Deux ans plus tard, première année de fac, 19 ans.

Joli sourire en coin et regard charmeur, au fond de ses yeux, des paillettes qui faisaient scintiller ses iris noisette. Rémi était parfait pour son rencard de ce soir. Pour ses dix-neuf ans, personne n'avait cru utile d'organiser une fête au jeune Vincent, alors lui, avec toute l'humilité que constituait sa personne aussi parfaite soit-elle, s'était dévoué à l’inviter pour la soirée. 

Comment ça il attendait cet date depuis des années ? Il aurait entendu son cœur cesser de battre quand, bien trop las pour refuser, Vincent avait succombé à lui dire oui, plus pour lui échapper que pour s'en rapprocher ? Et en plus de ces inepties, vous voudriez qu'il ait retourné tout son appartement pour trouver de quoi s’habiller ? Foutaise, Rémi était le séducteur dans l'histoire, et ce n'était pas les prétendantes qui manquaient. Il manquait juste Vincent. Ashh, bien sur qu'il en était fou, mais ce fait devait rester aussi évident pour les autres que secret pour les concernés. 

" Franchement mec, je vois pas ce que tu lui trouves. Il râle tout le temps, pour tout et surtout pour rien. Il est impulsif, violent et le pire c'est qu'on dirait que ça te plaît. J'te rappelle qu'il a déchiré le t-shirt pour lequel Max et ta sœur se battaient uniquement parce qu'il en avait marre d'attendre debout. Évidemment qui a dû payer des bouts de tissus à sa place ? Hein ?

—  Ses yeux brillent quand il y a un peu moins de soleil. 

—  T'as pas mieux ? Répondit Martin en levant les yeux au ciel, agacé par la niaiserie de son ami. 

— Son sourire sonne comme une gamme quand je fais une blague."

« Et ce soir, j'ai enfin mon rancard. »

21h17, Avenue de la Méditerranée.

Ça faisait combien de temps qu'il attendait ? Plus d'une heure certes.. et il allait encore attendre ? Probablement.

Assis sur une barrière devant le cinéma, les jambes dans le vide, Rémi attendait en jouant nerveusement avec les tickets. Peut-être que finalement Vincent ne viendrait pas. C'était idiot de sa part après tout.. le guitariste ne l'avait jamais porté dans son cœur et il ne s'en était encore moins caché. Un, deux, trois baisers sulfureux et leurs corps entremêlés une fois, c'était peu. Un lourd soupir s'échappa d'entre ses lèvres. Jamais aucune promesse n'avait été partagée alors pourquoi se sentait-il si lourd au niveau de la poitrine ?

Le bouclé au regard triste s’apprêtait à sortir son téléphone pour lui en parler quand une main se posa sur son épaule. Rémi réprima un sursaut avant de se retourner précipitamment : un petit blond souriait nerveusement.

— Euh excuse moi.. j'étais dans la file derrière toi quand tu achetais les billets et il n'y avait plus de place après.. enfin la séance à commencé depuis trente minutes et.. j'me suis dit que tu allais peut-être pas y aller.. j'avais vraiment envie de voir ce film. " 

Rémi l’étudia un instant avant de laisser tomber son regard sur les deux tickets. L'un d'eux était déjà bien amoché par les chiffonnements de ses doigts angoissés. Tant pis, il tendit un ticket au garçon en face de lui. Après tout, il attendait Vincent depuis bien plus longtemps qu'une demi-heure.

— Merci ! S’exclama le jeune homme avant de prendre son cadeau.

Il allait tourner les talons -Rémi l'avait remarqué à son mouvement d'épaule- mais se ravisa et observa ses pieds. Lui aussi semblait nerveux. La nervosité faisait des ravages par le temps qui court. Le petit blondinet osa finalement lever les yeux et ajouta timidement, le bout de son nez étrangement rose.

— Tu sais.. je sais pas qui tu attends mais elle a pas l'air décidé à venir. Tu devrais quand même aller voir ce film. Il va être ouf ! 

— Tu aimes les films des Russos ? C'est les plus nuls. Ils sont pas capables de faire un plan de combat correct et niquent absolument toutes les cohérences. 

— Ouais mais ils savent faire monter la tension !

— Ils savent surtout faire pleurer les fanboys. T'es un fanboy ?

L’inconnu, dont le nez était toujours aussi coloré, rit nerveusement puis haussa les épaules. Une lueur d'espoir fila dans ses pupilles.

— Tu veux vérifier ?

Rémi arrêta de sourire. Normalement, il aurait dû vérifier si le fanboy, c'était Vincent. Son cœur était si lourd dans sa poitrine qu'il eut du mal à secouer la tête. Il avait oublié en deux secondes que son organe pesait une plombe. Il essuya ses mains humides sur son jean, et sa gorge sèche fit crisser les mots contre son palet :

— Ouais non.. j'vais plutôt rentrer.

— Désolé, s’excusa le garçon, sûrement pas plus âgé de 18 ans. Elle sait pas ce qu'elle rate. 

 — À qui le dit- tu, répondit Rémi en forçant un petit sourire et un rire faussement amusé pour détendre l’atmosphère tristounette.

Avant de se lever, il offrit un dernier coup d’œil presque enchanté au blond puis enfonça ses mains dans ses poches.

— Passe une bonne séance, dit-il avant de s'éloigner.

Seul, complètement seul et foutrement triste, déçu et en colère contre Vincent, et encore davantage contre lui-même pour s'être fait poser un lapin. Son téléphone resta dans la poche de sa veste, tout au fond, écran noir, messages inertes.

Quant au jeune homme blond, au nez rose et à la lueur dans les pupilles, il serra doucement la place de cinéma offerte dans sa main puis sentit ses joues le picoter. Elles l'auraient presque brûlé ces mesquines ! Mais tout ce cinéma était justifié pour elles. Évidemment ; " Il était vraiment beau.."

☁️