Chapitre 13


Le regard de Derek était aussi froid qu'un glacier et son expression n'avait pas changé d'un iota. Stiles ne jugeait pas ça comme une mauvaise nouvelle à proprement parler, il avait juste... Quelques doutes. Disons que cette froideur pouvait l'amener où il le voulait et lui permettre de faire en sorte que Derek le mette à la porte et en même temps... Une petite partie de lui avait envie que ce ne soit pas le cas. Ce qu'il aimerait en tout cas plus que tout, c'était que l'ancien alpha ait une réaction claire. Un geste, un mot. Stiles était même prêt à se faire plaquer contre un mur, à subir une violence mesurée. Tout ce qu'il voulait... Ce n'était rien de plus qu'un signe. Quelque chose pour lui permettre d'adapter son jeu, sa stratégie.

Car le temps était son ennemi et déjà, sa gorge continuait de se serrer. Il se sentait mal. Au bout d'un moment qui lui parut interminable, la bouche de Derek laissa passer quelques mots.

- Tu me veux, moi ?

Il n'y avait pas la moindre once d'étonnement dans sa question, posée d'une manière si sèche que l'hyperactif se sentit frissonner. Mais il prit son courage à deux mains : hors de question de s'arrêter là. Il avait l'espoir que Derek le dégage et se savait tout près du but.

- Tu devrais le savoir, depuis le temps.

Jouer la carte de la sincérité était aussi risqué que tout le reste. Cependant, Stiles n'avait pas beaucoup d'idées tant la situation était inédite et son humeur... Difficile à gérer. S'il restait trop longtemps ici... Bien sûr qu'il allait craquer. Ce n'était qu'une question de temps. De toute façon, ça irait : Derek était toujours gêné, dérangé par ce faux flirt que Stiles agrémentait d'éléments réels. Il l'envoyait toujours bouler, pourquoi les choses seraient-elles différentes en ce jour ?

Mais Derek n'eut aucun mouvement de recul et garda un silence... Que Stiles eut bien du mal à interpréter. L'ancien alpha n'avait pas un mot sec à lui balancer ? Quelque chose sur lequel l'hyperactif pourrait rebondir, puis en rajouter une couche... Quoiqu'en y repensant, Stiles se disait qu'il devait tout de même continuer, aller plus loin. Et d'habitude... C'était ce qu'il aurait fait. Pourquoi n'y arrivait-il pas ? Pourquoi son propre jeu lui semblait-il être en demi-teinte ? Sa gorge nouée ne l'aidait pas non plus... Et c'était encore pire concernant l'absence quasi-totale de réaction de la part de Derek.

Mais enfin, il entrevit quelque chose de positif concernant son plan.


Ce n'était pas une question, plutôt une affirmation... Quelque chose de factuel. Comme si Derek lui lâchait une information comme une autre. Stiles fronça les sourcils.

- On ne plaisante pas avec les sentiments, Derek.

D'autant plus qu'il entendait son cœur et ne pouvait pas le traiter de menteur. Au final, la vérité, aussi triste soit-elle pour lui, allait jouer en sa faveur. Repousse-moi, pensa Stiles. Ça ferait mal, mais c'était nécessaire. Partir pour éviter de craquer devant lui était bien plus important qu'une humiliation causée par de stupides sentiments. Stiles oublierait, Derek cesserait d'obéir aux autres, de le chercher alors qu'il se fichait littéralement de sa présence. Il ne l'aimait pas et pour une fois, ça pouvait servir à l'hyperactif...

... Enfin si Derek se décidait à réagir. Pourquoi restait-il si calme, imperturbable ? En temps normal, il l'aurait déjà expulsé de son appartement après lui avoir fait goûter à la dureté de ses murs. Stiles en était presque... A désirer qu'il s'énerve contre lui. Juste pour pouvoir partir.

Mais... Il ne se passa rien. Le temps s'égrena lentement, dans un silence morne. Et Stiles finit par exploser. Sa résistance, loin d'être éternelle, touchait déjà à sa fin, se brisait sans un bruit tandis que son regard changeait. Le jeune homme, qui sentait les larmes monter à une vitesse affolante, se recula brusquement.

- Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? Cracha-t-il soudainement, à bout. Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que tu me foutes à la porte ?! Pourquoi tu ne fais rien ? Pourquoi tu ne me dis pas d'arrêter ? Pourquoi tu ne t'énerves pas ?! Pourquoi tu ne veux pas être comme d'habitude ? Repousse-moi, crie-moi dessus, fais quelque chose !

Stiles n'était pas censé perdre ses moyens, tout comme il n'aurait pas dû avouer à demi-mots la raison pour laquelle il avait rapidement en place ce petit stratagème censé lui garantir son départ – et par extension, sa liberté. D'autant plus que Derek avait le sang chaud : qu'attendait-il pour le remettre à sa place et le virer du loft ? Stiles sentit une certaine fébrilité le gagner. Il n'allait pas tenir.

Du tout.

Le souffle de plus en plus rapide et le visage rougissant sombrement, il ferma les yeux une seconde. Était-il possible pour lui de résister encore un peu ? Rouvrant rapidement les yeux, il essaya d'y mettre toute sa colère, toute sa rage de se retrouver coincé. Si ça continuait... Au diable ses chaussures : il s'en irait pieds nus.

- Qu'est-ce qu'il faut ? Demanda-t-il encore, la voix brisée. Que je t'embrasse ? Que je te saute dessus ? Que je te fasse l'étalage de sentiments aussi ridicules que gênants ? Qu'est-ce que je dois faire pour que tu me hurles de dégager ?! Elles sont où tes menaces ? Il est où, le loup censé m'arracher la gorge avec ses dents ?

Stiles détestait la manière dont sa voix tremblait, dont elle faisait état de sa faiblesse. Je veux partir, pleurnicha sa petite voix intérieure. Il serra les poings, les dents, essaya d'ignorer les larmes qui, déjà, piquaient ses yeux. Le silence de Derek, toujours plus long, l'acheva malgré lui. Et il rit. Il rit parce que cette situation était ridicule. Parce qu'il avait mal. Parce que cet enfoiré de Sourwolf le regardait fixement sans rien dire, sans rien faire.

- T'es même pas foutu d'être honnête avec moi, souffla Stiles, un sourire mauvais aux lèvres, en poussant un soupir des plus tremblants. De me dire que tu t'en fiche, que t'as fait ça pour les autres. Tu me laisses juste... Me ridiculiser sans rien faire. Ça te fait marrer ? Ça vous fait tous marrer.

Parce qu'à cet instant précis, le visage de ses frères se superposait sur celui de Derek. De sa vie, Stiles ne s'était jamais senti aussi mal, aussi humilié par un tel silence. Lui qui s'était dit qu'il valait mieux risquer cela plutôt que de lâcher prise devant le loup savait qu'il était dans de beaux draps. Au final, il craquait tout en se faisant humilier. Car les premières larmes coulaient déjà, dessinaient des sillons brûlants sur ses joues. Elles donnaient une teinte légèrement différente à ses blessures. Stiles détourna le regard. Il était misérable. Face à Derek et misérable. Au final, c'était stupide. Son idée était complètement idiote, dénuée de sens. Le fruit de ses fantasmes... Ne faisait même pas mine d'être en colère. Il s'en foutait. Ses paroles lui passaient bien au-dessus de la tête. Stiles aurait dû le savoir dès le départ. Pourquoi s'être fait de faux espoirs ? Pourquoi ne pas être directement parti ? Pourquoi avoir écouté Derek ? J'suis trop con. Et cette pensée, plus qu'une certitude, lui donna tout simplement envie de s'effondrer, là maintenant. D'ailleurs, il n'était même pas réellement en colère contre Derek. Il la dirigeait vers lui, parce que c'était plus facile. Plus facile que de se dire que s'il était dans cette situation, c'était uniquement de sa propre faute. Parce qu'il n'était pas assez bien. Qu'il enchaînait les conneries. Que tout semblait fait pour qu'il se sente misérable.

Et c'était le cas. Stuart et Thomas seraient heureux de le voir ainsi. Il les imaginait bien se moquer de toutes les faiblesses qu'il collectionnait, de lui reprocher cette fragilité qui lui collait à la peau... Mais aussi de lui montrer à quel point sa naïveté était grande. Pendant un instant, avant qu'il se décide à mettre son stupide plan à exécution... Il avait eu envie de croire que, peut-être... Derek faisait attention à lui.

Mais chacun de ses silences lui montrait à quel point il avait tort. Et il le savait, en plus. Il le savait pertinemment. Trop con, se répéta-t-il encore et encore. Derek le regardait pleurer de rage, de douleur, de tout. Il le regardait s'humilier tout seul sans rien faire. Sans avoir rien à faire, finalement. Et Stiles était certain que ça le faisait triper. Il n'irait pas jusqu'à dire que l'ancien alpha aimait se réjouir du malheur des autres, mais... Du sien, oui. Pour une raison obscure, ça lui paraissait logique. Les poings atrocement serrés, Stiles ne pouvait pas s'empêcher de faire le parallèle avec ses frères. Pourquoi fallait-il que les personnes qu'il aimait le plus au monde – d'une manière différente bien sûr – le détestent à ce point ? Quoiqu'entre l'indifférence et la haine, il ne savait pas vraiment ce qu'il était censé préférer. Dans tous les cas, c'est les poings serrés qu'il baissa la tête, histoire de minimiser les dégâts, avant de se retourner dos à lui et de lui faire un signe d'au revoir de la main. Parler, il n'en était plus capable. S'énerver non plus. Là, ce qui l'animait n'était plus rien... Plus rien d'autre qu'un abattement profond. C'étaient ses nerfs qui lâchaient, cette douleur qui creusait un trou béant dans son cœur depuis des années. Tant pis s'il pleuvait, tant pis s'il ne récupérait pas ses chaussures. Il craquait... Mais ne se lâchait pas complètement. Les larmes coulaient, oui. Cependant, il en retenait un maximum. Il n'y aurait que seul, qu'il pourrait se lâcher à sa guise. Se laisser le droit d'être misérable, à l'arrière de sa Jeep. Et il y dormirait encore.

Stiles s'obligea à desserrer le poing, le temps d'attraper la poignée de la grande porte pour la faire coulisser et ainsi, sortir. Partir de cet endroit dans lequel il aurait aimé rester plus longtemps si les circonstances étaient différentes, si... Si l'indifférence de Derek ne lui faisait pas aussi mal. L'humiliation lui brûlait le visage, le corps, tout. Si Stiles s'écoutait, il se laisserait tomber au sol et ne répondrait plus de rien pendant des heures tant il se sentait épuisé et mal. Ce n'était qu'une question de secondes avant qu'il ne se retrouve dehors, sous la pluie, là où les larmes se confondraient avec les gouttes glacées. Qu'une question d'heures, avant qu'il se retrouve vidé de toutes ses émotions, vidé d'avoir eu si mal.

Sauf que sa main tremblante n'atteignit jamais la poignée de la porte.

Stiles avait senti les doigts s'enrouler autour de son poignet, mais il avait au départ vaguement cru à une sensation illusoire, le transfert d'un espoir stupide dans la réalité. Lorsqu'il baissa les yeux, il entrevit cette main qui n'était pas la sienne. Il la reconnaissait très bien malgré sa vue rendue floue par les larmes. Stiles ne savait pas ce que Derek lui voulait, à quoi il jouait... Mais s'il y avait bien une chose dont il était certain, c'est qu'il n'avait plus la force de se battre, ni d'essayer quoi que ce soit pour se soustraire à la vision de Derek, dont le souffle chaud percuta sa nuque.

Stiles ferma les yeux et laissa le loup prendre les commandes et le tirer en direction de l'étage.

Sans un mot.

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