Vingt-neuf.
Rufus Chayton était un gros enfoiré. Un salaud insupportable et énormément excentrique. Il se prenait pour le Dieu de Thimoé et décidait qui entrait dans sa vie ou non. Il était idiot et faisait rire la galerie avec ses pitreries, pourtant, il était malin. Très malin. C'était ce qui faisait de Rufus un si gros enfoiré, son intelligence qu'il enveloppait d'une fausse stupidité, d'un emballage de franc-parler, et d'un camouflage de perversité ne me rendait pas dupe. Si les gens étaient intelligents, ils verraient que ses yeux brillaient d'une lueur trop vive pour être ignorée, mais la plupart des gens était cons et ne voyait que la surface de l'iceberg parce que c'était plus facile ainsi.
Pour en revenir à Rufus Chayton, c'était un gros enfoiré car personne ne se doutait qu'il était malin. Il n'était pas hypocrite comme moi, simplement, il ne montrait toute l'étendue de sa personnalité, laissant les autres voir son côté excentrique. Et il était encore plus enfoiré actuellement, en me narguant avec son sourire espiègle pendant qu'il racontait une de ses mésaventures. Je ne prenais pas la peine d'écouter, Thimoé me l'avait déjà conter. Thimoé.
— Je suis sûre que c'est faux, a gloussé Debby à côté de moi, bouteille de coca en main. Il ne peut pas réellement avoir fait ça ! C'est insensé !
— Eh bien je pense que...
— Chut, attend, la suite devient intéressante !
Évidemment, ai-je ironisé. L'auditoire de Rufus était suspendu à ses lèvres. Même Arte à ma droite avec son verre qui empestait le rhum écoutait avec assiduité. C'était assez étonnant puisqu'il avait du mal à céder l'attention, mais visiblement, les imbécilités du Chien passaient bien. Si une moitié des campeurs s'était retrouvée autour du feu à cause de Rufus et ses histoires rocambolesques, l'autre se comportait comme si elle était à une vrai fête. Dansant par ici, flirtant par là, buvant des boissons plus alcoolisées que sucrées. La soirée me rappelait les fêtes auxquelles j'assistais. Une musique assourdissante, des jeux débiles, une ambiance qui se veut cool mais que je trouvais surjoué. Tout me semblait bien fade, plus qu'avant, avant Thimoé. J'avais déjà connu cet étourdissement qu'on a lorsqu'on était en train de tomber amoureux, les arcs-en-ciel qui envahissaient notre vision, le goût âpre du doute et de la peur. J'avais déjà connu ça avec Zayne. Je serais une grosse hypocrite en banalisant mon amour avec lui... mais je l'étais, donc je me le suis permis. Mon amour avec Thimoé n'avait rien avoir. Il y avait ce côté tendre, maladroit, beau et niais. Il y avait les couleurs qui perdaient de leurs éclats quand il n'était pas là. Il y avait ce poids dans mon estomac quand je lui faisais du tort. Il y avait tant de nouveautés qui effacaient la paramnésie. Avec Thimoé, c'était comme si je redécouvrais l'amour, je retombais amoureuse pour la première fois. C'était ensorcelant, voilà pourquoi je devais parler à son chien de malheur. Voilà pourquoi le dit chien était un gros enfoiré, il me tournait en bourrique depuis des heures.
Les minutes se sont écoulées, l'histoire avait fini d'être contée. Je me tenais près de Arte qui essayait de faire des rapprochements, ignorant une fille aux cheveux mauves, Emma, qui lui faisait du pied. Comme c'était ironique.
— En fait, j'adore ta robe, elle fait robe d'été, franchement elle te va à ravir.
Le compliment a glissé sur ma peau, effleurant le masque que j'avais mis. Arte m'était tellement indifférent que même ses compliments me semblaient fades. Pourquoi l'avais-je embrassé déjà ? Ah oui, Kana.
— Merci, c'est sympa. D'ailleurs, tu sais, je t'aime vraiment beaucoup...
— Moi aussi ! m'a-t-il coupé. Je trouve qu'on a un excellent feeling !
J'ai forcé un sourire. Les mecs sûrs d'eux avaient un charme. Pas Arte. Ou en tout cas, pas à mes yeux. Dans ma tête, je le toisais avant de partir en claquant la langue.
— C'est ça, mais je suis désolée de t'avoir embrassé tout à l'heure ! Tu sais, tu t'étais excusé d'avoir parlé de mon passé et tout ça, j'ai trouvé ça super sympa. Je... je me suis emballée. Je crois que j'ai fait une erreur.
— Une erreur... ?
En plus, était-il idiot ?
— Exactement. Tu es un super pote, comme un frère et puis... et puis mon cœur n'est pas libre.
Pardon ?!
— Pardon !?
— Oui, je ne veux pas en parler maintenant, mais je me sens mal de t'avoir sauté dessus comme ça. Surtout que je le sais, tu me vois comme une soeur.
— Comme une soeur ?!
— Bah oui, sinon depuis longtemps tu m'aurais fait des avances. Tu comprends n'est-ce pas ? Je ne remettrai plus jamais notre amitié en cause !
Je lui ai souri car j'étais vraiment fière de ma manoeuvre. Ou peut-être que je me moquais du rouge qui envahissait son visage.
— Euh ouais ?
— Génial ! Oh mon Dieu, tu devais être tellement embarrassé que je t'embrasse comme ça ! Franchement, désolée. On est quitte alors ?
À ses sourcils froncés et ses lèvres pincées, c'était sûr qu'il n'était pas d'accord avec ma mascarade. Mais pouvait-il vraiment se plaindre ?
— Évidemment, a-t-il accepté sur le bout des lèvres. Tu m'excuses ?
Je lui ai souri en acquiescant et il a filé. Si je n'avais pas de bon sens, j'aurais ri, heureusement, je me suis contentée de sourire de satisfaction avant de chercher du regard Rufus. Debby était occupée à sympathiser, j'étais plutôt ravie de voir que certaines filles l'avaient appelé pour lui parler de ses premières règles, en lui donnant des conseils, en retard.
En sillonnant entre le monde, j'ai finalement vu le chien de Thimoé. Il se tenait en retrait, dans un coin sombre, un gobelet en main, bougeant lentement la tête au rythme du tempo. S'il n'était pas ce qu'il était et que Thimoé n'avait pas envahi mon crâne et mon cœur, je crois que Rufus m'aurait plu. Il n'était pas moche, au contraire. Il avait la peau foncée, un peu rouge, comme celle des brownies, caractéristique de ses origines amérindiennes. Ses cheveux noirs lui tombaient sur l'épaule et lui ajoutaient un air mystérieux. Fréquemment, il les remettait derrière son oreille, un geste qui devait faire tourner des têtes. Ses yeux brillaient de malice, ses lèvres étaient pleines et il avait une carrure impressionnante pour un adolescent. Rufus Chayton était incontestablement un beau garçon, et il m'indifférait totalement. Ou peut-être pas, il m'irritait beaucoup quand il faisait le sourire goguenard qu'il avait actuellement. Sourire qui s'est manifesté lorsqu'il a pris conscience que je m'approchais de lui.
— Ça fait des heures que j'essaye de te parler, ai-je débuté sans préambule.
— Ouais je sais, je suis un mec occupé tu sais. Les interviews, les voyages, les dédicaces, tout ça.
J'ai levé les yeux au Ciel.
— S'il te plaît, le clébard, je n'ai pas vraiment du temps à perdre avec toi.
— Ah oui ?
— Oui.
— Et me parler de quoi ? Tu veux que je te conseille un recueil érotique ou tu préfères un livre pour t'apprendre des valeurs que, visiblement, tu n'as pas ?
— Tu vas me parler de valeurs ? Toi ?
— Évidemment. Ce n'est pas moi qui mens à mes proches, qui suis hypocrite, qui manipule les autres, et qui fais souffrir des gens innocents.
On y était.
— Thimoé savait bien dans quoi il s'embarquait avec moi, il a même insisté.
— J'ai parlé de Thimoé, moi ? s'est-il faussement étonné.
— Non, ton sous-entendu était clair.
— Je ne parlais pas de lui. Tu ne peux rendre quelqu'un malheureux que si tu touches son coeur, et tu es loin du cœur de Thim. Très loin.
Sa suffisance a chauffé mes nerfs. Je ne voulais même pas me disputer avec lui à la base, mais le fait qu'il dise que je ne connaissais pas assez Thimoé m'énervait profondément. Je me suis rapprochée d'un pas menaçant.
— Je sais c'est quoi ton problème, Rufus, tu es jaloux.
— Jaloux ?
— Oui, jaloux de ne plus être la seule personne importante dans la vie de Thimoé, sinon tu sauras que je sais tellement de choses sur lui ! Le chemin jusqu'à son coeur, je le connais.
— Ah bon ?
— Oui.
— Donc tu savais qu'embrasser Arte allait le blesser. Tu n'aimes pas ce gars, tu l'as fait par provocation, tu as utilisé ce mec pour blesser mon meilleur pote.
— Ça ne regarde que Thim et moi, ai-je dit en secouant la tête.
— Oh que non. Sa joie est la mienne, sa souffrance aussi, par ricochet, ça me regarde... et puis merde, serpent des mers, pourquoi tu voulais me parler ?
— Pour te prévenir que je compte être un élément permanent dans la vie de Thimoé.
— Pourquoi tu veux me le dire ? Tu penses que je serais un frein à ta permanence dans sa vie ? Pour une fille censée être intelligente, t'es aussi conne que le cul de Patrick l'étoile de mer, pourtant ! s'est-il exclamé.
— Ça c'est méchant.
— S'il te plaît, Daemon Salvatore ! Ça fait une éternité que j'attends que Thim sorte de sa coquille, qu'il vive sa vie sans dépendre de sa maladie, qu'il se cherche, qu'il tombe amoureux, se brise le cœur et tout ça ! J'ai toujours eu l'impression que sa schizophrénie était une armure et que j'avais eu la chance de l'avoir percé. Je suis heureux pour lui, quand il parle de toi on dirait le soleil. Je suis moins heureux quand il souffre, mais c'est une phase obligatoire. Je l'oblige pas à faire des trucs qu'il n'aime pas, je ne le contrôle pas, je suis là, je regarde, j'aide quand c'est nécessairement, je pleure et ris avec lui. Évidemment j'ai pas aimé le voir triste, et si tu avais un mauvais fond, genre tu étais une mauvaise personne sans aucun bon fond, j'aurais pas approuvé. Toute manière, même si j'approuvais pas, j'ai pas le droit de lui dicter sa vie. Il fait ses erreurs et il grandit, je ne serais jamais un frein à l'épanouissement de Thimoé, Yanaëlle. Si tu n'as pas compris ça, c'est que t'es conne.
J'ai ouvert la bouche, le cerveau en ébullition essayant de comprendre ses mots, cherchant des sous-entendus, analysant chaque parole.
— Tu approuves notre relation ? me suis-je étonnée.
— Tu veux dire celle qui est actuellement au point mort ? Oui, a-t-il souri. J'approuve de voir mon frangin vivre, et je t'apprécie en tant qu'humaine, amie de Debby et potentielle copine de Thim. Mais si tu le fais plus souffrir que tu ne le rends heureux, il se peut que mes recherches sur le meurtre idéal porte finalement ses fruits. Tu as la taille parfaite pour être découpée en morceaux.
C'était une menace. Que j'ai décidé de prendre au sérieux.
— D'accord, c'est compris. Puisque les points ont été mis sur les i, je vais aller retrouver Thimoé. Mais... juste pour être sûr, ça ne te dérange pas ?
— Puisque je le dis, croco. D'ailleurs, si cette conversation pouvait rester entre nous, je n'ai pas envie que Thim et Debby pensent que je t'apprécie.
— Évidemment. Tu me vois, moi, parler à un clébard comme toi ? Ne me rabaisse pas à ce point.
— Ravi que tu redeviennes une connasse hypocrite, maintenant dégage.
Ce n'était pas pour lui faire plaisir que je suis partie. J'avais un Thimoé à trouver. Et celui-ci avait fui avant le début de la fête pour aller se terrer dans sa chambre. Quand j'ai croisé Debby et quelques campeurs, j'ai simulé la fatigue avant de m'éclipser. Il y avait plus intéressant ailleurs.
°•°
Pendant le trajet, j'avais eu le temps de réfléchir entre milles battements cardiaques par secondes, et l'absence de Kana pour infester mes pensées. Ce que j'avais dit à Rufus était vrai, je voulais faire partie de la vie intégrale de Thimoé, je le voulais très fort. Mes actions m'avaient ouvert les yeux. Avec tout le mépris, la méchanceté et l'indifférence que j'avais pour le monde, Thimoé était l'exception. Il était le monde privé de Lui, tout sauf Lui. Je n'arrivais pas à le faire souffrir sans en pâtir. Et je devais le lui prouver.
C'était la raison pour laquelle que devant la porte de sa chambre, j'avais les mains qui tremblaient. Ma confiance, ma suffisance, mon sarcasme avaient fondu comme mon cœur face au sourire de Thim. J'étais liquéfiee, au bord de la tachycardie. Soudain, je n'étais qu'une adolescente lambda qui paniquait à l'idée de voir son coup de cœur. Oh mon Dieu, depuis quand étais-je devenue si niaise ?
Luttant contre la boule dans mon ventre, j'ai ouvert la porte. La lumière artificielle et celle de la lune qui passait par la fenêtre m'ont attaqué. Par automatisme, mes yeux se sont plissés, fixés sur le dos courbé de l'objet de mes pensées. Thimoé n'avait pas fait attention à mon entrée. J'ai entendu les coups de crayons contre le papier, c'était une sorte de mélodie bizarre qui a allégé l'atmosphère autour de moi. Ses gestes étaient rapides et j'ai senti, bêtement, mes joues rougir devant ce spectacle, comme si j'avais percé sa bulle d'intimité, comme si j'étais en plein cœur d'un orage dévastateur. Des feuilles noircies traînaient au sol, la pièce était dérangée, il avait l'air dans son élément, un joyeux bordel qui lui correspondait. Comparable à la foudre qui frappait, mes sentiments m'ont assailli, et le coup était si puissant que j'ai reculé. Le voir ainsi, à découvert, alors qu'on était en froid, m'avait réchauffée, et réveillée une chose endormie en moi. Ma conviction a revêtu une armure de diamant, aujourd'hui, j'étais déterminée à embrasser Thimoé et prendre son cœur. Et son âme, et son corps, et le reste.
Je me suis raclé la gorge, le bruit du crayon s'est arrêté, et il s'est retourné pour me faire face. La surprise était dessinée sur ses traits un peu enfantins. Ses joues avaient tant viré au pourpre que j'avais failli, moi aussi, rougir.
— Salut, ai-je dit simplement.
Il a dégluti.
— Hey.
— Je t'interromps...
— Pourquoi tu es là ? Tu m'as tellement ignoré, pourquoi tu reviens me parler maintenant ?
Évidemment, Thimoé était cash.
— Tu m'as manqué.
— C'est pour ça que tu es là ? Pour combler ton manque ? Pourquoi tu n'es pas à la fête ?
— Je te l'ai dit, déclaré-je m'avançant, tu me manquais. Et je voulais te parler. C'est plus important qu'une fête.
— Que le mec artistique ?
Arte ?
— Oui, carrément.
Il a hoché la tête, sans vraiment me regarder, je me suis sentie blessée.
— Tu es prêt à m'écouter ?
— Je suis pas bête, je sais bien que j'ai pas le choix.
— Bien sûr que si. Tu n'as qu'un seul mot à dire et je m'en irais.
— Reste, a-t-il fait platement en prenant place sur son matelas.
Je m'y suis assise aussi, essayant en vain de réprimer un frisson de dévaler ma peau.
— Je suis désolée. Je ne m'excuse jamais, surtout sachant que je n'ai pas vraiment tort, mais en embrassant Arte devant toi, je n'avais qu'un objectif, celui de te blesser et de te faire souffrir.
— Pourquoi ?
— Kana m'avait mis au défi. En quelques sortes, j'étais sûre que te faire du mal n'allait pas m'atteindre, j'en étais persuadée et rare sont les actes qui échappent à mon contrôle. Sauf que...
— Sauf que ? s'est-il impatienté.
— Sauf que mes sentiments pour toi m'ont dépassée. Thim, j'ai eu mal en voyant ton regard déçu et triste sur moi. J'avais si honte de mon comportement que j'ai évité de te regarder, je me suis sentie sale et humiliée, juste parce que je t'avais fait du tord, intentionnellement surtout.
— Tes sentiments pour moi ?
— Oui. J'ai compris que ça dépassait mes capacités et que c'était bête d'avoir agi ainsi, je reviens m'excuser.
— Ce n'est pas grave, tu peux embrasser qui tu veux...
— Cet acte était dicté par la méchanceté, pas par le désir. Je n'ai même pas pris du plaisir. Tu mérites des excuses.
— Pas de plaisir ?
— Pas de plaisir.
Il a soufflé profondément, comme s'il réfléchissait à ce qu'il devait faire ou ressentir.
— Donc c'est comment, maintenant ?
— Eh ben, puisque tu voudras toujours de moi, disons qu'on fera comme si rien ne c'était passé.
— Qui t'as dit que je voudrais toujours de toi ?
J'ai penché la tête sur le côté.
— Je mens ?
Thimoé a grogné en réponse, ce qui m'a arrachée un rire.
— On est réconciliés alors.
— Oui.
— C'est cool, chouette même. Même si je ne sais pas si c'est intelligent de te pardonner si facilement.
— Tu crois qu'en me faisant languir la situation va s'améliorer ou je vais retenir la leçon ? Tu le crois vraiment ?
— Arrête, j'ai l'impression que tu me retournes le cerveau ! Je sais plus rien maintenant !
J'ai encore ri en lui donnant un coup de coude. Il m'a regardé en souriant largement, coupant mon souffle au passage. Thimoé m'avait affreusement manqué.
— Cet aprèm on se parlait pas et ce soir, te voilà dans ma chambre, a-t-il remarqué en se couchant sur le dos, les mains derrière la tête.
Je l'ai imité en me couchant sur le flan pour le mater sans discrétion. Mon attention s'est arrêté sur ses bras couverts de tissus. Il ne portait que des manches longues et des sweats. Je ne m'y étais pas particulièrement attardée.
— Techniquement ce n'est pas ta chambre. Mais oui, la situation a bien vite évolué.
— Oui c'est vrai. Ma chambre n'est pas du tout comme celle-ci.
— Ah oui ? Comment est-elle ?
— Moyenne et bleue. J'ai un écran plasma pour jouer aux jeux vidéos avec Rufus. Le lit n'est pas très méga giga extra grand, mais on peut y dormir à deux.
— C'est tout ? Pas de décorations, de photos, de dessins ?
— Ah si ! Il y a des affiches des films et jeux préférés de Rufus, pas de photos, et pleins de dessins. J'ai un mur où je colle mes plus beaux dessins, ils ne sont pas super, super géniaux, juste un peu jolis. J'adore ce mur.
J'ai balayé son profil du regard, me rappelant qu'il m'avait aussi représenté graphiquement.
— Tu mettras mes portraits ?
Ma voix était toute petite. Parler de la vie après le camp était un peu effrayant. Parler d'un dessin de moi sur le mur de Thimoé avait quelque d'aphrodisiaque. Le ton rauque de ma voix ne venait pas de ma peur, c'était le désir que j'avais pour Thim qui se manifestait.
Il a croisé mon regard en prenant la même position que moi. L'atmosphère a pris plusieurs degrés, mes sens ont pris conscience de son pied près du mien, des millimètres qui séparaient nos coudes, de la petite distance qui pourrait s'effacer si je m'avançais un petit peu. Juste un peu. Un petit peu.
— Ouais, carrément.
C'était plus une sorte de grognement qui sortait de sa gorge qu'une suite de mots. Quelque chose avait définitivement changé, et je n'ai même pas compris comment tout avait dérapé, que ses joues étaient devenues rouges, que son air grave et sérieux me donnait envie de lui sauter au cou. L'électricité avait chargé l'air. Il devenait difficile se respirer, l'étincelle en moi menaçait de devenir un brasier qui nous consumera. J'étais hypnotisée par sa bouche, son cou, ses mains.
— Tu as déjà invité une fille dans ta chambre ? ai-je demandé.
— Non, jamais. Pourquoi ?
— Pourquoi tu étais triste que j'ai embrassé Arte ?
Son regard s'est assombri.
— Humm parce que...
— Que... ?
— J'étais un peu jaloux, a-t-il avoué en se redressant brusquement. Je ne comprenais pas. Tu sais, je ne suis pas beaucoup malin, mais j-je pensais que... bon je devrais pas faire confiance à mes pensées, elles sont très bizarres, je pensais au moins que celles-ci étaient différentes.
— Tu pensais que quoi ? ai-je répliqué.
Il s'est totalement assis sur le lit, le dos contre le chevet du lit, une main dans sa tignasse ébouriffée.
— Je pensais que c'était moi que tu voulais embrasser, a-t-il murmuré, aussi écarlate que le sang qui a pulsé dans mes veines.
Étourdie, je l'ai regardé.
Il m'a regardé, effronté, naïf, candide, comme s'il ne savait pas qu'il avait allumé la mèche de la bombe. Elle brûlait à vive allure, et il allait être sur le chemin lorsqu'elle aurait explosé. Enhardie par sa déclaration, je me suis assise sur ses jambes, entourant des miennes son bassin. La paume sur son pull, j'ai serré le poing en m'approchant prudemment de lui, de son visage, de ses lèvres.
— Ah oui ? ai-je fait en le faisant lever la tête vers moi d'une poussée sur l'arrière de sa tête.
— Ouais, a-t-il chuchoté et encore, c'était comparable à un grognement animal qui a enflammé mes veines.
L'explosion était imminente.
— Et si... et si je te disais que c'était sûrement vrai ?
Il a dégluti en zieutant ma bouche humide légèrement ouverte. J'ai bougé sur lui et je pouvais jurer que c'était le désir qui avait dilaté ses pupilles et rendu écarlates son cou jusqu'à ses oreilles.
— Je... je n'allais pas avoir les mots.
— Et si on était dans ta chambre à Indianapolis ? Et si on était là bas et que tu avais la possibilité de m'embrasser. Le feras-tu ?
Tout d'un coup, le monde était réduit aux mains de Thimoé qui pétrissaient mes hanches. À la sensation extraordinaire de son regard brûlant sur moi. Je me suis abreuvée de son désir, je l'ai vu grandir, grandir, devenir immense, autant incontrôlable qu'une tempête qui grondait. Une délicieuse douleur s'est instauré dans mon bas-ventre. Et si je pensais pouvoir me retenir, j'ai vite compris que Thimoé aussi jouait avec moi en utilisant les fils de l'attraction entre nous.
— Non. Je n'aimerais pas t'embrasser en supposition. Moi... moi j'aimerais t'embrasser ici, dans cette chambre, dans ce camp, maintenant.
J'ai fondu sur ses lèvres sans l'embrasser. Je les ai effleuré tendrement, tandis que son front poussait contre le mien. Ses paupières papillonnaient, j'attendais un indice encore que c'était bon, que je pouvais y aller. Un petit indice...
— Yanaëlle ? a-t-il fait en frottant nos bouches.
— Mhmm ?
— Je n'ai jamais embrassé quelqu'un.
— Je ne t'ai jamais embrassé.
— Je ne t'ai jamais embrassé, toi.
— Thimoé ?
— Mhmm ?
— Pas encore. Tu ne m'as pas encore embrassé.
Il a souri en fermant les paupières et j'ai compris. Des mots n'auraient pas été aussi éloquents que ces actes. J'ai saisi l'opportunité devant moi, j'ai plongé sur la bouche de Thimoé.
Embrasser Thimoé était différent de mes autres baisers. Les garçons que j'avais embrassé prenaient toujours les rênes du baiser, ils étaient autoritaires et plein d'audace. Ce n'était pas désagréable, au contraire, mais avec Thimoé qui n'avait aucune expérience, c'était à moi de le guider, de lui apprendre. Il y avait quelque chose de fantastique dans cette action, qu'une personne appartenant à un sexe si affirmé courbait l'échine face au sexe que la société avait déclaré de faible. Et c'était ce que j'aimais, et c'était ce qui rendait ce moment parfait. Ses lèvres étaient douces et chaudes contre les miennes. Elles ont remué un peu, mais c'était les miennes qui avaient les commandes. Doucement, je l'ai embrassé. En mangeant ses lèvres comme si elles étaient un gâteau au chocolat, suçant sa lèvre inférieure comme je le ferais avec du miel, je l'ai dévoré. Mes battements de cœur battaient au rythme de nos soupirs, nos délectations. J'ai tiré sur ses cheveux, lui arrachant un grognement, j'ai souri, fière, il a avalé mon rictus en m'embrassant. Avec force, avec passion et un peu de maladresse. Ses doigts s'étaient agrippés à mon dos pour que tout espace entre nous disparaisse. La chair de poule avait envahi mon corps, tremblante, serrée entre son torse et ses bras, au bord de l'arrêt cardiaque. Je n'étais qu'une boule de frissons, de sensations, de plaisir. Ligotée, attachée et soumise à une myriade d'émotions. Je me suis sentie étourdie, enivrée du goût des lèvres de Thimoé que je refusais de lâcher, trop heureuse pour abandonner ce paradis que je venais de découvrir. Tandis que ses doigts caressaient ma pommette, nous avons du reculer pour respirer.
Thimoé me souriait, d'un immense sourire qui m'a rendu presque folle. Ses lèvres étaient gonflées et rouges. À cause de moi. De nos baisers. C'était la perfection. Ce torse qui montait et descendait, son visage empourpré. Désobéir à Kana était la meilleure idée que j'avais eu.
— Wahou ! s'est-il exclamé en enfouissant son visage dans mon cou. C'est super de t'embrasser, Yanaëlle.
J'ai caressé son cuir chevelu en respirant son odeur sucrée, essayant vainement de dissimuler mon sourire.
— Que veux-tu ? Je suis parfaite.
— C'est vrai, a-t-il ri dans mon cou, et le son a vibré en moi. C'est pas de te faute.
Il m'a regardé avec tant de douceur que j'ai senti mon estomac prendre la forme d'un bretzel.
— Oui. Ne lutte pas contre mon charme naturel.
— Lutter c'est fatiguant, je n'ai jamais essayé.
— Tant mieux ! Le faire aurait été stupide.
— Tu sais quoi, Yanaëlle ?
— Quoi ?
— Je n'ai jamais été embrassé avec la langue.
J'ai souri.
— Pas encore, Thimoé, pas encore.
Et je l'ai embrassé.
Salut cher journal d'amour que j'aime. Il se peut que je sois de bonne humeur après avoir embrassé Thimoé Davinson. Il se peut aussi qu'embrasser une personne de qui tu es en train de tomber amoureux accélère le processus. Si je l'avais su avant, je me serais déjà jetée sur Thimoé.
Yanaëlle, 17ans.
☆ ° 🌙*
Heeeeeeeey mes lémuriens roses bleus ! (Vous avez déjà vu des lémuriens dans la vrai vie ? )
J'imagine avec la fin de ce chapitre que vous êtes heureux 😏
Un an, quelques jours et 28 chapitres, voici le temps qu'à pris le premier baiser de Yanaëlle et Thimoé 🙈
Je ne suis pas super douée avec ce genre de scène, et je ne voulais pas en faire trop, j'espère tout de même que ça vous a plu !
Je suis assez fière de moi. On vient de franchir une graaaande étape, j'espère sincèrement que vous seriez là jusqu'à la fin 😔
Aussi, je me disais que c'était le moment de vous dire de ne surtout rien lâcher et de vous accrocher à ce qui vous rend heureux ! Même faire ce qui nous rend heureux peut nous perturber et ne pas nous rendre heureux sur le moment, mais au fond, c'est toujours agréable de voir le fruit de son travail ! Alors ne lâchez rien, un jour vos efforts payeront. Pensez au cache-nez qui était si peu utilisé et maintenant, les hommes ne doivent plus s'en passer ! Vous voyez ? Tant que tu vis, il y a encore de l'espoir !
J'espère que le chapitre vous a plu 😊
On se voit prochainement j'espère.
SITUATION POUR APPRENDRE À SE CONNAÎTRE :
Est-ce que ça vous dérangerez que votre partenaire paye l'addition ?
Voilà !
Bisous migratoires,
À distance
Phanou 💚
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