Chapitre 8
Avoir une seconde famille, c'était sympa. Avoir des amis aimants, c'était agréable. Avoir le regard de son crush sur soi, c'était grisant. Mais lorsque notre seule et unique envie était de s'isoler au point d'oublier l'existence de la race humaine, toutes ces choses devenaient progressivement insupportables. Stiles voulait fuir loin, très loin. Se retrouver seul, à conduire sa Jeep à une vitesse démesurément vertigineuse pour son pauvre moteur. Ne plus entendre la moindre voix lui demander ce qu'il lui avait pris, s'enquérir de la raison pour laquelle il avait dissimulé l'existence de ces deux clones avec qui toute entente semblait impossible. Oh oui, il voulait s'en aller, mais on ne le laissait pas faire. On le surveillait, on essayait de lui tirer les vers du nez. Sauf que Stiles n'avait pas envie de parler. La vie était ironique : la meute passait son temps à lui dire de se taire et la seule fois où il s'exécutait, elle le harcelait pour qu'il ouvre la bouche. Outre son esprit de contradiction, l'hyperactif se bornait au silence.
S'il pensait encore à son altercation avec Stuart ? Bien évidemment. Elle tournait en boucle dans sa tête et ses mots... Il n'arrêtait pas d'y songer, tout comme il se remémorait ce que lui, lui avait dit. Il avait été dur avec Stuart, aussi dur que celui-ci l'avait été avec lui. Si le petit génie se montrait sans pitié, pourquoi lui réserverait-il un traitement de faveur ? A sa manière, Stiles s'imposait. Considéré comme la risée de la fratrie, il essayait de donner le change. Néanmoins, il savait que ce n'était pas en débitant des horreurs telles que l'accident qu'avait eu Stuart des années plus tôt, que celui-ci allait le respecter. Oui, mais le petit génie de l'informatique n'avait pas été tendre non plus, en s'acharnant à l'attaquer sur sa corde sensible. Chacun avait désiré faire mal à l'autre et si Stiles détestait ça, il n'avait pas pu s'en empêcher. Et déjà, il s'en voulait. Parce qu'il n'aimait pas se montrer méchant, tout comme il n'appréciait pas de faire souffrir autrui. Et même si ses frères ne s'étaient jamais réellement bien comportés avec lui, il continuait de se dire qu'aucun ne méritait les paroles qu'il avait prononcées. Même Stuart. De toute manière, chaque action qu'il faisait, il la regrettait... Comme si rien de ce qu'il faisait n'aboutissait sur un aspect positif. Comme s'il était une gêne.
Le vilain petit canard.
- Tu sais Stiles, je suis patient.
Le susnommé soupira. L'espace d'un instant, il avait oublié ce détail. Il releva ses yeux mordorés vers Derek, qui n'avait toujours pas quitté la pièce. Un quart d'heure déjà qu'il était là, les bras croisés sur son torse, s'efforçant de lui tirer les vers du nez. Il ne le lui demandait pas de manière claire, disons... Qu'il attendait que l'hyperactif passe à table. Parce que son truc, c'était la parlote et qu'il finissait toujours par parler.
- Contente-toi de m'ignorer comme tu le fais toujours.
Stiles n'avait pas pour idée de se montrer méchant. A vrai dire, il ne voulait pas l'être, surtout pas avec Derek. Néanmoins, il avait mal et sa mauvaise humeur ne le quittait pas. Alors, il disait tout haut ce qu'il pensait tout bas. Parce que l'air de rien, il souffrait du peu de considération que lui accordait le loup la plupart du temps. C'était pour ça qu'il s'acharnait à le provoquer, à jouer avec lui, à sortir la carte de la fausse drague née de véritables sentiments... Juste parce qu'il voulait obtenir une réaction. Un regard.
Et cette fois, il explosait. Doucement, subtilement. Parce qu'il ne criait pas, ne se redressait pas brusquement, ne cherchait pas à se montrer violent. Sa voix était juste... Glaciale. Parce qu'il avait mal. Qu'il voulait s'isoler. Laisser libre-court à la violence qu'il en lui, se déchaînait. Aux larmes, aussi. Parce qu'il savait qu'elles viendraient, une fois qu'il accepterait de les lâcher.
Face à lui, Derek resta de marbre. Difficile pour l'hyperactif de savoir si ses mots l'avaient touché, mais il était prêt à parier que non. En fait, il ne savait même pas pourquoi c'était lui qu'on avait envoyé pour le cuisiner. D'ailleurs, pourquoi s'embêter à l'interroger comme un malpropre, alors que cette histoire ne concernait que lui ?
En fait, l'absence de réaction du loup lui laissa entendre qu'il avait, une fois de plus raison. Et cette voix, il n'avait pas envie d'insister, comme il le faisait toujours. Pas envie de l'emmerder, pas envie de le chercher, de le provoquer. Juste... Être seul. Et ruminer dans son coin. Lâcher la bride, laisser sa souffrance le submerger jusqu'à ce qu'il en crève de l'intérieur. Et du coup... Pourquoi tout ce cirque ? A quoi rimait cet interrogatoire silencieux ? Pourquoi la meute tenait-elle tant à savoir... Quoi, au final ? Il avait des frères, il ne s'entendait pas avec eux – quel euphémisme ! –, et... Point. C'était tout.
Sa vie et sa famille ne concernaient que lui. Ses ecchymoses aussi, quand il y repensait.
Et pourtant, Derek restait là, imperturbable, sans doute mandaté par Scott ou Lydia pour le pousser à parler. Parce que certains pensaient son manège réel : quoi de mieux qu'utiliser son potentiel crush pour lui tirer les vers du nez ? Qu'importe, il ne cèderait pas. Leur technique était mauvaise, méchante, un coup porté à son cœur déjà meurtri. C'était bas, très bas.
Autant dire que Stiles se sentait passablement trahi, mais pas assez pour leur en vouloir réellement. Enfin, sur le coup, oui. Mais il était certain qu'il oublierait ça par la suite, comme il le faisait toujours. Trop gentil, trop tolérant.
Parce que le pire, c'est qu'il finirait par pardonner à son frère les paroles qu'il lui avait crachées à la figure. Il l'avait toujours fait, et ce n'était pas près de s'arrêter malgré la douleur.
- Tu sais, on a entendu presque toute votre... Discussion, reprit patiemment Derek.
Stiles essaya tant bien que mal d'ignorer la douleur qui le prenait aux tripes. D'abord, cette confrontation aussi foireuse que violente et maintenant, l'indifférence du loup ? D'ordinaire, il pouvait la tanker. Mais pas là. Pas alors qu'il avait la peau et les nerfs à vif.
- Cool, fit-il simplement, se contrôlant autant qu'il le pouvait.
L'air de rien, il voulait faire illusion, même si son odeur devait sans doute le trahir. Si Derek ne pouvait pas savoir précisément ce à quoi il pensait, il devait percevoir ses émotions et savoir qu'il se sentait mal sans aucun problème. Et ça, c'était pire que tout. Parce qu'il s'en foutait. Il se fichait de son état, de ce qui lui faisait si mal. Comment lui en vouloir ? Il était l'hyperactif qui ne cessait de le chercher et de lui pourrir la vie. Puis, jamais il n'avait montré une quelconque affection à son égard. Sa présence ici n'en était que plus incompréhensible.
- Tu sais, j'ai tout mon temps.
Temps qu'il utilisait bien mal, de l'humble avis de l'hyperactif qui, de but en blanc, lui demanda au culot :
- Tu pourrais pas, genre... Me laisser me casser et faire comme si tu m'avais juste pas vu partir ? On y gagnerait tous les deux au change, avoue-le.
Stiles aurait droit à sa tranquillité explosive et Derek n'aurait plus à jouer ce stupide rôle de flic. Honnêtement, l'hyperactif espérait que le loup n'allait pas chercher à le retenir. Déjà, il s'était levé, ignorant la manière dont ses blessures le tiraillaient. Il ne demandait pas grand-chose, si ce n'était s'en aller. On pouvait le lui accorder, non ? Lui qui accordait tout à tout le monde pouvait bien voir l'un de ses seuls réels souhaits s'exaucer.
Mais pour la première fois depuis le début de leur face à face des plus tendus, Derek fronça légèrement les sourcils.
- Tu tiens vraiment à faire comme s'il ne s'était rien passé ? Demanda-t-il d'un ton indéchiffrable.
Sans cesser de le fixer, Stiles hocha lentement la tête. Il avait toujours le regard dur et le visage fermé, à tel point que c'en était presque terrifiant. Mais avec son odeur... Non, en fait, ça ne l'était pas. Néanmoins, Derek se redressa et lui fit un léger signe de tête à son tour. Si Stiles avait été dans un meilleur état et plus attentif, il aurait décelé l'étincelle calculatrice dans son regard.
- Très bien, dit-il simplement, l'air tranquille.
Il y eut un temps mort, durant lequel Stiles ne sut pas vraiment ce qu'il était censé comprendre. Derek mit fin à ce silence lourd autant de sens que de tension :
- Va-t'en.
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