Dix-neuf.

J'essayais de choisir un bon film à visionner sous le regard scrutateur de Debby. Durant toute la scène avec Thimoé, elle n'avait pas prononcé un seul mot, fermement maintenue dans un étrange mutisme. J'avoue que je ne savais pas comment l'interpréter, son silence, ses petits yeux curieux.

-Bon, tu parles avant que je te coupe la langue  ? Pourquoi tu me fixes ? ai-je finalement demandé en arrêtant de chercher le film parfait sur mon ordinateur.

-Hein ?! Non, c'est rien, c'est juste que tu m'impressionnes.

-Ah ouais ? C'est vrai que je suis incroyable.

-Comment tu arrives à autant mentir ? Comment tu fais pour devenir quelqu'un d'autre en un froncement de sourcils ?

-Bonne question, ai-je marmonné en soufflant.

J'ai failli hurler d'agacement. Elle voulait que je lui réponde quoi ? Qu'à force de se terrer dans le mensonge on n'arrivait plus à dissocier le faux du vrai ? A un tel point où je m'étais inventé des personnalités ? Que pour me satisfaire et m'amuser je manipulais le monde sans remords ? Non, c'était un peu trop psychopathe.

-Ce n'est pas si génial, tu sais.

-Ah bon ? Tu n'en donnes pas l'air, s'est-elle étonnée.

-Je ne serai jamais ces personnes qui montrent leurs faiblesses, si tu devais te fier à moi alors tu ne me comprendras jamais.

-Comment qu'on fait pour savoir si tu es sincère ?
-Aucune idée, et sincèrement on s'en fout. On se le regarde ce film ?

Est-ce que je venais d'esquiver le sujet ? Oui, et pas de la manière la plus subtile. Je n'étais pas prête pour entrer dans une conversation profonde et psychologique. Mon cerveau avait planté après mon câlin avec Thimoé et j'avais encore du mal à m'en remettre. Cette déferlante de sensations était inhabituelle et même la grande Kana avait eu la bouche fermée, trop secouée par ce que j'avais ressenti, ce que nous avons ressenti.

-Okay, pas de problème ! Tu as quoi à me proposer ?

-Il faut d'abord que je sache ton degré de nullité en film. Tu connais Hunger Game ?
-Heu... Non ?

-La trilogie des germes ?

-Non ?

-Divergent au moins ?

-Pas du tout ?

-Hein ? me suis-je exclamée. Nos étoiles contraires ? Me Before You ? Le Dernier Jour de Ma Vie ? Twiligth ?

-Ouah, c'est quoi tout ça ? J'ai juste lu Nos étoiles contraires de John Green... Pourquoi tu tires une tronche pareille ?

-Parce que tu n'as aucune connaissance filmographique ! A croire que tu  vis dans un trou ! J'ai une éducation entière à refaire ! Ce n'est pas vrai, ai-je fait semblant en pleurnichant.

-Ne t'inquiète pas, tu as encore pleins de semaines pour m'éduquer madame.

-Et heureusement ! Maintenant soldat, je vous ordonne de prendre vos sucreries et confiseries, l'après-midi sera soirée film avec la pire amie des adolescentes...

-Les règles, Chef ?

-Non, jeune soldat inconscient ! La bouffe qui donne plein de calories ! Avez-vous peur de kilos en trop, soldat ? ai-je continué me plaisant vraiment au jeu.

-Chef, non, Chef !
-Et que ça saute !

-Chef, oui, Chef ! m'a-t-elle répondue en effectuant le salut des militaires à la recherche de la marchandise.

Trottinant comme un cheval, Debby fouillait rapidement dans ses affaires tandis que j'ai lâché un petit rire incontrôlé en roulant des yeux. Le sérieux qu'elle mettait dans sa tâche m'a arraché un sourire en coin. J'avais déjà une idée du film à visionner et la simple idée de le partager avec cette danseuse aux cheveux frisés me plaisait bien. Je voulais en savoir plus sur ce petit bout de femme, elle était adorable avec sa légère impulsivité, je savais qu'elle en cachant plus, tellement plus que c'était du gâchis.

-Je les ai ! a-t-elle crié en faisant une pirouette et des sauts partout dans la chambre.

-Bien, retrait soldat !

-Chef, oui, chef !

Son petit sourire fier, elle a  couru pour monter sur nos deux lits qu'on avait collés pour l'évènement. A peine s'est-elle assise que j'ai lancé le générique de Me Before You.

Quelques heures, paquet de bonbons finis et mouchoirs par ci, je regardais le générique de fin du film ; me retenant de rire des larmes de ma colocataire.

-Il est mort, putain ! a-t-elle juré en essuyant ses grosses gouttes qui froissent son minois.

-Ton langage, Debby ! ai-je ricané.
-On s'en fou ! Il est mort, mort, mort ! Comment il a pu NOUS faire ça ?!

-Nous ?!

-Bah oui ! Tu vas pas me dire qu'il n'a pas brisé ton cœur, toi aussi !

-Désolée, c'est à peine si j'ai eu un pincement.

-Qui es-tu ? T'es sans cœur... Maintenant j'ai un chagrin... a-t-elle soufflé couché en position de l'étoile de mer.

Elle avait les yeux bouffis par les larmes et le bout du nez rouge, sans oublier ses cheveux dans tous les sens.

Debby était comme une éponge, elle était tellement respective aux émotions des autres et les absorbait à un tel point que j'en étais étonnée. Je comprenais maintenant sa gentillesse, sa naïveté et l'attention qu'elle portait aux gens, elle ne pouvait rien, c'était une bonne personne. C'était profondément encré en elle, une nouvelle hypothèse venait d'être confirmée, on naissait avec la gentillesse ou au contraire avec la méchanceté.

Zut, pourquoi toutes mes pensées me rappelaient ma propre situation ? Je revenais toujours à la conclusion d'origine : je n'étais pas une bonne personne et tous le savait : des amis ce sont des personnes qui partagent les même valeurs que nous. Résultat ? Je ne pensais pas que Debby, Rufus ou encore Thimoé et moi avions  une vision identique de la vie. Dans mon cas, j'ai eu l'impression que plus une personne et moi nous ressemblions, moins on s'entendait, drôle de paradoxe. De toute façon, je ne voulais pas être amie avec Thim... Alors là, pas du tout. Que voulais-tu de lui, donc ? Je préférais ne pas y penser.

-Tu as raison, je suis sans cœur, ai-je répondu en me couchant aussi, déposant mon ordinateur sur la table de chevet.

-Je ne voulais pas te vexer...

-C'est la vérité, tu sais, t'inquiète pas, c'est cool.

-Non, c'est pas la vérité ! Je peux te citer dix bons arguments que t'as un cœur et sûrement un grand !

-Parle toujours, gamine.

-Grrrr, tu verras quand j'aurai enfin mes quinze ans !

-Tu crois que ça changera quelque chose ? ai-je ricané en me mettant en position assise, vite suivie par elle.

-Gnagnagna, tu feras moins la maligne !

J'ai levé les yeux au plafond en prenant une sucette dans le paquet de bonbons. Debby a passé une main dans ses cheveux farfelus avant de lever l'index, un sourire amusé aux lèvres.

-Petit un, a-t-elle débuté. Tu es drôle, un humour piquant et trop cool, quelqu'un qui est drôle a forcément un cœur !

-Pas mal, ai-je souri.

-Ensuite, tu aimes les films d'amours tristes parce que au fond ça te fait du bien de souffrir à la fin... et si tu souffres, alors t'as un cœur !

-C'est bancal comme résonnement !

-J'ai jamais prétendu que ça sera parfait. Tu m'as consolé après ce que nous avons entendu sur moi à cause du short... me fait pas croire que c'était fait exprès, tu voulais vraiment que je me sente mieux. Quatrièmement, tu aimes les trucs sucrés, c'est un signe que tu as un cœur de fondant au chocolat ! Cinquièmement, je t'ai beaucoup regardé quand tu étais avec Ruf et Thim et en voyant ton attitude, c'est sûr, tu les apprécies, et impossible d'apprécier quelqu'un si on n'a pas de cœur !

J'ai acquiescé, m'attardant plus ou moins sur certaines de ses paroles.

-Aujourd'hui, tu en voulais vraiment à Arte pour son geste et si tu as essayé de le cacher, je l'ai vu. D'ailleurs, j'ai remarqué que tu ne l'aimais pas trop ce mec, autre signe de ton palpitant !

-Ah bon ? me suis-je étonnée.

Elle m'a regardé par-delà ses nombreuses mèches bouclées qui lui cachaient le visage.

-Oui, détester ne veut pas dire qu'on n'a pas de cœur, c'est justement grâce à lui qu'on ressent ça.

J'ai hoché la tête vaguement, me prenant un peu plus à ses explications tordues.

-Septièmement, a-t-elle continué en comptant avec ses fins doigts, tu t'es inquiétée pour Thimoé, beaucoup même. Huitièmement, je vois bien que tu n'aimes pas trop que je sois proche de lui. T'en fait pas, Thim c'est un peu comme mon petit cousin tout mignon et adorable, il ne me plait pas du tout !

J'ai plissé les yeux en ricanant un peu, surprise de m'être fait attrapée si facilement. Je savais parfaitement masquer mes émotions, cependant je devais reconnaitre que l'inquiétude et la jalousie étaient des sentiments que je n'avais pas réellement connu, impossible de bien les camoufler.

-Neuvièmement, a-t-elle poursuivit en me fixant un rictus en coin, c'est tout à l'heure. Quelque chose me dit que ce câlin avec Thim t'a plus rappelé que tu avais un cœur que cette liste un peu tordue. J'ai raison, hein ?

Mes lèvres se sont relevées à la mention de ce souvenir.

Ce câlin, ce simple contact entre nous, avait éveillé en  moi un torrent de sensation, d'émotion et de joie que j'avais eu peur du moment où il se briserait. Je n'étais plus habituée aux attaques sournoises des papillons dans mon estomac, encore moins aux frissons qu'ils causaient. Cependant, j'avoue que cet instant où le temps se mettait sur arrêt rien que pour apprécier ce qui se passait m'a manqué. Il était différent de celui avec Zayn, j'aurais tué pour sentir encore la caresse de son souffle dans mon cou, pour respirer son odeur sucrée qui m'a fait tourner la tête, la douceur de ses mains sur moi. J'avais aussi reconnu les méandres du désir en moi, frappant comme des vagues un jour d'orage, balayant tel un coup de vent la réalité avant de nous enfermer dans l'étau de son plaisir.

Repenser à notre étreinte avait réveillé mes sens, Thimoé me manquait  et je voulais le voir, le serrer dans mes bras. Debby avait raison, il m'avait plus convaincu que ses neufs arguments.

-Tu n'as pas tort, me suis-je contentée de répliquer, la gorge asséché.

-Je le savais ! Tu vois que j'ai réussi !

-Il te reste un dernier argument.

-Ah oui, le dernier... humm, c'est le plus évident : ton sourire, Yanaëlle, le sourire que tu as maintenant me convainc parfaitement que tu as un cœur et un grand.

-Hum ? C'est cliché ça, je peux bien te mentir et parfaitement jouer la comédie comme je le fais avec tout le monde.

-Peut-être, je vais prendre le risque de croire en ton sourire.

-Et les conséquences ?

-On y parlera dans le futur... en attendant, je profite !

Et elle s'est levée du lit en sautillant, bougeant telle la danseuse qu'elle était, au rythme d'une musique qui n'existait pas. Ses pas étaient beaux, rapides mais un peu embrouillés. Ses boucles qui mangeaient son minois ne l'avaient pas empêché de danser comme une folle, à deux doigts d'exploser de rire. Moi, je n'avais résisté, j'ai éclaté de rire devant son spectacle. C'était spontané et brusque, l'humeur de Debby avait déteint sur moi, elle me faisait marrer avec son grain de folie.

-Allez vient me rejoindre, m'a supplié Debby en faisant une moue triste.

-Hors de question, tu te ridiculises toute seule.

-S'il te plaaaait ! Y'a personne à part nous deux, je t'en prie !

-Non, je préfère te regarder, c'est beaucoup mieux.

-Comme t'es pas cool, s'est-elle plainte les mains sur ses hanches. Tu peux mettre de la musique ou c'est trop te demander mademoiselle-je-ne-veux-pas-danser ?

-Encore un mot et je dégage de là, l'ai-je menacé.

-Chef, oui, chef !

J'ai roulé des yeux non sans prendre son smartphone et mettre sa Play liste intitulé « un peu de bonheur ici-bas ».

A peine les premières notes entonnées que Debby s'est lancée dans un balai mélangeant danse de rue et danse classique, de pas harmonieux et gracieux, quelques figures acrobatiques dans notre minuscule chambre. Les gestes qu'elle faisait semblaient donner des couleurs à la pénombre de la pièce. La lumière émanant de nos lampes de chevet ajoutait un effet magique à sa chorégraphie, j'en étais subjuguée, par ses mouvements, la joie qui en résultait, le plaisir qu'elle projetait.

Sa mini crise de danse n'avait duré que quelques minutes avant qu'elle ne s'écroule, épuisée et couverte de sueur. Je l'ai repoussé d'un orteil afin qu'elle quitte nos lits.

-Tu pues et tu dégoulines de sueurs, dégage du lit, ai-je ordonné.

-Mais Yanaëlle !

-Et vite soldat !

-Chef, oui, chef, a-t-elle répliqué sans enthousiasme et tombant au sol comme une baleine.

J'ai pouffé parce qu'elle était ridicule et dégoutante comme une éponge. J'avais beau rouler des yeux, soupiré doucement, j'étais heureuse, contente et apaisée. Le cœur calme et l'esprit libéré. Durant cet instant, je n'étais plus une ado manipulatrice qui avait une meilleure amie imaginaire maléfique et qui avait l'impression d'être enfermée dans une cage qu'elle avait elle-même créée . Ce n'était pas exactement le sentiment qui m'avait saisie avec Thimoé, ça s'en rapprochait doucement.
J'aimais bien ce côté sauvage chez Debby, c'était innovent, spontané et me rappelait la franchise et la naïveté de mon jouet. Et voilà, tout me ramenait encore une fois à lui, presque comme si c'était une malédiction. Je devais être maudite.

-Diiiis, Yanaelle, a commencé ma colocataire. Tu connais les Avengers ?

-C'est plutôt à moi de te le demander miss-je-manque-de-culture-filmographique.

-Nooon, ça c'est totalement différent ! C'est juste la meilleure saga au monde ! Leurs films, effets spéciaux et leurs acteurs ! Oh mon Dieu, dis-moi que tu es amoureuse de Captain ! a-t-elle crié en se relevant, les iris noisettes brillantes.

-Oulla ! Toi, tu n'as clairement pas regardé Harry Potter.

-Rien avoir ! Un petit sorcier rivalise pas face à des supers héros supers beaux ! C'est évident ! Et qui résiste aux charmes de Rogers?

-Tes arguments manquent de profondeurs, ils ne sont pas fiables.

-Tu t'y connais en argument fiable ?

-Mieux que toi, petite sotte.

Elle a ouvert la bouche d'un air offusqué avant de gonfler ses joues bronzées  et croiser ses bras sur sa petite poitrine. Elle ressemblait plus à une peluche qu'une personne triste, ce qui m'avait arraché un rire. La piteuse tentative de Thimoé pour me faire rire m'était revenue en mémoire. Ma voisine de chambre devait sûrement être sensible aux chatouilles, alors, par surprise, je lui ai chatouillé les côtes. Le résultat était concluant, elle était partie dans un fou rire qui l'avait fait tomber sur nos lits. L'expression de son hilarité avait provoqué la mienne. Ses grands bras avaient bougé dans tous les sens et épuisée de la malmener, je m'étais écroulée près d'elle.

Nos respirations saccadées étaient le seul bruit dans la pièce. Nos épaules qui s'étaient frôlées me faisaient sourire. Je ressentais la chaleur de sa présence, le frisson de notre contact et les palpitations de mon cœur. En fouillant dans ma mémoire, je n'avais jamais réprouvé ça avec Kana. Oui, je riais avec mon amie imaginaire, j'adorais critiquer les gens avec elle, concevoir des plans pour manipuler le monde. C'était plus-ou-moins mes passe-temps, pourtant, ce jour-là, couchée près de Debby, je m'étais sentie vivante et heureuse, comme avec Thim et son chien. Il  devait y avoir une erreur quelque part.

-Si j'avais su que la fille parfaite du camp était aussi déjantée, je l'aurais parié pour devenir riche ! s'est-elle exclamée.

-Et si les gens savaient que la fille innocente était si folle et excentrique, j'aurais parié aussi.

-Ouais, on serait devenue riche ! Avec une Lamborghini et tout.

-Là, le délire va trop loin, ai-je ricané.

-Peut-être. Mais sérieusement, Yanaelle, je me demande : pourquoi tu fais ça ?

-Faire quoi ?

-Joue pas à l'innocente, tu sais de quoi je parle.

J'ai humecté mes lèvres en réfléchissant avec sérieux et sans aucune Kana pour influencer mon jugement.

-Et toi ? me suis-je contenté de répondre. Pourquoi tu portes un masque ?

-Aucune idée, on porte tous plus-ou-moins des masques, sauf que dans ton cas, on dirait que tu sais plus qui se cache là dessous. Pour moi... c'est un peu plus compliqué. A la base, j'aime pas faire de la peine aux gens, je veux que tout le monde se sente bien, j'y ai oublié mon propre bonheur quelque part dedans. Et puis, je tremble juste par le simple fait qu'on ne m'aime pas, qu'on n'accepte pas qui je suis, ce petit côté fou, du coup je le cache. C'est sûrement pour ça que je suis devenue la fille innocente un tantinet naïve, gentille et tout ça. Mais je crois que j'étais sur le mauvais chemin. Pour que les autres m'acceptent telle que je suis, je dois d'abord leur montrer la vraie moi, pas la cacher. La meilleure façon d'être accepté c'est d'être soi. Ensuite, c'est à eux de choisir, partir ou rester, même si en pratique c'est dur d'être nous quand on  l'a beaucoup caché.

-Waouh... bonne analyse. Comment tu l'as compris ?

-Grace à Ruf et Thim. Ils sont bruts, sauvages, vrai et ils m'ont accepté parce que avec eux j'ai été moi-même. J'en ai déduis qu'il y a pleins de personnes extraordinaires, bizarres, folles mais qui le cachent par peur d'être rejetées
alors que justement, il y a des gens comme eux ! Et puis, vaux mieux être aimé pour qui on est que pour quelqu'un que nous ne sommes pas. Non ?

J'ai doucement hoché la tête, en pleine réflexion. La terre est grande, immense, des milliards d'habitants, des milliards de personne et de personnalités différentes, il n'y avait donc aucun être comme moi ? Aucun Homme qui allait me comprendre et m'aimer moi et toutes les personnalités qui dansaient dans mon âme ? C'était invraisemblable.

Puis, un constat m'a frappé de plein fouet. Quand j'étais petite, j'avais une marge de mentalité entre les autres et moi, alors j'ai commencé à les mépriser, les voir comme de vulgaires moutons. Afin de ne pas qu'ils se rendent compte de mon véritable caractère, j'ai inventé la parfaite Yanaelle parce que mon esprit qui se croyait si malin ne pensait pas qu'un jour, j'aurais pu être aimée. Donc, j'avais grandi ainsi, enfermée dans une prison où personne à part Kana ne puisse m'aimer et me comprendre. Mais là, un problème se posait. Rufus, Debby, Thimoé. Je les avais choisi pour m'amuser, priant secrètement, comme un chuchotement, qu'ils trouvent la vraie moi sous ce masque et lui tendent les bras. C'était mon souhait au fond, même une fille comme moi, surtout une fille comme moi, comme n'importe quel adolescent, comme n'importe qui sur cette foutu terre, je n'aspirais qu'à une seule chose : être comprise et aimée. C'était simple, évident. Alors pourquoi j'avais l'impression que c'était le contraire ? Que tout se compliquait ?

-J'ai pas très envie de répondre à ta question, ai-je marmonné, le cerveau en ébullition.

Pour une fois je voulais le doute et les paroles acerbes de Kana pour me réveiller, me blesser, justifier cette peur qui a commencé à tordre mon estomac.

-C'est pas grave. On peut ne rien dire à moins que tu ne veuilles partir retrouver Arte Davenport, tu lui avais promis.

Zut ! Je ne voulais pas bouger, pas alors que mes pensées cognaient dans mon crane jusqu'à me donner une immense douleur à ce niveau.

Cependant, tandis que je m'apprêtais à répliquer, trois coups à la porte m'ont interrompus. J'ai échangé un regard avec ma voisine, tout aussi intriguée que moi.

Je me suis levée paresseusement avant d'ouvrir la porte, rageusement. Puis, sous le coup de la surprise, j'ai lâché un couinement. Mon cœur a loupé des battements, les papillons ont pris leur envol et mon cerveau a planté. Brutalement. Pendant longtemps, ou juste deux secondes. Trois. Jamais aucun garçon ne m'avait fait réagir ainsi, jamais.

-Re-bonjour, a-t-il commencé en souriant un peu, les joues rougies.

-Ah... heu... re-bonjour.

Ma voix était devenue rauque, comme si cela faisait dix ans que je n'avais rien dit. Mais je me suis vite reprise, me rappelant qui était la patronne et pourquoi je l'étais.

-Qu'est-ce que tu fais ici, Thim ? Les gens auraient pu te voir !

-Désolé Yanaelle, même si je ne suis pas désolé car je devais vraiment te voir et te parler, genre maintenant. Bon, c'est vrai que c'était risqué de venir ici, à quoi je pensais ? Bref, c'est pas le rapport je...

Je l'ai fait taire en posant mes mains sur son visages taché et rouge. La sensation de nos peaux en contact, la chaleur de ses joues, me faisait fondre. Elle m'a rappelé notre câlin et toutes ses sensations, m'ont retourné le ventre. Je le voulais, encore, le prendre dans mes bras et cette fois-ci, je placerais mon nez dans le creux de son cou pour humer son odeur sucrée, son odeur de miel. C'était presque magique, il y a un instant encore ma boite crânienne surchauffait de question, maintenant plus ou moins , sauf que c'était apaisant. Oui, ça l'était.

-Si avant je ne comprenais pas l'expression « se dévorer du regard » je viens tout juste de la comprendre, merci les gars.

La voix du chien m'a ramenée sur terre avec brutalité, un peu trop d'ailleurs. J'ai retiré avec mécontentement mes mains de Thimoé pour me pousser afin que nos hôtes puissent entrer dans ma chambre. Ce qu'ils s'étaient empressés de faire tandis que j'ai fermé la porte.

-C'est mignon, ici dis donc ! Pourquoi ça sent le sucre ? a demandé Rufus en reniflant tout ce qui lui tombe sous la main, confirmant mes soupçons sur ses véritables origines.

Debby s'est levée, le nez froncé après m'avoir demandé silencieusement l'arrivée du chien et du maitre.

-Les gars ? les a interrompu ma colocataire tandis qu'ils ont commencé à manger nos bonbons.

-Oui ? ont-ils répondu à l'unisson.

-Qu'est-ce que vous faites ici ?

-Chon chai djnenu chami avec Yanaelle.

-Pas la bouche pleine Rufus !

Il a roulé les yeux, crachant les bonbons dans sa main la mettant ensuite dans celle de son meilleur ami. Ce dernier avant de me regarder, crache aussi ses sucreries dans le sachet d'Haribo et ceux de son clébard en me souriant. Je n'arrive pas à croire que je craque pour lui.

-On est venu pour devenir amis avec Yanaelle ! a enfin répondu l'amérindien. Thimoé veut devenir son ami et plus - mais pas maintenant, il est trop jeune-mais ta voisine l'a recalé, il s'est tourné vers moi pour que à nous deux on devienne ami avec elle.

-Ah ? Je ne sais pas si je dois m'étonner ou non...

-Tu veux devenir amie avec Yanaelle ? est-intervenu Thimoé en se mettant débout.

-Ouais ! acquiesce ma voisine.

-Super ! Ruf dit que les films, ça soude les liens. On va le regarder sur son ordi avec Yanaelle, et bim ! On devient ami, c'est cool, hein ? Tu es partante ?

-Oui ! Même si on a déjà vu un film avec elle.

Debby m'a pointé du doigt et durant une seconde, j'ai existé avant qu'ils ne m'ignorent pour parler :

-T'inquiètes, ça pose pas de soucis, a dit Rufus en haussant les épaules. Bon, on doit aller chercher mon ordinateur dans notre chambre, on était juste venu vous prévenir, on revient vite.

Debby a sautillé, heureuse pendant que j'étais restée bloquée. Par automatisme, je les ai raccompagnés à la porte, mais au lieu de suivre son meilleur ami, Thimoé était resté, le sourire qui plisse ses yeux scotché à ses lèvres.

-Pourquoi tu fais ça ? je lui ai demandé.

Il m'a fixé droit dans les yeux, sans ciller, avec une lueur de détermination, si grande, si vivante, comme un feu de bois. Elle a redonné une étincelle au marron de ses iris et aussi facilement j'ai été prise de frissons, d'une chair de poule juste provoqué par un regard, pas n'importe lequel,  heureusement.

-Je veux être ton ami, je le veux vraiment et je le serai. Je veux que tu saches que tu n'es pas seule et que tu mérites d'être aimée, t'es pas un monstre, ça se peut que t'es un peu fêlée, on l'est tous, c'est pas grave. Je m'en fiche si je fini blessé, je vais prendre le risque parce que tu le mérites et que je t'apprécie trop pour te laisser tomber. C'est ça l'amitié aussi.

Le sourire qu'il a fait à la fin de son speech brillait plus que le soleil. Il a atteint mon cœur à la vitesse de la lumière et purée de baston de mercredi, j'avais les larmes aux yeux. S'il m'avait pris dans ses bras, j'aurais craqué, je me serais effondrée et j'aurais versé des larmes de frustration qui me piétinent souvent de l'intérieur. Au lieu de ça, il m'a encore sourit , c'était le grand retour des papillons.

-Tu ne vas pas y arriver si facilement, ai-je finalement dit.

-Je sais, j'aime bien les défis !

Il a marché à reculons jusqu'à la petite marche sans rompre notre contact visuel. Le charme s'est malheureusement brisé quand il a détourné les yeux pour partir. Je suis entrée dans la chambre, le cœur en émoi, m'adossant au mur pour respirer.

-Preuve numéro onze, a chuchoté Debby.

-Quoi ?

-Le sourire sur tes lèvres.

Et j'ai essayé de le chasser en vain.

-Je viens de perdre mon innocence, a soufflé Debby en cachant son visage.

-Et moi aussi.

-Tss, mec, ne fais pas l'innocent, je te l'ai déjà lu et pire ! a ricané le chien.

-C'est différent ! C'est effrayant ! Je veux plus jamais entendre parler de Threety Shades of Christian.

-C'est Fifty Shades of Grey, avons-nous rectifié mon petit chat et moi d'une même voix.

Thimoé a secoué la tête l'air de dire « de toute manière c'est pareil ». Cela faisait quelques heures que nous étions enfermés dans ma chambre, lumière basse en regardant 50 Nuances de Grey. D'après Le Chien, ce film était le meilleur ciment pour notre amitié. C'était insensé, je n'avais pas essayé de le contredire. Malgré l'extravagance de nos hôtes, cet après-midi était mémorable, entre sourire discret, rire déployée et plaintes par-ci par-là, c'était amusant, relaxant, chouette. Je m'étais sentie plus que bien, à l'aise, dans mon élément, mon chez moi.

-On parle pas du fait que j'ai perdu mon innocence ? s'est plainte Debby d'un air boudeur.

-Fallait bien que ça arrive, ai-je dédramatisé en souriant en coin. Au moins tu ne seras plus surprise le jour venu.

-Argh ! Tout sauf ça ! Le sexe c'est dégueulasse !

-Je confirme, a approuvé Thimoé.

Son chien et moi avons échangés un regard entendu. C'était bizarre, devant la candeur de Thim et de Debby, je devenais une perverse, rôle qui devenait seulement appartenir à l'amérindien de notre quatuor.

Nous nous sommes regardés avant de transformer nos gloussements en éclat de rire. Une nouvelle habitude que j'avais acquise à cette soirée entre « amis » : s'esclaffer pour un rien, souvent juste pour une réplique bancale ou une atmosphère étrange.

Et comme tout à l'heure, des coups s'étaient fait entendre coupant court à notre hilarité. Je n'ai pas paniqué avant de chuchoter aux garçons de se cacher sous les lits et vite. Ce qu'ils avaient fait sur le champ.

J'ai inspiré, me préparant à reporter le masque de la fille parfaite aux cotés de Debby.

-Yanaelle ! s'est exclamée une fille albinos quand j'ai ouvert. Oh et Debs.

-Oui, c'est nous ! Qu'est-ce qui se passe ?

-Tu n'as pas vu l'heure ? On est venus vous chercher pour le feu de camp. On dirait que vous vous êtes éclatées ! a continué une brune qui accompagnait Karyn, la fille albinos.

-Une soirée entre fille. On se dépêche si tout le monde est là, ai-je déclaré.

-Na, il manque Rufus et Thim, d'ailleurs on doit aussi partir les chercher.

-J'avoue que je ne voulais pas, mais dernièrement, je les trouve grave cools et sexy, surtout Thim. Tu le trouves pas trop canon avec ses taches de rousseurs ? Il a un charme de fou !

La brune a fait semblant de se souffler en papillonnant des cils mais je voyais bien que derrière son cinéma se cachait une réalité qui ne me plaisait pas. Je n'aimais pas cette possessivité qui m'a saisie. Thimoé ne m'appartenait pas, pas totalement, pas encore mais bientôt. J'allais m'en assurer. Un regard échangé discrètement avec Debby et elle a compris aussitôt.

-C'est vrai qu'ils ont leur charme et pas seulement que physiquement. Oh et si on partait les chercher à votre place ? Debby ?

-Oui, ça ne nous dérangerait pas ! Vous pourrez vous reposez.

-Pas la peine, a répondu Karyn. Ça nous va parfaitement bien !

-Oh, d'accord, pas de problème. J'espère juste qu'ils ne seront pas occupés. Ils sont très proches, tu sais.

-Ah bon ? Et comment vous le savez ?

J'ai échangé un sourire entendu avec ma colocataire.

- On passe notre temps avec eux, vous ne l'avez pas remarqué ?

-Euh si... et vous êtes sûres qu'ils ont ce genre de relation ? a insisté la brune, visiblement déçue.

Bien sûr p'tite idiote. J'avais failli soupirer de joie. Je détestais toujours autant le monde, à quelques exceptions près.

-Oui, je croyais que c'était assez évident, a parfaitement dit Debby.

-Ah, dans ce cas on vous les laisse. Revenez vite hein !

Nous leur avons souri avant qu'elles ne prennent la poudre d'escampette. Mon sourire s'est élargi quand j'ai fermé la porte.

-J'arrive pas à croire que j'ai mentis comme ça ! s'est plainte Debby en enfouissant son visage dans ses mains.

-C'est pas grave, j'ai fait pire et je suis pas morte.

-Ça c'est toi ! Comment tu fais d'ailleurs ?

-C'est un don, ai-je soufflé. Sortez de votre cachette les gars.

Rufus a sorti sa tête en premier, un air fier au visage. Tout le contraire de Thimoé qui avait rougi comme une tomate.

-Je... o... on me trouve sexy, a-t-il murmuré les yeux ébahis. Moi ! Vous vous en rendez compte ? C'est de la magie !

-Non, juste la réalité, mec. On va devenir des tombeurs !

-Ouais c'est ça. En attendant dégagez de notre chambre, leur ai-je ordonné sévèrement.

-Mais et mon ordi ? m'a questionné Lechien sur le palier.

-Thimoé le récupérera ce soir, n'est-ce pas ?

Nos regards se sont entrelacés en un instant, par-delà l'épaule de son animal de compagnie. Une fraction de seconde pendant laquelle le temps a tourné au ralentis, les oiseaux avaient cessé de battre des ailes, le souffle s'était suspendu, le monde était concentré sur nous, seulement nous.

-Bien sûr, m'a-t-il souri.

-Bien.

Je n'ai pas ajouté autre chose, les regardant partir discrètement, me demandant comment ils pouvaient jouer aux espions de manière si nulle. Ils avaient un problème.

-On y va ?

Je me suis tournée vers Debby. Cet après-midi avait des allures de grandes promesses, d'instant magique, d'immenses changements. Il m'a rappelé ce moment où la machine a été lancée.

-Ouais.

Salut cher journal.
Dit, tu crois qu'on peut avoir du sang sur les mains sans avoir forcement tenu l'arme du crime ? Tu y crois, à ces gens qui rejettent la faute de leurs mauvais choix sur les fréquentations peu recommandables ? Après tout, ils sont allés de leur plein gré vers ces personnes, pourquoi ils les accusent de leurs propres erreurs ? Je crois que j'ai fait une erreur, salut cher journal. Je ne pointe la faute sur personne. Mais est-ce que je peux au moins accuser Kana pour l'indifférence que me procure la souffrance d'autrui ?

Yanaëlle Cox, 15ans.

┊ ✫ ˚♡ ⋆。 ❀ ┊ ☪︎⋆ ⊹ ┊ . ˚ ✧

Heeeeeeeeeey mes petits chocolats en forme de coeur ! 

Comment ça vaaaaaaaaaaaa ?

Votre fin de semaine ?

Et la saint Valentin ???
( perso j'ai pas de valentin mais j'ai quand même eu un cadeau 😋 )

Comme promis, voici un nouveau chapitre !

Je dois avouer que je l'aime beaucoup beaucoup ce chapitre ! On voit les liens qui se tissent entre les perso ( surtout Yanaëlle et Debby ). C'est un chapitre important et sans vraiment prise de tête, simple et doux.

Vous validez alors ?????

☆ Vous pensez quoi de Debby dans ce chapitre ? Elle est un peu plus chouette hein 😏 ?

♡ Le comportement de Yanaëlle devient de plus en plus compréhensible non ? Elle se redécouvre et ça c'est chouette !

◇ Enfin... que pensez-vous du geste de Thim et Rufus ??? Ils sont adorables de vouloir devenir avec Yanaëlle hein ? ( même si clairement ce n'est pas en regardant des films qu'on devient amis mais bon on va rien dire hein😂 )

Voili voulouuuuuu c'est tout pour cette semaine !

Puisque ce sont les congés, je pourrais certainement écrire rapidement et proprement le prochain chapitre ! Même si je ne sais pas vraiment de quoi il parlera 😂

mais j'ai quelques idées intéressantes 👀

QUESTION POUR APPRENDRE À SE CONNAÎTRE :

C'est quoi votre film préféré ????

C'était moi ❤‼

Bisous namoureux 😽💚

Tant tendrement

Phanuelle ❤

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