01 | l'arrivée du nouveau
01
JADE
J'AVOUE AVOIR ÉTÉ SURPRISE par la nouvelle. Enfin bon comme tout le monde quoi.
Dans le lycée, ça a fait le tour des couloirs... Oui, un nouvel élève débarque.
Un peu d'air frais dans cet établissement où tout le monde connaît tout le monde, ça fera bouger un peu les choses. Pas mes choses, mais peut-être celles des autres.
- Et donc je te disais... que Jeanne a juste... pété un câble !
Samedi dernier, deux heures du matin : Jeanne Dubois et Marion Rolluchon ont découvert qu'elles sortaient avec le même gars depuis deux ans. Grégoire, principal concerné, a tout nié. J'ai pas assisté à la scène, mais ma meilleure amie, Olympe l'a carrément vue. D'après ses mots, c'était juste « ahurissant » et un peu trop « désespérant » pour continuer à croire en l'amour adolescent.
- C'est un fuckboy, à quoi ça sert d'en parler ? Juste à jeter, répliqué-je déjà un peu soûlée par cette histoire.
Tout le monde en parle... D'abord parce que c'est une grosse affaire, et aussi parce que Grégoire ne s'est pas pointé en cours hier. Jeanne, en S, dans notre classe a participé activement, tandis qu'on raconte que Marion s'est mise à pleurer en cours de sciences éco. C'est chiant.
Les cours débutent à 10, et pour l'instant, il n'est que huit heures pile. Dans la classe, les gens se mettent à réaliser qu'on accueille quelqu'un d'ici dix minutes et rien que de les voir stresser, ça me démange.
- Jade, arrête de faire cette tête, gronde ma meilleure amie.
- Quelle tête ?
- Quand t'es soûlée, tu grimaces trop.
Et là je remarque que je grimace vraiment trop, ce qui me fait grimacer un peu plus de nouveau. Puis, apparaît l'illustre nouveau. Grand, imberbe, très blond, il ressemble à un personnage de série américaine. Il aurait été quarterback sûrement. Mais rien de ça, ici en France, il paraît un peu lambda, mais on peut vite deviner par qui il sera approché d'ici les prochaines heures.
- Il est trop beau, souffle la blonde compressée contre mon bras.
Olympe sourit trop quand elle trouve les gars beaux. C'est super indiscret. Je lui fais la remarque tout le temps, mais ça l'énerve que je la coupe dans son élan d'admiration. Le prof principal demande à un délégué de guider l'élève. Gabriel se met alors au travail et l'invite à s'asseoir à côté de lui.
- Bon, je vois que Saul Mercier s'est installé. On peut commencer le cours ? demande Mme Roussel, professeure de physique-chimie hyperactive.
Sa question rhétorique fait oublier les regards des élèves et tout le monde peut se reconcentrer sur les copies qu'elle va rendre. Saul Mercier gagne beaucoup de points sans s'en rendre compte. Putain ça craint, en connaissant ma meilleure pote, Olympe va essayer de le draguer.
***
SUR UNE ÉCHELLE de « je m'en foutisme » allant de 1 à 10, je dois avouer que je suis très souvent à 6. Parce que je m'en fous pas mal de pleins de choses, mais que 4 fois sur 10, je suis dans le déni. Alors quand Olympe décide de poser son plateau de cantine à la table de Saul, Gabriel et ses potes, ça me dérange mais je laisse rien paraître.
- Je suis pas demi-pensionnaire pour me coltiner Gabriel, rappelé-je en chuchotant à ma meilleure amie.
Olympe le sait très bien. Mais ça ne la dérange pas. Traîtresse.
- Salut, lance Saul en nous rencontrant.
- Salut, répété-je en entamant directement l'entrée, sourire gêné aux lèvres.
À l'autre bout de la table, Gabriel me jette un petit coup d'œil blasé. Toujours aussi froid. De mon côté, je soupire au moins dix mille fois pour évacuer toute ma frustration d'être à un mètre du gars le plus antipathique qui soit.
Mettons les choses au clair, là tout de suite : j'aime pas Gabriel. D'abord, parce qu'il est pote avec Grégoire, donc rappelons-le, le fuckboy nul de notre bahut, puis parce que ça fait quatre ans que je suis dans la même classe que lui et qu'il a l'air de me mépriser tout le temps. En fait, il a l'air de détester tout le monde, avec ses airs calmes mais antipathiques. Mais quand Saul débarque, comme par hasard, il devient à la limite du supportable aux yeux de tous.
Mais moi j'oublie pas que Gabriel Perrot est un gros chieur.
- T'es de quelles origines ? demande Saul en me voyant jouer avec les petits pois.
- Elle est chinoise, répond Olympe à ma place.
Je lui souris et montre mes paupières bridées. Même si les asiats ont très souvent des yeux bridés, convaincre les gens que je suis 100% chinoise est toujours plus simple quand je leur montre mes paupières made in China. Comme si accompagner mes propos d'une description imagée aide à l'absorption de l'info.
- Oh cool, tu parles mandarin ?
J'arrête de manger, un peu surprise de l'entendre rebondir sur ma réponse. Ce qui me choque aussi, c'est qu'il a dit « mandarin » et pas « chinois ». Je crois que je l'aime bien.
- À la maison, ouais, je réponds tranquillement.
Non pas que parler de mes origines me dérange, mais le voir creuser ce sujet de conversation pour pas que je m'ennuie à cette table me lamente. Peut-être que je vais faire un effort finalement.
- Tu sais ce que c'est un smile bridé ?
Olympe sourit automatiquement, connaissant ce concept par cœur à cause de mon imagination farfelue.
- Nope.
- C'est quand tu souris tellement que t'as les yeux plus plissés que moi. J'adore les smiles bridés, j'espère que t'en feras un jour en écoutant mes blagues.
- Ma pote est cool hein. Jade, présente-toi.
Je fronce les sourcils. Olympe toujours là pour éveiller ma gêne.
- Euh... bah je m'appelle Jade ?
Gabriel lève les yeux au ciel. J'aimerais l'étouffer avec le plus de petits pois possibles. Ou lui éclater son yaourt dans la tronche. Argh, je ne sais même pas pourquoi je le déteste tant. Enfin si, parce qu'il ne m'a jamais souri.
- Saul, se présente le blond.
J'ai souri. J'aurais parié qu'il allait plus se rapprocher de clique de Tina et des ES plutôt que la nôtre. Ça m'a fait plaisir. Peut-être qu'il peut finalement devenir un potentiel pote... ou un des prochains mecs d'Olympe.
***
CHEZ MOI, j'ai vérifié toutes mes affaires. Demain, y a piscine. Et qui dit piscine, dit moment intense d'essoufflement. Au dernier cours, trois mecs sont allés vomir. J'ai dû batailler avec mes tripes pour pas faire de même. Surtout qu'ils auraient eu 20 avec notre barème.
- 吃饭了 !
Ma mère appelle les gens à table. « Chī fàn le ». Ou plus simplement dans ma tête : « Go bouffer ! » À chaque fois que je parle chinois devant Olympe ou Rayan, ils veulent que je leur apprenne à insulter des gens en mandarin. Mais clairement, je suis jamais inspirée.
- J'arrive, répliqué-je en retrouvant mon bonnet, perdu dans un coin.
Dans le salon, tout le monde est réuni autour de la table. Ma grande sœur Line est encore sur son portable, et Chêne dévore son dessin-animé préféré à la télé.
Parfois, je plains beaucoup mon frère. Il s'appelle « Chêne ». Tout ça parce que ça sonne comme « Shen » ou « Chen » en chinois, et que ça passe crème dans un nom d'arbre. Line aussi a un prénom inspiré du chinois, mais elle prend moins cher.
- Pas de téléphone à table, gronde mon père en s'installant à côté de Line.
Quand il se tape une déter', il parle français. Maman qui préfère le chinois et son dialecte, nous parle avec un mélange des deux langues une fois sur deux. On s'adapte vite dans cette petite maison et j'avoue que j'hésite toujours à prendre chinois en LV2 au Bac cette année.
- Enfonce pas tes baguettes comme ça dans le riz, rappelé-je à Chêne en le voyant mal faire.
Mon père me félicite du regard. J'apprends vite. En même temps, après toute une enfance passée à être traumatisée par des bols de riz et les baguettes, ça aide.
- 考试好吗?
Elle pose la question à Line. Maman veut connaître ses notes à la prépa. Ma sœur, trop concentrée sur autre chose pour répondre pense qu'elle s'adresse à moi.
- Moi j'ai eu 十七 en maths, prévient le cadet de la maison.
17. « Shí qī ». La honte, mon frère a de meilleures notes que moi. La conversation se poursuit sur ça, avec tous les hauts et les bas qu'il peut y avoir quand Line est de mauvaise humeur. J'ai arrêté de l'embêter depuis qu'elle a commencé sa deuxième année de prépa avec tous les concours qui approchent chaque mois.
- Ah oui, tu fais la vaisselle Jade ce soir, prévient papa.
Je soupire.
- OK OK.
Et comme d'hab', dans cette maison sans lave-vaisselles, je me démerde pour tout laver.
***
JE L'AVOUE : j'ai eu un crush sur Gabriel. C'est aussi en partie pour ça que je l'aime pas. Parce que toute la fin de mon collège a été focalisée sur lui, sur l'énigme de sa personne avant de réaliser qu'il ne s'intéresserait jamais à moi et que c'est un gros con antipathique et pédant la plupart du temps.
Au début, en 3ème, ce que j'aimais chez lui, c'était ses interventions en classe. Il disait toujours quelque chose d'intéressant. Puis au lycée, brusquement après un été, il a arrêté de participer. On a toujours été dans cette même classe avec les LV2 allemands, traversant les rencontres séparément dans nos vies. Olympe est arrivée dans ma classe en première et j'ai arrêté d'être assise en fond de classe pour aller vers le milieu.
Pour cette année de terminale, Gabriel a été élu délégué avec une majorité des voix. J'ai pas voté pour lui, en tant que rageuse professionnelle.
J'ai commencé à le détester en première, quand il s'est mis à soupirer dès que je levais la main, ou lever les yeux au ciel quand je racontais une histoire drôle à quelqu'un de la classe. Ça m'a soûlée de me sentir jugée, alors j'ai juste arrêté de l'apprécier.
Donc, là, ce soir, quand Olympe me dit que Gabriel fait une soirée samedi et qu'on peut s'incruster grâce à Saul, ça me soûle un peu. Parce que c'est clair que l'invitation a été forcée et que j'ai pas envie de voir l'autre boulet, même si le nouveau est gentil.
« On peut pas juste se poser avec Rayan au Mcdo ? »
Olympe répond sur-le-champ : « Après !!!!!! »
Ça m'a fait chier alors j'ai capitulé, la connaissant.
Nouvelle stratégie :
« Mes parents me laisseront peut-être pas sortir... »
« Dis que tu dors chez moi bolosse »
Je lui rappelle une énième fois que mon père ne me laissera jamais dormir dehors.
« Bah tu rentreras plus tôt. Mais meuf, faut à tout prix que tu sois là, y aura une autre confrontation entre Grégoire, Marion et Jeanne. Team Jeanne à tout casser », envoie-t-elle par message.
Je screene. Demain, Olympe sera team Marion. Je pourrais parier 5 balles sur ça.
« je rentrerai tôt alors »
« :( deal »
J'accepte à contrecœur. Ça reste une mauvaise idée.
***
LE SAMEDI SOIR, à la soirée de Gabriel, je me force à ne rien boire ni fumer. Être sobre en soirée, c'est pas toujours aussi chiant qu'on croit. Et c'est toujours plus rigolo de voir les gens faire de la merde plutôt que tout foirer soi-même. Avec Olympe, on est arrivée une heure et demi après accompagnées de Saul, retrouvé sur le chemin. Le blond est tout propre, avec une tenue très basique mais qui lui va bien. Olympe sourit beaucoup, elle doit sûrement le trouver beau.
- Tu viens d'où Saul ? demandé-je quand la blonde est partie chercher de quoi boire.
- Paris. Ma mère m'a envoyé dans votre bled pour bosser, avoue-t-il en haussant les épaules.
Un parisien. Pas rare par ici.
- Ça change pas trop de la capitale ?
- Si un peu. J'ai moins de réseau avec Free, mais c'est cool.
Je souris, il ose pas trop se plaindre.
- Tu vas voir, on s'ennuie vite. Dis-toi que les seules personnes un peu différentes de notre lycée rempli de blancs, dont toi, c'est moi, mon pote métisse Rayan et quelques gentilles personnes qui font croire que y a de la diversité partout.
- Vous êtes sympas, remarque-t-il.
Saul est un peu plat niveau discussion. Rien de fantastique. Mais gentil.
- Alors sinon, tu t'entends bien avec le délégué ? Mme Roussel vous force à être ensemble, c'est dingue.
- Il est archi cool. Je sais pas pourquoi vous vous aimez pas.
Je fronce les sourcils cette fois.
- Comment tu sais ça ? Qu'on s'aime pas.
- Il a tout le temps seum quand t'es dans les parages. Toi aussi. Vous vous repoussez mutuellement, c'est flagrant. Avec Olympe on en parlait l'autre jour.
Ah, OK. Je note. Peut-être que je devrais être plus discrète finalement dans mon inimitié avec l'autre trouduc'.
- J'ai eu un crush sur lui au collège, me moqué-je subitement.
J'ai sorti ça comme si de rien était, ce qui m'a fait écarquillé les yeux grands ouverts. Merde, qu'est-ce que je dis ? Même Olympe ne le sait pas.
- Ah bon ? Chaud, je crois que lui aussi.
- Hein ?
Je cligne des yeux plusieurs fois. Et mon cerveau se met à parler en anglais : What the f*ck.
- Il a dit que tu lui avais foutu un râteau fin 3ème.
J'ai littéralement perdu la boule. Et puis j'ai jamais fait ça. Gabriel ? Quelle blague encore.
- Il t'a mytho. J'ai jamais recalé personne de ma vie. Fin je le saurais vu que personne est jamais venu vers moi.
Dit comme ça, ça sonne super triste. Mais bon, c'est vrai alors faut l'accepter tel quel.
- Vous parlez de quoi ? s'incruste Olympe.
J'ai fait très vite comprendre à Saul que c'était un secret pour moi. Un secret du passé, mais tout de même, un secret honteux que j'aurais jamais dû aborder.
À la terrasse, dehors, je repère Gabriel, en train de souffrir d'un fâcheux tabagisme passif avec ses amis. Dans ma tête, je calcule et analyse tout ce que je peux retirer des répliques de Saul. Et c'est tellement déboussolant que je laisse ma colère de côté pour me concentrer à comment ménager Olympe pour cette soirée.
***
SANS SURPRISE, MA MEILLEURE AMIE est totalement bourrée.
Je sais pas ce qu'elle a fumé ou bu, mais en tout cas, elle ne veut pas quitter la soirée. Avec Saul, on réussit à la convaincre d'aller prendre un peu l'air en bas, de façon à rattraper les derniers bus et rentrer.
« 你在哪里?要回家了,爸爸在等你 »
Le message de ma mère me dépite un peu. Il est à peine minuit.
- C'est ta mère ? demande Saul en sortant du pavillon.
- Ouais, elle me demande où je suis et que faut que j'rentre vu que mon père m'attend toujours avant d'aller dormir.
Le blond compatit. Les parents protecteurs qui s'inquiètent sont respectables mais un peu relous à la longue.
- Elle est toujours comme ça ?
- Olympe ?
- Ouais.
Il parle du fait qu'elle est torchée jusqu'aux orteils. Elle rigole sans raison dans ses bras.
- En soirée, elle se lâche toujours trop.
- Elle s'amuse quoi.
- Tu bois pas non plus ?
Saul acquiesce.
- Fin, je limite. J'ai pas besoin de boire pour m'amuser. Juste là ce sont des nouvelles personnes et un nouvel environnement alors je passe mon temps à observer.
Sa remarque me fait sourire.
- T'as de la chance. Moi je sais pas m'amuser en soirée. Sobre ou pas.
En vérité, je trouve ça chiant ces événements sociaux qui regroupent des groupes d'amis trop exclusifs. Ils toisent un peu les gens à l'intérieur. Les seules fêtes qui m'ont fait plaisir dans ma vie, ce sont celles d'Olympe. Y a toujours une touche personnelle de sa part.
- Oh merdeeeeeeeeeuh, j'ai oublié mon portable, se remémore soudain la blonde, tout juste réveillée de sa transe.
Saul lui pose quelques questions et se porte volontaire pour aller le chercher. Je trouve ça encore gentil. C'est un gars bien. Dehors, le vent fouette légèrement. Ma meilleure amie tourne dans l'allée et je souris, avec un énorme smile bridé.
Dans un coin du jardin de Gabriel, je reconnais sa silhouette. Debout avec une fille, je les vois s'échanger des clopes. En les observant, je me fais grillée par la fille, ce qui amène Gabriel à poser son regard sur moi. L'hôte de la maison hausse un sourcil, pas surpris.
Je le toise quelques secondes. Il le fait ici, puis m'ignore. C'est très tendu, comme d'hab', réveillant toutes mes anciennes déceptions sans raison. Je déteste le fait d'avoir été attirée tant d'années par ce vieux trouffion.
Saul revient, rend le portable à Olympe et nous repartons. Dans un coin de ma tête, je maudis celui qui a organisé cette fête.
Après tout, c'est juste un sacré gros con.
nda: comme promis, accueillez jadeeee <3
j'espère que ce début vous a plu, et que l'histoire sera pas abandonnée en cours de route par moi-même (lol)
mais voilà, premier perso principal que je développe avec mes origines hihi donc bon ça va changer un peu de mes autres persos bizarrement;
dans tous les cas, merci de me suivre,
elo
et oui ptdrrrrr le ptit frère s'appelle chêne jpp
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