Le vent fouette contre la toile de la tente et je frissonne dans mon sac de couchage. Élise est couchée, juste en face de moi, sur le dos. Elle est silencieuse.

Nous avons installé une petite loupiote sur un des crochets de notre petit abris. A cause du vent, la lumière vacille et dans une harmonie singulière, elle change de couleur.

Tout d'abord rose.
Ensuite bleu.
Puis violet.
Et tout s'illumine d'un rouge écarlate.
Enfin c'est vert.

Les lumières changent comme si elles étaient une mélodies qui se répétaient. Elise les fixe sans un mot, sa respiration si faible que je l'entends à peine. A moins que ce soit à cause de mon envie de dormir et de l'alcool toujours trop présent en moi. Ça n'a pas vraiment d'importance. En revanche mon cerveau trouve important de penser que la couleur verte sur son visage ne lui va pas.

Non, vraiment, elle en deviendrait hideuse.

"À ton avis, qui est-ce ?"

Je sais qu'elle parle du message, je sais qu'elle ne pense qu'à ça depuis notre glace.

"Peut-être que c'est son amoureux."

Elise plisse le nez alors que la lumière rose la recouvre. Elle est plus jolie comme ça.

"Amélie sortait avec Dylan."

Dylan Gartner. Cheveux noir en brosse, une veste en cuir à chaque instant de sa vie et un piercing sur le sourcil.

Allez savoir pourquoi j'éclate de rire. Et allez savoir pourquoi Elise rit avec moi.

"C'est moche Dylan !" Dis-je en pouffant contre mon pauvre oreiller plat. Élise m'a obligé à laisser Yoda dans la voiture, décision idiote il m'aurait sûrement réchauffé.

"Je me souviens quand il a fait ce piercing, j'avais tellement envie de lui retirer..." Elise soupire de bonheur et je me sens de nouveau éveillé... Le silence avait été trop long, sa voix m'avait manqué.

"Elle aimait vraiment Dylan, elle ne l'aurait pas trahit."

Elise se tourne vers moi, la lumière devient violette et tout s'assombrit autour de moi. L'ombre de son nez s'allonge sur sa joue et je remarque à cet instant qu'elle a une toute petite cicatrice sur sa lèvre supérieure.

Le rouge illumine notre antre et je n'arrive pas à détacher mes yeux des siens. Pourquoi devient-elle si belle à regarder aujourd'hui ?

"Je suis sa meilleure amie, je serai censée savoir si elle rencontrait quelqu'un d'autre."

Je n'ai jamais eu de meilleurs amis, je n'avais vraiment bien compris ce tri qu'on fait vis-à-vis des personnes qui nous entourent.

"Il n'y a que dans les films que les meilleures amies se disent tout."

Elise ne bouge pas, elle ne bat pas des yeux, elle me fixe. Une drôle d'ambiance s'installe car les regards deviennent lourds, un de nous doit parler ou agir.

Je n'ai jamais été bavard.

"Alors quoi ? Elle avait un grand secret ?" Finit par demander Elise, sa question n'est qu'un chuchotement et elle attend ma réponse comme si j'avais la bonne.

"On ne dit pas tout, c'est comme ça. Certaines choses restent en nous."

Pour d'autres personnes, beaucoup de choses restent en eux. Comme moi. Parce que je n'ai jamais été bon à dire ce que je pensais, ce que je voulais. Peut-être parce que je n'ai jamais su ce que j'aimais et pensais.

" Qu'est ce que tu n'as jamais dit ?"

Je crois avoir souri sans m'en rendre compte, ma fatigue se fait plus présente.

"J'ai traité ma belle-mère de salope. C'est pour ça que mon père ne m'a plus jamais appelé. "

Elise reste silencieuse mais elle a un petit rictus, comme si elle retenait un sourire.

"Geek, tueur et vulgaire, tu es un homme surprenant Pierre." finit-elle par dire sur un ton taquin.

"Ça se trouve c'est toi la tueuse. Tu as tué Amélie, tu vas me tuer et le gars qui t'as envoyé ce message, c'est Dylan, et il va t'aider à enterrer ma sépulture."

Elise me regarde étrangement avant de simplement rouler des yeux.

"T'es con. Si j'étais une tueuse, je me serai débarrassée de toi pendant la nuit et j'aurai enterré ton corps dans une dune de sable."

J'acquiesce simplement, c'est vrai, elle n'aurait même pas eu besoin d'un acolyte. Elle aurait fait ça seule et aurait piqué mon portefeuille, et mes clés de voiture, avant même que la nuit tombe.

Elise s'installe encore sur le dos, elle déverrouille le téléphone et relit encore une fois le message.

"On peut se trouver au café du caporal à Hautbranche."

"Nous saurons tout demain."

Elle finit par me tourner le dos définitivement. Elle a éteint les lumières, leur rythme me manque déjà...

"Pierre ?"

"Eli ?"

"Tiens moi."

Vous avez déjà dormi avec quelqu'un ? Moi non plus, pendant un instant je ne sais ni où mettre mes bras, ni ma tête. Je finis par placer ma main sur son ventre et elle soupire doucement. Elle se rapproche légèrement et nous faisons cette figure terriblement cliché.
Elle est la petite cuillère et moi la grande. La position est inconfortable au possible et je me demande si je vais réussir à m'endormir... Comment font les héros de roman romantique pour dormir ainsi ? Soyons honnête, qui dort sur un seul côté de sa personne ?

"Bonne nuit Pierre."

"Bonne nuit Eli."

Finalement je serai peut-être de ceux qui sauront dormir ainsi...

/C'est une dédicace à Folletdesmots qui continue à me lire et à mon amie Pocahontas qui m'a inspiré et ne cesse de me surprendre... :*
J'espère que ce chapitre vous a plu... /