Chapitre 6


Lorsque Stiles gara sa voiture aux abords de la forêt ce matin-là, il n'était pas tranquille. Deux jours qu'il n'était pas rentré chez lui et à vrai dire, ça se sentait un peu. Il s'était débrouillé niveau odeur, se lavant dans les vestiaires du lycée, mais pour le reste... Eh bien il avait fait la connerie de partir sans affaires de rechange, ce qui fait qu'il avait été obligé d'acheter des sous-vêtements dans un petit magasin et une nouvelle boîte d'Adderall. Pour les cours, il avait de quoi faire dans son casier. Mais sinon, ses vêtements restaient les mêmes.

Depuis qu'il avait eu cette discussion étrange avec ses frères, discussion qui lui avaient rappelé certains démons, Stiles n'avait plus mis le pied chez lui, s'y sentant incapable. Dès qu'il imaginait sa maison, une bouffée d'angoisse l'envahissait et il devenait incapable de réfléchir. Il y avait des secrets qu'il voulait garder, notamment ceux sur le monde surnaturel, dont ses frères ne devaient pas se douter de l'existence.

Si Stiles avait prévenu son père qu'il allait passer quelques jours chez Scott, la réalité était toute autre. A vrai dire, il dormait dans sa voiture et autant dire que si c'était difficile de base, il n'avait pas son oreiller fétiche en sa possession, ce qui rendait ses nuits encore plus chaotiques qu'elles ne l'étaient déjà. Mais il avait une certaine fierté et avait décidé de ne pas aller le chercher, au risque de croiser l'un ou l'autre de ses frères, ou bien les deux. Oui, en soi, il fuyait. Il fuyait pour ne pas craquer.

Ce matin, les cours avaient été annulés à cause d'une réunion rassemblant une grande majorité de professeurs. Ainsi, Scott en avait profité pour organiser une espèce de rassemblement de la meute avec, peut-être, une battue de la forêt dans la foulée. Stiles était paré : sa batte de baseball ne quittait pas sa Jeep. On ne sait jamais ce qui peut nous tomber dessus et l'hyperactif connaissait mieux cet adage que quiconque de par ce qu'il vivait au quotidien.

Maintenant, il se prit à espérer que personne ne fasse de remarques sur sa tenue... Qui était la même depuis deux jours. Disons que cela aurait pu être anodin s'il n'était pas du genre à se changer tous les jours, par souci d'originalité et de spontanéité. Stiles détestait la routine, adorait accorder ses vêtements selon ses humeurs. Là, sa chemise rouge vif à carreaux faisait tache : il l'aurait bien échangée pour sa version grise. Parce qu'il n'était pas d'humeur extrêmement joyeuse.

Se parant d'un air qu'il voulut désinvolte, Stiles sortit de sa Jeep et commença à faire le vide dans sa tête. Il avait dix bonnes minutes de marche avant d'arriver au lieu de rendez-vous exact. De quoi lui laisser assez de temps pour mettre au point un masque de qualité. Tout le long du chemin, il s'efforça d'oublier sa vie actuelle, le poids mort que représentaient ses frères qui continuaient de temps à autres de lui envoyer des messages. Ils voulaient savoir pourquoi il ne rentrait pas, où il dormait, s'il avait conscience de mentir à leur père. Si Stiles avait été naïf, il aurait pris tout cela pour de l'inquiétude. Mais il n'était pas dupe. On le surveillait, parce qu'on le voyait comme un gamin. Et Stuart voulait l'emmerder mais ça, c'était autre chose. Le petit génie avait toujours eu une dent contre lui, à croire qu'il était né pour le détester. Le cas de Thomas était un peu plus compliqué. Pour être honnête, il n'arrivait pas à le cerner et pourtant, il s'agissait de l'un de ses talents. Stiles n'avait pas son pareil à ce niveau-là, et il n'était pas rare qu'il prévienne ses amis quand ceux-ci parlaient à de nouvelles personnes qu'ils jugeaient un peu louches, ou bien... A des anciennes connaissances. Il ne se trompait jamais. Mais concernant Thomas... Il avait réellement du mal, tant celui-ci lui envoyait des signaux contradictoires. Un vrai paradoxe à lui tout seul. Lui voulait-il du bien ? Sincèrement ? A plusieurs reprises, il avait essayé de tempérer Stuart et non Stiles. Forcément, l'hyperactif avait du mal à se positionner. Une chose était certaine, il ne pourrait jamais faire disparaître cette douleur immuable, liée à cette impression étrange d'être de trop dans cette famille. Celui qui apportait les problèmes. Celui qui agissait mal, qui ne faisait pas ce qu'il fallait. Celui qui n'était pas comme tout le monde.

Stiles ne se rendit pas tout de suite compte qu'il était arrivé à destination. En fait, Lydia et Scott durent l'appeler plusieurs fois avant qu'il ne daigne les entendre et faire attention à eux. Il s'excusa et salua tout le monde correctement, tout en feignant une certaine fatigue... Plutôt réelle, en fait. La Jeep n'était pas le meilleur endroit qui soit pour dormir alors forcément... Il lui manquait quelques heures de sommeil. Comme ça, pas besoin de mettre des mots sur son mensonge : son attitude suffisait. Et puis de cette façon, personne n'irait lui poser de question, ni même faire attention à lui. C'était sans compter sur Derek et son regard aiguisé. Ses yeux voyaient tout du jeu de Stiles, dont il ne comprenait pas la fuite de l'autre jour. Elle lui était restée en travers de la gorge. Pas parce qu'il s'était senti blessé de ce départ soudain, mais surtout parce qu'il avait l'impression que l'hyperactif leur cachait à tous quelque chose de gros. Son odeur était assez parlante à ce sujet mais étonnamment, personne ne semblait y faire attention, contrairement à lui. Était-il le seul à rester sur le qui-vive ? Ou même plus largement à s'intéresser à Stiles... En tout bien tout honneur, bien évidemment. En fait, Stiles avait inconsciemment ouvert une brèche à Derek, brèche très fine mais pourtant bien présente. Impossible pour lui d'ignorer ce qui en sortait. C'était inédit, surprenant, intrigant – mais pas dans le bon sens. S'il ne connaissait pas parfaitement l'hyperactif, l'ancien alpha savait toutefois qu'un Stiles silencieux était un Stiles qui n'allait pas forcément très bien, ce que corroborait son odeur. Bien sûr, l'adolescent n'était pas du genre à parler de ses problèmes, ce qui risquait de lui compliquer la tâche. Oui, parce qu'il comptait bien mener sa petite enquête. Oh, il ne le ferait pas si Scott remplissait son rôle de meilleur ami, ce qui n'était pas réellement le cas. Il allait et venait entre les gens, discutait avec tout le monde et lorsqu'il croisa l'hyperactif, se contenta de le saluer et de le vanner sur sa pâleur. Sérieusement, McCall ne voyait-il réellement rien ? Alors qu'il allait s'avancer pour aller lui en toucher un mot, l'alpha fit commencer cette espèce de réunion. Derek mit sa frustration de côté et prit son mal en patience.

Scott parla de nouvelles traces qu'il avait trouvées, notamment des empreintes. La manticore traînait dans le coin et semblait avoir une affection toute particulière pour cette forêt. Le but de cette session était donc de cartographier tous les indices que l'on trouverait et essayer de définir un schéma, ou bien un chemin récurrent qu'elle emprunterait. Chacun hocha la tête et l'on se mit à discuter des équipes. Ça allait de son commentaire, parce que Scott était assez nul à ce niveau-là. Mettre Théo et Isaac ensemble... Ils s'entendaient, à force de se côtoyer, mais ça ne collait pas assez. Globalement, tout le monde trouvait le moyen de s'engueuler rapidement avec le blond au regard fourbe, excepté Liam, qui avait compris comment se comporter avec lui. Dire qu'il savait l'amadouer serait plus juste mais ça, Stiles était le seul à l'avoir remarqué et ce, depuis un moment.

N'ayant pas envie d'attirer l'attention sur lui, Stiles ne parla pas autant que d'ordinaire, histoire de se faire oublier. En fait, il dosa son débit de sorte à ce que l'on sente sa présence, mais pas plus. Il se concentra tellement sur son attitude et son apparence qu'il ne remarqua pas les réguliers coups d'œil que lui jetaient Derek. Puis en même temps, il était loin de s'imaginer que le loup dont il était épris pouvait s'inquiéter à son sujet. C'était ridicule.

Tout aussi ridicule que son existence, si ce n'est plus.

- Quelqu'un vient, alerta soudainement Isaac.

Le groupe s'interrompit une seconde et le reste des loups finirent par hocher la tête, après avoir écouté et entendu des bruits de pas. Quatre pieds marchaient en leur direction, à une bonne centaine de mètres d'eux et ils se rapprochaient vite. Mais l'ont vit rapidement Jackson froncer les sourcils et tourner la tête vers Stiles. Lorsqu'on lui demanda ce qui lui arrivait, le kanima, dont l'odorat était extrêmement développé, répondit :

- Ils sentent... On dirait Stiles.

Tous les regards se tournèrent vers l'intéressé, dont l'expression avait totalement changé.

- Ils sont deux ? Demanda-t-il, pour être sûr.

Son odeur changeait doucement. La colère s'y faisait une place, mais une forme de doute persistait. L'hyperactif semblait incrédule. Mais lorsque Jackson et les autres loups le lui confirmèrent, ce fut radical. Son visage se ferma complètement et ses yeux devinrent noirs de rage. Toutefois, il resta extrêmement calme, n'eut aucun mouvement brusque.

- Je vais régler ce problème, dit-il simplement d'un ton sec.

- Attends, l'arrêta Scott en se mettant devant lui. Tu sais qui vient ?

- Oui, siffla Stiles.

Il essaya de passer, mais l'alpha lui barra à nouveau la meute.

- Je vais régler le souci et les renvoyer d'où ils viennent alors je te prierais bien gentiment de me laisser passer, fit Stiles sans changer de ton.

Sa colère était d'autant plus visible que le choix de ses mots était précis. Un Stiles qui mettait du soin dans son phrasé était un Stiles qu'il ne fallait pas contredire.

- Bro, d'abord, tu nous expliques, quémanda le latino.

L'hyperactif ferma les yeux un instant avant de les rouvrir. Si un regard pouvait tuer, le sien aurait mitraillé Scott d'une centaine de balles.

- Scott, t'es con ou ça se passe comment ?

L'alpha ne feignit pas sa surprise et elle était telle qu'il ne fut même pas réellement blessé ou touché par l'insulte, aussi inhabituelle soit-elle. Parce que Stiles... Était loin d'être du style à insulter ou rabaisser qui que ce soit, encore moins son meilleur ami. Se dégageait de lui une aura de colère inédite, plus profonde que jamais. Même Lydia, banshee mais humaine de surcroit, percevait cette émotion boostée par une force inédite.

- J'm'en branle que t'aies une force de malade. Si je veux passer, je passerai, asséna l'hyperactif sans aucune finesse.

Il parlait sans filtre, comme toujours, mais cette fois-ci était différente de d'habitude. Il était horriblement honnête et son ire donnait un ton plutôt brutal à sa franchise. Son attitude fut troublante à tel point que Scott ne résista pas lorsque son frère de cœur le dépassa d'un pas lourd, le regard noisette teinté d'encre. Tout autour d'eux, on mit du temps à réagir, tant et si bien que Stiles avait disparu de leur champ de vision d'un pas plutôt rapide.

Il voulait en finir avec cette histoire.

Tout de suite.

Le jeune homme s'enfonçait dans la direction précédemment indiquée par ses amis, l'air fermé. Cette fois, il en avait fini avec sa patience. Stuart et Thomas avaient abusé de sa gentillesse et de cette chance qu'il leur avait inconsciemment accordée. Maintenant, c'était fini.

- Alors ça vous a pas suffi, qu'on discute la dernière fois ? Fit-il, la voix traînante à l'accent menaçant. Vous vous êtes dit que les messages, les appels, c'était pas assez ? Que me suivre, c'est bien plus efficace ?

Il gardait un air calme de façade. Il ne devait pas être celui qui s'emportait – ironique, lorsque l'on savait que le simple fait de les savoir près de lui le foutait dans une rogne inimaginable. En plus de cela, la meute n'était pas loin et comment dire... Personne, pas même Scott, n'était au courant de l'existence de ces deux enfoirés de première. Il devait surveiller ses mots, contrôler sa fureur, ses gestes, et faire partir les deux idiots au plus vite.

Autant dire que cela faisait beaucoup de choses pour un seul adolescent, hyperactif et mal dans sa peau de surcroît. Mais il allait y arriver sans trop s'en prendre plein la gueule, n'est-ce pas ? Bien sûr qu'il allait y arriver... Pour la seconde partie, rien n'était moins sûr. Au pire, il ferait comme d'habitude. Il encaisserait, comme il savait si bien le faire.

- Tu n'as qu'à pas être aussi irresponsable, fit finalement la voix la plus grave de la fratrie.

Thomas venait de sortir de sa cachette et il arborait un air sombre. Stiles eut un sourire mauvais. Irresponsable... Qu'il était adorable de commencer aussi doucement !

- Je ne vois pas en quoi je le suis, rétorqua-t-il en croisant les bras sur son torse.

- Stiles, tu n'es pas rentré à la maison depuis deux jours ! S'exclama Thomas. On peut savoir où tu dors ?

- Parce que ça t'intéresse, peut-être ? Demanda l'hyperactif en haussant un sourcil.

- Ce qui nous intéresse, c'est de savoir quoi répondre à Papa quand il nous demande ce que tu fais et quand il se demande pourquoi tu ne restes pas avec nous, renchérit Stuart en se montrant au grand jour.

Si Thomas pouvait potentiellement avoir l'air légèrement préoccupé – incroyable ! –, Stuart semblait réellement ennuyé. Comme s'il avait mieux à faire que de pister son propre frère.

- Ah mais ça, c'est pas mon problème, se désolidarisa totalement Stiles. Vous avez toujours eu assez d'imagination pour m'insulter, vous devez bien avoir deux-trois idées en tête pour trouver une excuse au fait que je préfère être seul que de passer du temps avec vous.

Evite les insultes, se répétait-il, sois plus intelligents qu'eux. Car ça allait démarrer, il le savait. Cela avait toujours été comme ça avec ses frères. Ils faisaient des étincelles, ensemble, et n'arrivaient pas à se comprendre. Et, bordel, la raison dirait à n'importe qui de faire des efforts, mais Stiles était épuisé à ce niveau-là. Il avait essayé. Il avait toujours essayé. Mais ils ne changeraient pas. Jamais. Fais-toi une putain de raison, se dit l'hyperactif sans faire cas de la douleur qui lui serrait la gorge. Il ne devait rien montrer, ne pas leur laisser imaginer ce qu'il pouvait réellement ressentir. Hors de question de leur faire ce plaisir. Ils auraient juste droit à sa colère. Rien de plus.

- Stiles, soupira Thomas, dis-nous au moins où tu dors.

Il semblait inquiet, sincèrement inquiet, mais l'humain refusa de voir cela. Parce que c'était complètement stupide d'imaginer que l'un de ses frères puisse ressentir autre chose que de la haine à son égard.

- Tu peux rêver pour ça, rétorqua l'hyperactif d'un air qui se voulait détaché.

- Et pourquoi, t'as peur ? T'as peur que papa découvre que le plus con de ses trois gosses fait de la merde dans son dos ?

Stiles se crispa. Ne pas réagir. Il savait ce que Stuart cherchait et par extension, ce que Thomas désirait également. Le foutre dans une rogne noire. Si noire qu'une bagarre éclaterait et qu'il en serait tenu responsable. Lui. Parce qu'il était l'hyperactif de la fratrie, celui que l'on jugeait instable depuis le départ.

- J'ai rien à me reprocher, répondit-il calmement.

Et c'était la vérité.

- Mais bien sûr ! Elle est où la came ? Allez Stiles, fais pas genre. Tu t'isoles trop pour que ça soit normal. Tu retrouves tout le temps ces gens, ce groupe. Ils sont bizarres, d'autant plus que l'un d'eux a un casier ! Traîner avec un meurtrier, c'est vachement ton genre, ricana le petit génie de l'informatique.

- Stuart, le réprimanda doucement Thomas.

- Tu parles sans avoir toutes les infos, siffla Stiles entre ses dents.

La colère montait, doucement mais sûrement. Evoquer Derek était une erreur. Le reléguer au rang d'assassin en était une plus grande encore.

Stuart ricana à nouveau et sortit son téléphone portable.

- Non mais quand même, ton type a pété un plomb. Sa famille est morte dans un incendie et il est l'un des seuls à en sortir vivants. Des années plus tard, il tue sa sœur. Tu as vraiment de drôles de fréquentations...

Stiles dut serrer les poings à s'enfoncer les ongles dans la peau pour ne pas lui sauter dessus. Cet enfoiré savait taper là où ça faisait mal. Et Thomas ne faisait rien d'autre que regarder son frère à lunettes d'un air ahuri. Pourquoi faisait-il l'étonné alors qu'ils étaient de mèche, tous les deux ?

- Il ne l'a pas tuée, articula Stiles aussi calmement que possible.

Mais sa résistance à la colère s'effondrait déjà.

- Oh, rien n'a été prouvé mais en cherchant un peu... Enfin. A côté, t'as un orphelin dont le père est mort dans des circonstances étranges, à croire qu'il l'a buté aussi. Oh et la tarée aussi ! Une rouquine qui a fait un séjour en hôpital psychiatrique.... Oh, Eichen House, comme toi dis donc ! Bel entourage ! Ah, et...

Au diable le calme. Au diable les responsabilités. Au diable ses amis, dont il avait oublié la présence proche.

Stiles ne pouvait pas supporter longtemps que l'on parle ainsi de sa véritable famille. Il avait résisté autant que possible aux mots empoisonnés de Stuart, mais ceux-ci avaient fait leur chemin dans son esprit torturé.

Qu'importe que Stuart arbore une belle ecchymose sur son visage d'ange. Qu'importe également que Stiles paye pour son acte. Mentalement, il approchait de la rupture à grand pas.

Il se sentit exploser lorsque son poing rentra durement en contact avec la peau garnie de grains de beauté de son clone.

Il y eut un instant de flottement. Stiles ne vit pas l'air plus que choqué qu'arborait Thomas, ni l'ahurissement de Stuart. Ahurissement qui se transforma rapidement en quelque chose de bien plus sombre.

Stiles n'était pas le seul à être sanguin.

- Petite merde ! Siffla Stuart.

Et il répliqua.

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