baissé dans son bol comme si son velouté allait lui prédire l'avenir. Il est gêné alors qu'il ne devrait pas. Peu de jeunes de dix-huit ans, ayant été déscolarisés pendant presque un an, aurait le courage de reprendre des cours. Mais c'est vrai que depuis qu'il a décidé de prendre des cours de rattrapage dans une association, il a beaucoup moins de temps pour papoter avec moi.

— Bref, ce n'est pas un problème, lancé-je pour couper court à la culpabilité que je vois naître chez mon frère. Avec le tyran, on est...

Je ne trouve pas le mot qui convient pour nous qualifier. Ce n'est pas mon ennemi. Il a de bons côtés, surtout quand il s'agit de la danse ou de la muscu. Mais ce n'est clairement pas un ami. Je ne me verrais pas lui parler de ma famille ou alors l'inviter ici comme je le fais avec Chad. Ce dernier est comme chez lui dans cet appartement. La preuve, il passe tous ses dimanches soirs avec nous.

— Le feu et la glace. Le bien et le mal. Le yin et le yang. L'ange et le démon, énumère Chad, trop heureux.

— Et tu es qui dans tout ça ? me demande Sun, un sourcil relevé.

Je hausse les épaules. Cela dépend de la situation, de la conversation, de notre humeur.

— Disons juste que lui et moi, nous ne sommes pas faits pour nous entendre, résumé-je en reprenant mon dîner.

— C'est le moins que l'on puisse dire. Peu importe le sujet, ils se bouffent le nez. Dae parle trop. Le tyran ne parle pas assez. Il ordonne trop. Dae n'écoute pas assez. Le tyran est trop classique et Dae trop excentrique.

J'aimerais arrêter le monologue de mon ami mais malheureusement, tout ce qu'il dit est vrai. Nous devons être trop différents l'un de l'autre pour s'entendre.

— J'ai assisté à leur répétition aujourd'hui, c'était à mourir de rire de les entendre se lancer des piques. C'était comme assister à un match de tennis où les critiques remplaçaient la balle !

Là encore, il a raison. Il fait rire notre petite tablée sauf moi. Ça me fait suer que nous soyons comme ça parce que c'est une véritable perte de temps. Mais une fois face à lui, je ne peux pas m'empêcher de répondre à ses piques et parfois, de les lancer en premier. Nous devrions être sérieux et avancer sur notre chorégraphie mais au lieu de ça, nous finissons toujours à plier bagages trente minutes après le début de la séance.

— C'est bizarre, me souffle Sun alors que Chad donne quelques exemples de répliques à Ezra qui rigole à gorge déployée.

— Quoi ?

Il se penche vers moi pour que je sois le seul à l'entendre.

— Que tu lui répondes ! Tu as passé toute ton adolescence à rester de marbre face aux critiques et insultes. Tu ne te plaignais à personne. La seule personne qui avait le droit à ta répartie cinglante était... moi ! Alors je trouve ça bizarre que ce pauvre gars y ait le droit aussi...

Il se redresse et reprend son repas. Il attrape un petit pain dans la panière et change intelligemment de conversation en demandant à Chad si lui ça ne le tente pas de faire le concours. Je n'écoute la réponse de mon ami que d'une oreille, sachant déjà que même si ça lui plairait, il ne se sent pas prêt pour ce genre de choses. Je réfléchis à ce que mon frère vient de me balancer. Pourquoi je n'arrive pas à garder mon calme avec le tyran ? J'avais bien réussi en novembre après tout... Et là, la réponse apparait comme par enchantement.

Ça me plaît. J'aime lui tenir tête. Ça m'amuse. Je me sens plus fort, plus sûr de moi. En lui répondant, j'ai l'impression d'exister pour lui, pour quelqu'un d'autre que moi. Je secoue la tête. Non, je dois me tromper. Je me passe une main dans les cheveux et me remets à manger en éloignant tout ce qui concerne le tyran.

Le reste de la soirée se passe normalement. Après le dîner, nous regardons un film tous les quatre puis Chad rentre chez lui. Je me réfugie dans ma chambre, laissant le salon pour les amoureux. Je m'allonge sur mon lit, un bras derrière ma tête pour être mieux installé. Pour une raison qui me dépasse, je ne me sens pas dans un bon mood. Sûrement la fatigue ou alors cette discussion à propos du tyran qui a cassé mon moral.

Ma main libre se glisse dans la poche de mon pantalon et en sort mon portable. J'échange quelques messages avec Elliott. Il m'apprend que vu que mes parents ont engagé Hugo pour les six prochains mois, ils vont bientôt emménager dans l'appartement dont il m'avait parlé. Je suis heureux pour eux, une pointe de jalousie au fond de mon estomac. Je suis en train de lui écrire un message avec autant de smileys que mon portable me le permet quand je reçois un appel.

Ady.

J'hésite. Il ne m'a pas rappelé une seule fois depuis que nous avons décidé d'agir comme des amis. Pas mal de messages par ci, par là mais aucun appel. Alors je ne m'attendais pas à ce qu'il le refasse. Mais ce soir je ne suis pas vraiment d'humeur à faire la conversation avec lui et en même temps, je crois que j'ai besoin de l'entendre. Besoin qu'il me rassure. Alors je l'accepte et porte mon portable à mon oreille.

— Salut ! commence-t-il, timidement.

— Salut.

J'étends mes jambes et bouge mes pieds, un peu mal à l'aise.

— Je ne te dérange pas au moins ? s'inquiète-t-il.

— Non, je suis au lit, j'écrivais quelques textos.

— Oh... D'accord.

À son intonation, je ressens que quelque chose le tracasse. Est-ce le fait que je discute avec d'autres personnes que lui ? Peut-être mais si c'est ça, je ne désire pas aborder le sujet. Il n'a pas à être mal pour ça.

— Ça va ? m'interroge-t-il.

— Ouais...

Un petit silence suit mon mensonge. Je regrette déjà d'avoir décroché. Oui j'avais envie d'entendre sa voix mais je ne sais pas de quoi nous pouvons parler.

— Tu es sûr que ça va ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette !

Mes sourcils se haussent sous la surprise. J'ai dû à peine dire dix mots et il a déjà compris que j'avais le moral dans les chaussettes ce soir.

— Sûr, ça va, juste un peu fatigué de ma semaine. Et toi ?

— Ça peut aller. Pas mal de boulot à l'université donc j'ai l'impression d'avoir constamment la tête dans les bouquins...

J'ai la langue bien pendue pour lui affirmer que ce n'est qu'une impression en effet. Parce que, hier soir, quand il était à une fête, sa tête n'était pas dans ses révisions. Pas plus qu'en début de semaine où il est allé au restaurant avec des potes. Et je ne parle même pas de la sortie en bateau qu'il a faite le weekend dernier. En effet, il n'a le temps de ne rien faire d'autres que réviser... Je ronge mon frein, ça ne me regarde plus. Alors j'entre dans son jeu :

— Mon pauvre, je te comprends !

Étonnamment, j'arrive parfaitement à camoufler mon ton ironique. Satisfait de mon jeu d'acteur, je poursuis :

— Ça ne doit pas être facile tous les jours ! Tu arrives quand même à trouver du temps pour Mira ?

Mira est sa petite-sœur, enfin demi-sœur, née du remariage de leur père. Âgée de huit ans, elle est adorable et très intelligente. Quand j'étais avec Ady, je passais beaucoup de temps avec sa famille et avec Mira. Je l'avais initiée à la danse. Ses parents avaient été obligés de l'inscrire à des cours l'année dernière, juste avant qu'Ady et moi, nous nous séparions. Elle me manque parfois.

— Si je n'ai pas le temps, elle en trouve pour moi, déclare-t-il.

Je ne peux m'empêcher de sourire à cette phrase. Je n'ai aucun mal à l'imaginer quémander une histoire, ou une partie d'un jeu et ne pas lâcher tant qu'elle n'a pas obtenu ce qu'elle veut. Elle peut être têtue quand elle le souhaite. C'est un truc de famille, je pense.

— Et sinon... Tu as fait quoi de ta journée ?

Je grimace. Cette question ne me plaît pas, je ne veux pas reparler encore une fois du tyran. Mais il semblerait que je n'ai pas le choix.

— Je me suis entraîné avec...

Je ne peux pas l'appeler par son surnom mais son prénom m'échappe. Pendant quelques secondes, je le cherche mais j'ai un trou de mémoire.

— Avec ?

— Un gars de l'école, finis-je par dire simplement.

— Oh...

Je me mordille la lèvre tout en relevant les jambes jusqu'à ce qu'elles soient perpendiculaires au matelas. Je regarde mes orteils se tortiller tandis que le silence entre nous s'éternise un peu plus. Son Oh appelle à une suite, alors je lui laisse le temps de trouver ses mots ou son courage. Le deuxième peut prendre pas mal de temps...

— Le grand roux sur ta dernière photo d'Instagram ? se renseigne-t-il enfin.

Derrière sa question, la jalousie transparaît et venant d'Ady, c'est vraiment étonnant. Comme tout le monde, il a des défauts mais pas ça. Mais depuis que nous ne sommes plus ensemble et surtout que nous avons des centaines de kilomètres entre nous, ce trait de personnalité ressort de plus en plus chez lui.

— Non, ce n'est pas Chad.

— L'autre alors ? propose-t-il.

— Quel autre ?

Ma patience commence à s'effriter.

— Celui qui te parlait la dernière fois que je t'ai appelé ! Un urbain !

Il jette ce mot comme si c'était une insulte dans sa bouche. Je fronce les sourcils et très vite, le souvenir du tyran me rendant mon écharpe me revient à l'idée.

— Ouais, c'est lui.

— Je croyais que vous n'étiez pas dans la même classe ! Que ce n'était personne !

Je me redresse. En quelques phrases, il a réussi à m'énerver. Moi qui avais l'espoir que sa voix m'apaise, c'est loupé. Je m'assois en tailleur et dis sèchement :

— Je ne suis pas dans sa classe mais Blake et moi...

J'aurais presque envie de me lancer des fleurs d'avoir retrouvé son prénom à celui-ci dans le feu de l'action.

— Avons un gros projet depuis deux semaines.

— Un projet ?

— Ouais ! Il a eu confiance en moi, lui alors il m'a proposé qu'on se mette ensemble et je ne pouvais pas refuser. Alors, ouais, aujourd'hui, c'est quelqu'un pour moi. Quelqu'un avec qui je passe tout mon temps libre, si tu veux tout savoir. Même quand on ne répète pas !

J'exagère beaucoup les choses, embelli un peu la situation mais ça, mon ex n'a pas besoin de le savoir. C'est petit, mesquin et méchant de lui dire tout ça parce que je sais que cette dernière phrase va attiser sa jalousie. Le pire, c'est que je l'ai fait exprès. Je ne devrais pas agir ainsi, je ne suis plus un gamin mais ça me fait du bien. J'ai l'impression qu'ainsi, nous sommes quittes.

— Oh !

J'ai envie de lui hurler d'arrêter avec ses Oh mais à la place, je prends une forte inspiration pour me calmer. Tout en fermant les paupières, j'expire à fond jusqu'à avoir la sensation que mes poumons sont vides.

— Je... Ce n'est pas une bonne idée, commencé-je d'une petite voix. Ces appels.

Je baisse les yeux et de ma main libre, je me mets à jouer avec la couture de mon pantalon de pyjama.

— On doit passer à autre chose et ces appels nous en empêchent.

— Je croyais qu'on était amis, me rappelle-t-il.

— De vrais amis ne seraient pas jaloux comme nous le sommes ! affirmé-je, sûr de moi.

Il ne répond rien cette fois parce qu'il sait que j'ai raison. Lui comme moi transpirons par tous les pores de notre peau cette émotion qui nous envahit dès que l'autre parle de ses amis ou que l'on voit une simple photo anodine.

— Je suis désolé, Dae. Je ne voulais pas... Je... Laisse-moi une chance d'être...

Le mot a du mal à passer la barrière de ses lèvres puis finalement, il le murmure :

— Un vrai ami pour toi.

Mais ce mot me fait mal dans sa bouche. Il sonne mal. Il sonne faux.

— Ce n'est pas que toi, Ady, lui avoué-je, triste. Moi aussi, je n'arrive pas à être pour toi cet ami dont on parle. Je...

— Il nous faut juste un temps d'adaptation.

— Je ne sais pas. J'ai l'impression qu'on se fait plus de mal qu'autre chose...

— Nous avons toujours été un couple, c'est tout nouveau pour nous, alors c'est normal que ce soit bancal pour le moment, argumente-t-il comme si sa vie en dépendait. Laisse-nous une chance. S'il te plaît.

Je sais que je devrais refuser. Je ne veux pas de ça. J'ai l'impression d'avoir laissé une multitude de chances, à lui et à nous. Cependant j'ai envie de croire ce qu'il me dit. Que nous pouvons être amis. Parce que si nous devenons amis, nous garderons ce lien entre nous. Et ce lien, c'est tout ce que j'ai. C'est difficile pour moi, par contre, de lui faire confiance.

— OK... Je... Je veux bien essayer

— Merci...

— Mais...

— Mais ? me presse-t-il après un long silence.

J'hésite. Ce que j'ai en tête va nous faire mal. C'est une certitude mais j'en ressens le besoin.

— Si on est amis, pas de jalousie et... Si l'un de nous rencontre quelqu'un, il doit prévenir l'autre...

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