Chapitre 12


Il y avait des tas de fois où Stiles avait adoré se trouver chez Derek. Pourtant, c'était illogique. Stiles aimait les endroits petits et cosy, le loft était énorme. Il appréciait les espaces fermés – plus rassurants –, tout était très ouverts. Durant les soirées meute, il aimait prendre toute la place sur le canapé et feindre l'endormissement pour rester plus que nécessaire. C'était idiot et il le savait, mais Derek le laissait toujours faire... Sans doute parce que dans ces moments-là, l'hyperactif se taisait. Il profitait du moment présent tout en ayant conscience que le maître des lieux pouvait le chasser sitôt que son humeur changerait. Parfois, il grattait même quelques heures le matin.

Mais en ce jour, Stiles se sentait comme un oiseau en cage. Une cage faite d'or dont des épines sortaient des barreaux. Une cage qui rétrécissait à une vitesse ahurissante. Plus le moral de l'hyperactif sombrait, plus sa prison dorée diminuait en densité et en volume. Lorsque sa peau frôlerait les piques, il serait foutu.

Parce qu'il se savait dans un état mental précaire qui justifiait son besoin de partir au plus vite. Besoin qu'il ne pouvait combler parce que monsieur Derek Hale refusait de lui rendre ses chaussures. Et Stiles savait que même s'il tentait d'aller les récupérer par la force, le loup-garou gagnerait à ce jeu-là avant même qu'il n'ait essayé quoi que ce soit. Non, pour cette fois, Stiles n'était pas suicidaire et était d'accord avec lui-même : aller retrouver sa Jeep pieds nus était une très mauvaise idée. Cependant, un autre problème l'empêcherait de sortir et ce, même s'il le voulait.

Derek était sérieux lorsqu'il lui avait dit qu'il resterait tant qu'il pleuvait. Il était si sérieux qu'il avait verrouillé la grande porte d'entrée à clé et qu'il avait caché celle-ci.

Et pour être honnête, Stiles n'avait pas très envie de la chercher. La lourdeur de cette fatigue plus mentale que physique l'alourdissait plus que de raison. Alors, il regardait la pluie tomber et couler inlassablement sur les carreaux. Techniquement, il avait la possibilité de faire autre chose, comme... Tripoter son téléphone portable pour y installer des jeux dans le but de s'occuper, ou simplement de se faire à l'idée qu'il allait bel et bien devoir rester prisonnier du loft pour une durée indéterminée. Le temps d'une pluie. Au premier signe d'accalmie, Stiles se préparait à harceler Derek pour partir.

Mais le temps passa ainsi. Une heure, peut-être deux. Rien ne changea. Pire : le ciel s'assombrit davantage, devenant plus menaçant qu'il ne l'était déjà. Et la pluie s'intensifia. Stiles eut envie de pester contre toutes les entités supérieures potentielles qui régissaient hypothétiquement ce monde. Il ne le fit pas. Il réservait le peu de forces mentales qui lui restaient encore pour tenter de garder la face. Parce que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il craque, et le châtain voulait faire en sorte de repousser suffisamment le moment pour, peut-être, éviter que cela n'arrive tant qu'il était ici.

Stiles n'était pas sûr de ce qu'il pouvait supporter à l'heure actuelle en termes d'humiliations. S'effondrer devant Derek, ce serait... Il ne voulait même pas imaginer que cela puisse arriver. C'était pourtant ce qui allait se passer s'il ne trouvait pas le moyen de s'en aller rapidement.

Ainsi, il eut une idée. Plutôt que de se rendre bêtement insupportable comme il l'aurait fait en temps normal, Stiles décida d'une autre technique. Derek était habitué à ce qu'il fasse le mariole et cherche à l'irriter. Le côté habituel qu'il ferait ressortir ne fonctionnerait donc pas.

Mais s'il y avait bien une chose que Derek détestait au plus haut point, c'était qu'on le mette mal à l'aise. En général, il chassait le ou les responsables de cet inconfort de son appartement aussitôt. C'était arrivé une fois, lorsque Stiles avait un peu trop poussé sa blague personnelle, ce faux flirt. Derek, au comble de la gêne, l'avait fait déguerpir en deux temps trois mouvements. Pourquoi ne pas retenter l'expérience ? Cette fois, ils auraient tous deux quelque chose à y gagner. Derek, sa tranquillité et Stiles, sa liberté. Et en même temps... Il n'était pas vraiment motivé. Si ça ne tenait qu'à lui, il ne bougerait pas d'ici et se roulerait en boule dans un coin du loft, juste pour se faire oublier tout en profitant du lieu, de la chaleur, et de l'hospitalité bienheureuse de son propriétaire. Bordel, c'était la première fois que Derek réclamait qu'il reste. Qu'il lui disait de but en blanc de rester à l'abri, ici. Peut-être serait-ce également la dernière. Derek était gentil, mais il ne faisait que le tolérer et lui rendre service. Il ne l'aimait pas.

La différence était là.

Et elle motiva Stiles plus que nécessaire, car il était plus facile d'agir lorsque l'on s'imaginait que l'on n'était pas apprécié. Ainsi, la peur de faire du mal ou de déranger était diminuée de moitié. Puis à la fin, Derek le remercierait, car ses frères reviendraient sans doute bientôt à la charge et Stiles était certain que son loup-garou grincheux préféré n'avait pas envie de se faire emmerder par deux clones Stilinski. Car si Stiles l'agaçait, il ne connaissait pas encore les autres : ils étaient tous aussi chiants que lui, mais différemment.

Ainsi, il se prépara mentalement, mit sur pied de fragiles barrières contre ses ressentis. S'il s'écoutait, il resterait sur le canapé à déprimer quant à cette famille qu'ils formaient autrefois et qu'il regrettait souvent. Il s'encouragea : d'ici un temps très court, ses chaussures lui seraient rendues et il s'en irait – à ce moment-là seulement, il pourrait se permettre de faire la larve dans sa Jeep, ou dans le coin de grotte qu'il avait trouvé la veille.

Derek apparut alors dans son champ de vision, un mug fumant dans la main et Stiles se crispa malgré lui. D'accord, il était censé la jouer candide avec lui, mais... L'hyperactif aurait préféré avoir un peu plus de temps avant de se retrouver confronter à cet homme si particulier. Qui lui tendit le mug. Sans même regarder son contenu, Stiles fit, la gorge sèche :

- Je ne bois toujours pas de café.

- C'est du chocolat chaud, rétorqua Derek du tac au tac.

Un peu perturbé par l'attention, Stiles l'accepta... Timidement, les joues légèrement rougies. En fait, il en oublia un instant ce qu'il avait prévu de faire. C'était la première fois que Derek lui proposait quelque chose de ce genre. C'était très simple, mais il n'empêche qu'il ne faisait jamais ça. Allait-il enchaîner les premières fois ? Stiles n'était pas sûr que sa santé mentale tienne le coup et qu'il puisse... Faire le sien sans états d'âme. Il ne t'apprécie pas. Tout ça, c'est juste de la politesse, s'obligea-t-il à se rappeler. Et c'était sans doute vrai puisque, déjà, Derek tournait les talons. Stiles zieuta un instant son chocolat chaud. Tant pis. Il le posa sur la table basse et se leva sans attendre.

- Sourwolf, l'appela-t-il.

Derek s'arrêta et se tourna à moitié vers lui, prêt à repartir. Il lui lança un regard interrogateur, ne s'embarrassait même pas de mots pour lui demander ce qu'il voulait. L'amertume de Stiles se renforça. Il était censé n'avoir aucun scrupule – ou presque – puisque Derek n'en avait pas le concernant, mais... Il ne t'apprécie pas. Il n'en a rien à foutre, de toi. Ces phrases-là, il les utilisait comme des mantras pour s'encourager. D'une bien étrange manière, certes, mais... Tant que ça fonctionnait, ça lui allait. Mais d'un autre côté, il ne voulait pas l'embêter, encore moins le déranger. Déjà qu'il l'avait cherché et hébergé... On lui a demandé de le faire. Il ne l'aurait pas fait de lui-même. Sur ces pensées, Stiles s'approcha et posa presque naturellement sa main au creux du dos du loup-garou, qui haussa instantanément un sourcil... Mais ne se dégagea pas. Ce simple fait déstabilisa Stiles, qui s'attendait à un rejet de sa part avec cet unique geste... Parce qu'il était intime. En tout cas, c'était ce que lui avait déjà dit Derek une fois. Qu'il n'aimait pas qu'il le touche là parce que pour lui, c'était intime, le genre de geste qu'il n'acceptait pas de la part de n'importe qui. Il tolérait ça de la part d'une compagne, par exemple. Pas d'un... Collègue de meute. Masculin. De trois ans son cadet, de surcroît. Hyperactif. Fouineur. Provoquant.

Stiles était tout l'inverse de ce que Derek cherchait.

Alors forcément, l'hyperactif dut se faire violence pour ne pas montrer grand-chose de son trouble et surtout, pour minimiser l'impact qu'il devait avoir sur son odeur.


Et continuer son jeu.

- Reste avec moi, s'il te plaît, fit-il en se forçant à ne pas baisser les yeux.

Au départ, il comptait prendre un ton mielleux, pas suppliant, mais... Sa détresse avait décidé de se frayer un chemin entre ses mots. Elle voulait sortir, s'exprimer, elle qui était tant réprimée et qui ne cessait de grandir. Stiles était du genre à ne pas régler ses problèmes de la même manière. Dans un sens, il avait peur d'y faire face et surtout... Il se disait qu'en les ignorant, ceux-ci finiraient par s'évaporer. Sauf qu'à la place, ils névrosaient. S'ancraient en lui. Faisaient se développer des insécurités donc il peinait à réduire l'impact. Et qui le fragilisaient, petit à petit.

Derek ne cessa de le fixer, et ouvrit la bouche pour lâcher avec une lenteur fourbe :

- Tu te sens seul ?

Stiles eut envie de frapper Derek, qui n'était... Pas censé lui lancer une telle perche. Avec une telle froideur. Parce qu'il restait froid, sec. Et il n'avait pas délogé la main du châtain du creux de son dos. Réfléchissant à la vitesse folle, l'hyperactif se dit finalement qu'il se devait de la saisir, cette perche. Ainsi, pas besoin de faire trop d'efforts pour amener Derek là où il voulait aller. Il n'aimait pas ça, il n'aimait vraiment pas ça. Surtout quand il savait que sa réponse sincère servirait à alimenter son jeu.

- Oui.

Parce que oui, putain, c'était sincère. Il se sentait seul. Souvent. Même chez lui. Sa famille... Elle était la sienne, sans vraiment l'être. Et parfois, Stiles se demandait à quoi elle ressemblerait s'il n'était pas là. S'il disparaissait du jour au lendemain. Cette pensée, il ne l'aurait peut-être pas si tout allait bien dans son foyer, s'il s'entendait bien avec ses clones. Ce qui l'avait créée, c'était cette haine qu'on lui portait, ce mépris qu'on lui témoignait sans arrêt. A force, il y croyait.

Les faux-semblants des uns créaient la vérité des autres.

Concentre-toi.

- J'ai envie que tu restes avec moi, Derek.

Celui-ci ne décèlerait pas la supercherie tout de suite parce que... Malheureusement pour lui, Stiles restait sincère pour l'instant. Il voulait fuir, oui, mais désirait ardemment que le loup-garou soit auprès de lui. Un ressenti aux extrêmes à la fois paradoxaux et complémentaires. Au moins, Derek restait tendu, suspicieux. Ça, ça lui allait. Il comprenait. Il reconnaissait. C'était un comportement suffisamment familier pour qu'il se sente de continuer. Il devait le pousser à bout. A bout. Le pousser à le mettre à la porte. A lui rendre ses putains de chaussures.

- C'est vraiment ce que tu veux ? S'enquit Derek, sans que son attitude ne change d'un iota.

Stiles secoua la tête et força un sourire qui se voulait espiègle.

- Disons que j'aimerais plus. Plus que ça.

C'était dangereux, vraiment dangereux. Parce que sa main venait de quitter cet endroit si particulier au creux de son dos pour se poser sur son torse. Sa gorge se fit sèche. Derek était habillé et pourtant... Il sentait sa musculature sans aucun effort. Sa main glissa, se balada sans effort sur ce torse si bien fait. Sauf que le visage de Derek ne changeait pas. Il était gêné. Il était forcément gêné.

Mais Stiles avait de la réserve. Il le ferait craquer, foi de Stilinski. Il n'avait pas le choix.

- Je te veux toi.

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