S I X
THOMAS
moi, j'oublie pas
↡
C'est là qu'elle est apparue.
Je ne sais pas si c'est à cause de la fumée présente dans l'ensemble de la pièce, le THC mélangé à l'alcool dans mon sang, mais je peux jurer là tout de suite qu'elle est telle un ange tombé du ciel.
J'essaye de me lever, difficilement, ne réussis qu'à m'effondre sur le canapé si confortable que là, j'pourrai m'endormir. Quand je réouvre les yeux, quelques secondes après ou de longues minutes, je ne sais pas, elle est au milieu de la pièce, encore plus belle que dans mes souvenirs. Elle est en train de saluer tout le monde, et je ne peux m'empêcher de la regarder entière. Putain, j'suis en train de bader. Elle est là, en face de moi maintenant, l'air inquiet parce que je suis là, tel un minable qui n'arrive même plus à tenir son corps. Pathétique.
— Thomas, ça va ?
— J'pète la forme, j'essaye d'articuler.
— C'est ce que je vois. Elle me saisit le bras. Viens, faut que t'ailles t'allonger.
— Non ! Qu'est-ce que tu racontes toi. On est tellement bien ici !
— T'es à deux doigts de nous taper coma là. Alors, on va aller dans une des chambres, et j'vais te ramener à manger pour noyer l'alcool.
— Oh putain ! J'ai la fonce-dalle en plus ! Y'a pas moyen tu m'trouves du fromage ? J'ai envie de fromage.
— On verra ça après, chuchote-t-elle si près de mon oreille que j'en suis parcouru de frisson.
Je finis par me mettre sur mes deux jambes, trébuchant sur l'accoudoir du canapé, et je manque de m'exploser par terre. J'entends des éclats de rire fuser dans toute la pièce, des gens prononcer mon nom. Sûrement que ça parle de moi, de mon état. Mais là, je m'en tape. Elle est là, en train de s'occuper de moi. Même dans mes rêves les plus beau, cela n'arrive pas. Elle m'attrape par la taille et m'entraîne avec elle. Je me tiens au mur ou aux meubles pour l'aider. Je sais quand même que je ne fais pas un poids plume. Plusieurs fois, je m'emmêle les pieds avec des objets ou autres choses non identifiées et elle me rattrape toujours. Je me ressaisis légèrement quand je sens un matelas sous moi. Mais surtout quand je n'arrive plus à la toucher. Pris de panique, je me redresse, la cherchant des yeux.
— Ne me laisses pas tout seul !
— Je vais te chercher à manger, tu peux tenir cinq minutes sans finir par terre ? J'ai pas trop envie d'appeler les pompiers pour un nez cassé.
— Je compte jusqu'à vingt et tu dois être revenue hein ?
— Promis.
Et la porte se referme derrière elle. Je crois que j'ai compté que jusqu'à cinq. Après, c'est très sombre dans mon esprit, mais je réouvre les yeux quand je sens une main douce sur mon front, dégageant les mèches bouclées qui cachent mon visage.
— T'as fait vite dis donc ! J'ai juste eu le temps de dire cinq, t'étais là.
— Mais oui, je remarque une pointe d'amusement dans son visage. Tiens, il restait de la pizza. Et tu vas boire aussi de l'eau.
— Qui bois de l'eau en soirée ?
— Les gens comme toi qui sont dans le mal.
— La vie d'ma mère j'suis pas dans le mal. Au contraire, j'suis hyper bien là.
— Tais toi et mange !
Elle n'a pas besoin de me le dire deux fois. J'ai tellement faim que je pourrai manger une pizza entière. Je mâche lentement, la pateuse, mon pire ennemi, mais elle reste toujours là, à côté de moi, tapotant sur son téléphone. Elle ne relève la tête que lorsque je prends le verre posé sur la table de nuit.
— T'es magnifique.
— Merci, bon maintenant, faut que tu dormes.
J'explose de rire. Moi ? Dormir ? Mais elle m'a pris pour qui ? J'suis jamais tombé en soirée, sauf les premières quand je ne savais pas boire, c'est pas alors que j'ai dix-huit ans dans six mois que ça va arriver.
— T'es malade toi ! J'suis une pute si j'me couche ! Sauf si c'est pour baiser bien évidemment.
— Tu ne sais même plus ce que tu dis, ferme-là.
— Bah c'est vrai !
— J't'ai connu plus poli dans tes paroles. Bon, enlève ton jean et ton sweat, tu vas crever de chaud. Je souris de toutes mes dents.
— C'est ça ta technique pour me voir à poil ? Tu peux me le dire direct, hein !
— Arrête de jouer, là, ou c'est moi qui te désappes.
— Fais toi plaiz'.
Je m'allonge sur le dos, attrapant son bras pour l'attirer à moi. Mais elle me foudroie du regard et devient soudainement très sombre. Elle n'a plus du tout l'air d'un ange là. Elle se relève et avance vers la porte.
— J'vais te chercher quelqu'un. Annabelle ? Erwan ? Pas la peine de penser à Mathis, il est occupé avec Pauline. Maya sinon ?
Mon cœur se serre d'un coup, et je sens les larmes me monter aux yeux. Putain, j'suis qu'un putain d'abruti. J'ai trompé Maya et je suis sûr qu'elle s'occuperai de moi pourtant si elle me voyait. Je me tourne et attrape un coussin que je sers contre moi, essayant tant bien que mal de maîtriser toutes les émotions qui s'emparent de moi. Pourquoi ça a l'air si facile chez les autres ? Pourquoi est-ce que j'ai l'impression de me noyer sous mes problèmes et mes conneries ?
Rose revient vers moi, posant sa main si douce contre ma joue, faisant de léger cercle avec son pouce. Je croise ses pupilles vertes, elle est inquiète, réellement, je le vois sur son visage.
— Tu peux me parler tu sais ?
— Depuis combien de temps on se connaît nous deux ? Elle semble réfléchir, les yeux dans le vide.
— Presque trois ans. Depuis la seconde.
— Ouai... Mais on est pourtant pas assez proche pour se confier nos vies.
— J'suis plutôt de bons conseils et je n'ai jamais jugé personne. Et là, t'as vraiment besoin de parler et je suis là. Alors qu'on soit proche ou non, tu peux te confier à moi. Elle a une voix douce, posée et calme. Ses yeux me transpercent. Je ne me remettrai jamais de ce vert. Il est hallucinant.
— J'ai trompé Maya.
— Je sais. J'enfouie mon visage dans mes mains, me haïssant de tout mon être.
— Putain, j'suis trop con ! Je l'aime pourtant. Il est même pas là le soucis. Je sais pas pourquoi j'ai fait ça. Qu'est-ce qu'il ne va pas chez moi ? J'ai la meuf parfaite et j'foire tout. Elle s'allonge à côté de moi, appuyant sa tête sur son bras. Elle m'écoute et ça me fait un bien fou. Le pire, c'est que maintenant, je ne sais plus quoi faire pour la rattraper. Et en plus, mon ancien beau-père a lancé une procédure pour avoir la garde exclusive de ma sœur et mon frère. Ma mère est au bout de sa vie. J'ai peur qu'elle retombe dans l'alcool. Et là, j'suis là, en train de me mettre minable pour oublier. Je me tourne vers elle et recherche désespérément à rencontrer ses prunelles. J'ai envie de me noyer dans ses yeux plus que n'importe quoi à ce moment-là. Dis-moi quelque chose, Rose.
— On fait tous des conneries dans nos vies. On regrettera plein de choses quand on sera vieux, mais l'important c'est d'essayer un maximum de chose. On est jeune encore, t'auras le temps de trouver la femme de ta vie.
— Et si c'était elle ?
— Non, ce n'est pas elle. Elle pince ses lèvres entre elles et là d'un coup j'ai envie de l'embrasser. Mais je sais que c'est parce que je suis en manque d'affection.
— Comment tu sais ? Personne ne sait vraiment qui est notre âme sœur.
— Parce que son premier amour n'est généralement pas son grand amour. Sinon je serai bien dans la merde, dit-elle dans un souffle.
— Benjamin ?
— Tu t'en souviens ?
— Brièvement.
— Moi, j'oublie pas.
Ses yeux sont devenus d'un coup sombre. Elle se relève, m'ordonne de me déshabiller et finit par éteindre la lumière. Alors qu'elle entrouvre la porte, je me décide à me lancer.
— Restes avec moi, s'il te plaît.
— D'accord.
Et elle regagne sa place de tout à l'heure. Je m'endors ainsi, contre Rose, l'ex de mon cousin, la fille aux yeux si envoûtants que je n'arrive pas à m'en remettre alors qu'elle me fait des papouilles dans les cheveux. Et je ne pense à rien d'autres qu'elle.
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