Chapitre 2


Stiles ferma silencieusement la porte derrière lui. Enfin, disons qu'il se fit le plus discret qu'il le put, dans la mesure du possible. La discrétion n'était pas son fort mais il avait fait des progrès depuis qu'il faisait partie d'une meute de loups-garous. Avait-il seulement le choix ? Être discret en allait parfois de sa survie. Dans l'état actuel des choses, faire un peu de bruit n'allait pas provoquer sa mort dans l'immédiat.

- Stiles.

Quoique.

Ses frères l'attendaient au bout du couloir, l'air aussi contents de le voir que si on leur avait dit qu'il s'agissait en réalité d'un meurtrier multirécidiviste. Stiles se fit alors la réflexion que coupable de quelque chose ou innocent de tout, leur regard sur lui ne changerait pas. Se retenant de montrer un quelconque signe de faiblesse, l'hyperactif garda un visage des plus fermés et essaya d'être le plus neutre possible. Il connaissait assez ces deux fumiers pour savoir qu'ils pouvaient se servir de n'importe laquelle de ses réactions contre lui. Et même si supporter leur présence plus de quelques secondes le tuait à petit feu, il était impossible pour lui de fuir encore, tout autant qu'il était hors de question de leur avouer ce fait. Pourquoi leur faire part de sa souffrance les concernant alors qu'ils n'en avaient rien à cirer ? Ils partageaient le même sang et le même physique, certes, mais c'était tout ce qu'ils avaient en commun. Pour le reste, on ne pouvait pas faire plus différent. Stiles se demanda avec amertume si c'était le fait qu'ils étaient des triplés qui avait provoqué toute cette haine entre eux – surtout envers lui. Pourtant, enfants, ils ne s'entendaient pas si mal, non ? Ce n'était pas toujours tout rose et des disputes, il y en avait souvent, mais... Il n'y avait pas de haine, pas de dégoût, pas ce besoin de rester loin les uns des autres. Quoique Stiles avait l'impression que Stuart et Thomas s'étaient un peu rabibochés – la preuve en était qu'ils se tenaient l'un à côté de l'autre et le regardaient avec le même air, cette haine incommensurable couplée à ce mépris fou.

Ça au moins, ça n'avait pas changé. Ce n'était pas la constante que Stiles aurait souhaité mais dans la vie, on n'avait pas toujours ce qu'on voulait. S'entendre cordialement avec frères était apparemment trop demandé et de l'ordre de l'impossible en plus de cela. Tant pis, il s'y était fait et continuerait de s'y faire. De toute manière, tout irait mieux lorsqu'ils s'en iraient et que Stiles retrouverait son foyer à lui, composé uniquement de son père et lui. Alors non, peut-être qu'il n'était pas suffisant pour son père mais au moins, ils s'entendaient bien... Et il l'aimait. Bordel, ce qu'il tenait à son père. Malgré tout, il aimait aussi ses frères mais s'y refusait autant que possible. Il tenait à ne pas augmenter sa douleur intérieure plus que nécessaire. Et puis lorsqu'ils s'en iraient, il oublierait autant que possible cette plaie béante qui ne guérirait jamais.

- Stiles, il faut qu'on parle, commença Thomas.

De ce qu'il en savait – peu, au final – Thomas était le plus mesuré de la fratrie. Stiles le considérait comme l'aîné, étant donné qu'il avait été le premier à sortir du ventre de leur mère. Trente secondes plus tard, Stuart avait suivi et le petit dernier de quelques secondes, Stiles, s'était précipité à sa suite, comme s'il n'avait attendu que le départ de ses frères pour considérer que le ventre de sa génitrice était has been et que l'air libre, c'était cool aussi.

- Ah désolé, j'ai poney sur glace, rétorqua sarcastiquement Stiles.

Oui, Thomas était le plus mesuré de la fratrie mais il était aussi méprisant que Stuart. C'était un peu le genre de mec à tout savoir parce qu'il a de l'expérience. Thomas était du genre à généraliser son cas à d'autres et c'était ce qui énervait le plus Stiles le concernant. Alors, forcément, l'hyperactif ne prenait pas de pincettes avec lui non plus. Thomas et Stuart lui en avaient bien fait baver à leur manière et puisque « l'aîné » ne le ménageait pas, il n'allait pas le ménager non plus. Stiles commença alors à se diriger vers les escaliers mais il sentit qu'on lui attrapait le bras pour le retenir. Il s'arrêta, se tourna d'un air agacé vers Thomas avec une lenteur délibérée, destinée à lui montrer qu'il n'était pas d'humeur.

- Quoi ? Demanda-t-il seulement en prononçant ce mot lentement, en articulant chacune des lettres, comme s'il prenait son frère pour un idiot.

- Pourquoi t'es parti d'un coup, t'étais où ? Intervint Stuart, un sourcil relevé.

Si la question pouvait donner l'impression qu'il s'était inquiété pour le cadet, la réalité était toute autre. Il semblait embêté, comme si l'absence de Stiles l'avait obligé à trouver une justification et donc à faire chauffer ses neurones dans le but que Noah garde l'esprit tranquille. Apprendre qu'aucun de ses fils ne s'entendait lui ferait bien mal au cœur. Intérieurement, Stiles se réjouit de l'embarras du petit génie. Oh, quel effort avait-il dû fournir pour couvrir leur mensonge commun, seule chose sur laquelle ils étaient tombés d'accord depuis des années ! Quel dommage qu'il ait été forcé de réfléchir à autre chose que le codage de ses logiciels... Un peu plus et Stiles pourrait être curieux de ce qu'il avait sorti à leur père.

- Oh, Stu, fais pas comme si ça t'intéressait. La version que tu as créée pour papa suffira.

- Stiles, je suis sérieux et Thomas aussi. Où t'étais et qu'est-ce que tu foutais ?

Stiles dégagea sèchement son bras.

- Tu peux toujours courir pour que je te réponde.

S'il avait été un peu moins fatigué et s'il ne connaissait pas la fâcheuse tendance de ses frères à vite dériver vers un moyen de le rabaisser, il aurait répondu – pas par sympathie pour eux, juste pour être tranquille. Depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, Stiles avait pris une résolution : ne pas faire d'efforts tant qu'ils n'en feraient pas avec lui. Ils avaient l'habitude de le chercher. Pourquoi ne pas faire la même chose ?

- Stiles, fais un effort, soupira Thomas.

Ben voyons.

- Sincèrement, ça ne vous regarde pas, tout comme ça ne vous intéresse pas. Et moi, ce qui m'intéresse actuellement, c'est mon lit, alors vous m'excuserez mais je vais arrêter de perdre mon temps avec vous et je m'en vais pioncer.

Stiles se détourna alors et partit à l'étage sans un mot de plus. Et puisqu'il était prévoyant, il ferma la porte de sa chambre à clé, sachant parfaitement que ces idiots pouvaient tenter de venir à tout moment. L'avantage, c'est qu'ils n''insisteraient pas car leur père dormait au bout du couloir et il était hors de question de le réveiller. Autrement, il faudrait se justifier pour le bruit et mentir, encore, mentir, toujours.

Désormais seul, Stiles se laissa glisser contre sa porte verrouillée et soupira alors qu'il était assis par terre. Son visage, qui avait perdu toute sa neutralité, était désormais très expressif et trahissait une fatigue non feinte. Mentir et faire comme si, c'était épuisant mentalement, surtout que ça lui demandait plus d'efforts qu'il ne l'imaginait à chaque fois. Par chance, ses frères n'avaient pas été trop insistants – encore heureux – et Stiles avait tout fait pour s'éloigner d'eux le plus vite possible. Il avait donc évité une potentielle future engueulade qui aurait non seulement réveillé son père, mais qui lui aurait également fait beaucoup de mal. Stiles, malgré les différends qu'il avait avec eux, détestait se disputer avec ses frères. Il n'arrivait jamais à se faire entendre, comme il n'arrivait jamais à savoir pourquoi ils agissaient ainsi avec lui. Parce que si Stuart et Thomas ne s'aimaient pas non plus, Stiles n'arrêtait jamais de constater qu'ils se liguaient aisément contre lui. En même temps, n'était-ce pas facile de critiquer le vilain petit canard qu'il était ? Le seul des trois à avoir développé un TDAH. Stuart, les seules fois où il le voyait, s'amusait souvent à lui rappeler qu'il n'était pas comme eux, comme si cela faisait de lui quelqu'un d'inférieur. Le cœur de Stiles se serra à cette pensée. Au moins, il s'était épargné ce genre de remarques ce soir... En se dérobant comme il l'avait fait à son arrivée lorsqu'il avait découvert ses frères chez lui : rapidement.

Derrière la porte, Stuart, qui était monté un peu lentement, eut un regard noir et siffla entre ses dents :

- Putain d'hyperactif de merde...

- C'est bon, on le chopera demain, soupira Thomas en l'entraînant plus loin.

Toutefois, il avait le regard sombre.

xxx

Stiles s'était levé non pas aux aurores, mais en plein milieu de la nuit, tout simplement parce qu'il avait eu la bonne idée de décrocher lorsque son téléphone avait sonné. Conscient que ses deux frères, dont les chambres n'étaient pas loin, pouvaient l'entendre, il s'était réveillé dès la première sonnerie et avait empêché la seconde de retentir. S'en était suivi un semi-échange avec Isaac qui l'avait convaincu de venir – le tout en chuchotant.

- Tout va bien, bro ? T'as mauvaise mine.

Stiles sursauta. Il était quatre heures vingt et se retrouver aux abords de la forêt ne le rassurait pas du tout, même si une partie de sa meute était présente. Il se retourna vers Scott, qui le regardait d'un air non pas soucieux, mais... Etrange. L'hyperactif étant encore à moitié réveillé – un miracle qu'il n'ait pas eu d'accident en conduisant –, il mit cet air sur le coup de sa propre fatigue.

- Comme quelqu'un que tu sors du lit à quatre heures du matin, répondit tout naturellement Stiles en se frottant les yeux.

- Arrête de râler, on est tous dans le même panier, rétorqua Scott avant de s'éloigner.

Stiles le regarda marcher pour se rapprocher d'Isaac en fronçant les sourcils. Effectivement, ils étaient tous dans le même panier mais l'hyperactif faisait l'effort de ne pas imposer son mécontentement aux autres. Non, s'il avait répondu, c'était tout simplement pour le « rassurer » et éviter d'avoir à faire allusion à ses frères. Scott n'était même pas au courant qu'il en avait alors pourquoi se compliquer la vie ? Puis au moins, cette remarque qu'il avait faite pouvait expliquer la plupart des sentiments que son odeur devait dégager, le mettant loin de tout interrogatoire. De toute manière, il aurait la flemme de répondre et n'aurait eu aucune envie d'ouvrir la bouche.

Quelques secondes plus tard, Lydia vint voir Stiles, accompagnée de Peter et ils l'emmenèrent un peu plus loin, dans le but de lui montrer ce qui obligeait la meute à être ici en pleine nuit au lieu de dormir bien tranquillement chacun dans son lit. Il s'agissait d'empreinte, de traces de pas étranges et pas réellement... Humaines. Pas du tout, même. Stiles éclaira un peu mieux l'endroit à l'aide de sa lampe de poche fétiche et plissa les yeux car sa vue était un peu floue.

Si on l'avait fait venir également, ce n'était pas pour son côté humain ni pour un potentiel talent pour le combat : non, Stiles était nul en combat. Nul tout court. Il le savait, mais il ne disait rien à ce sujet, s'économisant de la force mentale pour combattre ce que ce genre de remarques pourrait lui faire ressentir encore et encore. Non, si on lui avait prié de venir, c'était simplement parce qu'il avait étudié un tas de bestiaires prêtés par Deaton et en connaissait le contenu par cœur. Ainsi, il était à même d'identifier n'importe quelle créature surnaturelle et c'était là l'une de ses deux seules utilités, la seconde étant sa propension à la stratégie et à la création de plans pour n'importe quelle mission.

Stiles grimaça.

- Si c'est vraiment ce à quoi je pense, eh bah on est pas dans la merde, finit-il par lâcher.

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