Track3 - Catgroove
— Marcus ! T'as mal au cul ? C'est normal parce que tu t'es fait enculer Marcus !
— La ferme Loren !
Je crie dans mon talkie-walkie comme un chien enragé. Le gala de charité remonte à bientôt deux semaines mais Loren n'a pas arrêté de me faire chier depuis.
J'aimerais tellement qu'elle disparaisse pour de bon ! Si seulement je pouvais la tuer... mais non ! C'est bien trop rare les démons « invisibles » !... putain.
J'attends à l'entrée du bâtiment administratif. Notre but ce soir est de voler un dossier rempli d'informations confidentielles sur la famille royale de Solis. Je ne vois pas ce que notre client pourrait trouver d'intéressant mais je m'en cogne complètement, tant qu'il paye bien.
Chaque garde occupant le bâtiment est sous mon contrôle mental pendant une durée limitée, ça demande pas mal de concentration et d'énergie. Finn guide Loren à distance avec son talkie, quant à elle, elle ne doit devenir invisible que quand elle est dans le champ des caméras.
« Tiens. »
Finn m'adresse ses premiers mots depuis une semaine en me tendant un mouchoir pour essuyer le sang coulant de mon nez.
— Loren, dépêche-toi de sortir je vais bientôt atteindre ma limite.
— C'est bon l'corbeau, j'ai les documents, j'arrive !
Je déteste quand on m'appelle comme ça. Si elle me cherche encore, je jure qu'elle va le regretter.
« Tu sais ce qu'on va faire de tout l'argent Marcus ? Finn et moi on va se prendre un petit week-end à la plage et on fera la fête toute la nuit ! Et toi tu vas faire quoi ?... Oh j'avais oublié ! Tu vas juste rembourser tes dettes et passer un week-end de merde ! »
Finn se retient de rire et sa copine me casse trop les couilles. Je relâche mon emprise sur les gardes un peu avant qu'elle sorte, histoire de me venger.
— Putain Marcus ! Qu'est-ce qui se passe ?!
— Je serai toi, je la fermerais.
Finn me lance un regard mauvais mais je l'ignore complètement et commence à rejoindre ma Mustang. Nous attendons dix minutes et voyons Loren arriver vers nous toute essoufflée. Elle se jette à l'arrière et je démarre le plus silencieusement du monde. Elle ne dit rien pendant tout le trajet et tant mieux car je suis à deux doigts de la balancer sur la route.
Arrivé au garage, Denis nous attend et récupère les documents puis nous le suivons jusqu'à la bibliothèque et notre planque secrète. Je m'écroule dans mon fauteuil, exténué et regarde Loren faire de même dans le canapé. Elle ne dit toujours rien mais je sens de la haine dans ses yeux, elle va bientôt exploser.
— POURQUOI T'AS FAIT ÇA MARCUS ?! s'exclame-t-elle.
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
Elle croise ses bras sur sa poitrine et Finn l'a rejoint pour l'embrasser dans le cou. Loren, trop furieuse, se lève et se réfugie dans la petite salle de bain.
« T'es chiant Marcus », me sors Finn en se levant pour la rejoindre.
La porte se claque violemment. Je sens le regard de Denis sur moi mais je sais qu'il ne va rien me demander, il est comme ça : dès qu'il a sa récompense, il s'en fout du reste.
Une vingtaine de minutes plus tard Loren et Finn sortent de la salle de bain. Denis leur jette leur part du butin et ils partent sans rien dire.
C'est tellement agréable quand Loren se tait !
Il me tend ma part : 40.000veo. Ça rembourse les enchères d'il y a deux semaines mais il ne me reste que 500veo pour vivre.
— Youpi...
— Ça va aller niveau nourriture ? Ne te fais pas arrêter en pleine rue en train de dévorer le bras d'un humain.
— Tu me reconnais bien là Denis ! dis-je en rigolant amèrement, surement parce que ça m'est vraiment arrivé il y a quelques années.
— Tu n'as pas rendez-vous avec la miss Martel demain ?
— Si.
Je laisse tomber ma tête en arrière, fatigué et las. Si au moins Denis me parlait du but de cette mission... Un truc à voler chez le Premier ministre ? Chez le président ? Si seulement je savais au moins combien ça va me rapporter...
— Cinq millions de veo.
— Pardon ? dis-je en sursautant.
— Tu as parlé à voix haute. Cette mission va te rapporter cinq millions de veo.
— Tu déconnes ? chuchoté-je en me rapprochant de lui.
— Cinq millions chacun, toi et moi. N'en parle pas aux autres.
Je hoche la tête toujours sous le choc.
Cinq putains de millions de veo ! Je serai riche, je pourrai quitter cette ville pourrie ! Je pourrai me payer une petite maison en bordure de la capitale du soleil et vivre tranquillement... Je vais devoir donner le paquet demain !
💰 💰 💰
J'ai trop dormi. Mon pouvoir totalement à plat hier soir, je me suis écroulé sur mon vieux matelas et ai oublié d'actionner mon réveil. Moi qui devais tout donner aujourd'hui, j'ai juste enfilé un t-shirt, une veste et un pantalon basique. Pas de fleur, rien en plus. Plus basique pour un rendez-vous tu meurs.
Je regarde ma montre : 15h. Fais chier, j'ai une heure et demie de retard. Je cours comme jamais vers la gare, notre point de rendez-vous, et ressens quelques gouttes sur mon front... alors que je n'ai rien prévu contre la pluie.
J'arrive devant la gare, trempé, mais je ne prends pas la peine de m'abriter et je la cherche du regard. Peut-être qu'elle est déjà partie ? Si seulement on avait un moyen de se contacter.
Je fais le tour de la place mais je ne la trouve nulle part. Je suis en train de passer à côté de cinq millions de veo à cause d'un retard de réveil. J'ai perdu 30.500veo pour rater un rendez-vous.
Tout ça me fatigue, la vie me fatigue.
Je m'écroule au sol et à peine abrité par la structure en fer au-dessus de moi, j'observe les gens.
Qu'est-ce que j'ai raté dans ma vie de démon pour galérer à ce point ? Depuis la fin de la guerre j'erre sans buts, sans objectifs, sans intérêts si ce n'est survivre. Ça ne fait pas partie des principes des démons. Peut-être que je devrais retourner au servir du seigneur des démons de l'Ouest ? Avec quelques sacrifices il pourrait me reprendre en tant que bourreau...
« Hey. »
Je lève la tête et vois un ange. Un doux sourire, des yeux malicieux, des mèches de cheveux sortant un petit béret noir et une robe bleue arrivant à ses genoux. Ivy Martel. Elle tient un parapluie jaune au-dessus de ma tête et attend que je me relève, ce que je fais avec maladresse.
— Vous êtes en retard.
— Seulement si on regarde l'heure.
Elle mime un air faussement contrarié avant de rigoler la main devant sa bouche. Je sens quelque chose se serrer à l'intérieur de moi mais j'ignore cette sensation inconnue.
— Vu la somme que vous avez donné pour ce rendez-vous, je me doutais bien que vous ne me poseriez pas de lapin.
— Ça c'est sûr.
Elle regarde sa montre puis observe l'état dans lequel sont mes vêtements, je dois sentir le vieux chien mouillé. Ce n'est pas avec ça que je vais la faire craquer.
— Ne vous inquiétez pas, me dit-elle, on trouvera bien un mage qui acceptera de vous sécher vos habits avec un sortilège.
— Euh non ce ne sera pas la peine, ça ne me dérange vraiment pas d'être mouillé.
Elle me lance un regard dubitatif mais fini par sourire. Si je m'approche trop près d'un mage il découvrira ma vraie nature et la mission échouera.
Elle me tend son parapluie et se rapproche de moi pour s'abriter. « Vous êtes plus grand que moi donc vous portez le parapluie ! ». Elle a parfois une attitude enfantine et parfois plus mature, je ne sais pas trop comment agir avec elle.
Ivy Martel m'entraîne, après dix minutes de marche silencieuse, dans une galerie marchande. Je tire une mine désespérée en imaginant passer mon samedi à faire les magasins avec une femme, expérience déjà vécue et à ne jamais revivre. Elle me fait traverser toute la galerie et nous fait ressortir par une petite ruelle coincée entre deux bâtiments. Elle pousse la porte de ce qui semble être un poissonnier vu l'enseigne mais nous nous retrouvons à descendre plusieurs escaliers sombres avant d'atterrir dans un petit hall.
— Est-ce que vous m'avez emmené ici pour me tuer ? dis-je en rigolant, rire cachant ma méfiance naturelle.
— Bonjour madame, monsieur, m'interrompt un homme en costume. Deux places c'est ça ? Vous avez de la chance, il n'y a pas foule aujourd'hui.
— Parfait ! Merci !
Elle me prend le bras et me fait passer par sous une arche.
« Cet endroit est parfait pour ne pas vous souciez de vos vêtements trempés. »
Elle me devance, se retourne et me fait signe du doigt de la suivre, ce que je fais avec un peu d'appréhension. Soudain nous nous mettons à flotter, nous sommes entourés d'eau et des poissons multicolores nous entourent. J'ouvre la bouche et constate que je peux parfaitement respirer sous cette eau. Je regarde Ivy s'amuser avec une tortue, le visage irradiant de bonheur.
« C'est un de mes endroits préférés à Neon. Ça fait des années que je ne suis pas venue ici ! C'est un aquarium situé sous la galerie marchande mais accessible que pour les connaisseurs. Ici, la magie nous permet de respirer et de nous mouvoir naturellement dans l'eau. C'est génial non ? »
Je lui souris pour approuver. C'est vrai qu'il y a une atmosphère reposante ici qui ne me déplaît pas. Je pensais m'ennuyer à ce rendez-vous, exécuter monotonement ma mission mais je commence à m'amuser. Elle décide de me faire faire le tour de l'aquarium en entier et de me montrer tous les poissons. Nous restons dans l'aquarium pendant presque deux heures et demie.
Nous ressortons fatigués et complètement trempés tous les deux. L'homme à l'accueil nous fournit des tenues de rechange : t-shirts blancs basiques, jeans et baskets ainsi qu'un sac décoré de motif de tortue pour transporter nos habits mouillés. Ivy décide de tout payer malgré ma tentative de galanterie.
Je n'ai marqué aucun point dans ce rendez-vous avec elle.
Elle me reprend le bras et m'entraîne cette fois dans un petit café juste à côté de l'aquarium. À cette heure-ci et dans un lieu pareil, nous sommes les seuls clients ce qui permet de créer une atmosphère intime très utile pour mon objectif.
— Un café pour moi.
— Un chocolat viennois, s'il vous plait, merci !
Ivy sort une petite boite de son sac à main et la pose sur la table, toute fière. Avant de l'ouvrir, elle replace une mèche blonde derrière son oreille ce qui ne sert à rien vu que ses cheveux sont dans un état pas possible après l'aquarium et que ses mèches reviennent toujours devant ses yeux. Le serveur nous dépose nos commandes et nous regarde curieusement.
Avec nos habits semblables, nous avons l'air d'un couple d'amoureux abrutis, un peu comme Loren et Finn, qui font TOUT ensemble.
« Avec nos tenues, on a l'air d'un couple d'amoureux un peu abrutis. »
Je rigole doucement à ces paroles, on est sur la même longueur d'onde.
« Bon, on n'a pas eu trop d'occasions de vraiment se parler à l'aquarium. Tout d'abord je voulais vous donner ça, me dit-elle en poussant la petite boite vers moi. »
Je l'ouvre et découvre un cupcake au fruit identique à ceux du gala, si ce n'est qu'elle a rajouté des copeaux de chocolat dessus. Je feins un sourire et croque dans le cupcake à contrecœur.
Ce n'est pas une question de goût, c'est juste que la nourriture des humains, excepter les boissons, est infecte pour les démons si elle n'est pas au moins composée d'un ingrédient d'origine humaine comme du sang ou des morceaux de chair...
Son cupcake est juste extrêmement sucré, mais a toujours un goût de sable. Je la vois me regarder avec le plus grand des sérieux mais je continue de sourire.
« Est-ce que je peux vous appeler Marcus au lieu de « monsieur » ? Je trouve que ça vous vieillit alors que vous devez avoir quoi, 25-27 ans ? »
Si elle savait.
— Oui vous pouvez, si je peux vous appeler Ivy. Et oui j'ai... 27 ans.
— Cinq ans de différence ! Et vous semblez tellement plus mûr.
— Vous avez encore toute la vie pour gagner en maturité, dis-je en rigolant.
— Non.
Son regard est concentré sur son chocolat et elle continue de sourire. Je lève son menton de mes doigts et vois ses yeux devenir de plus en plus humides.
« Je vais bientôt mourir. »
N'hésitez pas à voter et donner votre avis en commentaire ! ❤
[Deuxième correction le 26 avril 2019]
Photo de couverture © Moon
https://youtu.be/WXrdYwG17PE
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top