Confessions

Merci de votre compréhension. J'espère que ce chapitre vous plaira.
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1er Juin 2035.

Accroupi devant le meuble de la cuisine, je cherche quelques softs que nous avons achetés hier. Au fond du placard, je repère même de la limonade rose. Je m'empare et la coince sous mon bras. Je me redresse avec deux autres bouteilles de soda et vais aussitôt les mettre dans le frigo. Je suis en train de sourire comme un imbécile heureux, le regard fixé sur toutes les préparations pour ce soir quand une voix s'élève :

— Alors ?

Il y a aucun doute à avoir pour savoir que je suis le destinataire de cette question. Tout le monde est dans le salon en train de bavarder, à part moi. Je fais demi-tour, sans perdre mon sourire et rencontre le regard d'Elliott. Ce dernier est accoudé au comptoir de la cuisine comme s'il avait l'habitude d'être là. Le voir ici me fait tellement plaisir. C'est comme si je prenais une grande inspiration d'air frais. Je croise les bras devant moi et m'adosse au frigo.

— Alors quoi ?

— Ne fais pas l'innocent Dae !

Il tente de me faire les gros yeux mais ça n'a aucun effet parce qu'il a le même rictus aux lèvres que moi. Je m'approche du comptoir et lui affirme :

— Je te jure que je ne sais pas de quoi tu parles !

Il lève les yeux au ciel, pas du tout convaincu par ma phrase. Il me connait trop bien. Il se doute bien que je tente de gagner du temps.

— Je parle de Blake...

À l'écoute de ce prénom, je tourne la tête et le cherche du regard. Il est assis par terre, entre Violet et Ezra. Au même moment, comme s'il avait senti mon attention, il relève la tête de son téléphone et la penche sur le côté en voyant que je l'observe. Je me contente de lui faire un petit sourire avant de répondre à mon meilleur ami :

— Je ne sais pas quoi te dire.

— Dae, soupire Elliott.

— Non, je te jure. Je ne sais pas, répété-je pour lui assurer que je ne lui mens pas.

— Qu'est-ce qui se passe avec lui ? me demande-t-il en baissant le ton.

Je hausse les épaules. Elliott n'est au courant de rien concernant mon petit arrangement avec Blake. Tout ce qu'il sait, c'est que nous avons créé ce duo pour l'émission. Mais je sens que je ne peux plus lui cacher la vérité pour une simple raison : j'ai besoin de lui.

— Lui et moi, on...

Mes sourcils bougent de manière suggestive pour lui faire comprendre de quoi il s'agit. Ses yeux s'écarquillent quand l'information devient claire.

— Oh non ! Merde !

Il se relève et me fait signe de le suivre dans ma chambre. Je lui obéis sans râler mais la tête basse. Quand je referme la porte derrière moi, je prends une profonde inspiration. Je me retourne vers Elliott qui m'attend, assis sur mon lit. Il tapote la place à côté de lui, souriant. Son regard est bienveillant et me donne confiance. Je rampe sur le lit jusqu'à me coller à mon meilleur ami. Nous restons un moment dans cette position, mes mains serrant avec force son bras comme pour réaliser qu'il est bien à mes côtés.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Hugo. Ses dix-neuf ans. Sun, Ezra et moi devions nous rendre à Barnard Castle pour le weekend pour fêter ça comme il se doit. Mon frère avait même posé des jours exprès. Cependant, c'était avant de savoir que Blake et moi aurions une réponse pour l'émission dans la journée. L'idée que Blake vienne avec nous m'a bien traversé l'esprit... mais elle s'est vite envolée.

Alors j'ai pensé que si ce n'était pas nous qui allions dans notre ville natale, c'est Elliott et Hugo qui pouvaient nous rejoindre. Ils ont tout de suite accepté l'offre, au grand dam des pères du blond. Je pense que Louis me déteste un peu pour ça à présent. Mais je m'en fiche un peu parce que j'ai retrouvé mes amis pour quelques jours.

Blake, Violet, Chad et Nine ont rappliqué ce midi et depuis, les jeux et les discussions s'enchainent. Je tente d'oublier que nous allons bientôt savoir si j'ai fait tout foirer ou pas lors de l'audition. En tout cas, grâce à la présence de tous mes amis, je passe un super weekend.

Elliott me sort de mes pensées en m'ébouriffant les cheveux. Il ricane un peu, amusé que j'agisse comme un enfant retrouvant son doudou puis il prend la parole :

— Alors comme ça, Blake et toi...

Il laisse sa phrase en suspens, comme je l'ai fait plus tôt. Je me redresse un peu et m'adosse au mur, la tête basculée en arrière. Le regard fixé sur la tringle de travers, je lui réponds :

— Oui, depuis des mois.

— Des... mois ?

— Ouais.

— Ah quand même, souffle-t-il, sûrement un peu déçu que je ne lui en ai pas parlé plus tôt. Faut dire, il est canon ton Blake !

J'explose de rire. Nous avions toujours eu des échanges sur les mecs, passant des heures à fantasmer sur des stars ou même des gars du lycée. Ce n'est donc pas étonnant qu'il me donne son avis aussi directement. Mais je ne m'y attendais quand même pas.

— Mais tu ne le diras pas à Hugo, hein ?

— Non, non, t'inquiète pas ! Motus !

Nous rigolons encore un peu puis le silence reprend ses droits. Le bras d'Elliott se pose sur ma cuisse. Ses doigts tapotent mon genou.

— Qu'est-ce que tu voulais dire tout à l'heure ?

Il fait référence à mon « Je ne sais pas ».

— Au début, je ne le supportais pas...

— Oh oui, j'ai presque dû te menacer pour que tu acceptes sa proposition.

Je hoche la tête. Les souvenirs de la visio que nous avions faite et durant laquelle il m'avait retourné le cerveau sont bien présents dans mon esprit. Aujourd'hui, j'aurais presque envie de le remercier de m'avoir poussé à le faire. Même si j'ignore si l'aventure de l'émission ira plus loin ou pas, je suis heureux de l'avoir fait. J'ai pu me rapprocher de Blake ainsi.

— En effet... je ne le supportais pas. Il était si... hautain à ce moment-là. Mais on a appris à se connaitre. J'ai découvert des facettes de lui qui ne sont pas si mal...

— Je suppose, dit-il sur un ton amusé.

— C'est un gars bien, affirmé-je, le regard fuyant.

— Et comment vous en êtes venus à plus de rapprochement ?

— J'en sais rien. Comme tu l'as dit, il est canon. Puis un massage. Ses mains. Les hormones. Tout ça...

Mes explications sont fumeuses et me font pitié. Je soupire et résume :

— Une chose en entrainant une autre, on a couché ensemble lors d'une répétition.

Les mots sont dits et me donnent des frissons. J'ignore ce que ces derniers signifient réellement. La honte ou l'excitation.

— Et on a continué, lâché-je finalement.

— Donc vous êtes amis avec bénéfices ? me propose mon meilleur ami, le plus naturellement possible.

— C'est ce que je pensais...

— Comment ça ?

Pour la première fois, je vais émettre mes doutes, mes peurs, mes envies et surtout mes sentiments à voix haute. Je sais que je vais tout lui dire. Si je ne le fais pas avec Elliott, je ne le ferai jamais. Bien entendu, Sun et Chad sont là pour moi, sans me juger. Cependant, Elliott a cette place dans mon cœur et mon esprit que personne d'autre ne pourra avoir. J'ai plus confiance en lui et en son avis qu'en moi-même.

— Je crois... que je suis tombé dans le piège de ce genre de relation.

Sa main serre mon genou pour me montrer son soutien et ça fonctionne. Je me frotte le visage et me confie. Je lui explique tout. L'évolution de notre relation, depuis nos débuts compliqués à tout ce que nous nous sommes à demi avoués ces dernières semaines. Elliott ne me coupe jamais la parole et m'écoute avec attention. Je laisse tout sortir, je ne réfléchis même plus jusqu'à arriver à ma plus grande confession :

— Au début, on couchait ensemble et c'était agréable parce que clairement, ce mec... wow...

Nous rions. Mes joues rougissent un peu mais je poursuis :

— Mais maintenant, je réalise que quand on couche ensemble, je ne ressens plus que du plaisir, il y a aussi...

Je reste sans voix, ne trouvant pas de mot qui convienne.

— De l'affinité ? propose-t-il.

— Plus que ça, répliqué-je du tac-au-tac.

— De l'amour ?

Les larmes me montent aux yeux immédiatement. Je ferme les paupières pour les retenir. Ce terme m'effraie et pourtant, il serait sûrement le plus proche de la réalité.

— Je veux pas, Elli, avoué-je, une boule d'angoisse coincée dans la gorge.

Son bras passe autour de mes épaules me rapproche de lui. Il me berce sans un mot et j'essaie de me retenir de pleurer. Quand je sens que je peux ouvrir à nouveau la bouche sans risquer de chialer, je lui dis :

— J'ai peur de souffrir. Je ne veux pas revivre la même chose qu'avec Ady.

— Tu sais, Dae, commence-t-il, toutes les relations sont différentes. Être avec Blake ne ressemblerait pas à ce que tu as vécu avec Ady parce que ce sont deux garçons aux personnalités éloignées. Toi-même tu as changé depuis le lycée.

— Oui, c'est vrai mais...

Je ne trouve aucun argument à apporter parce que je sais qu'il a raison mais ce n'est pas pour autant que la peur me quitte.

— Tu veux savoir ce que j'en pense réellement ?

Pour la première fois depuis que nous avons entamé cette conversation, je me tourne vers lui, tout ouïe. Son visage est sérieux mais une pointe de tendresse en ressort. De sa main libre, il attrape la mienne et sans que je n'ai besoin de lui répondre, m'affirme dans un chuchotement :

— De ce que tu m'as raconté, c'est comme si tu étais déjà en couple avec lui.

Ma bouche s'ouvre en grand sous le choc. Je suis incapable de faire ou dire quoi que ce soit.

— Vos habitudes, votre manière d'être, votre envie d'être exclusifs et vos déclarations trop mignonnes !

Je prends quelques secondes pour assimiler l'information. Blake et moi agissons réellement comme ça ? Le regard dans le vide, je me remémore ces soirées que nous passons chez lui, devant la télé, moi la tête sur ses genoux. Ces midis où nous nous rejoignons dans la salle de danse pour manger ensemble. Ces matins chacun chez soi, durant lesquels nous nous envoyons des dizaines de messages à notre réveil. Ces petits moments où l'un vole un baiser à l'autre sans raison.

— Merde Dae ! s'écrit-il comme pour me faire réagir. Vous vous êtes dit qu'il ne vous serait plus jamais possible de coucher avec quelqu'un d'autre ! Si ça, ce n'est pas un signe... J'ai beau aimer Hugo, je ne l'ai jamais pensé.

Ma langue passe à plusieurs reprises sur ma lèvre inférieure, dans un geste nerveux. Mon cerveau est en ébullition. Il est vrai que Blake m'a confessé des choses que même Ady ne m'avait jamais dites.

— Vous n'avez juste pas parlé de vos sentiments ouvertement et mis d'étiquette précise dessus. Mais au final... n'est-ce pas qu'un détail ?

Nos gestes, nos paroles et même nos silences me frappent d'un coup. C'est vrai que dernièrement, nous agissons comme un couple. Je fronce les sourcils. Je n'ai aucun doute du pourquoi j'agis comme ça. Mais Blake...

— Tu crois qu'il pourrait ressentir la même chose ? m'exclamé-je, pour confirmer ce que je ne comprends que maintenant.

— Si ce n'est pas le cas, ce mec mérite un oscar !

Je baisse le regard. Blake ne sait pas mentir. Quand il le fait, sa voix change et il a le tic de se gratter la tempe ou le crâne. Mais dans nos moments à deux, il n'a jamais été ainsi.

— Tu crois que c'est vraiment de... l'amour ? Et pas plutôt... une sorte de substitut ou un moyen d'avoir l'affection dont on a besoin sans prise de tête ?

Il y a dix minutes, j'avais peur d'affirmer que j'étais amoureux de Blake mais maintenant, je suis effrayé par la possibilité que mes sentiments ne soient pas réciproques. Mon cerveau va trop vite. Ou plutôt déconne complètement. Elliott hausse les épaules.

— Je peux pas te l'affirmer bien sûr. Je ne suis pas dans vos têtes et je ne le connais pas mais ça vaudrait peut-être le coup d'en discuter avec lui. C'est le mieux placé pour répondre à cette question, non ?

Je hoche la tête.

— La façon dont il te regarde, parle pour lui mais mettez les choses au clair.

— J'ai peur...

— Je sais.

Il embrasse ma tempe et ajoute :

— Mais rien ne presse parce que si vous restez comme cette après-midi, tout ira bien !

— Comment ça ? m'étonné-je.

— Tu t'en es même pas rendu compte ?

Je lui fais une petite grimace pour lui faire comprendre que j'ignore de quoi il parle.

— Je crois que les seuls moments où vous vous êtes lâchés, c'est quand il est allé aux toilettes et tout à l'heure quand tu as obéi à Sun pour mettre les bouteilles au frais !

— Hein ?

Il lève les yeux au ciel, un sourire en coin.

— Il y a toujours vos mains qui touchent l'autre. Que ce soit le bras, la cuisse, l'épaule, le dos, les cheveux... Vous avez gardé un lien physique constant !

Je déglutis. Je n'ai jamais fait attention au fait que cette proximité soit autre chose qu'une manifestation de mon côté tactile. Pour moi, c'était normal. Je le suis avec Elliott. Mais à vrai dire, Blake ne semble pas comme ça avec les autres.

— Vous étiez trop mignons !

Je m'apprête à répliquer quand des coups sont portés à la porte. Je jette un dernier coup d'œil à mon meilleur ami avant d'autoriser la personne d'entrer. La porte laisse apparaître la bouille de Blake et si en temps normal, un sourire se serait affiché sur mes lèvres, mon cerveau embrouillé par tout ça ne me permet pas de réagir.

— Je suis désolé de vous déranger mais je viens de recevoir un mail m'informant de nous tenir à disposition parce qu'on va bientôt avoir un appel.

Mes joues flambent. Mon cœur s'excite. J'avais presque oublié les résultats de l'audition.

— Oh ! On arrive, lui lancé-je.

Blake me lance un regard que je ne déchiffre pas puis sort de la pièce sans refermer derrière lui. Je fais un mouvement pour me lever mais Elliott me retient :

— Comme je te l'ai dit, je ne suis pas dans vos têtes mais je te connais assez pour savoir que tu vas mieux depuis que tu es avec lui. Tu as beau avoir peur de tes sentiments, des siens ou de mettre un mot sur votre duo, tu n'as pas été aussi rayonnant depuis plus d'un an. Il te fait du bien et ça, ça n'a pas de prix, pas besoin d'étiquette ! Ne te ferme pas à tout ça à cause de ce que tu as vécu avec Ady.

Je lui adresse un sourire sincère et reconnaissant. Je lui embrasse la joue tout en lui chuchotant :

— Merci Elli ! Tu m'avais tellement manqué.

— Toi aussi, tu m'as manqué, Dae.

Ça fait vraiment du bien de l'avoir auprès de moi ce weekend.

— Mais tu sais que je serai toujours là pour toi, peu importe la distance qui nous sépare. Un coup de fil, une visio, et nous sommes à nouveau ensemble.

Il a raison. La distance n'est qu'un chiffre, il reste mon meilleur ami, celui qui remuerait ciel et terre pour m'aider. J'aurais dû lui en parler plus tôt. Il faut vraiment que je retrouve celui que j'étais au lycée, qu'Elliott m'avait permis d'être. Ne plus avoir peur de ce que je ressens et surtout ne plus avoir honte de ce que je suis.

— Merci, répété-je, ému.

Souriant, il me tapote l'arrière du crâne, comme le signal que nous devons rejoindre les autres. Alors je m'exécute et me lève tout en me disant la chance que j'ai d'être aussi bien entouré.

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