Epilogue

   Des pas résonnent dans le couloir, ils sont rapides et réguliers, ils sont deux, ils sont hommes, l'un plus grand que l'autre, l'un Nafif et l'autre Aelez. Toutes ces informations sont transmises par le simple bruit de leur démarche ainsi que leur odeur qui approche, bien que l'un d'eux est capable trafiquer la sienne. L'odeur qu'il choisit d'émettre donne tout de même des informations sur son état d'esprit, son parfum d'eau de roche témoigne de son calme mais une légère senteur acide vient rappeler la méfiance qu'il a envers la femme qu'il vient voir. Enfermée dans les cellules atrocement blanches et sans fenêtre depuis une semaine, son cœur est en deuil et son âme en peine. Le jour où elle s'est laissée capturer elle a appris une bien triste nouvelle dont elle ne s'est toujours pas remise. Depuis sa vie n'a plus aucun but, plus aucune saveur. Elle ne fait qu'attendre la mort dans cette prison, malheureusement les Erevents sont résistants, elle a beau refuser de se nourrir elle commence à peine à en ressentir les effets néfastes au bout de six jours. La camisole qui restreint ses mouvements l'empêche de mettre fin à ses jours d'un coup de griffe dans la gorge, le Chef de Guerre refuse de la laisser mourir malgré leurs différents. Il a beau savoir ce qu'elle a fait, toutes ses erreurs et son rôle de Chasseuse de Nafif, il a décidé de prendre le temps de faire un pas vers elle. Malheureusement jusqu'à aujourd'hui elle refusait de parler vomissait tout ce qu'elle ingérait, mais elle n'en a désormais plus la force. Hiro a donc décidé d'en profiter.

   Les deux hommes arrivent devant la porte de la cellule, ils l'ouvrent prudemment et la referme immédiatement derrière eux. Ils ont conscience qu'ils ne risque plus rien, la femme a arrêté de se battre depuis déjà un moment, mais la procédure ne change pas. Même si elle est allongée au sol, les membres attachés, le regard dans le vide, ils doivent rester méfiants. Même morte elle pourrait leur en faire voir de toutes les couleurs, c'est donc prudemment qu'ils attrapent l'Erevent pour le redresser contre un mur. L'Aelez sort une boîte de la poche de sa blouse blanche et l'ouvre pour attraper une seringue. La femme n'a plus la force d'avaler, ils sont donc obligés de passer par les veines pour faire son apport en nutriments. Elle ne se débat pas, c'est à peine si elle est consciente. Elle n'a aucune réaction lorsque l'aiguille se plante dans son épaule, ni lorsqu'Hiro pose machinalement une main sur son front. Elle est plus âgée que lui mais son réflexe paternel est incontrôlé. Il ne peut s'empêcher de s'inquiéter et de vouloir tout faire pour la maintenir en vie.

   - Si elle y met pas du sien on aura beau faire tous les efforts du monde elle finira par crever.
- Je sais Outace, répond sèchement Hiro. Mais je refuse de la laisser faire...
- Arrête de te sentir responsable, t'y est pour rien dans l'histoire.
- Tu sais que c'est faux, c'est ma faute si El-Yah est tombée-
- On était deux à n'avoir rien pu faire contre elle, et ça fait des années que c'est arrivé. On ne va pas encore ruminer à ce sujet.

   Le Nafif soupire, fatigué d'avoir les mêmes conversations qui se répètent en boucle. Il entend toujours le même discours, mais sa culpabilité ne disparaît pas pour autant. Il lui avait promis de la protéger, et il a failli à cette promesse. Aujourd'hui c'est cette femme qui en fait les frais. Elle aurait passé des années à chercher un abris pour elle et sa fille, et lorsqu'elle l'avait enfin trouvé il était trop tard. En l'espace de quelques jours elle a d'abord appris que l'homme à qui elle avait confié El-Yah avait passé huit ans à la torturer puis que ceux qui l'avaient sortis de cet enfer n'avaient pas pu empêcher sa mort. N'importe qui serait dans cet état, mais Hiro ne peut l'accepter. Il ne peut plus sauver l'enfant, mais il aimerait réussir à sauver la mère. Bien que dans ses derniers instants El-Yah la haïssait, c'est tout ce qu'il lui reste d'elle. Son père, le meilleur ami du Chef de Guerre, est introuvable depuis bien trop longtemps pour continuer de quelconques recherches. Et cette femme, malgré tous les morts dont elle est responsable et les erreurs qu'elle a commise en pensant bien faire n'était motivée que par une seule chose. L'amour qu'elle portait pour son enfant était pur, et rien n'y personne ne pourra lui retirer ça. Hiro aimerait croire qu'en faisant la part des choses, il serait possible de l'intégrer à la Base et commencer à se pardonner les uns les autres. Ainsi, d'autres sangs mêlés pourraient voir le jour et vivre en paix comme chacun le mérite.

   - Morwën, chuchote-il en tentant d'attirer l'attention de l'Erevent, tentative bien vaine. S'il-te-plaît Morwën, ne perd pas espoir. Ta fille n'est plus là, mais le monde auquel elle appartenait l'est encore. Et c'est un monde qui a besoin de changement pour que d'autres enfants comme elle puissent y vivre mieux qu'elle. Et tu pourrais aider à provoquer ce changement. N'est-ce pas ce qu'elle aurait voulu ?

   Pour la première fois depuis des jours, les prunelles rouges de la femme retrouvent de leur éclat. Sa tête se redresse, son regard croise celui noisette d'un Hiro plein d'espoir et souriant tristement.

   - Ce... bégai-t-elle difficilement à cause de ses lèvres asséchées. Ce qu'elle... aurait voulu ?
- Oui, elle n'aspirait qu'à une seule chose c'était vivre normalement. Alors faisons en sorte que sa volonté soit faite, non ?

   L'Erevent regarde à nouveau le sol, pensive avant de sourire légèrement. Ses yeux s'humidifient mais aucune larme ne coule, elle en a trop versé. Elle a le sentiment qu'elle ne mériterait pas de vivre, mais que les dieux ne semblent pas décidés à la lâcher. Il est grand temps qu'elle fasse quelque chose de bien dans sa vie, quelque chose auquel elle aspirait dans sa jeunesse. Car avant d'être trahie par Galaad elle rêvait d'un monde sans guerre où la cohabitation entre les enfants d'Adem et d'Edma serait possible. Aujourd'hui elle peut à nouveau y croire, du moins c'est tout ce à quoi elle peut se raccrocher.

   - Hiro ! hurle une Nafif dans le couloir. On a une urgence !

   Les deux hommes se regardent avant de sortir de la cellule, laissant Morwën seule mais à nouveau éveillée. Ils retrouvent la colonel des armées qui leur fait un rapport précipité.

   - On a relevé deux transformations en dragon en plein coeur du Sahara ! s'exclame-t-elle. Nous n'avions aucun homme là-bas, et les images satellites ont montrées un dragon noir et un blanc. Le blanc est un nageur et sans aile...

   La jeune femme n'a pas besoin d'en dire plus, l'information a déjà percuté dans les esprits d'Outace et Hiro, et le fil de leurs pensées se fait écho. Il n'existe qu'un seule dragon qui a cette description, et il a disparu il y a près de vingt ans. A-t-il finalement refait surface maintenant qu'ils avaient cessés de le chercher ? Ils ne peuvent pas laisser passer une occasion pareil. Le Chef de Guerre donne immédiatement les directives. Il envoie un groupe de Nafif avec deux des meilleurs Aelez afin de pouvoir soigner d'éventuelles blessures et se précipite au poste de commande pour pouvoir suivre toutes l'opération dans ses moindres détails. L'organisation des Nafifs est efficace, en à peine quelques minutes chacun a compris ce qu'il devait faire et une navette est déjà en route pour le lieu où se trouve le fameux dragon sans aile. Le chemin n'est pas bien long, la Base volante ne passait pas loin du désert à ce moment-là c'est pour cela qu'ils ont pu détecter cette anomalie. Debout au centre de la pièce où de nombreux écrans montre les points de vue des guerriers et des données en tout genre, Hiro a du mal à tenir en place. Il aimerait être sur le terrain, mais son rôle de Chef l'en empêche. Son coeur bat la chamade tandis que l'appareil où se trouve l'escouade de sauvetage improvisée se pose à terre non loin d'un village. Les portes s'ouvrent, ils descendent et se précipitent sur le lieu où se trouve Galaad Drachen.

   De nombreux humains leurs barrent la route sans comprendre ce qu'il se passe. Ils ne peuvent prendre le temps de faire attention à leur discrétion, ils foncent dans le tas sans tenir compte des civils. Les Aelez suivent les Nafifs, leurs ailes blanches coupent le souffle des villageois et les laissent figés et admiratifs. L'escouade suit les indications du poste de contrôle qui les guident jusqu'au lieu où avait été détecté le combat de dragons. Lorsqu'ils l'atteignent enfin, une vision d'horreur glace le sang des guerriers sur place mais aussi de ceux qui y assistent à travers leurs écrans. Hiro reste muet un moment, avant de donner l'ordre d'avancer. Le groupe marche lentement vers l'énorme reptile, ses écailles normalement d'un blanc immaculé sont couvertes de sang et en ternie l'éclat. Les Aelez se précipitent vers la blessure béante, mais il est déjà trop tard. Le coeur du dragon ne bat plus depuis plusieurs longues minutes. Machinalement, ils font un rapide test ADN pour confirmer ce qu'ils savaient déjà. Galaad Drachen vient de mourir alors qu'il avait enfin été retrouvé par son peuple.

   Le hurlement plaintif d'une femme attire l'attention des guerriers, elle se précipite vers eux en hurlant des phrases en Arabe. L'un des Nafif établie le contact avec elle et apprend petit à petit ce qu'il s'est passé et qui elle est. La femme de "dieu" est accablée par le chagrin et rongée par la colère, elle comprend qui sont les personnes qui inspectent le corps de son mari et leur confie ce qu'elle sait. Une jeune femme qui avait l'air parfaitement humain ce serait battue contre lui et au cour du combat aurait changé d'apparence pour prendre celle d'une d'une démone sanguinaire. Les pièces du puzzle s'assemblent, il ne faut pas longtemps à Hiro pour réaliser ce qu'il vient de se passer. Il transmet immédiatement le message à l'unité sur place de retrouver l'adversaire de Galaad et de ne surtout pas s'en prendre à elle avant d'avoir relevé son identité. Ils se mettent à fouiller les environs, trouvent une piste de sang qu'ils suivent minutieusement sur plusieurs centaines de mètres jusqu'aux dunes de sable où la piste disparait, les grain doré ayant recouvert les gouttes rouges. Ils observent l'horizon et ne tardent pas à apercevoir non loin une masse noire et rouge au sol. En s'approchant ils devinent des lignes blanches sur son corps, semblable à un tatouage de Nafif. Il se penchent au-dessus de ce qui semble être une Erevent inconsciente et la retourne pour la mettre sur le dos et voir son visage.

   Les dessins s'étendent jusqu'au bat de son visage, sur son cou l'on peut voir qu'il prend la forme d'une tête de dragon. Les Aelez sont formels, il s'agit de sa racine. L'un prend son pouls et l'autre inspecte ses blessures. Son coeur bat faiblement mais elle est en vie, cependant ses plaies sont graves  et n'ont pas été soignée, il faut de toute urgence s'en occuper. Un des Nafifs soulève la jeune femme et l'emmène à la navette accompagné d'un des soigneurs pour s'en occuper à l'intérieur tandis que les autres retournent se charger du cadavre de Galaad. L'Erevent est installée sur un lit d'urgence, pendant qu'elle reçoit les premiers soin le Nafif relève son identité. Le nom qui s'affiche sur l'écran de sa tablette est barré, ce qui signifie qu'elle est reportée comme décédée dans la Base de connée. Pourtant c'est bien El-Yah Drachen qui est inconsciente et désormais en sureté, à nouveau parmis les Nafifs.

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