Chapitre 1


L'humeur de Stiles n'était pas très bonne. En fait, on pouvait carrément dire qu'elle était mauvaise. Sa journée ne s'était pas déroulée comme il l'aurait voulue. En effet, il avait déjà rêvé mieux. Comment dire... Il aurait bien aimé ne pas essuyer deux mauvaises notes en une journée – s'il avait eu deux hors sujets, ce n'était pas parce qu'il s'était trompé, les professeurs manquaient simplement d'ouverture d'esprit ! Rester tendu, sur ses gardes et tout faire pour éviter une bagarre entre loups-garous en plein lycée ne l'avait pas aidé à réviser pour le contrôle qu'il avait en fin d'après-midi et qu'il avait, naturellement, complètement raté. La menace qui planait toujours l'avait grandement perturbé au point de lui faire oublier ce qu'il savait déjà si bien qu'aux yeux du professeur, Stiles était passé pour un touriste. Un simple touriste. Une insulte pour celui qui récoltait toujours d'excellentes notes sans faire trop d'efforts. Le génie moyen. Le genre de génie pour qui tout devenait plus compliqué à cause d'éléments extérieurs peu normaux. L'on pouvait donc remercier le surnaturel pour sa future note en-dessous de la moyenne.

Stiles rentrait donc chez lui dans l'optique de tout oublier de sa journée catastrophique, de se détendre, de se changer les idées. Cependant, rares étaient les choses qui se passaient comme prévu lorsque l'on s'appelait Stiles Stilinski. Si le bazar qui l'attendait n'était pas d'ordre surnaturel, c'était tout aussi... Embêtant.

La première chose qui tendit Stiles fut la présence de deux voitures garées sur des places habituellement inoccupées, près de chez lui. La seconde fut, lorsqu'il ouvrit la porte de sa maison, la présence de plusieurs voix qui semblaient discuter de manière animée. La troisième fut la reconnaissance desdites voix par l'hyperactif qui préféra rester dans le déni. Non, bien sûr que non, cela ne pouvait pas être eux, ces gens qu'il abhorrait au sens littéral du terme. Son père, bien sûr qu'il l'aimait. A en mourir, même. Mais eux... Ne t'inquiète pas, Stiles, c'est la fatigue, tu délires. Ils ne sont pas là. Ceux qui discutent avec papa, ce sont ses collègues, rien de plus. Moui. La ford bleue à l'extérieur lui rappelait toutefois bien quelque chose mais il refusa de laisser ledit quelque chose le perturber plus que de raison. Déjà que sa journée n'avait pas été des plus agréables, il serait peut-être mieux pour lui qu'il ne se pourrisse pas la soirée avec une anxiété inutile.

Oui, évidemment.

Mais voir son reflet multiplié par deux en arrivant dans le salon ne faisait pas partie de son programme, c'était même tout l'inverse. Deux paires d'yeux ambrés indifférentes se posèrent sur lui tandis que celle, océan, de son père, le toisait joyeusement.

- Fiston ! Te voilà enfin !

Stiles ouvrit la bouche d'étonnement et celle-ci forma un « o » parfait tant il était surpris. Il devait être sacrément fatigué, pour imaginer voir ses frères ici, chez lui. Dans sa maison. Habitée uniquement par son père et lui, les deux loustics l'ayant quittée il y a longtemps.

- Stuart et Thomas sont arrivés il y a à peine vingt minutes, ils attendaient ton retour avec impatience.

Mais Stiles n'écoutait pas vraiment son père. Si tel était le cas et s'il n'était pas aussi surpris, il lui aurait rétorqué que ses deux frères ne pouvaient pas l'avoir attendu avec impatience puisqu'ils ne l'aimaient pas. Et c'était réciproque. En fait, il aimerait déjà le lui dire.

Mais Noah souriait. Il avait des étoiles dans les yeux. Voir ses trois fistons réunis ici, dans cette maison, le rendait heureux. Parce qu'ainsi, et même si Claudia manquerait toujours à l'appel, ils avaient l'air d'une famille. Le cœur de Stiles se serra et pourtant, il esquissa un sourire. Crispé, mais un sourire quand même. Il avait mal. Il avait mal car il savait que seul, il ne suffisait pas au bonheur de son père. Ce dernier ne parlait pas de famille en sa présence, comme si sans ces deux enfoirés, ils n'en étaient pas une. Pourtant, l'hyperactif aurait aimé qu'il en soit autrement. Il aurait aimé que Noah soit heureux qu'il soit là, lui. Des années qu'il n'avait pas souri de la sorte. Lorsqu'il lui souriait, ce n'était jamais de cette façon-là. C'était toujours un sourire retenu, timide, éteint. Pas lumineux comme aujourd'hui.

Parce que Stiles n'était pas suffisant. Parce qu'il n'était pas le meilleur de ses fils, non. C'était le pire.

Mais Stiles dissimula son réel ressenti derrière ce sourire faux. Peu importe si Stuart voyait sa crispation dans son regard, peu importe si Thomas décelait la tension dans ses épaules. Ce n'était pas pour eux qu'il faisait semblant. C'était pour Noah, ce père qu'il aimait d'un amour sincère. Sa dernière famille. Il n'accordait plus d'importance à ce que ses frères pensaient de lui, seul l'avis de son paternel comptait.

Noah expliqua joyeusement à l'hyperactif que ses frères revenaient vivre ici pour un temps indéterminé et que c'était l'occasion qu'ils se rapprochent, qu'ils se retrouvent. Parce qu'ils s'étaient éloignés avec les études de chacun. Oui parce que Thomas avait eu son diplôme en avance, il était désormais libre comme l'air, prêt à réparer n'importe quoi, en expert de la mécanique. Il lui manquait juste l'âge. Et puis il y avait Stuart, l'autre petit génie de la famille, qui avait fait un stage chez Google, était sorti d'une grande école muni d'un diplôme particulièrement difficile à obtenir. Si jeune et si talentueux, c'était un hacker hors pair.

Stiles. Lui ? Il était au lycée. N'avait sauté aucune classe. Avait des examens à passer, oui. Des résultats plutôt moyens malgré ses capacités qu'il n'exploitait pas assez, selon son père. Oui, il comprenait vite les choses, avait un bon sens de la déduction, mais cela ne suffisait pas à le démarquer des petits génies qui le toisaient d'un air sans équivoque. Et Stiles avait honte. Honte d'être le vilain petit canard de la famille. Il ne le dirait pas, bien sûr, hors de question de leur faire plaisir.

A vrai dire, il ne comptait pas leur parler. Ni les voir en dehors des repas auxquels il savait ne pas pouvoir échapper – quoiqu'avec la meute, il y avait moyen de moyenner. Il hocha alors la tête et sortit le plus gros mensonge du monde, comme quoi il était très heureux de les voir et que tout était ok pour lui.

La preuve en était que dix minutes après cette émouvante réunion de famille, il avait déserté la maison. Juste pour fuir cette réalité dont il ne voulait pas. Juste pour les fuir eux. Parce qu'ils étaient trop parfaits et ne manquaient jamais de le rabaisser à chaque fois qu'ils le voyaient. C'était si simple de lui reprocher sa mollesse, son hyperactivité et sa lenteur d'esprit quand eux étaient si intelligents et vifs qu'ils avaient déjà terminé leurs études au même âge. Ces frères-là, il n'en voulait pas.

xxx

- T'as une sale mine, commenta simplement Derek après lui avoir ouvert.

- Et toi tu pues de la gueule, rétorqua Stiles alors même qu'il savait que le loup avait décelé son manque de sincérité avant même qu'il réplique.

- Stiles ! L'appela-t-on depuis le fond du salon.

- Tu m'excuseras, je suis désiré ailleurs mon loup, fit Stiles en souriant de manière mesquine.

Derek, quant à lui, avait froncé les sourcils.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Demanda-t-il même s'il rêvait de l'envoyer valser rien que pour cette familiarité avec laquelle Stiles adorait le titiller.

- Oh mon loup d'amour, tu t'inquiètes pour moi ? T'inquiète pas, rien qui impactera la meute, lui glissa l'hyperactif en passant un doigt sur le col de son marcel d'un air aguicheur.

Derek se recula. Cela avait beau faire des semaines que Stiles le bassinait avec cette fausse attirance, il n'y était pas habitué. Et ne voulait pas s'y habituer. Ce serait donner raison à l'hyperactif qui continuerait sans se limiter. Il réagissait alors le moins possible à ses pseudos avances qui n'étaient qu'une vaste blague mais n'hésitait pas à se reculer comme il venait de le faire. Toutefois, il ne se détachait pas de l'idée que Stiles n'allait pas très bien et que celui-ci noyait le poisson sans honte. Derek avait beau n'être qu'un bêta – Scott étant l'alpha – il était d'avis que chacun des membres de la meute devait faire attention aux autres. Et même si Stiles avait tendance à l'agacer avec ses frasques, il restait un membre à part entière de la meute. Alors oui, comme le lui avait dit le lycéen, il s'inquiétait, en quelque sorte. Parce que derrière la blague et le piquant, se cachait une amertume sans équivoque, quelque chose de volontairement muselé qui n'avait pas à être contenu. Toutefois, Stiles était libre de faire ce qu'il voulait et s'il ne désirait pas parler de ses problèmes, libre à lui. Il pouvait les garder pour lui, à condition que cela ne prenne pas d'ampleur dramatique et aussitôt qu'il le vit partir joyeusement vers Lydia – qui l'avait interpelé depuis le fond du salon – Derek se fit la note mentale de garder l'amertume de son odeur à l'esprit. Il ferma la porte et rejoignit le groupe que venait de rejoindre l'adolescent et qui lançait déjà une partie de ce jeu un peu étrange où il fallait rivaliser d'horreurs pour faire rire autrui et empocher le plus de cartes noires possibles.

Le « blanc manger coco ».

Derek n'y jouait pas, tout simplement parce que jouer n'était pas son genre et qu'il avait envie de garder cette image de loup grincheux parce qu'au moins, on ne l'emmerdait pas. Enfin, Stiles était, comme toujours, l'exception à la règle. Quelle que soit son image, l'hyperactif s'amusait à l'asticoter et essayait de le faire participer parce que, selon lui « ça serait quand même vachement cocasse de te voir rire » et « d'enlever le balai qui s'est coincé dans ton beau petit cul ». Stiles Stilinski était ce qu'il était : chiant, gentil, passablement énervant, généreux, impulsif, loyal... Et on ne pourrait pas le changer. On ne le voudrait pas.

Stiles, lui, se mit très vite à sourire sincèrement. Se retrouver ici, dans le cocon familial que formait sa meute, lui faisait un bien fou. Parce qu'ici, on l'appréciait malgré ses tares. Ici, il n'avait pas besoin de s'inventer une image pour qu'on l'accepte. Il avait prouvé sa valeur à maintes reprises et était devenu, peu à peu, la « maman » de la meute. C'était avec lui que Liam se formait et apprenait à contrôler ses nouveaux instincts, avec lui qu'Isaac faisait en sorte de se reconstruire, avec lui que Peter apprenait à être un homme meilleur, avec lui que Lydia perfectionnait et affinait ses dons de banshee. Ici, il servait à quelque chose, il aidait et on l'en remerciait.

Ici, on l'aimait. Le loft, lieu de réunion principal de la meute, était son refuge à lui, un endroit où il pouvait oublier ses soucis l'espace de quelques heures. Ici, il n'avait pas de frères : dans son cœur, il n'en avait jamais eu. Sa famille, elle était là, à ses côtés.

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