Excuses

09 Juin 2035.

Depuis un moment, mon regard fixe la marinière que je m'apprête à mettre, mais je ne la vois pas réellement. Mon esprit est en effervescence prenant enfin conscience de la situation. Ady se trouve dans la pièce d'à côté et je vais devoir lui faire face. Pas juste le renvoyer balader parce qu'il m'a blessé, mais entendre sa voix et ses explications.

Je ne suis pas certain d'en être capable. Après tout ce temps et ce silence, c'est sûrement trop me demander. Puis contrairement à ce que Blake m'a affirmé, est-ce qu'avoir cette discussion va réellement m'apporter quelque chose de positif ?

J'en doute. Je sais déjà le principal. Je ne suis pas assez pour lui. Il a préféré économiser sur ses études que de me suivre à Londres puis a coupé les ponts pour sortir avec une rouquine de sa promo. Alors qu'il me dise tout ça d'une manière ou d'une autre ne changera rien. Tout ce que cela va faire, c'est me mettre plus bas que terre une nouvelle fois.

Un bruit au loin me sort de ma réflexion. Je secoue la tête et attrape mon haut que j'enfile rapidement. Mes mains prennent appui sur le meuble lavabo et je m'observe dans le miroir. J'ai une sale tronche, encore pire qu'il y a dix minutes quand je m'imaginais passer une soirée tranquille avec Blake. Mais mon apparence n'a plus d'importance. Je n'ai aucune envie de plaire à Ady.

Je renifle et sors de la salle de bain. En moins de trois pas, j'aperçois mon ex, debout devant le comptoir. Il est mal à l'aise et ça se sent jusqu'ici. Il aurait dû s'en douter en débarquant chez moi sans prévenir. Ou peut-être l'a-t-il fait, je n'ai pas lu les textos d'aujourd'hui. Mais si je l'avais su, j'aurais emménagé chez Blake pour tout le mois.

Il a refermé la porte derrière lui. Son sac de voyage végète dans l'entrée et il a bien fait de le laisser là-bas. Ainsi, il ne me donne pas l'impression de vouloir s'installer dans mon appartement et surtout j'ai l'espoir qu'il s'en aille dans les meilleurs délais.

Cependant, mon attention ne reste pas sur son bagage. Mon regard se reporte sur le corps d'Ady. Je l'ai toujours trouvé beau. Il avait ce physique puissant, tout en muscles visibles et ce nouveau style vestimentaire fait en sorte qu'on ne puisse plus les louper. Ses bras semblent littéralement coincés dans son t-shirt. Le premier bouton de son gilet de costume paraît sur le point de lâcher.

Ady a peut-être trop forcé sur la musculation, mais il reste incroyable. Comme avant, je me sens attiré par lui tel un aimant. Au-delà de son corps, je m'intéresse à tous ces petits détails qui me faisaient fondre. Ils sont tous là, à me narguer. Sa mâchoire carrée, son menton impeccable, sa peau lisse et... ses lèvres pulpeuses qu'il s'humidifie.

Je déglutis à ce geste. C'est mon point faible tout comme son regard. Alors je fais tout pour ne pas le croiser. Je détourne les yeux et tente de calmer mon rythme cardiaque en me maudissant. Ady a encore de l'emprise sur moi et je me déteste pour ça. J'ai Blake dans ma vie alors sa présence à quelques mètres de moi ne devrait pas me faire autant d'effets. Je grimace en grognant.

— Si je dois supporter cette soirée, il me faut de l'alcool ! déclaré-je, plus pour moi-même que pour mon invité surprise.

Je me dirige aussitôt dans la cuisine où je fais l'inventaire de tous les placards dans l'espoir de trouver une bouteille d'alcool qu'il nous resterait du weekend dernier avec Elliott et Hugo. Un petit cri de victoire s'échappe de ma bouche quand je mets la main sur du soju à la fraise derrière des casseroles. Je pourrais presque l'embrasser tellement la joie de l'avoir m'étreint.

En me relevant, je me retourne et mon regard se pose directement sur Ady qui m'observe encore. Les joues rougies, je suis gêné d'être le centre de son attention. Mes dents mordillent ma lèvre inférieure tandis que je pose ma trouvaille sur le comptoir qui nous sépare.

— Tu as besoin d'aide ? me demande-t-il.

Mon visage réagit plus vite que mon cerveau. Mes sourcils se froncent et ma bouche fait une petite moue ressemblant sûrement à une grimace.

— Pour verser du soju dans un verre, je pense que je peux gérer ! répliqué-je.

— OK...

Je renifle et contre ma volonté, lui propose :

— T'en veux ?

Surpris par ma question, il met un instant pour me répondre :

— Oui, je... je veux bien, s'il te plaît...

Dans un silence presque religieux, je récupère deux verres et nous sers. Je fais glisser le sien vers lui et sans l'attendre, je renverse la tête pour boire cul sec mon shot. Je le repose brusquement et grimace en réalisant que cet alcool n'est pas assez fort, il ne m'aide pas à oublier ce qui va suivre.

Quelques secondes plus tard, il abandonne le sien avec plus de discrétion puis s'intéresse au salon comme s'il attendait que je lui fasse la visite de l'appartement. Mais je ne suis pas un agent immobilier et il n'est pas là pour ça. À cette vitesse, nous y serons toujours demain. Je m'en verse un autre et l'ingurgite tout aussi vite. Je prends une profonde inspiration et lui demande :

— Pourquoi tu es venu ici ?

— Je... je voulais te voir, te parler. Tu ne réponds plus à mes messages.

Je me redresse et m'éloigne un peu.

— C'est toi qui dis ça, murmuré-je presque pour moi-même. Tu n'as pas pensé que j'avais une bonne raison de ne pas te répondre ? Comme le fait que tu as coupé les ponts du jour au lendemain avec moi ?

Je me pince le nez pour m'empêcher de réagir.

— Si, bien sûr que si, mais... je voulais pas que ça se termine comme ça. Je ne veux pas que ça se termine.

— Fallait y penser avant. Tu m'as fait trop mal, Ady. Tu as joué avec moi et...

— Jamais ! s'exclame-t-il.

Je ricane, mais il n'y a aucune joie dans ce rire. Je m'adosse au frigo, mes jambes ne me tenant plus aussi bien qu'elles le devraient.

— Pour une fois, sois honnête avec moi. Pourquoi tu es de retour dans ma vie ?

Il ouvre la bouche, mais pas le moindre son n'en sort.

— Pourquoi maintenant ? insisté-je.

— Parce que tu me manques.

Mes mains frottent mon visage avec force avant de s'enfouir dans mes cheveux. Une partie de moi, une zone de mon cerveau, un bout de mon cœur sont heureux de l'entendre me dire ça. J'ai attendu tellement longtemps pour ces mots. Mais ça ne suffit pas, ça ne me suffit plus.

— C'est trop facile cette excuse.

Je croise les bras devant moi et réitère ma question :

— Pourquoi maintenant ?

Les mains dans les poches, il reste silencieux. La colère monte en moi. S'il est venu jusqu'ici et m'a empêché de passer ma soirée avec Blake, ce n'est pas seulement pour que nous nous regardons en chien de faïence. Nous sommes là pour régler les choses.

— Tu peux pas juste te pointer là et t'attendre à ce que je t'ouvre grand les bras pour t'accueillir sans avoir à donner la moindre explication.

— Je sais...

Il s'installe sur un tabouret et s'accoude au comptoir. Il attrape la bouteille d'alcool et nous en verse à nouveau. Il boit le sien dans la foulée. J'ai une forte envie d'en faire de même, mais je refuse d'être à moins d'un mètre de lui. Pour notre bien à tous les deux, il est moins risqué de rester à une distance réglementaire. Je soupire et prends à nouveau la parole :

— Ady, je... l'année dernière, j'ai fait appel à toute ma compréhension et à mon amour pour toi pour accepter le fait que tu préférais économiser quelques billets plutôt que respecter toutes tes promesses en me suivant ici.

— Ce n'était pas contre toi ! arrive-t-il enfin à dire.

Je ris presque amusé. Cette phrase, j'ai dû l'entendre des centaines de fois, mais ce n'est pas pour autant qu'elle résonne bien en moi. Au contraire, elle m'horripile.

— Je veux bien croire que ça ne l'était pas et je ne te reproche pas ton choix, mais tous les mensonges que tu m'as servis.

Je secoue la tête. Tellement de souvenirs me reviennent à l'esprit.

— Une semaine avant la Saint-Valentin, nous étions dans ta chambre, commencé-je, quelques trémolos dans la voix. On était allongés dans ton lit après avoir...

Mon épaule droite remonte comme si ça allait résumer ce que je sous-entends.

— Je t'ai montré la photo du London Eye qui se trouvait sur ton plafond en te demandant si on irait dès qu'on aurait emménagé. Tu te souviens ce que tu m'as répondu ?

Il baisse la tête, honteux.

— Tu m'as dit qu'on ferait tout ce que je voudrais et tu m'as embrassé.

Un énorme pincement au cœur amène avec lui quelques larmes. Je grimace. Blake avait raison. Quoi que j'en pense, mon passé n'est pas réglé. Il me fait toujours souffrir.

— Tu savais que tu ne viendrais pas et tu m'as menti consciemment.

Étonnement, je n'élève pas le ton alors que l'énervement coule dans mes veines. Cependant, je ne m'arrête pas, ne lui permets pas de se défendre ou même de répondre quelque chose. Tout mon ressentiment s'exprime ce soir :

— Comme tu savais que je ne voulais pas qu'on joue aux meilleurs amis en début d'année !

Je prends une inspiration.

— Ça me faisait du mal et toi, tu insistais. Tu t'en fichais de ce que je ressentais.

— Je m'en fichais pas, mais j'avais besoin de toi, m'avoue-t-il. De t'avoir dans ma vie...

— Et c'est pour cette raison que dès que j'ai accepté, tu n'as pas mis longtemps à m'ignorer ? Tu n'avais plus besoin de moi ?

Cette fois, mon ton s'est durci. Qu'il confirme ou non ne changera rien parce que je sais que la vérité est enfin sortie.

— Ce n'est pas ça, Dae. Tu sais très bien que je t'aime et ce, depuis la première fois où je t'ai vu.

— Tu as une drôle de manière de me le prouver. Mais si je me trompe, dis-moi.

Mes bras retombent le long de mon corps alors que je m'approche de lui. Mon regard s'accroche au sien un quart de seconde avant qu'il ne le détourne. Il est mal à l'aise et ça m'exaspère. J'ai envie de le secouer, lui hurler dessus, lui rappeler qu'il est le seul responsable de cette situation, mais à la place, je me contente de l'interroger :

— Pourquoi as-tu coupé les ponts après m'avoir supplié de continuer de te parler ?

— C'est compliqué...

— Non, ça ne l'est pas ! répliqué-je. Ça va juste te mettre face au connard que tu as été avec moi et tu ne le supportes pas, c'est tout !

Je soupire en le voyant se passer une main sur le visage. Il me semble au bout du rouleau. Il y a encore quelques mois, le voir ainsi m'aurait brisé le cœur. Aujourd'hui, ça me touche, mais j'arrive à faire face à sa détresse.

— Tu n'avais plus besoin de moi parce que tu couchais avec ta rouquine.

Il se fige. Pensait-il réellement que je ne serais pas au courant ? Est-il si naïf ? Ou alors juste complètement stupide ?

— Je... tu sais, je...

— Ne t'en fais pas. J'ai fait pareil.

— Avec...

— Avec Blake ? Ouais !

Son silence m'énerve. Je le pointe du doigt en sifflant entre mes dents :

— Écoute, si tu as fait le trajet jusqu'ici, ce n'est pas pour rester assis sur ce putain de tabouret à admirer le sol de mon salon.

Ma réplique semble avoir l'effet escompté. Il se redresse, le regard plus confiant que précédemment. Il lie ses doigts sur le comptoir et entame ses confidences :

— Je t'ai toujours aimé, Dae. Je te revois encore courir dans ce couloir et sauter sur le dos d'Elliott avec une aisance et une grâce incroyables. Et ton sourire...

En disant ces mots, le sien apparait. Tendre et amoureux.

— Il illuminait ton visage et les environs. Tout le monde avait les yeux braqués sur toi, tu étais le centre de l'attention. Pour les autres, ça n'a duré que le temps de quelques secondes, mais pour moi...

Il déglutit et relève les yeux vers moi.

— Tu l'es encore et toujours, m'avoue-t-il, sans sourciller.

Mon cœur loupe un battement à l'écoute de ses mots. Je fais un pas en arrière, la bouche ouverte comme un idiot. Cette fois, c'est moi qui ne lui réponds rien. Qu'aurais-je à dire de toute manière ? Puis Ady ne paraît pas attendre quoi que ce soit de ma part. Il continue :

— J'ai fait bon nombre d'erreurs avec toi. L'année dernière, avec cette histoire d'université. Je t'ai déjà tout expliqué et me suis excusé des milliers de fois pour ça...

Il fait une pause. Il a raison. Par tous les moyens existants, il m'a présenté ses excuses et pourtant, un an et demi plus tard, je lui en veux toujours.

— Tu n'aurais sûrement pas fait le même choix que moi...

— Ça, c'est certain ! J'aurais accepté de vivre dans un cagibi, trouver un job de serveur ou de caissier... J'aurais même pu te suivre à Newcastle, juste pour rester avec toi !

Il baisse les yeux en soupirant. C'est la première fois que je lui dis tout ça.

— Mais j'ai tout fait pour accepter ton choix. Et s'il n'y avait eu que ça, aujourd'hui, je t'aurais sauté au cou.

Je baisse les yeux et repère le verre qu'il m'a servi un peu plus tôt. Je m'en empare et le bois. Je jette un coup d'œil à la bouteille, hésite à boire quelques gorgées au goulot, mais me contiens. Ne jamais abusé des bonnes choses, il est hors de question que je fasse une bêtise à cause de l'alcool. Je dois garder la tête claire.

— J'ai craqué, m'annonce-t-il.

Je ne comprends pas de quoi il parle, alors je le laisse poursuivre sans l'interrompre.

— J'ai été faible comme jamais je ne l'avais été.

Je fronce les sourcils. Plus il avance, plus je me perds. Il doit le remarquer parce qu'il dit simplement :

— Gloria. La rou...

— Je sais qui elle est.

Je n'aurais peut-être pas dû lui faire part de ça, mais peu importe mon honneur, ma fierté ou encore ma dignité. Avec Ady, cela fait bien longtemps que je n'ai plus aucun des trois. Il m'a déjà vu dans des moments intimes et gênants qui m'ont fait perdre toute crédibilité et décence.

— Je suis tellement désolé, Dae. Tellement. Tu n'imagines pas à quel point je suis mal de t'avoir fait tout ça, pleurniche-t-il. Je sais que je t'ai fait du mal, mais...

Il déglutit avant de reprendre, la voix plus stable :

— Je n'ai jamais joué avec toi, j'avais vraiment besoin de toi. Tu me manquais affreusement. J'avais tes photos partout. Dans ma chambre, mon porte-feuille, mon portable, mon ordi, mes fonds d'écran. Parfois, j'allais même jusqu'à réécouter de vieux vocaux que tu m'avais envoyés. Je dormais avec ton gros pull informe que tu avais oublié chez moi.

Dire que son récit n'a aucun effet sur moi serait un mensonge. Une douleur traverse ma poitrine. Ce qu'il me dit est dérangeant, triste... et un brin satisfaisant. Je réalise que je n'ai pas été le seul malheureux dans cette histoire.

— Gloria et Etienne... Ils ont toujours été là pour moi. Ils m'ont soutenu à bout de bras alors qu'on se connaissait à peine. Ils m'ont vraiment aidé, je leur dois beaucoup.

Je comprends ce qu'il veut dire. Chad et Blake ont fait la même chose pour moi. Alors je me contente de hocher la tête pour lui signifier que je l'écoute toujours et qu'il peut continuer.

— Gloria et Etienne sont en couple. Pour moi, tout était clair entre eux et moi. Jusqu'à une soirée qu'on a faite chez eux.

Je crains de comprendre ce qu'il sous-entend et c'est ce moment qu'il choisit pour faire une pause. En même temps, je peux concevoir qu'il ait besoin de courage pour me raconter ça. Avec l'ongle de son index, il tapote le bois à plusieurs reprises, les sourcils froncés.

— Vous avez...

Je tente de l'aider, mais je ne suis pas mieux que lui. Pourtant, il va bien falloir que l'un de nous saute le pas si nous voulons avancer.

— Euh... Couché... Tous les trois ?

Je laisse un court silence avant d'ajouter stupidement :

— En même temps ?

Il hoche la tête pour simple confirmation. Son regard se relève très légèrement, juste pour voir comment je me sens. S'il a une réponse à ça, je veux bien qu'il m'en fasse part parce que personnellement, je suis incapable de déterminer clairement ce que cette information provoque en moi. Mes poings se calent sur mes hanches alors que je tente de digérer la nouvelle.

— Je... je ne savais pas très bien comment réagir après ça. Il y avait eux d'un côté avec qui ça avait été super...

— Fais-moi grâce des détails de tes exploits sexuels, grogné-je en le fusillant du regard.

— Désolé... Et il y avait toi de l'autre. J'étais incapable de te parler après ce que j'avais fait. Je me sentais tellement coupable.

— Coupable ? De quoi ?

— D'avoir couché avec eux ce soir-là...

Je penche la tête en avant, les larmes aux yeux, mais je trouve quand même la force de lui rappeler :

— Tu n'avais pas à l'être... on n'était plus en couple, Ady.

Je toussote. J'expire tout l'air de mes poumons en me sermonnant. J'étais plus ou moins au courant, en tout cas, pour la partie concernant Gloria. De mon côté je me suis bien amusé avec Blake. Alors ça ne devrait pas me blesser autant. Et pourtant... J'ai la sensation que l'on m'a assommé avec une masse.

— Je sais, mais tu es toi.

— On s'était promis de dire à l'autre si on sortait avec quelqu'un. Bon, j'avais pas imaginé que l'un de nous finirait dans un trouple... mais la promesse reste la même !

— Je voulais pas te faire de mal !

Je soupire, fatigué de cette excuse.

— Mais tu vois pas que c'est en essayant de me protéger que tu m'en fais le plus ?

Il retire ses stupides lunettes et enfouit son visage dans ses mains. J'ai le réflexe de tendre la main vers lui, mais elle se fige dans les airs. Je ne sais plus ce que je dois faire ou non. J'ai envie de le réconforter, mais je doute que ce soit la bonne chose à faire à cet instant. À la place, ma main s'enfonce dans la poche de mon pantalon.

Nous restons ainsi, chacun plongé dans nos pensées. À ruminer certaines choses. En accepter d'autres peut-être aussi. Puis les éléments s'alignent ensemble, me montrant un puzzle moins romantique et amoureux qu'Ady semble vouloir me faire croire :

— Si je résume, commencé-je, tu avais peur de me faire du mal si je l'apprenais. C'est ça ?

Il retire ses mains et confirme mes dires. Son regard est implorant et triste. On dirait un chiot après avoir été pris en train de pisser sur le tapis du salon.

— Donc pour me protéger de ton coup d'un soir, alors qu'on était pas du tout en couple, tu n'as rien trouvé de mieux que de couper les ponts avec moi du jour au lendemain sans la moindre explication ?

Sa bouche s'ouvre sous l'étonnement. C'est sûr que lorsqu'on regarde les choses comme ça, c'est beaucoup moins glamour ou agréable.

— Je sais... c'était pas l'idée du siècle !

— Ah bah ça je confirme ! m'écrié-je. Plus conne on peut pas, je crois !

Mon ton paraît amusé, presque détaché et pourtant, intérieurement, je morfle. J'ai l'impression de mettre pris un uppercut et que je suis sur le point de m'évanouir.

— Tu as juste pensé à toi. Si tu n'avais plus mes messages sous le nez, la culpabilité était moins importante et donc, tu pouvais vivre tranquillement, faire ce que tu voulais et être avec eux sans problème.

Comme deux idiots, nous nous retrouvons, les larmes aux yeux dans cette cuisine qui ne m'a jamais paru aussi froide. Même pas au début de ma colocation avec Sun.

— Peut-être bien. Sûrement même, admet-il finalement.

Encore une fois, il n'a pensé qu'à lui pour faire ses choix. Et après on ose me dire que je suis l'égoïste dans cette histoire !

— Tu sais, au début je pensais que ça irait pas plus loin avec eux. Je pensais constamment à toi et puis, on a tous mis ça sur le compte de l'alcool. On avait dérapé et c'était tout. On est passé à autre chose. Mais vu que tu ne m'écrivais plus...

— Ah non ! Stop ! Tu peux dire que tu as couché avec eux, que tu as adoré, que tu t'es mis en couple avec eux, que tu es même plus heureux avec eux qu'avec moi, que je suis insupportable mais ne viens pas me balancer que c'est moi qui t'ai poussé dans leurs bras ! Je te l'interdis !

— Tu as raison... je... À cause de moi, on ne se parlait plus. Je me sentais seul et ils... ils me donnaient une certaine affection qui me faisait du bien. Un soir, le sujet a été abordé et j'ai accepté de sortir avec eux.

J'ai le souffle coupé, sans réelle raison. Juste l'idée qu'Ady sorte officiellement avec quelqu'un d'autre me gêne. Ça n'a pas de sens parce qu'il a le droit, c'est un grand garçon, mais ça me fait tout de même quelque chose.

— Alors tu es en trouple ? demandé-je, tentant de paraître plus naturel et détendu que je ne le suis.

— Plus maintenant. C'était bien. Vraiment. Gloria et Etienne sont des personnes géniales, mais je me suis rendu compte que c'était toi que je voulais.

Il se passe une main sur le crâne avant de me narrer :

— Un jour, je suis tombé par hasard sur le compte Insta que tu as créé avec lui.

— Blake !

Il hausse les épaules comme si ça n'avait pas d'importance pour lui et c'est sûrement le cas. Mais pour moi, ça en a.

— J'ai tout de suite compris qu'il y avait quelque chose entre vous. Ça ne faisait aucun doute. Ta manière de le regarder, vos gestes et la confiance que tu lui accordais. Tout me hurlait que vous sortiez ensemble et je ne pouvais pas le supporter.

— J'avais le droit. J'ai le droit de refaire ma vie, affirmé-je.

— Oui et pendant un moment, j'ai tenté de l'accepter. Je me répétais sans cesse que j'étais moi-même en trouple et heureux et qu'en plus, j'étais responsable de toute cette situation.

J'ai des défauts – de nombreux diraient certains – mais ce silence et cette indifférence que nous avons depuis le début d'année, ne sont pas de mon fait en effet. Ça me fait du bien de l'entendre l'admettre.

— J'ai voulu t'oublier, mais je n'ai pas réussi, avoue-t-il. Alors j'ai rompu avec Gloria et Étienne et j'ai repris contact avec toi. Enfin essayé !

— Tu as pensé qu'après tout ce temps, j'allais te répondre comme si de rien n'était ? m'étonné-je.

— Non bien sûr que non.

— Alors pourquoi tu es venu ?

— Même si tu me répondais pas, je t'écrivais parce que je me disais qu'un jour, quand ta colère envers moi serait redescendue, tu accepterais de me reparler et peut-être même de me pardonner. Mais quand j'ai vu vos derniers partages sur Insta, j'ai senti que je te perdais, que tu m'échappais. Alors je n'avais plus le choix, il fallait que je tente le tout pour le tout.

Ses mains tremblent tandis qu'il les met à plat sur le meuble devant lui. Il me fait de la peine. J'ai un pincement au cœur quand j'entends sa déclaration :

— En fait, je veux garder l'espoir que tu m'aimes encore un peu.

Dans un élan qui me dépasse, je pose ma main sur la sienne en lui confiant, dans un murmure :

— Je t'aime encore.

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