11

Le lendemain matin un rayon de soleil traverse les rideaux mal fermés. Il illumine la pièce assez longtemps pour me réveiller. C'est la chambre d'amis de Quentin, je la reconnais, j'y ai souvent dormi.

Tout mon corps est endolori, j'ai encore sommeil.

La porte s'ouvre et je la vois, déjà si éveillée le matin.

"Tiens la belle au bois dormant s'est réveillée !"

Elle a un sourire fin, presque adorable. Ses cheveux sont mouillés, elle sort de la douche.
Elle s'assoit sur le bord du lit près de moi pour enfiler ses chaussettes. Elle a un suçon violet sur sa clavicule. Notre soirée me revient en mémoire et je me retrouve sans le mot, une nouvelle fois.

"Tu diras merci à Quentin pour l'invitation."

Elle se lève et remonte son jean par les passants de sa ceinture sans aucune once d'élégance. Je réalise soudainement qu'elle part.

"Où vas-tu ?"

Je cherche mes habits du regard et une fois repérés je me lève pour les mettre en vitesse.

"Au commissariat. Agnès - la mère d'Amélie - a le droit de savoir. Sa fille ne s'est pas suicidée, c'était juste un accident."

Je me suis rappelé d'hier soir, de la drogue omniprésente, je me demande si Quentin aura des problèmes.

"J'ai pris ton enregistrement. Je vais tout leur dire."

Nous nous retrouvons l'un en face de l'autre. Elle fait ma taille, elle me regarde droit dans les yeux, ses yeux brillent d'une ardeur nouvelle.

"Je serai bientôt prêt."

Elle attrape mon poignet soudainement, ce simple geste refroidit mon corps entier.

"J'y vais seule."

Elle est si sérieuse que ça en est déroutant, la fille qui volait à la fête foraine me manque.

"Je ne comprends pas."

Elle lâche mon poignet, j'ai froid, je me sens loin d'elle. Elle est de nouveau cette fille que je ne sais plus cerner. Encore une fois elle ressemble à une inconnue.

"Tu n'as pas à m'accompagner."

Son rire dans la tente.
Son sourire en dégustant un smoothie.
Ses danses folles, ses défis hasardeux, ses insultes accompagnant les œufs dans leur lancée.
Tout me revient.
Chaque instant qui m'a fait tomber amoureux.

"C'est fini alors ? Tu as accompli toutes tes conneries ?"

Je ne reconnais pas ma voix.
Je ne connais pas ce ton blessé.
Je ne connais pas cette colère.

Je ne me suis pas lassé d'elle.
Je me suis attaché à elle comme je ne l'avais jamais fait.

"Tu as tout détruit autour de toi alors tu t'en vas ?!"

Je ne sais pas d'où ces mots sortent.
Je les dis c'est tout.

J'ai envie de trembler,
J'ai envie de la saisir.

J'ai besoin qu'elle sente comme c'est douloureux.

"Je n'ai pas tout détruit."

Sortant de sa transe silencieuse, elle s'approche de moi à une rapidité surprenante. Elle est près de moi, si près que je sens son souffle sur mon visage.

"Je ne t'ai pas détruit."

Ses mots sont des chuchotements, elle me confie un secret. Elle embrasse mes lèvres si doucement que j'aurai pu me retirer, mais à quoi bon ?

Je voulais ce baiser.
Je voulais son regard.
Je voulais tout d'elle.

Sa main quitte ma joue, elle glisse loin de moi, elle s'en va sans un mot de plus.

Une seconde s'écoule et je reste figé.
Deux secondes passent et je sens encore le fantôme de ses lèvres sur les miennes.
Trois secondes défilent et je ne me sens pas vide.

Elle ne m'a pas détruit.
Elle ne m'a rien pris.

Je me vois dans le reflet du miroir.
C'est un étrange miroir qui a la forme du soleil, il est fait de mosaïques... Je me vois et...

Tout a changé.
Mon regard n'est plus le même.

Elle a raison.
Elle n'a rien détruit, elle m'a tout donné.

Son regard si fou, si fort.
Je le croise dans ce reflet.
Elle n'est pas redevenue une inconnue, elle est comme moi.

Nous sommes simplement différents.
La flamme dans nos yeux brillent.

La flamme dans mes yeux naît aujourd'hui.

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