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« Pierrot ! »
Ca, c'est la voix de ma mère.
Pour une femme, elle a une voix grave, sûrement due à la cigarette. On fume tous et pourtant mon grand-père meurt d'un cancer de la gorge.
Que voulez-vous ?
Il faut croire que personne ne retient les leçons du passé.
« Tu as tout préparé ? »
Elle déteste crier dans l'escalier, pourtant elle le fait toujours. C'est étrange tout ce que l'on fait alors qu'on ne l'apprécie même pas.
« Je suis bon. » Dis-je en descendant mon sac.
Mon frère court partout dans la maison, il s'entraîne pour la course de l'école.
« Hé Pierrot ! Tu reviens quand ? » Demande-t-il en buvant sa gourde comme un champion d'athlétisme.
« Une semaine, peut-être deux. »
J'entends ma mère soupirer derrière moi. Elle déteste l'imprécision, elle déteste ne pas savoir exactement ce que je fais. Mais je ne lui ai jamais tout dit, c'est étrange ça aussi, mais ça fonctionne ainsi.
« Les parents de Quentin ne seront pas là ? »
C'est la dixième fois qu'elle pose cette question, j'imagine qu'elle ne retient pas la réponse parce qu'elle fait toujours quelque chose lorsqu'elle me parle. Ou alors elle souhaite que la réponse change.
« Non, ses parents travaillent et c'est leur maison de campagne. »
Sans que je ne demande rien, elle ouvre mon sac et vérifie que je n'ai rien oublié. Ca aussi, ça a toujours été ainsi. Elle replie mon sweat puis me donne un second sac.
« Je t'ai fait des sandwichs. »
Ce n'est pas la peine de lui dire que j'avais prévu d'en acheter en chemin. Elle ne l'entendra pas, puis elle est si contente de jouer à la maman avec moi. Dois-je rappeler que j'ai dix-neuf ans ?
« Bon j'y vais, je vous appelerai en chemin. »
Embrasser mon frère est un combat que j'abandonne d'avance, je prends ma mère dans mes bras. Je n'aime pas les accolades longues et languissantes. Ma mère les adore et me tient serré contre elle.
« Au fait, tu sais si Elise viendra à la fête annuelle de Quentin ? »
Vous croyez aux coïncidences ?
Ses yeux vides me reviennent en mémoire.
La fumée qui sort de sa bouche, sa voix sans vie.
« Je ne sais pas. On ne se parle pas. »
Peut-être que j'ai cette même voix sans vie, sans émotion. Une voix, un regard, des gestes lassés de tout.
« Il paraît qu'elle est très malheureuse depuis le suicide d'Amélie. »
Malheureuse.
Triste.
Vide.
Elle est comme ces vieilles photos en noirs et blancs, celles que l'on retrouve au fond d'une boîte en ignorant qui sont ces visages, elle paraît vide de sens.
« Prend soin de toi. »
Un sourire, un au revoir avant de monter dans la voiture, une dernière vision avant de tourner au prochain virage.
C'est un départ.
Je m'arrête.
La portière s'ouvre et elle s'assoit.
C'est le début d'un mensonge.
Elle porte un vieux sweat gris avec des étoiles, on dirait une des vieilles choses qu'elle portait au collège.
« Prêt ? »
Sa voix a une nouvelle intonation, ce n'est pas de la joie, cela ressemble à une moquerie.
On dirait le début d'une connerie.
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