AU Sans Tuerie - "J'ai bien réfléchi et cette idée est bancale."
Ceci est le cadeau de Noël de @scoubisalami
Un bail bresom de BD avec un catcheur.
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J'ai bien réfléchi, et je pense que c'est la pire idée depuis que j'ai accepté de jouer contre Stefan aka le Chuck Norris des jeux et Eugénie ou ni vu ni connu je t'embrouille. Je regarde Liu nouer mes lacets, laissant mes pensées divaguer.
Otto Klein.
Il m'a salement humilié et mon ego en a pris un sacré coup. Liu est venu me ramasser à la petite cuillère après. Alors certes, moi et le sentiment de honte... Ça fait trente. C'est rien c'est le trouble de la personnalité antisociale. J'adore être un stéréotype de ma condition, ça me donne une excuse pour être un connard. Parce que, regardez Lutz : c'est le pire des enfoirés, mais il ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Moi, telle une Phèdre passionnée faisant d'une déesse l'hypostase de sa libido et la chargeant de sa culpabilité, je dis « c'est pas moi, c'est Vénus ». Enfin c'est plutôt mon diag. Ahah.
Tout ça pour dire que je ne lui en tiens pas tant que ça rigueur. La preuve.
— Serre pas tant cette cravate, Liu, j'ai l'impression que tu veux me tuer.
— Je pense que la cravate est de trop, Maquo, tu n'en as pas besoin pour aller voir ta grand-mère
Oui, car j'ai dit à Liu que j'allais voir ma grand-mère.
— Hé bien t'embête pas, alors, soupiré-je en le repoussant.
Je retire la cravate pour la jeter sur la table.
— J'aurais bien aimé voir Callirrhoé aussi, sourit-il avant de déposer un baiser sur mes lèvres. Tu vas me manquer quand tu seras en Grèce.
— Tu vas me manquer aussi, Liu.
Non. Mais on va dire que oui. J'attrape ma veste, car l'hiver, la période de Noël, il fait plutôt frisquet. Surtout que la veste je l'ai volée, donc je l'apprécie d'autant plus. Je me retourne une dernière fois vers Liu qui m'adresse un timide geste de la main, avant de refermer la porte. Bon investissement, le Liu. Il est une parfaite ménagère et une très bonne bouillotte, que demande le peuple ? Je prends l'ascenseur, me recoiffe dans le miroir. Oui, j'ai un rendez-vous et je me sens comme une collégienne.
Avec qui ?
Otto Klein, évidemment.
Parce que j'embrasse assez mon côté maso.
Je suis mon chemin, sans me presser, d'un pas tranquille, profitant de la légère brise qui soulève quelques flocons çà et là. Pourquoi un rendez-vous avec le type qui m'a salement humilié ? Peut-être, plus sérieusement, parce que je refuse de rester sur cette blessure d'ego. Pour me prouver que je peux me retrouver en position de force, sentimentalement parlant. Je ne tire aucun plaisir dans la domination de mes partenaires, en dehors peut-être d'un certain amusement que je retrouve en taquinant Georgia, qu'on soit clair. Mon but n'est pas de vampiriser l'autre, je ne suis pas D'Heluna qui trouve tout son plaisir dans la maltraitance de sa troupe. Je sais que c'est vrai. Et ça fait d'elle une femme délicieuse.
Peut-être aussi, pour Otto Klein, que je trouve sa voix absolument charmante. Et que les quelques conversations que nous avons pu avoir par SMS ont été... très intéressantes. Je veux dire : à Hope's Peak, il y a des gens très cultivés. Des gens avec qui je peux parler de philo, de théâtre, d'art... Des gens qui comprennent le grec ancien, comme l'Ultime Helléniste qui grâce aux travaux de l'Ultime Archiviste a pu traduire le deuxième livre de la Poétique. Des gens avec qui, même si au niveau du caractère on ne s'entend pas, ça colle culturellement parlant. Faut pas oublier qu'avant d'entrer dans cette école ma vie sociale c'était ma grand-mère et mes activités de parfait petit chien de cirque, donc des gens de ma tranche d'âge avec des intérêts proches des miens... Ado ça me rendait fou de joie, adulte j'en profite toujours autant.
Je prends le métro. Deux stations. Je descends.
J'arrive devant le café, le lieu de rendez-vous. Le quartier est calme, moins étudiant qu'autour d'Hope's Peak. C'est un café avec des serveurs en chemise mais des prix abordables, avec des murs peints. J'entre. 2 mètres 12, massif, impossible de le rater. Il est assis à une table dans le fond, plongé dans un livre que je ne reconnaissais pas à cette distance. Je m'approche.
Oh.
Pompes Funèbres, Jean Genet.
J'aime beaucoup Jean Genet.
Je m'installe face à lui.
— Tu m'as beaucoup attendu ?
Pas que je m'en préoccupe. C'est par convention que je lance cette phrase.
— Non, j'ai à peine eu le temps de commencer, dit-il avec un léger sourire sous sa moustache. Tu as lu ?
— Lui oui, affirmé-je sans chercher à cacher mon côté un peu fanboy de Jean Genet. Je pense que tu as lu la Querelle de Brest, Notre-Dame-des-Fleurs ou le Journal du Voleur ?
— Oui. Après, je pense que je préfère le théâtre de Genet à ses romans.
— Je n'ai connaissance que des Bonnes, j'avoue qu'en dehors de la tragédie antique et vite fait Racine et Ibsen, je ne suis pas très théâtre.
— La troupe de D'Heluna présente une réécriture d'Andromaque, dimanche prochain si jamais ça te tente, propose-t-il.
— Avec grand plaisir.
Il me plaît. C'est décidé, il me plaît vraiment beaucoup.
— Mais où sont mes manières ? S'exclame-t-il en se levant. Ah, je suis désolé, Nicomaque.
Il me retire mon manteau avec délicatesse, avant de l'accrocher à la patère prévue à cet effet.
— Je vais commander, qu'est-ce qu'il te ferait plaisir ?
— Un chocolat chaud avec des guimauves et de la chantilly, réponds-je du tac-au-tac.
Oui, moi, homme adulte, j'ai la consommation d'un enfant de cinq ans. Et alors ? Je déteste le café, je hais le thé avec passion ce qui désespère Liu, la seule boisson chaude qui me reste c'est le chocolat chaud. Et puisqu'on me demande ce qui me ferait plaisir... Otto s'éloigne pour transmettre mes desiderata au premier serveur qui a le malheur de se trouver là, je m'avachis sur la table la tête sur mes coudes pour le regarder. Plus je l'observe et plus je le trouve beau. J'aime la ligne de sa mâchoire, la forme de son nez, la couleur de ses yeux, sa largeur d'épaules... Mes yeux trouvent à chaque instant une multitude de détails plaisants. Otto revient.
— Quand on te regarde, on dirait pas que tu sais autant de choses, lâché-je avec un petit rictus.
— J'ai beaucoup joué, et gagné, à Questions pour un Champion, rit-il. Puis je suis devenu catcheur. Je sais, je sais, on me dit souvent que j'ai pas vraiment une apparence en adéquation avec ma personnalité mais... J'aime me dire que je suis une sorte de kinder surprise ?
La comparaison me fait rire.
— Écoute, Nicomaque, tout le monde m'a prévenu à ton encontre, admet-il en un soupir.
— Ils n'ont pas forcément tort, dis-je en me calmant mais sans me défaire d'un air amusé.
— J'ai pas envie de croire que tu es une mauvaise personne de bout en bout, ou que tu es mauvais par essence.
— Parce que tu crois que j'ai une backstory un peu bresom pour justifier le fait d'être un connard ? J'ai été élevé par ma grand-mère, qui m'a apporté tout l'amour du monde. J'ai eu une enfance très heureuse, tu sais, expliqué-je alors que je vois ma boisson arriver. Oh oui, mon chocolat ! Donc. Je disais. Ma vie a toujours été géniale. Pas de raison d'être une mauvaise personne. C'est juste en moi, c'est comme ça. Puis je ne suis pas mauvais, je suis juste immoral, fondamentalement.
— Et tes parents ?
— Jamais connu, soufflé-je en attaquant ma chantilly. Bah, ma mamie a fait leur travail. Apparemment je ressemble à mon père.
Je lève les yeux vers lui.
— Et toi ?
— Je suis très proche de ma sœur, souffle-t-il. Elle m'a toujours protégé et... C'est grâce à elle que je suis l'homme que tu vois aujourd'hui. Elle a fait quatre ans de prison parce qu'elle m'avait protégé et... Je m'en veux beaucoup, elle ne le méritait pas.
— Triste.
Pas que je sois triste. Je m'en fous un peu. Quand Liu me raconte sa vie, je ne l'écoute pas. Je n'écoute pas Otto non plus. Je finis ma chantilly, et commence à boire mon chocolat chaud. Hmmm. Il déchire, ce chocolat. Délicieux.
— Pourquoi tu me regardes comme ça, Otto ?
— T'es adorable.
Je réponds par un sourire en coin. Il en faut plus pour me déstabiliser.
— C'est gentil, dis-je en vidant mon chocolat chaud.
— Je suis sincère. Tu me plais.
Je ne réponds que par un sourire. Alors, je plais. Comme si c'était une surprise. Je sais que je suis charmant de ma personne. Que moins l'on me connaît, plus je suis attirant. Car l'emballage est ma fois plutôt agréable, et je fais montre d'une culture sans doute désirable chez un potentiel partenaire. Bizarrement je dégoûte les gens après quelques temps. Terrible. Les gens n'ont aucun goût. D'un geste doux, calme, mesuré, je prends dans la mienne sa main énorme, aux doigts sans finesse ni délicatesse. Je pense que je préfère les mains gracieuses de Liu, mais celles-ci ne manquent pas d'un certain charme.
— Tu me plais aussi, Otto.
J'ai assez envie de voir jusqu'où pourrais-je aller avant de le dégoûter. Désolé, enfin pas vraiment, Liu, mais j'ai besoin de nouveauté dans ma vie, et Otto Klein me changera un peu. J'ai bien réfléchi, et je me dis enfin que ce n'était pas une si mauvaise idée, que de proposer un rendez-vous au mec qui m'a humilié.
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