Track2 - Butterfly
« Putain Marcus, ma coiffure ! Va moins vite ! »
Loren n'arrête pas de se plaindre depuis qu'on est parti du QG.
Elle me casse les couilles.
J'accélère pour ne pas lui donner satisfaction et Georgina, assise à côté de moi, ne manque pas de me frapper le bras pour me faire ralentir.
Mais qu'elles sont chiantes ces démones. Si seulement Finn ouvrait la bouche pour me soutenir... toujours un renard muet obéissant aveuglément à sa maitresse.
Je gare ma caisse près d'autres voitures de luxe et nous nous dirigeons en groupe vers notre mission : opération « vole à un gala de charité / on est des putains d'enfoirés ».
...C'était au tour de Loren de choisir le titre de la mission.
Nous entrons avec le plus de classe possible dans le grand hall de l'hôtel de ville où se déroulent les festivités. Nous nous séparons comme selon le plan et je me dirige directement vers le bar, histoire d'avoir une vue d'ensemble.
— Bonsoir monsieur, que désirez-vous ? me demande le barman.
— Juste un peu de champagne, réponds-je, je n'ai pas l'habitude de boire.
— Très bien monsieur.
Il me tend une coupe que je ne vais surement toucher qu'à peine. J'ai vraiment du mal avec l'alcool. J'observe le maximum de convives et repère mes acolytes bien afférés à leurs tâches : Georgina, avec toute la simplicité du monde, est déjà en train de draguer un député. Loren et Finn quant à eux, se rapproche d'un couple de millionnaires que j'ai déjà vus dans les journaux.
— Hello, vous ! me dit une rousse plantureuse en me touchant l'avant-bras. Vous êtes seul ? Est-ce que vous désirez un peu de compagnie ?
— Non ça va aller.
— Moi je pense que nous passerions une très bonne soirée ensemble.
Elle s'accroche à moi telle une sangsue et doit penser que je suis plein aux as.
Si elle savait elle serait bien déçue.
Je la regarde droit dans les yeux et lui murmure « Va-t'en », ordre qu'elle exécute à la perfection grâce à mon pouvoir.
Bon. Je dois absolument trouver le Premier ministre pour trouver sa fille. Il faut que je m'imagine à quoi peut ressembler la petite gamine blonde et rondouillette de la photo et ça dix ans après.
Je repère de loin une femme qui pourrait correspondre à cette description et va la rejoindre au buffet. Blonde, rondouillette, la vingtaine. Bingo !
— Bonjour madem...
— C'est quoi ce service de merde ?! Depuis quand on sert des cupcakes aux fruits à une réception chic ?! IL EST OU LE CHOCOLAT HEIN ? Vous voyez du chocolat vous monsieur ?
— Euh...
J'avoue qu'elle m'a un peu perturbée sur le coup. J'attends qu'elle ait fini de parler pour pouvoir lui demander son nom mais elle ne cesse de plaindre.
Pourquoi je ne rencontre que des chieuses ?!
*BOUM*
Une femme un peu plus petite s'est cognée contre mon dos... avec un plat des mêmes cupcakes aux fruits, cupcakes qui se sont étalés sur l'arrière de ma veste...
Quelle soirée de merde.
Avant que je puisse totalement me retourner, la « folle du chocolat » se plante devant la petite blonde et saisie un de ses cupcakes.
« C'est vous qui apportez ces horreurs ?! Ce n'est pas un goûter d'anniversaire chérie, c'est un gala de charité ! Personne ne va payer pour vos pâtisseries d'enfant ! »
La « miss fruits » s'excuse une multitude de fois envers « la folle au chocolat » qui repose sans ménagement le cupcake qu'elle avait saisi. Une fois partie, je décide de détailler la fille qui m'est rentré dedans : une femme à peine adulte, de longs cheveux blonds, mince, de taille moyenne. Elle lève enfin la tête vers moi pour s'excuser, ce qui me permet de voir ses yeux bleus/verts remplis d'innocence.
— Vraiment désolé monsieur ! dit-elle en essayant de réparer ses erreurs. Je ne voulais pas vous salir et vexer votre femme !
— Ce n'était pas ma femme, juste une folle de chocolat.
Elle rigole doucement, un petit rire charmant et enfantin. Je retire ma veste couverte de petites taches de glaçage, de bouts de fraises et de kiwis.
Elle m'a coûté cher et je pleure déjà sur le prix du pressing.
— Je vous rembourserai le nettoyage ! dit-elle avec un air désolé. Promis !
— Ça va aller... je veux bien que vous m'offriez un de vos cupcakes en échange.
— Ah non ! C'est une soirée de charité, ils sont à vendre !
Elle dit ça avec un air sérieux en fronçant les sourcils puis rigole à nouveau et m'offre un de ses cupcakes.
Urgh. C'est hyper sucré et ça a le goût de sable dans la bouche d'un démon, du sable sucré. Pourquoi lui ai-je demandé ça ?
J'esquisse un sourire pour indiquer qu'il est très bon et elle me sourit en retour. Elle dépose le reste des cupcakes non abimés sur la table et indique le prix « 2veo » sur une petite pancarte à côté d'un bocal vide.
— Les affaires ne marchent pas bien à ce que je vois.
— Cette dame avait raison, j'aurais dû au moins mettre des copeaux de chocolats...
— Mais non, c'est très bien comme ça, dis-je pour la rassurer à la vue de sa mine dépitée.
— Eh bien moi j'adore ces cupcakes ! nous interrompt un homme.
Je me retourne et tombe nez à nez avec le Premier ministre.
Bingo.
Il me tend la main, que je saisis aussitôt :
— Cristobald Martel, enfin je ne sais pas si c'est bien utile de me présenter !
— Honoré monsieur le Premier ministre. Marcus, appelez-moi juste Marcus.
— Et qui est cette charmante demoiselle aux cupcakes ??
La jeune femme se jette dans ses bras en s'exclamant « Père ! ».
Double bingo, si ça ce n'est pas de la chance !
— « Juste Marcus », je ne pense pas que vous la connaissez mais laissez-moi vous présenter ma fille unique, Ivy Martel, qui revient au pays après ses études à l'université la plus réputée de Solistis, s'il vous plait.
— Père, arrêtez, c'est gênant.
J'attrape la main d'Ivy et me penche pour lui faire le baisemain, ce qui ne manque pas d'impressionner son père mais qui la laisse... de marbre ?
Étrange, ça fait toujours son petit effet chez les femmes...
— Vous êtes très courtois, Marcus. J'espère vous recroiser au cours de la soirée ! En attendant Ivy, tu dois te préparer pour les enchères, même si je n'approuve pas ta décision.
— C'est pour la bonne cause père ! À plus tard monsieur et encore désolé pour votre veste.
Je lève la main pour lui signifier que ce n'est pas grave, pas grave du tout vu ce que cette mission pourra me rapporter. Je file déposer ma veste au vestiaire et reste en chemise blanche/nœud papillon bleu. Je croise Georgina accrochée au bras d'un autre député, elle me fait un de ses sourires et regards moqueurs dont elle a le secret.
Qu'elle enfoirée.
Au bout de 30 minutes, je suis le reste des convives vers une petite estrade avec une banderole « Vente aux enchères / Faites preuve de charité ». Le maire fait un discours sur l'importance des dons, la fondation qu'il a créée, les associations d'aide aux orphelins et ne manque pas de souligner que le monde serait meilleur sans « tous ces effroyables monstres que sont les démons ». Je savais que le maire était raciste mais je ne pensais pas qu'il l'affirmerait aussi fièrement devant des membres du gouvernement soutenant la cause démoniaque. Je m'appuie contre un mur, à l'écart et observe la scène sur laquelle défilent des tableaux, des sculptures, des photos de grande valeur, etc. Les prix flambent rapidement et j'en viens à me demander comment toutes ces personnes ont pu se faire « légalement » autant d'argent.
« ...Et nous allons clôturer la vente par une catégorie que vous attendez tous : la vente de rendez-vous ! »
La quoi ? Ah oui, on enchérit sur la possibilité d'avoir un rendez-vous avec une personne connue, c'est dégradant mais assez distrayant. Le premier lot arrive est...
Bordel ils ont osé.
Une femme très bien habillée mais enfermée dans une cage arrive sur scène.
« Un succube. Démon ayant l'apparence d'une très belle femme pouvant satisfaire tous vos besoins ! Vous pourrez l'emprunter à monsieur le maire le temps d'une soirée avec comme prix de base 500veo ! »
Je cherche mes acolytes du regard : Loren et Finn sont choqués par le spectacle mais Finn retient le bras de sa bien-aimée pour qu'elle n'intervienne pas. Georgina, elle, se mord seulement la lèvre mais je sens qu'elle bout à l'intérieur.
C'est tellement dégradant pour notre communauté... Certes, nous agissons chacun pour nos intérêts mais je pensais que depuis la guerre les gens avaient compris que nous n'étions pas que des monstres, que nous essayons de nous intégrer de plus en plus, que nous faisons un effort pour ne pas manger un humain quand l'occasion se présente.
Les enchères continuent, des hommes comme des femmes défilent sur la scène et se font « acheter » leur temps libre, des sorties au restaurant, des journées shopping, des soirées théâtres, etc. Soudain, le prix qui m'intéresse me fait me redresser et me rapprocher de la foule : c'est elle, ma mission.
« Une vente particulière, notre plus jeune participante ! Miss Ivy Martel, fille de notre Premier ministre, qui vous propose un après-midi avec elle. Avec l'accord de son cher père. Présentez-vous un peu, miss Martel. »
Elle prend timidement le micro et balaye doucement sa robe bleu pastel.
« Bonjour tout le monde. Rebonjour la folle du chocolat qui n'a pas aimé mes cupcakes aux fruits. »
Elle fait un signe de la main vers ladite personne qui devient plus rouge qu'une tomate. Son geste déclenche des rires discrets dans l'assemblée.
Elle est étrange cette fille.
« Je m'appelle Ivy, poursuit-elle, et je suis la fille du Premier ministre de notre belle république qu'est Nuoveo. J'ai beau aimé notre pays, j'ai décidé il y a quatre ans de poursuivre mes études à l'Université de Solistis, dans la royauté voisine. J'ai étudié un peu tous les domaines comme la sociologie, la science, l'art, l'économie, l'histoire de la magie mais un domaine a énormément retenu mon attention : l'étude des arts démoniaque. À Solistis, les humains, les mages et les démons arrivent à coexister ensemble. Ce n'est pas toujours très harmonieux mais c'est cent fois mieux que dans la ville de Neon. Je m'adresse à vous maintenant monsieur le maire : j'ai étudié tous vos rapports et les décisions que vous avez pris concernant la communauté démoniaque et je tenais à vous dire que vous êtes un putain de raciste. »
Les gens se mettent à chuchoter entre eux et la tension est palpable dans la salle. Le maire est à deux doigts d'exploser de rage mais se retient car c'est la fille du Premier ministre, celui-là même qui tente de cacher son sourire.
Cette fille est étrange mais elle porte « ses couilles » !
« J'ai décidé de participer à ce gala de charité pour soutenir l'association « Nous ne sommes pas tous des monstres », association aidant l'intégration des démons dans le quotidien des humains et des mages. Certains trouveront que j'agis de façon irréfléchie, que je ne suis qu'une gamine de 22 ans qui ne connait rien à la vie, et vous avez raison ! Mais je veux que ma ville, mon pays, devienne un endroit où il fait bon vivre et ça peu importe la communauté d'où l'on vient ! »
Le Premier ministre, quelques députés et grandes personnalités applaudissent à la fin de son discours. D'autres ne font qu'approuver avec un hochement de tête quand certains critiquent.
« Bon, je vais arrêter de vous faire perdre votre temps ! « Un après-midi avec la fille du Premier ministre » est toujours à vendre pour soutenir l'association dont je vous ai parlé. Je ne vous en voudrais pas si personne ne veut enchérir. »
Le silence se fait.
— 500veo ! crie un homme.
— 1000veo ! crie un autre.
La mise continue d'augmenter jusqu'à 5000veo. Bon, c'est chaud, je vais devoir dévaliser une banque mais pas le choix, c'est pour ma mission.
— 5000 une fois ! 5000 deux...
— 6000veo ! crié-je.
Tout le monde se retourne vers moi, l'homme silencieux depuis le début de l'enchère et qui arrive à la fin de la bataille.
« 7000veo ! » renchérit un vieil homme.
C'est quoi ce vieux pervers ? Il veut passer un après-midi avec une fille quatre fois plus jeune que lui !... Ah oui, je suis mal placé pour parler.
Ivy me regarde surprise mais c'est surtout son père qui m'incite du regard à continuer d'enchérir. Il n'a surement pas envie de laisser sa seule fille avec ce type au regard lubrique.
— 8000veo ! crié-je.
— 10.000veo !
Putain... J'ai déjà des dettes mais là je suis foutu. Je tente le tout pour le tout, quitte à être ruiné, autant l'être au maximum :
« 20.000veo ! »
La salle entière s'exclame et j'entends d'ici le rire de Loren.
Pitié le vieux, abandonne !
— 20.000 une fois, 20.000 deux fois,...
— 30.000veo !
MAIS BORDEL IL VA SE TAIRE LE VIEUX !
Il se tourne vers moi et lève ses sourcils poilus l'air de dire « t'es foutu mec ». Je profite de croiser son regard pour activer mon pouvoir et crie « LAISSE TOMBER LE VIEUX ! ».
— 30.500veo !
— 30.500 une fois, 30.500 deux fois... 30.500 trois fois ! Adjugé à cet homme acharné au fond de la salle !
Ça a marché... J'espère que personne n'a remarqué ce que je viens de faire. Le vieil homme semble perdu et ne comprend rien de ce qu'il vient de se passer. Je regarde vers la scène et vois Ivy souriante et heureuse d'avoir récolté autant d'argent... mon argent.
De l'argent volé en somme.
Le Premier ministre s'avance vers moi, tout joyeux :
— Ah merci beaucoup Marcus ! Vous avez été très généreux !
— Pas de quoi...
Il me serre la main et rejoint sa fille qui ne me lâche pas des yeux. Je pourrai être flatté si elle ne me regardait pas avec un air plus suspicieux que jamais.
J'espère que cette mission vaut vraiment le coup.
N'hésitez pas à voter et donner votre avis en commentaire ! ❤
[Deuxième correction le 26 avril 2019]
https://youtu.be/xh67VWfRQU0
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