Le cadeau

~Erell~

— Bon alors, Erell, dis-nous comment tu as rencontré notre Solal. Il est tellement secret qu'il faut lui arracher les mots de la bouche, plaisante la mère de Solal.

Je suis assise à table, entourée de la famille de Solal. Ses tuteurs souhaitaient absolument me rencontrer et ils ont proposé que je vienne le midi de Noël pour le fêter avec eux. J'ai accepté, même si ça me coûtait un peu d'abandonner ma famille en ce jour particulier pour nous. Mais maman m'a encouragée à y aller et m'a dit que le plus important, c'est que je sois là pour la veillée de Noël et qu'on aille à la messe de minuit. De toute façon, je n'aurais raté ce moment pour rien au monde. La messe de Noël me rend toujours heureuse, parce que la cathédrale est bondée de monde et que tout le monde est ravi d'être là. Il y a une telle ambiance de bienveillance qu'on ne peut que s'y sentir bien. Même Solal est venu y assister et, pour une fois, il a suivi attentivement chaque moment.

— La première fois que je l'ai vu, je dis, c'était un samedi soir, lors de la messe.

— Donc hier, quand tu es allé à la messe, ce n'était pas que pour faire plaisir à Erell ? s'étonne Maurice.

Solal secoue la tête, l'air gêné. Nous ne parlons jamais de religion ensemble, et je suppose qu'il n'en a jamais parlé non plus à quelqu'un d'autre. Je le comprends parce que, pour moi, c'est quelque chose de très intime et personnel. Même avec ma famille, nous n'en parlons pas réellement. Nous nous contentons de partager les moments ensemble mais nous vivons chaque instant avec Dieu et nous-même.

— Ton père était très croyant, également. Nous l'avons élevé dans la religion mais il était encore plus pratiquant que nous.

— C'est vrai ? s'assure Solal. Eh bien, je... J'aimerais beaucoup me faire baptiser.

— Non, sérieux ?! je m'exclame, surprise.

Il hoche la tête et continue :

— J'y ai beaucoup réfléchi ces dernières semaines et, je ne sais pas, je sens que je dois le faire.

— Si ton choix est arrêté, alors nous ne pouvons que t'y encourager, dit Alexandre en me servant pour la deuxième fois de la dinde.

— Tu t'es un peu renseigné pour savoir comment ça se passe ? demande Jean.

— Euh, pas vraiment... Je comptais sur Erell pour m'expliquer.

— Comme tu n'es pas un bébé, tu dois faire une préparation avec un prêtre. Il va te préparer au baptême, évidemment, et aussi t'enseigner la religion. Normalement, c'est par groupe mais je pense que ça dépend s'il y a beaucoup de monde qui veut se faire baptiser pour la période. Il faudrait que je voie avec mes parents quand tu pourrais t'inscrire, ils doivent le savoir.

— Donc je ne me ferais pas baptiser tout de suite ?

— D'ici septembre prochain, ce sera fait, je pense. Et puis, c'est important pour que tu sois sûr de ce que tu veux.

Il acquiesce, pensif, et sa mère reprend la parole pour que je lui avoue quelques anecdotes sur nous. Elle a beau être complètement fan de notre couple, je ne suis pas prête à nous dévoiler. Alors, comme je refuse, elle se contente de nous raconter quelques moments qu'elle a vécu avec le père de Solal. Ce dernier, n'ayant pas trop envie d'entendre la jeunesse de ses parents, demande si nous pouvons quitter la table et m'entraîne à l'étage.

C'est la première fois que je rentre dans sa chambre et je ne suis pas surprise de la découvrir. Elle est à son image, sombre et rangée. Elle est seulement meublée d'une commode, d'un bureau et du panier de Nairobi, qui ne doit pas l'utiliser très souvent puisqu'elle est allongée sur le lit. Les murs sont nus et aucune photo ne vient les décorer, contrairement à ma propre chambre, remplie de clichés de mes amies et moi.

— Il faut qu'on fasse une photo !

— Euh, pourquoi ?

— Parce qu'on en a aucune. Enfin, on a celle avec tous nos amis du bowling, mais pas juste de nous deux. Et j'en veux, pour accrocher dans ma chambre. Et dans la tienne aussi, j'explique en m'asseyant par terre.

— C'est quoi cette manie de toujours s'asseoir par terre, râle Solal en m'imitant toutefois.

— Parce que c'est confortable.

Il me jette un coup d'œil étrange et j'éclate de rire. Ensuite, je le supplie d'accepter de faire une photo même si je sais qu'il déteste ça. J'ai besoin d'avoir des souvenirs de nous. Comme toujours, il finit par abdiquer et je lui propose une alternative : s'il ne veut pas qu'on voit son visage, nous prendrons une autre partie de notre corps.

— Le dos, c'est très bien, répond-il aussitôt.

— Je ne pensais pas vraiment à cet endroit-là, je réplique en grimaçant. Plutôt à nos mains ou nos pieds. On va faire les deux.

Je me mets à genoux et force Solal à faire de même, puis je prends sa main dans la mienne et enroule mes doigts entre les siens. Nos mains ainsi entrelacées, je cherche le meilleur angle et capture l'instant.

— Tu me l'enverras.

— Ah, tu vois que ça te plaît !

— Tais-toi et prends ton autre photo.

— Attends, je reviens, je dis en me rappelant soudainement d'une chose.

Je sors de sa chambre et descends l'escalier le plus rapidement possible pour aller récupérer mon sac que j'ai déposé dans l'entrée. La famille de Solal fait comme si elle ne me voyait pas et ils continuent leur discussion. Je remonte rapidement et trouve Solal comme je l'ai laissé.

— J'ai un cadeau pour toi, je le préviens.

— Sérieux ? s'étonne-t-il.

— Oui, et ne me dis pas que je n'aurais pas dû ou je sais pas quoi, parce que ça me fait plaisir et c'est le principal.

— En fait, moi aussi j'ai un cadeau.

— Super, alors, je souris.

Je reprends place par terre et fouille dans mon sac jusqu'à trouver un emballage avec une forme non-identifiée – je ne sais pas emballer mes cadeaux – et fine. Dessus, je me suis appliquée à écrire le prénom de Solal, accompagné d'un cœur. Il me tend son paquet, ayant juste écrit Erell, ce qui ne m'étonne pas, et je lui donne le mien à mon tour.

— On l'ouvre en même temps, me propose-t-il.

J'acquiesce et observe le paquet, avant de l'ouvrir. C'est une boîte carrée, en carton. Je déploie les rabats et quand je découvre ce qu'il s'y trouve, je porte une main à ma bouche. C'est un petit miroir, en forme de soleil. Il me renvoie l'image d'une jeune fille brune, les cheveux tressés, les lèvres fines et les yeux marron, avec un regard perçant. Je me perds dans ma propre contemplation en prenant conscience de ma valeur. Je sais pourquoi il m'a offert ce miroir. Pour que je me voie telle que je suis, parce que je suis la personne la plus importante dans ma vie et que je dois me rendre heureuse en premier. Je le sais, parce que le cadeau que je lui ai fait est exactement le même. Et je l'ai acheté dans le même but. Les larmes aux yeux, je tourne le miroir et découvre un papier collé avec ces quelques mots : tu es incroyable et ce miroir est fait pour te le rappeler. Regarde-le quand tu doutes et tu verras comment je te vois. Merci d'être mon soleil. Joyeux Noël, Erell. Je t'aime, Solal <3

Je lève les yeux vers lui et j'essaie de ne pas éclater en sanglot. Ce qui s'avère difficile parce que je croise son regard et je comprends qu'il ressent la même chose que moi. Il tient dans ses mains un miroir en forme d'étoile et me sourit.

— Je... C'est parce que la nuit, les étoiles brillent et quand il fait nuit chez moi, c'est toi que je vois, j'arrive seulement à dire.

— Je sais, répond-il, parce qu'il a lu tout ça dans le mot que je lui ai également écrit.

Nous restons silencieux, occupés à réfléchir au sens du miroir. Je plonge les yeux dans les miens, à travers le miroir, et j'essaie de me découvrir. Et pour une fois, j'accepte de croire les paroles de Solal. Sans râler, sans m'opposer, sans peser le pour et le contre. Je suis Erell et les personnes qui partagent ma vie, ainsi que mes passions, ne reflètent pas qui je suis. Seul le miroir le peut. Je suis importante et je dois être ma priorité dans ma vie.

— C'est étrange, mais comme je t'ai dit la même chose, commence Solal, j'y crois mieux. En fait, j'arrive même à me voir comme tu me vois. Je crois que j'arrive enfin à comprendre que je suis important.

— Ça, je dis en essuyant une larme qui coule le long de ma joue, c'est le plus beau cadeau que tu puisses me faire.

— Dis-le, m'encourage-t-il.

— Je suis importante.

Nous sourions et je m'approche de lui pour l'embrasser.

— Tu es magnifique, j'ose enfin dire.

Et je prends conscience que, ensemble, nous ne pourrons qu'être heureux. Parce que nous nous aimons de toutes nos forces et que nous avons réalisé l'importance de nous aimer nous-mêmes.

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