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« Baby, you can go about your business
No use in waiting up for me at night
The only thing that is on my wish list
Don't take another second of my time »
La radio est le seul bruit persistant pendant notre trajet. Je ne suis pas bavard, je ne sais pas vraiment quoi dire et Elise murmure les mots de la chanson. Elle fait ça depuis tout à l'heure, comme si elle connaissait toute la playlist de la radio régionale.
« Little man, now can't you see?
I'm so done with you and me »
Puis, la voiture m'indique le besoin d'essence, il semble que cela nous réveille tous les deux. Elle me lance un regard et baisse le son de la radio.
« Tu lui as dit que tu partais où ? »
« Chez Quentin. »
« Sick of living fantasies
It's not right, it's not life »
« Un gars avec des dreadlocks ? »
J'hoche la tête, c'est particulier de discuter avec une fille qui a toujours fait parti du décor mais à qui vous n'êtes en rien liés.
« You've been blind and so naive
You can't escape reality »
« Paraît qu'Amélie s'est suicidée. »
Pendant un instant j'ai regretté, je me suis même maudit à propos de mes compétences sociales. Je devais réellement revoir mes approches. Elise me fixa pendant cinq longues secondes, son visage crispé dans une moue dédaigneuse.
« Oui. C'est ce qu'ils disent. »
Elle détourna son regard de moi et fixa de nouveau la route. La voix d'Amy Whinehouse résonna et remplit notre silence.
« You're not the man of my dreams tonight, no lie
Don't want you back, back, back, back »
« Tu sais, dans ces films américains, les personnages se souviennent toujours des derniers mots qu'ils disent à la personne avant son suicide. »
Sa voix a un ton sérieux, elle ressemble plus à la fille sérieuse que je croisais dans les couloirs de nos établissements.
« No point in begging on your knees »
« Je ne me souviens de rien. Nous n'étions pas fâchées, ni même tristes. J'ai dû lui dire un truc totalement banal. »
« Nothing that I haven't seen before
Don't want you back, back, back, back »
« Elle allait bien. Amélie allait bien. »
Je la vois plier son poing comme si elle s'apprétait à taper sur une table pour affirmer ces mots.
« I'm done with all this, "Baby, please" »
« Peut-être qu'elle voulait que tu crois que tout allait bien. »
N'est-ce pas ce qu'on découvre dans les livres et films ? Tout n'était qu'un tissu de mensonge ? En réalité, la personne souffrait et n'attendait qu'un unique moment pour en finir.
« You ain't gonna fuck with me, no more »
Le corps d'Elise émet une secousse, comme si elle était parcourue d'un frisson. Je me tourne vers elle, et je me sens perdue devant son sourire tordu et le rire qu'elle retient.
« Don't want you back, back, back, back
No point in begging on your knees »
« Cette fille n'était pas secrète ! Elle criait sur les toits ce qu'elle pensait, ce qu'elle ressentait, elle était bruyante et indisciplinée et elle était incapable de garder quelque chose pour elle ! »
Elle parle vite et ses joues deviennent écarlates. C'est drôle mais c'est la première fois que je perçois clairement une émotion chez elle.
« Elle m'appelait en pleine nuit pour me raconter chaque soucis ! Même les plus débiles ! »
Elise s'agite et se tourne complètement vers moi, j'essaie de rester concentrer sur la route. Elle me fixe, elle me regarde avec des yeux si humains, si vivants... C'est perturbant.
« Tout allait bien. Son copain, ses parents divorcés, ses études. Elle allait bien. »
Je finis par acquiescer, parce que dit avec autant de conviction, je suis incapable de penser qu'elle a tort.
« Nothing that I haven't seen before
Don't want you back, back, back, back »
La musique s'arrête. Le gars parle, il parle trop, je finis par l'éteindre. Je ne supporte pas ce blabla inutile de la radio.
« Elle ne se serait pas suicidée dans le hamac de son jardin. »
Je tourne pour une station d'essence. Nous nous arrêtons et je sors sans un mot. Elle reste collée à sa fenêtre. Elle ne me regarde pas, en fait je crois qu'elle ne voie rien.
Nous reprenons la route sur une musique de Goldman qui me saoule vite, je l'éteins encore. Elle ne rompt pas le silence, on dirait même qu'elle l'écoute.
Comme si elle pouvait percevoir des sons inexistants pour moi.
« Elle aurait piqué une crise en publique, elle aurait crié et jeté quelque chose contre les murs. »
Le visage d'Amélie s'impose dans mon esprit, il faut croire que je n'ai jamais non plus cerné la petite fille avec des nattes.
« Alors pourquoi ? »
Elle soupire et j'imagine la fumée qui sort de sa bouche. Je réalise seulement maintenant que je n'ai pas encore fumé. Je fume toujours en voiture. Surtout au départ.
« Je ne sais pas. »
Je me tais, je regarde la route et j'imagine ce qu'une fille comme Amélie a besoin comme prétexte pour mourir.
« Peut-être qu'elle a trouvé une pierre d'un autre univers et qu'elle a été maudite. »
Je ne me souviens pas avoir songé à retenir mes mots, j'écarquille les yeux en regardant le siège passager. Effectivement, je n'ai aucun tact. Elise me regardait étonnée, elle se pinçait les lèvres et a finalement laissé un rire s'échapper.
Son premier vrai rire.
Simple, doux.
Un rire qui vous fait sourire à votre tour.
« En fait tu es un geek. »
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