PARTIE I - Chapitre 13
DING DING DING DING, C'EST DIMANCHE !
Aloha, i'm backkkkkk from the covidés ! Enfin !
Je reviens avec le chapitre 13 et... mamma, c'est l'un de mes préf ! Vous allez voir.......... ce moment, leurs dialogues, les sous-entendus... hiiiiii ! J'AVOUE, je me suis fait un petit kiff, hahaha - vous allez vite comprendre pourquoi !
Allez, bonne lecture, on se retrouve à la fin ;-)
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Les jours suivants défilent avec une lenteur toute estivale et fidèle à ma parole, je tâche de rester le plus loin possible de Térence et de toute sa clique. Seulement, si mon corps se montre parfaitement docile, mon esprit, lui, a légèrement plus de mal à suivre la consigne.
Ce n'est pourtant pas faute d'essayer de me faire violence, de tout faire pour occulter ce que ses mains sur mon corps m'ont fait éprouver, pour oublier l'idée folle qu'il ait voulu prendre la place de Jehan dans un but bien précis... un but que j'ignore mais qui m'interroge plus qu'il ne le faudrait.
Mes pensées sont tellement confuses qu'il m'est difficile de faire la part des choses, de démêler la réalité de mes fantasmes. J'ai l'intime sensation d'en faire toute une montagne, d'imaginer des choses qui n'existent pas et pourtant, lorsque je repense à l'expression si farouche de ses regards, à cette façon si décomplexée qu'il a eu de me toucher... tout est remis en question.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi, un type qui a deux fois mon âge, me met dans de tels états. Cela me dépasse. Et ne parlons même pas du fait qu'il n'est rien d'autre que le frère aîné de mon petit ami. Rien que ce détail-là, devrait immédiatement tuer toutes mes velléités naissantes.
C'est tellement tordu, dépravé et surtout incompréhensible. Je ne suis pourtant pas du genre à avoir des daddy issues - au contraire. Alors qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Depuis quand les mecs de quarante balais me donnent-ils des bouffées de chaleur ?
Il faut dire que ce n'est pas n'importe quel mec de quarante balais...
Voilà. Qu'est-ce que je disais ? Maudites pensées déviantes à deux balles.
Je secoue la tête pour les chasser une fois de plus de ma tête avant de presser le pas, remontant l'allée de cèdres bleus de la propriété après ma promenade matinale quotidienne. Promenade qui, au départ, était censé me changer les idées...
Ah ! Quelle bonne blague !
J'ai pourtant pris goût à ces petites escapades solitaires. En effet, en plus de continuer à veiller scrupuleusement sur Léandre, dont l'humeur commence à s'assombrir à force de tourner en rond, je profite généralement de ses longues siestes pour visiter le domaine et explorer les alentours. Je ne quitte rarement le château sans un livre sous le bras pour bouquiner à l'ombre des bouleaux ou au bord de l'immense piscine... du moins quand les autres ne l'envahissent pas. Lorsque c'est le cas, j'emprunte généralement un vélo et part à l'aventure, toujours seule mais libre comme l'air.
Léandre avait raison, la région est absolument magnifique et si j'aurai nettement préféré la découvrir avec lui, ce changement d'air me fait du bien, malgré tout. Ici, je suis comme débranchée d'une réalité qui m'angoisse insidieusement, figée hors d'un temps qui s'écoule trop vite à mon goût et c'est particulièrement apaisant.
Mes journées sont rythmées par le luxe, le calme et la volupté de la vie du château et si je ne mêle que très peu aux autres – au grand désespoir de Jehan et Olympe qui m'ont pris en amitié –, j'aime les observer de loin, les admirer évoluer comme des acteurs sur une scène de théâtre.
Je suis fascinée par leur art de vivre, la manière dont ils s'expriment, leur état d'esprit, leurs valeurs désuètes et pourtant si élémentaires. J'aime que les hommes soient galants, courtois et civilisés envers les femmes qui les entourent. Qu'ils ne les considèrent, non pas comme des êtres inférieurs qu'il faudrait mépriser ou protéger, mais comme des égales à vénérer.
Lorsque Térence se lève de sa chaise dès qu'une femme entre et sort de la pièce dans laquelle il se trouve, ou qu'il offre sa main à l'une de ses amies en talons hauts pour l'aider à descendre l'escalier qui mène au jardin, je ne peux m'empêcher de ressentir un petit battement d'ailes dans l'estomac.
Sa prévenance contraste tellement avec la rudesse toute masculine de sa personnalité, qu'à chaque fois que j'en suis témoin, je ne peux me retenir d'essayer d'imaginer quel genre de mec il peut bien être dans l'intimité. J'ai néanmoins l'intime conviction qu'il fait partie de la catégorie de ceux qui savent se montrer aussi impitoyable dans la vie publique que dans leur chambre à coucher.
Bon sang, je ne préfère même pas y penser...
Au milieu de tout ça, Léandre me manque terriblement. Son énergie, sa bonne humeur communicatives, sa capacité à faire de chaque jour une fête. Depuis quelques jours, il peine à garder le moral et je ne sais plus quoi faire pour lui changer les idées. Maintenant qu'il peut se déplacer avec des béquilles, je lui ai proposé plusieurs fois de l'aider à descendre au salon pour qu'il puisse voir du monde mais il ne cesse de refuser mes propositions, prétextant le besoin de se reposer (comme s'il ne le faisait pas déjà suffisamment).
Je crois surtout qu'il déprime ; même l'envie de sexe lui est totalement passé, ce qui commence à être un peu dur pour moi. Non pas que je sois du genre obsédé mais bon... inutile que je fasse un dessin.
Arrivée au bout de l'allée, je m'arrête à l'ombre d'un arbre et m'appuie contre son tronc pour boire à ma bouteille une longue gorgée d'eau tiède avant d'ôter ma chemise en jean. Froissée dans ma paume, j'en profite pour tapoter ma gorge et ma poitrine afin d'éponger ma peau moite de transpiration.
Il fait une chaleur d'enfer ! Je crois même que c'est la journée la plus chaude depuis le début du séjour. Mon débardeur est si humide qu'il me colle à la peau. Machinalement, je tire sur le tissu au niveau de mon ventre pour faire courant d'air, rêvant intérieurement d'un bon plongeon dans la piscine.
Aussitôt motivée par l'idée, je noue ma chemise autour de ma taille et me dirige tout droit vers cette dernière, située un peu plus bas après le jardin potager. Toute la troupe étant partie visiter le château de Chambord, je suis certaine d'y être tranquille pour un moment.
Marchant dans l'ombre de tous les arbres pour éviter le soleil zénithal, je me fraye un chemin jusqu'à une grande étable, attenante au potager. Tout en fredonnant doucement une chanson de Taylor Swift, je dépasse distraitement la large bâtisse.
Une fois arrivée à l'angle de cette dernière, je m'élance sur la pelouse avant de piler tout net lorsque je découvre un peu plus bas, la silhouette d'un homme qui coupe du bois. Immédiatement, je suppose qu'il s'agit d'un des membres du personnel et sans y prêter plus d'attention que cela, je continue mon chemin.
Ce n'est finalement qu'en passant à côté de lui que je réalise que le type en question n'est autre que Térence et qu'hormis une paire de vieille Timberland et un jean sombre, il est entièrement nu de la tête jusqu'aux hanches. Déconcertée par ce constat, je ralentis le pas jusqu'à m'arrêter complètement pour le regarder à l'œuvre, les yeux écarquillés.
Dos à moi, il ne remarque pas tout de suite ma présence, extrêmement concentré sur sa tâche. Dans une succession de mouvements adroits mais agressifs, il abat sa hache sur les rondins, les scindant en deux puis en quatre. Réglé comme un métronome, il agit sans hésiter, avec une hargne presque vengeresse, comme si sa vie en dépendait.
Tchak. Tchak. Tchak.
Mon regard dévie une seconde sur Néron qui, comme d'habitude, ne le quitte pas d'une semelle, puis sur son tee-shirt posé négligemment sur une vieille souche ainsi que sur le tas de bois relativement conséquent qui s'accumule un peu plus loin. Il doit y être depuis un moment et si j'en juge l'absence de bouteille d'eau, il doit mourir de soif à s'activer comme ça en plein soleil.
Cette fois, lorsque je reporte enfin mes yeux sur lui, je prends réellement conscience de sa nudité, ou du moins, j'y prête pleinement attention. Après avoir passé des jours à éviter de penser à lui, j'ai, soudain, l'impression de devoir le regarder petit bout par petit bout, par crainte de ne pas pouvoir gérer la vue d'ensemble. Surtout de la sorte... à moitié à poil et la peau luisante de transpiration.
Indiscipliné, mon regard se braque aussitôt sur les reliefs puissants de ses muscles dorsaux, sur ses triceps gonflés par l'effort et il faut m'y reprendre à deux fois avant de pouvoir reprendre ma respiration. Statufiée par la vision qui s'offre à moi, je suis soufflée par la puissance virile avec laquelle il enchaine ses mouvements, par la perfection sculpturale de sa plastique.
Waw, il est... vraiment super bien gaulé.
Fort, massif, admirablement bien dessiné. Une musculature digne des plus grands nageurs olympiques dont l'étroitesse des hanches n'a d'opposé que la largeur des épaules. J'ai rarement vu un corps aussi incroyable.
Après avoir fendu une énième buche, il s'arrête, soupire profondément et passe rapidement son avant-bras sur son front pour essuyer les traces de sa sueur. Puis, une poignée de secondes plus tard, il se penche vers l'avant pour attraper un vieux bandana avec lequel il essuie brièvement sa nuque et sa poitrine.
La gorge horriblement sèche, je suis avec attention le cheminement du tissu sur sa beau hâlée, détaillant avec avidité la beauté de ses pectoraux sur laquelle une légère toison brune s'étend jusqu'au sommet d'un ventre plat, quadrillé par trois paires d'abdominaux.
Bon sang, ce corps... je ne m'en remets pas.
Le bruit du sang qui bat contre mes tempes envahit ma tête, faisant échos aux questions atrocement obscènes qui fleurissent soudain en masse dans mon esprit. Des questions comme : est-il aussi bien monté qu'il est bien foutu ? Fait-il l'amour aussi impitoyablement qu'il coupe du bois ? Pire : aime-t-il ça autant que son frère ? Et, est-il aussi doué que lui entre des draps ?
Oui. Oui, j'ai osé, putain.
Outrée par la dépravation totale de mes propres pensées, je secoue la tête en fermant brièvement les paupières pour tenter de retrouver un semblant de bon sens. Qu'est-ce qui me prend, bon Dieu ? Je me dégoûte. D'instinct, je pose la main sur le haut de mon crâne, certaine d'être victime d'une insolation. Je ne vois rien d'autre qui pourrait me pousser à avoir des idées pareilles.
De son côté, il ne lui faut que quelques secondes de plus pour se rendre compte de ma présence et lorsque c'est le cas, il se débarrasse nonchalamment du morceau de tissu avant de pivoter pour me faire face.
Toujours immobile, je le regarde s'avancer vers moi d'une démarche d'autorité innée, hypnotisée par le V profond entre ses hanches. Bordel, il porte son jean tellement bas qu'il suffirait de baisser juste un peu sa ceinture pour découvrir son sexe.
Oh misère, ne pense pas à son sexe, ne pense pas à... merde.
Une fois à ma hauteur, il s'arrête et force est de constater qu'il est encore plus impressionnant de près. Un mètre quatre-vingt-dix de puissance animale pure. Sa nudité quasi parfaite lui donne une stature encore plus imposante que d'habitude – une stature de légionnaire romain – ce qui n'est pas peu dire vu qu'il était déjà étourdissant habillé.
Submergée par le trop plein de sensations que me procure sa vue, ma tête se met à tourner, mes oreilles à bourdonner alors qu'une chaleur étouffante envahit ma poitrine. J'ai soudain l'impression de ne plus m'appartenir, de n'être qu'une chatte en chaleur, comme si sa présence annihilait tout raisonnement rationnel.
Embarrassée d'être affectée par la vision d'un simple torse – (enfin « simple », c'est vite dit...), je détourne les yeux, cherchant désespérément un endroit où les poser alors que dans ma paume, le plastique de ma bouteille crisse sous la pression de mes doigts.
Malgré la petite distance qui nous sépare, j'arrive à sentir son odeur. Une odeur capiteuse, un peu âpre, de transpiration et de sciure qui me donne envie de lécher sa peau pour l'éprouver sur ma langue. L'image me fait immédiatement rougir jusqu'aux oreilles et mon estomac vibre d'un mélange d'envie et de culpabilité.
— Je peux vous aider ?
Son timbre rauque me fait l'effet d'une caresse sur ma peau et troublée au-delà du réel, je me décide enfin à lever les yeux pour croiser les siens. Sans grande surprise, je le surprends à me dévisager d'une façon si soutenue que les battements de mon cœur trébuchent sans réussir à reprendre leur course habituellement pondérée.
Déstabilisée, je reste plantée devant lui sans pouvoir ouvrir la bouche pour répondre à sa question et lorsque j'y arrive enfin, mes mots sortent dans une succession de bégaiements ridicules.
— Non, je ne... vous ne... enfin, je...
... suis ridicule. Ri-di-cu-le.
Surpris par mon évident et inhabituel manque d'éloquence, l'un de ses sourcils s'arque sur son front, railleur, et après m'être raclé la gorge, je réussis à articuler d'une voix plus claire :
— Vous n'êtes pas avec vos amis ?
Ma question tombe comme un cheveu sur la soupe, mais c'est tout ce que je trouve à lui dire. Rien d'autre ne me vient, ni trait d'esprit spirituel ni raillerie percutante. À ce stade, je suis forcée de constater qu'à la seconde où je l'ai aperçu torse nu, j'ai perdu toute faculté de réfléchir comme un être mature doté d'un quotient intellectuel correct.
— Avec mes amis ? répète-t-il en posant ses grandes mains sur ses hanches dans un geste typiquement masculin.
Mes yeux dévient un quart de seconde sur ses dernières, suivant à la loupe le moindre de ses gestes, avant de remonter pour atterrir entre le petit carré de peau entre ses deux yeux.
Plus sûr.
Je ne sais pas si c'est sa tenue ou la situation qui veut ça, mais quelque chose d'inédit se dégage de lui, un truc primal, chaud, authentique. Un truc qui tranche avec sa réserve coutumière et qui me donne l'impression d'avoir le vrai Térence en face de moi. Celui qui était libre et voyageait à travers le monde, dénué de toute attache et de toute responsabilité. Il n'est qu'énergie virile et sensualité irréelles, un mélange tapageur qui tire sur tous mes nerfs et met mes sens à rude épreuve.
— Oui, à Chambord, précisé-je d'une voix un peu enrouée, retrouvant peu à peu ma morgue habituelle.
De quoi croit-il que je parle ?
Nudité mise à part, je suis étonnée de le trouver ici alors que toute sa bande est partie en goguette pour la journée. Ne devrait-il pas être avec eux ? Participer aux activités que lui-même a organisé ? Quel genre d'hôte cela fait-il de lui ?
Un petit sourire canaille vient ourler le coin de ses lèvres et en inclinant légèrement la tête sur le côté, il me lance :
— D'après vous ?
Je comprends tout de suite qu'il se moque gentiment de moi et ne l'en blâme pas vraiment, vu la stupidité de ma question. S'il est ici, il ne peut définitivement pas être avec ses amis. Je décide alors de changer d'angle et au lieu de répondre à sa question, je lui en pose une autre.
— Pourquoi pas ?
Les bras désormais croisés sur sa poitrine, il désigne le tas de bois du menton puis répond :
— J'avais visiblement des choses plus importantes à faire.
— Comme quoi ? Couper du bois ? Vous n'avez pas genre... un bûcheron personnel pour le faire à votre place ?
Mes mots franchissent la barrière de ma bouche avant que je n'aie le temps de les retenir et embarrassée par mon excès de candeur (et d'immaturité), je me mords la langue.
Merde.
— Un bûcheron personnel ? répète-t-il aussitôt dans un sourire involontaire qui me fait rougir de plus belle.
Il éclate alors d'un rire riche, chatoyant, le genre qui ne peut être contenu et j'en suis tellement surprise que le spectacle me coupe le souffle. Semblant lui-même étonné par la spontanéité de sa réaction, il lui faut un instant pour retrouver son sérieux et lorsque c'est enfin le cas, il plante son regard dans le mien et demande :
— Comment exactement pensez-vous que j'occupe mon temps, Elsa ?
Surprise par sa question, je hausse les épaules d'un air impénitent.
— Comment voulez-vous que je le sache...
Il me lance une œillade sceptique.
— Vous avez bien une petite idée.
Évidemment, mais ça ne va pas lui plaire.
— Je n'en sais rien, moi..., marmonné-je sans la moindre bonne volonté. Par des activités de châtelain, j'imagine.
— C'est-à-dire ? demande-t-il tandis qu'un autre sourire discret, presque invisible, vient orner le coin de sa bouche.
Décidément... Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de Térence l'iceberg ?
Ne sachant pas vraiment où il souhaite en venir, je rétorque :
— Eh bien, vous savez : golf, escrime, équitation, chasse, théâtre, opéra, dîners mondains... ce genre de choses.
À mesure que j'énumère les activités qui me passent par la tête, son regard se charge d'une lueur espiègle qui semble signifier : « J'aurai dû m'en douter. ».
— Je vois. Vous permettez ?
Il désigne ma bouteille d'eau du bout du doigt et je comprends d'emblée qu'il a soif. Répondant spontanément à son autorité naturelle, je ne réfléchis pas et la lui tends. Sans hésiter, il l'attrape, la dévisse et la porte à ses lèvres pour en boire une longue gorgée.
Troublée par la vision de sa pomme d'Adam qui monte et descend au rythme de ses déglutitions, je réalise soudain en rougissant, qu'il vient de poser sa bouche exactement là où était la mienne, il y a quelques minutes.
Sa bouche sur la mienne... putain.
Honteuse, je regarde le sol, essayant tant bien que mal de retenir mes pensées de vagabonder en terrain interdit.
— Savez-vous combien coûte l'entretien d'un tel domaine, Elsa ?
Sa question me tire brutalement de ma torpeur et lorsque je rive à nouveau mon regard dans le sien, il ne peut se retenir de déraper une seconde sur sa cicatrice. Cicatrice sur laquelle brille une minuscule petite gouttelette d'eau qu'il s'empresse machinalement d'effacer d'un bref petit coup de langue.
Bon Dieu de merde.
En le voyant faire, mon cœur se recroqueville puis explose dans ma poitrine alors qu'un élan de désir me saisit brutalement, faisant légèrement tendre la pointe de mes seins à travers le tissu fin de mon débardeur.
Oh, non, non, non, pitié...
Je me surprends alors à croiser discrètement les doigts, priant intérieurement pour qu'il ne se rende compte de rien. Bon sang, mais pourquoi cette maudite estafilade me fait tant fantasmer ?
Embarrassée au plus haut point, je me racle la gorge et tente de deviner :
— Une fortune ?
Dans un mouvement souple, il me lance la bouteille, que je rattrape de justesse, avant de faire volte-face et de se diriger vers l'étable tout en parlant.
— C'est à peu près cela, oui.
À mon corps défendant, comme si ce dernier était relié au sien par un fil invisible, je lui emboite irrésistiblement le pas. À proximité du tas de bois, il se penche, attrape son tee-shirt qu'il fourre dans la poche arrière de son jean comme pourrait le faire un adolescent.
— Voyez ça comme une petite entreprise avec ses employés, ses charges, ses revenus, poursuit-il en récupérant sa hache d'une seule main qu'il cale sur son épaule. Une entreprise dont je suis à la tête et dont l'activité ne prend jamais de vacances ni de RTT.
Je le suis jusqu'à l'entrée du bâtiment dans lequel il va chercher une grande bâche pliée, posée sur un vieil établi. Curieuse, je reste sur le pas de la porte, le regardant évoluer dans l'espace comme s'il le connaissait par cœur.
— Si je ne veux pas que la maison de mes ancêtres tombe entre les mains d'un oligarque russe à la folie des grandeurs ou dans celles de l'État, ajoute-t-il, je ne peux pas me permettre de perdre mon temps à faire du tourisme comme n'importe quel quidam.
Après avoir récupéré ce dont il a besoin, il finit par me rejoindre en quelques enjambées puis me dépasse pour aller la disposer sur le tas de bûches.
— C'est un peu exagéré, non ? me moqué-je en haussant les sourcils. Je veux dire, même le président de la République prend du bon temps quand il en a l'occasion.
Il me lance un regard blasé tout en s'accroupissant pour la tendre correctement.
— Exactement et voyez où ça nous a mené.
Cette fois, je lève les yeux au ciel alors qu'il se relève.
— Allez, je ne vous crois pas. Vous ne me ferez pas croire qu'un homme comme vous ne s'éclate jamais. Il n'y a donc rien qui vous amuse dans la vie ?
Un sourire glisse sur ses lèvres alors qu'il réduit la distance entre nous, envahissant peu à peu mon espace personnel. Une nouvelle fois ébranlée par la force phénoménale qui se dégage de lui et qui occupe tout l'espace entre nous, je le regarde faire, nerveuse, sans trouver l'envie de lui demander de garder ses distances.
— Oh, il y a des tas de choses qui m'amusent, Elsa, mais il y a une différence entre vouloir et pouvoir.
Je saisis l'ambiguïté de sa phrase et me demande d'emblée de quoi il peut bien s'agir.
— Que cela me plaise ou non, je me dois d'être le premier levé et le dernier couché. Je pars du principe que si je suis physiquement capable de le faire, personne ne devrait le faire à ma place et cela implique que je doive de temps en temps me « salir les mains » et me charger de basses besognes, comme couper du bois, par exemple.
Je me sens rougir violemment en l'entendant réutiliser l'expression que je lui avais jeté au visage au tout début du séjour. Oui, je le reconnais, j'avais tort. Il n'est manifestement pas du genre à se reposer sur les lauriers plantés par ses ancêtres. Cela m'apprendra à juger sans savoir...
— Je conçois que cela ne soit pas la chose la plus amusante de la planète, poursuit-il, mais c'est mon devoir en tant que chef de famille. Je mets la main à la pâte comme n'importe lequel de mes employés, car il serait indécent de ne pas le faire. C'est une question d'éthique. En tout cas, c'est la mienne. Donc, pour répondre à votre question, non, je n'ai pas de « bûcheron personnel » et n'en aurais jamais.
Les joues toujours cramoisies, je croise les bras devant moi pour me donner un peu de prestance, faisant, malgré moi, pigeonner ma poitrine.
— Voyez-vous cela, monsieur le comte aurait-il une morale ?
Ses yeux s'étrécissent imperceptiblement (sans jeter le moindre coup d'œil dans mon décolleté) alors que son visage, lui, demeure impassible, mystérieux comme un sphinx.
— Je suis catholique. Non seulement, j'ai une morale, mais j'ai également des principes.
Ah oui ? Tiens donc...
Issue d'une famille italienne, traditionnellement catholique pratiquante, j'ai grandi, comme beaucoup d'européens, dans la foi et les principes chrétiens. Ma nonna, qui était une femme très pieuse, a toujours tenu à ce que mon éducation soit un tant soit peu religieuse et ça, malgré les protestations de ma mère. J'ai donc fréquenté des établissements scolaires catholiques et ai suivi religieusement – c'est le cas de le dire – tous mes cours de catéchèse. Je me souviens encore de la plupart des enseignements, mais ce dont je ne me souviens pas, en revanche, c'est qu'il était autorisé de coucher avec des princesses russes dans les avoir épousés d'abord.
Stimulée par la tournure que prend la conversation, je fais claquer le plat de ma langue contre mon palais, désapprobatrice, et, résolue à m'amuser un peu avec lui, je décide de le provoquer sur un sujet auquel il ne s'attend pas.
— Et moi qui croyais que les catholiques ne pratiquaient pas de relations charnelles hors mariage...
Ses sourcils se relèvent légèrement en signe d'étonnement avant qu'un sourire magnifique, mais dangereux, ne vienne éclairer son visage. Il n'est pas idiot, il a compris de quoi je voulais parler. Sa liaison avec Tonia est un secret de polichinelle et il en a parfaitement conscience.
Sans rompre le silence entre nous, il lève lentement la main pour venir frotter la peau de l'un de ses pectoraux et je me rends alors compte que nous sommes bien plus proche que je ne l'avais réalisé. Si proche que je suis obligée de lever la tête pour le regarder dans les yeux.
— J'ai dit que j'étais catholique, pas que j'étais parfait, lâche-t-il finalement en contractant la mâchoire.
Ben voyons...
Je me mords la lèvre inférieure pour retenir mon sourire et c'est à ce moment-là qu'il s'autorise à regarder ma bouche. Le temps d'un battement de cils, à peine perceptible mais bien réel, qui déclenche une nuée de picotement sur cette dernière. Je devrais reculer, mettre un peu de distance entre nous mais sa proximité m'électrise, excite chacune de mes terminaisons nerveuses et je n'ai jamais rien ressenti d'aussi grisant, addictif.
Ses mots flottent entre nous et nous nous fixons pendant quelques interminables secondes. Je suis si captivée par la couleur de ses prunelles, que je sens mon pouls battre jusque dans mes paupières. C'est traitre à dire, mais je n'ai jamais eu autant conscience de la présence d'un homme qu'à cet instant précis. Tout près, il parait immense, massif, redoutable.
J'étouffe un petit soupir tremblant et sans pouvoir m'en défendre, je lui pose la question qui me brûle les lèvres :
— À quel point êtes-vous imparfait, Térence ?
Mon audace est hors de contrôle. Non seulement ma question est totalement inappropriée mais elle est surtout bien trop suggestive pour la lui être posée. Toutefois, l'envie de connaître ses péchés m'obnubile. Quelque chose dans le fait de l'imaginer s'adonner à des vices éhontés m'excite terriblement. Peut-être car il n'en donne justement pas l'impression...
À quel point êtes-vous un vilain garçon, Térence ?
Tout chez lui me donne envie de gratter sous la surface et ce n'est pas bien du tout. Honnêtement, je ne sais pas à quel jeu je joue, mais je dépasse clairement les bornes. Toutefois, au point où j'en suis, il ne m'est plus possible de faire marche arrière.
C'est à présent à son tour de rentrer dans mon jeu et si j'en juge la façon dont il m'évalue, les prunelles consumées par un mariage étourdissant d'émotions contradictoires, je dirai que tout ça ne le rend pas indifférent.
— Trop, pour être honnête, finit-il par murmurer d'un timbre profond et opaque, lourd de sous-entendus.
Bon sang, j'ai l'impression que chaque mot qui sort de sa bouche est en réalité une insinuation sexuelle. Je ne peux même plus blâmer l'insolation à ce stade...
— Personne ne vous demande d'être un Saint, mais cela prouve quand même quelque chose sur vous.
Ma poitrine monte et descend dans une succession de respirations saccadées tandis qu'il incline doucement sa tête sur le côté, caressant mon visage de son regard d'azur pour tenter de lire mes pensées.
— Dites-moi.
Je me mors l'intérieur de la joue, un peu hésitante quant à la réponse que je dois lui donner. Je ne veux pas paraître trop sotte ou naïve, seulement, je n'ai jamais été très douée pour les faux-semblants.
— Que vous êtes humain et faillible, comme tout le monde.
Je plonge mes yeux dans les siens pour jauger sa réaction et alors que mon souffle est agité et rapide, le sien est lent et profond. Sous son regard indompté, je me sens à cran, fragile, trop jeune. La contiguïté de nos corps, la puissance de son regard, son odeur – tout ça me fait perdre la tête.
Il est trop attirant, si prodigieusement séduisant pour mon propre bien, ou celui des femmes en règle générale, d'ailleurs. Pas étonnant que Tonia en soit folle. Quand ce genre de type vous accorde un jour toute son attention, il doit être difficile de s'en passer ensuite.
— Dois-je comprendre que mon humanité m'absout de mes péchés ?
Un long frisson se forme au bas de ma nuque pour descendre le long de ma colonne vertébrale. Il me fait dire ce que je n'ai pas dit. Toutefois, quelque dans sa façon de me poser la question me laisse entendre des accents d'espérance, comme s'il mourrait d'envie d'être pardonné.
D'emblée, son désespoir m'interpelle. À quel point est-il aux abois pour chercher sa rédemption auprès d'une jeune femme de vingt ans qui ne le connait ni d'Ève ni d'Adam ? Qu'a-t-il donc à se reprocher ?
— « On ne peut absoudre celui qui ne se repend pas » (1), articulé-je d'une voix sourde, la gorge serrée.
L'atmosphère entre nous s'épaissit de quelques couches de tension et d'électricité alors que nous nous défions du regard, silencieux. Il n'y a pas le moindre signe de gêne ou de trouble sur son visage. Non, au contraire de moi, tout ça a l'air de le laisser totalement indifférent.
Haletante, j'humidifie mes lèvres sèches pour ajouter :
— L'êtes-vous ? Repentant ?
Son sourire s'estompe instantanément au même titre que l'amusement dans ses yeux. Visiblement ébranlé, il inspire profondément alors que ses traits finissent par se durcir. Un muscle se contracte sur sa mâchoire tandis qu'un éclair de fureur illumine un instant ses prunelles. Déconcertée, j'ai le réflexe de reculer légèrement la tête juste avant qu'il ne siffle entre ses dents serrées :
— Chaque seconde de ma foutue vie.
La fermeté de son ton m'arrache un tressaillement et je plisse le front, de plus en plus confuse. C'est la première fois que je l'entends jurer, qu'il perd sa placidité et son calme olympiens. Visiblement, j'ai, sans le savoir, appuyé là où cela fait mal. Pourquoi ? Pour quelle raison s'en veut-il à ce point ? Qu'a-t-il bien pu faire pour ressentir le besoin de se repentir ? Tout un tas de théories se bousculent dans ma tête.
Contrairement à tout à l'heure, sa poitrine se soulève à un rythme plus laborieux et je le surprends à fermer ses paupières une brève seconde. Une seconde durant laquelle j'en profite pour l'observer. Sous sa façade d'une dureté de marbre, je perçois son désarroi et m'en veux un peu de m'être montré trop intrusive.
Si nous n'étions pas qui nous sommes et s'il n'avait pas l'air si redoutable, j'aurai probablement déjà posé ma paume sur sa joue pour lui apporter un peu du réconfort dont il semble cruellement manquer. Pourtant, la simple idée de le toucher me parait aussi insensée que séduisante. Et surtout scandaleuse.
Néanmoins, je ne peux que constater à quel point il a l'air désintéressé par tout ça. À l'entendre et probablement de manière inconsciente, il semble n'avoir à cœur que le bien commun et les intérêts des Alayone, son histoire, ses ancêtres, son patrimoine et sa descendance. Ses désirs, ses ambitions, ses aspirations personnelles n'y ont que trop peu de place. Comme le gardien d'un phare, il entretient la flamme, fidèle au poste et guidé par son devoir.
Lorsqu'il me parle d'éthique, moi, je vois surtout de l'abnégation et pour une raison qui m'échappe, il n'a pas l'air de remettre le système en question. C'est sa destinée, son rôle de comte, sa place d'aîné.
Seulement, en attendant, qui pense à lui ? Qui prend soin de lui ? Auprès de qui relâche-t-il la pression qui parait tant peser sur ses épaules ? Tonia ? Je n'en suis pas si sûre. Sa mère ? Adélaïde est adorable mais bien trop égocentrique pour se soucier d'autre chose que de sa consommation d'alcool. Quant à Octavie, elle a déjà les mains bien occupées entre son mari et ses quatre enfants.
Non, il m'apparait de plus en plus évident que Térence d'Alayone est un homme profondément seul. Seul face à ses responsabilités, seul face à ses démons, quels qu'ils soient.
Ses iris perçantes, énigmatiques et chaudes comme l'Enfer demeurent rivées aux miennes et je crois deviner en lui la même agitation qui m'habite. Mon cœur se serre puis bat plus vite face à ce constat et alors que ma bouche s'entrouvre pour tenter de percer l'épais nuage de mystère qui l'entoure, une sonnerie de téléphone retentit entre nous.
D'emblée, il détourne les yeux puis glisse une main derrière lui pour attraper son téléphone dans la poche arrière de son jean, brisant ainsi la connexion magnétique de nos regards. Sans bouger d'un iota, il porte le téléphone à son oreille et lorsqu'il se met à parler, je constate que son timbre est légèrement plus voilé que tout à l'heure.
Gênée de me trouver si proche de lui alors qu'il est au téléphone, je fixe mon attention sur les arbres derrière lui pour éviter d'avoir l'air de le dévisager comme une groupie en mal d'amour.
— Oui ? répond-t-il, laconique.
Au fur et à mesure que la personne à l'autre bout du fil lui débite son discours, ses sourcils se froncent de plus en plus avant que son front ne se creuse carrément d'un long pli mécontent.
— C'est une plaisanterie ? aboit-il finalement en haussant brusquement le ton.
Interpellée, ma tête pivote à nouveau dans sa direction. Cette fois, toute trace de mécontentement a disparu sur son visage, subitement remplacé par une colère pure et sans nuances. Il est furieux et ma curiosité se demande aussitôt quelle en est la cause. Toutefois, même si je ne réussis pas à saisir les tenants et les aboutissants de leur conversation, je comprends immédiatement que son interlocuteur est en train de se confondre en excuses à travers l'écouteur du téléphone.
— Quand exactement ? demande-t-il, de plus en plus menaçant.
L'autre lui répond quelque chose qui lui arrache un sourire magnifiquement cruel.
— De mieux en mieux, Duperey. Dois-je vous rappeler combien je paye votre établissement afin d'éviter que ce genre de chose ne se produise ?
La voix du fameux Duperey s'emballe mais Térence ne le laisse pas terminer et l'interrompt, plus que péremptoire que jamais :
— Je me fous de vos explications, réglez le problème ou je vous colle un procès.
Après ce que j'imagine être une confirmation, il raccroche avant de soupirer, les épaules tendues et la bouche déformée par un tic nerveux. Qu'est-ce que c'était que ça ? Qui est Duperey et de quel établissement parle-t-il ? Tout un tas d'interrogations supplémentaires viennent s'ajouter à la liste – déjà bien trop longue – de ces dernières.
— Est-ce que tout va bien ? osé-je tout de même lui demander, persuadée d'avance qu'il ne me dira rien.
En m'entendant, il semble se souvenir de ma présence et cette fois, il se détourne avant d'enfiler son tee-shirt. Mes yeux s'attardent un bref instant sur son torse ciselé avant qu'il ne soit totalement recouvert par le tissu.
Au revoir, perfection de la nature...
— Vous devriez rentrer à la maison, me dit-il avec une douceur qui m'étonne. Le déjeuner va être servi.
Étonnée qu'il ne s'y joigne pas, je lui demande :
— Vous ne venez pas ?
Sans attendre la fin de ma phrase, il commence à s'éloigner vers l'étable et sans se retourner, il me lance :
— Non. À plus tard, Elsa.
Médusée, je le regarde disparaitre dans l'ombre de la large ouverture du bâtiment, l'esprit bien plus embrouillé qu'il y a quelques heures.
(1). Citation de Dante Alighieri, poète Italien (1225-1321)
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HAHAHA ! J'imagine vos têtes...
Me demandez pas pourquoi, mais bon, le mythe du bucheron sexy, fallait que je le fasse, surtout avec Térence. Je suis une femme de contrastes, j'aime les contrastes. Gentilhomme dans les salons et.... bref, vous m'avez comprise ;-)
À la semaine prochaiiiine pour un chapitre qui va vous décoiffer !
Diane xxx
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