Le vieil homme se tourna vers le groupe. C'est lui qui avait posté l'annonce sur Internet. Il voulait surtout écouter.

Mais c'était son tour de dévoiler son océan.

Il était un homme.

Il aimait Jérémy.

Jérémy était un homme.

Jérémy l'aimait.

Tout allait pour le mieux.

Sauf sa famille.

Même après vingts ans, elle se refusait à lui parler. Ses deux sœurs venaient seulement pour l'humilier, montrer aux enfants le petit canard de la famille. Ne devenez surtout pas comme lui. Il est maudit.

Peut-être bien, qu'il était maudit. Un maudit heureux avec Jérémy, alors.

Il avait adopté un enfant, une petite fille. Elle s'appelait Sophie.

Sophie avait maintenant deux enfants. Tout n'avait pas été facile, durant son enfance. Deux papas, c'était bizarre, du point de vue des autres enfants.

Il était grand-père, alors. Un grand-père heureux.

Jusqu'à la mort de Jérémy.

Le gouffre immense, la tristesse sans fin. Et, toujours, les moqueries de sa famille.

Maintenant, il était seul. Seul et déprimé. Il avait le sentiment de ne pas avoir aimé assez, d'avoir fait quelque chose de travers.

Sophie lui a enlevé ses petits enfants, le temps que la tristesse passe. Elle ne veut pas d'un grand père malheureux.

Il se dit qu'il n'a plus rien, qu'il est peut-être vraiment maudit. Il regrette, il voudrait revoir Jérémy et lui dire qu'il l'aime. Il voudrait effacer sa tristesse et rendre visite à Sophie. Il voudrait renouer avec sa famille. Il voudrait faire des cadeaux à ses petits-enfants.

Il dit aux plus jeunes qu'il faut profiter un maximum, parce que la vie passe trop vite.

Il ne parle pas beaucoup, les remercie finalement d'être venus.