✧ | 29 - ❝ ivres de nous ❞

Le décor changeait au fil des jours, balayant le froid de début d'année pour se fondre de plus en plus dans une atmosphère printanière. Le cœur joyeux et apaisé, les deux filles profitaient du ciel bleu, le même que celui que la ville et ses hautes lumières tentaient de percer en s'élevant à travers les quelques nuages.

Marchant à travers les allées fleuries de Central Park, elles avançaient sans se presser en se tenant la main. Elyne semblait fermement accrochée à ce contact alors que Minseo semblait plus timide à l'idée d'être vue ainsi, mais le monde ignorait totalement les deux adolescentes, leur offrant une bulle d'intimité et de douceur dans laquelle personne d'autre ne pouvait s'imposer.

— Ça sent bon le soleil, déclara Elyne dans un soupir. J'adorais New York sous la neige, mais on dirait bien que c'est magnifique toute l'année.

Minseo acquiesçait, profitant du décor naturel du parc qui détonnait un peu au milieu de la ville si moderne. Le mois d'avril était arrivé à une vitesse folle, et avec lui, les cerisiers en fleur. De nombreux pétales aux doux reflets rose commençaient déjà à se décrocher, parsemant le ciel et le sol de leur jolie couleur.

— Ça me rappelle la Corée, lâcha la jeune fille dans un petit sourire. Je n'y suis allée que deux fois, mais les paysages de là-bas sont encore plus fleuris qu'ici.

Elyne pressa délicatement la main de l'adolescente qu'elle tenait toujours. Minseo semblait prendre de véritables distances avec sa famille depuis que les deux filles étaient parties sur un autre continent, mais nombreux étaient les éléments qui la frappaient sans prévenir, provoquant une vague de nostalgie chez elle.

La séparation paraissait douloureuse, mais Elyne ne forçait pas pour en connaître les raisons. Après tout, Minseo ne lui devait rien. Elle savait d'ailleurs mieux que quiconque à quel point même les chagrins les plus lourds ne pouvaient pas toujours être partagés. Ou du moins, pas tout de suite.

La jeune fille se contenta donc simplement de réconforter la jeune fille et se rapprocha d'elle en ajustant le rythme de ses pas sur les siens. Elyne l'avait deviné : comme elle, Minseo avait un cœur un peu de travers, sans doute bien fissuré aussi. Alors, secrètement, elle se l'était promis ; elle veillerait sur elle du mieux possible en attendant que l'adolescente soit prête à s'ouvrir un peu plus.

La confiance était d'ailleurs vite devenue un des piliers de leur relation. Depuis qu'elles avaient mis au clair leurs sentiments, les deux lycéennes avaient décidé de garder leurs débuts houleux dans le passé. Désormais, elles savouraient le présent sans se poser de questions.

Ou alors, peut-être juste une.

C'était quelque chose qui prenait de plus en plus de place dans le cœur d'Elyne. L'adolescente ne pouvait s'empêcher de sourire à chaque fois que Minseo passait dans son champ de vision. A chaque fois, elle voyait sa chevelure si sombre contraster avec ses yeux si lumineux, son rire insouciant se fondre dans le décor fleuri de Central Park, et ses lèvres innocentes lui réchauffer le cœur à chaque fois qu'elle déposait un simple baiser sur ses lèvres. Les jours passaient, et Elyne ne pouvait définitivement pas faire autrement que de l'aimer un peu plus à chaque nouvel instant.

— J'ai une question à te poser, commença-t-elle sur un coup de tête.

Minseo tourna la tête vers la jeune fille et lui lança un regard empli d'intérêt et de curiosité. Poussée par un élan soudain de courage, Elyne se jeta alors à l'eau, sans même contrôler le flot de mots qui s'échappait de ses lèvres légèrement abimées.

— J'aimerais bien qu'on devienne... « nous ».

Minseo s'arrêta de marcher et pencha la tête, avant de plonger ses yeux en amande dans le regard bleuté de sa camarade.

— Qu'on officialise, tu veux dire ? demanda-t-elle d'un air tendre.

Elyne voulut détourner la tête de gêne, les lèvres de Minseo se collèrent soudainement aux siennes sans qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit.

— Je pensais que c'était évident, sourit-t-elle ensuite en prenant le visage de la jeune fille dans les mains. Mais si tu ressens le besoin de le dire, alors vas-y.

— J'ai l'air bête, maintenant, répondit Elyne d'un air boudeur.

Minseo éclata de rire avant d'enlacer l'adolescente, qui ne résista pas longtemps avant d'entourer l'élue de son cœur de tout son être.

— Sors avec moi, finit par lui murmurer Elyne.

La lycéenne frissonna à cette demande. Toujours dans les bras l'une de l'autre, les deux filles sentaient leurs respirations devenir plus rapides alors que leur cœur battait à tout rompre. Elles finirent par se détacher l'une de l'autre, la tendresse débordant de leurs regards respectifs. Puis, le moment sembla se suspendre dans les airs lorsqu'un pétale de fleur de cerisier s'accrocha aux longues mèches d'Elyne.

Minseo le remarqua et souffla dessus pour le faire s'envoler, sans succès, avant de passer sa main dans les cheveux de sa camarade. Le cœur au bord de l'implosion, Elyne semblait s'impatienter. Sa nature anxieuse lui faisait imaginer tout et n'importe quoi alors même qu'elle connaissait déjà les sentiments de cette petite brune qu'elle aimait tant.

— Oui, je le veux ! déclara finalement Minseo d'un ton taquin.

Elyne l'embrassa de nouveau sans plus attendre. Voilà, c'était officiel : elles étaient un couple. La jeune fille se mit à rire sans raison avant que sa copine ne l'imite, toute étonnée.

— S'il ne faut que ça pour te donner le sourire, on peut recommencer tous les jours, glissa-t-elle tendrement.

Elyne se mit à rire de plus belle sans parvenir à contenir son excitation, les yeux mouillés d'émotion. Son cœur semblait ivre de joie à l'idée d'être en couple avec Minseo, et si la concernée tentait de ne pas trop le montrer, le sentiment était réciproque.

— J'ai dû sauver un paquet de monde dans une vie antérieure pour avoir le droit d'aimer une personne aussi fabuleuse, déclara Elyne d'un ton affirmé.

— Et dire qu'au début, tu ne pouvais pas me supporter ! ajouta sa copine d'un air qui se voulait innocent.

La jeune fille s'apprêta à répliquer, mais les vibrations de son téléphone interrompirent le moment. Et lorsque le numéro de son père s'afficha sur l'écran, elle se mit à hésiter.

— Vas-y, réponds, l'encouragea Minseo.

L'adolescente acquiesça et prit une grande inspiration avant de décrocher. La voix émue de son père résonna tout à coup dans l'appareil, provoquant une vive sensation dans le cœur d'Elyne.

— Merci d'avoir répondu, commença Lenny à l'autre bout du fil. Tu me manques.

Elle regarda Minseo, qui l'observait avec un sourire empli de tendresse. La jeune fille ne voulait pas l'influencer dans son choix, bien qu'elle espérât secrètement qu'Elyne offre une autre chance à son paternel. Après tout, il tentait de faire le premier pas depuis plusieurs mois.

— Papa... répondit Elyne, la gorge nouée. Je ne te manquais pas, avant ?

Un long soupir se fit entendre.

— J'étais trop con pour me rendre compte que je faisais n'importe quoi. J'aurais dû être là pour toi dès le début, mais je crois que j'avais tellement peur d'être un mauvais père que j'ai préféré faire confiance à ta mère.

— Mais Papa, gémit Elyne, les yeux emplis de larmes. Maman n'a jamais voulu m'aimer ! Et moi... J'avais besoin de toi.

Le silence était pesant, mais personne n'osait raccrocher. Ce moment était crucial, et Elyne et Lenny semblaient enfin prêts à se dire les choses en face. De son côté, Minseo avait pris la main d'Elyne sans un mot, lui adressant son soutien à travers ce petit geste symbolique.

— Je me suis rendue compte de ta solitude bien trop tard et je n'ai aucune excuse, déclara Lenny en tentant de maîtriser les tremblements de sa voix. C'était dur d'être père aussi jeune et j'ai vite perdu pied. J'ai fait des conneries, beaucoup de conneries... Quand j'ai finalement commencé à aller mieux, tu t'étais construite seule, sans personne. Tu vivais dans ton petit monde et je n'avais pas le droit d'y entrer. J'ai pensé que tu ne voulais pas de moi dans ta vie, alors je me suis effacé, mais j'ai toujours gardé un œil sur toi de loin.

Elyne s'était assise dans l'herbe, ses jambes ne la portant plus. Les larmes dévalant ses joues, elle écoutait son père en silence, la main de Minseo toujours enfermée dans la sienne.

— Pardon, ma Elyne, reprit son père d'un ton brisé. Quand tu m'as envoyé ce message pour me dire que tu avais été prise dans le programme d'échange, je me suis dit qu'il fallait que je revienne dans ta vie. Je savais que tu allais encore me repousser et je le comprends, mais je ne pensais pas que ce serait aussi douloureux !

— C'est vrai que j'ai du mal à sortir de ma bulle, renifla Elyne en jetant un œil à Minseo. Je ne t'ai pas facilité la tâche et je m'en excuse.

La voix de Lenny se fit tout à coup rassurante.

— Je ferai tout pour me faire pardonner, Elyne. Tu es ma fille et tu l'as toujours été, mais j'ai mis du temps à me rendre compte à quel point tu étais essentielle à mes yeux. Quand tu rentreras en France, est-ce que ça te dirait de se voir plus souvent ?

Un léger sourire se dessina sur les joues mouillées de la jeune fille.

— Ouais, je crois qu'on a beaucoup de choses à rattraper, bredouilla-t-elle sans réussir à contenir son émotion.

— Ça marche, je ne t'embête pas plus longtemps, répondit Lenny. Je t'aime, ma fille.

L'adolescente ne sut quoi répondre, la tête et le cœur débordant d'émotions nouvelles. La conversation se termina, et elle ne fut capable que d'une seule chose : se jeter dans les bras de Minseo, qui avait patiemment attendu la fin de l'appel téléphonique à ses côtés.

— Qu'est-ce qu'il se passe aujourd'hui ? C'est un rêve ? pleurnicha-t-elle, le visage enfoui dans le cou de sa copine.

— Non, mais je suis sacrément fière de toi, répondit simplement la lycéenne avant de déposer un baiser sur sa tête. Et je pense que ton père aussi.

Elyne se laissa cajoler par Minseo, qui lui répétait à quel point elle la soutenait. C'était difficile de pardonner, mais elle sentait que son père était sincère. Elle avait vraiment envie de lui offrir une autre chance, de la même manière que Minseo l'avait fait pour elle. Après tout, elle était la première à faire des erreurs.

— Petite Elyne sait faire la part des choses et gérer ses émotions désormais, lança joyeusement Minseo, devinant les pensées de sa copine.

— Très drôle ! rétorqua la concernée. J'essaie de te surpasser, même si tu es sans doute la personne la plus calme et réfléchie de toute la ville.

Minseo lâcha un petit rire, se laissant prendre au jeu.

— Oh, c'est pas bien difficile lorsqu'on est à New York. D'ailleurs, cette ville est à ton image : débordante de désirs et d'émotions, un peu angoissée sur les bords, mais lumineuse même dans les nuits les plus noires.

— N'importe quoi ! rougit la jeune fille avant de se jeter sur sa copine pour la chatouiller.

Minseo tomba à la renverse dans l'herbe alors qu'Elyne s'apprêtait à l'embrasser. Allongées par terre, l'esprit léger, les deux filles riaient sous un ciel bleu parsemé de quelques nuages de coton. Sous les pétales roses, ivres de leur adolescence, il n'y avait plus qu'elles, les yeux brillants et le cœur battant.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top