8 - Saturday night
- C'est tout ce que j'ai appris.
Helyon sirote son café et je joue une nouvelle fois avec sa touillette. La même scène dans le même café à la même heure, à un détail près, que je lui en veux à mort pour la dernière fois. Il lève les yeux vers moi avec malice et me répète pour la dixième fois en 30 minutes « C'était de la comédie, CO-ME-DIE ! Détends-toi Kat ! ». Je le bafferais bien si ce n'était pas le prince du pays.
- C'est déjà pas mal comme informations en à peine quelques jours. J'attends de voir ton rapport lorsque vous irez sur le terrain... Sinon il n'y a vraiment aucune faiblesse que tu aies remarquée chez le mage sombre ? Vraiment rien ?
Je fais non de la tête. J'ai décidé d'éclipser le hurlement entendu tout à l'heure, j'ai besoin d'en savoir plus sur la raison de ces cris de douleur. Et puis je me méfie d'Helyon dorénavant, je ne peux pas tout lui dire car qui sait ce qu'il se passera quand je n'aurai plus rien à lui raconter ? Il me tuera ? De ce que j'ai compris, c'est le destin des élémentalistes de feu d'être exterminé car nous sommes trop dangereux pour la société.
- Très bien. Par contre la prochaine fois, trouve un autre moyen que de m'appeler d'une cabine téléphonique ! N'as-tu donc pas un holophone ? Où est la camelote que tu transportais avec toi ?
Je l'ignore et lui fait au revoir de la main avant de retourner tout naturellement au Crépuscule. Lou a eu du mal à accepter que je sorte seule mais elle n'a rien fait pour m'en empêcher, je pense qu'elle m'en veut toujours d'avoir traité Azrim de « chose ».
L'ambiance est festive au bar ce soir. Tous les samedis soirs, le bar est (d'après les dires de Marcus) rempli de démon se défiant au billard et aux fléchettes, d'humains fêtard et d'étudiants en magie voulant s'alcooliser. La petite scène est occupée par un groupe d'electro-swing qui fait bouger une partie de la salle. J'aperçois Mery danser au loin avec un homme brun plutôt mignon, j'espère qu'elle sera assez lucide pour profiter de sa compagnie. Marcus joue aux fléchettes avec d'autres démons et semble les détrousser de leur argent. Quant à moi, j'ai décidé de me rendre utile et de rattraper le coup avec Lou et Silver en les aidants au service. Le Crépuscule fait également restaurant quelques soirs de la semaine avec des cuisiniers particuliers, des fées ayant (toujours selon Marcus) une dette envers Azrim.
En parlant du mage sombre, impossible de savoir où il est. Ce n'est pas comme s'il m'importait beaucoup, plus son aura glaciale est loin de moi et mieux je me porte. J'aimerais juste savoir où le type dont je suis censé être le garde du corps est passé. Je demande à Silver entre deux commandes et il me répond rapidement qu'Azrim doit être en train de dormir. C'est compréhensible vu les cris de cet après-midi.
Plus la soirée avance et plus l'ambiance est folle ! Je n'ai jamais passé les samedis soirs dans des bars, le seul bar de ma campagne était un vieux bar/tabac délabré. Ici, la pression ne semble jamais redescendre ! Le service cuisine est fini et le bar est moins engorgé qu'au début ce qui nous permet, à Lou et moi, de profiter de notre soirée. Comme ça fait un siècle que je n'ai pas dansé, Lou, après m'avoir pardonné, décide de m'emmener sur la piste pour me déhancher sur « Black Betty » de Caravan Palace. J'en profite pour rencontrer et danser avec plusieurs personnes, des humains, des mages et des démons : l'atmosphère est euphorique et les différences entre les gens ne sont plus qu'un grain de sable.
Je me pose à la table de Marcus pour boire un coup et le regarder compter ses gains. Il doit être 2h du matin mais le bar restant ouvert jusqu'à 6h, les gens ne semblent pas un poil fatigués. Et moi non plus malgré la journée d'entrainement que j'ai eu.
- On joue ?! crié-je dans son oreille afin qu'il me comprenne avec la musique.
Marcus sourit, se lève et me fait signe d'attendre 2 minutes. Il revient finalement avec quelques shots. Il me fait comprendre avec des signes qu'il veut me voir assez bourré pour vomir sur la scène. J'oublie parfois que c'est un démon.
Il tend sa main pour faire un bras de fer. Il sait que je suis plus faible que lui mais je ne compte pas me laisser faire, quitte à tricher. On enchaîne les bras de fer et il est tellement fort qu'il ne me reste plus un shot et qu'il doit me passer les siens. Je décide de tenter le tout pour le tout et essaie d'utiliser mon pouvoir de feu pour le déstabiliser. Il sent la chaleur monter dans sa paume et baisse sa garde le temps que je gagne ! YESSS ! N'ayant plus de shot à disposition je décide de lui lancer un petit challenge.
- Va draguer cette fille ! lui dis-je à l'oreille en désignant du doigt une jeune étudiante, surement mage. Tu la dragues et tu l'invites à danser !
Il crie « Marcus entre sur la piste !!! » et est acclamé par quelques types bourrés. Je l'observe de loin avec amusement, il a l'air de bien se débrouiller le vieux !
- Salut.
Un type s'assoit à la place de Marcus avec une bière à la main.
- Euh salut euh, j'essaie d'articuler, c'est la place de mon ami en fait.
- Je pense que votre ami risque d'être occupé un bon moment, me dis l'homme en montrant Marcus en train de danser frénétiquement avec sa nouvelle conquête.
- Ahahah ! Vous avez tellement raison !
Je décide après quelques minutes de vraiment regarder mon voisin : un homme milieu vingtaine je dirai, chemise noire entrouverte avec un jean, légèrement musclé et... particulièrement beau. Un charme mystérieux. Il semble observer la scène avec amusement, tout en sirotant sa bière.
J'ai envie de danser avec lui.
- Vous aimez l'électro-swing ? Moi j'adore ! Ça vous dirait de danser avec une fille légèrement pompette qui a 50% de chance de vomir sur la scène ?
Merde, je raconte vraiment des conneries quand je suis bourré...
Le type me regarde avec une lueur dans les yeux et rigole franchement. Il doit me prendre pour une folle ! J'esquisse un « laissez tomber » mais l'homme finit d'une traite sa bière, se lève et me tends la main.
- J'adore l'électro-swing et j'ai envie de danser avec une fille « légèrement pompette », quitte à ce qu'elle vomisse sur mes chaussures, finit-il en rigolant de plus belle.
J'attrape sa main et le suis au milieu de la piste. Je me laisse entraîner par le rythme et je le vois faire de même. Nous dansons avec frénésie au fil de la musique et lorsque je commence à sentir une douleur dans le pied, je jette un coup d'œil à l'horloge et me rends compte que ça fait bien 1h non-stop que nous dansons ! Je ne m'arrête pas pour autant parce que je me sens bien. Je ne me suis pas sentie aussi bien depuis des mois. Peu importe la douleur et la gueule de bois qui m'attend.
- HEY KAT ! me crie Marcus, ce qui ne manque pas de me surprendre. Je vais rentrer avec la jeune femme que tu vois là-bas.
Il me montre son « challenge » et me fait un pouce en l'air avec un grand sourire. C'est chiant à avouer mais Marcus est bien plus agréable quand il est ivre.
- Demain c'est repos donc on se retrouve lundi ! Je te raconterai !
Je me retourne pour retrouver mon partenaire de danse... qui a disparu ? Je m'arrête de danser et me sens un peu gêné au milieu de la piste. Je le cherche des yeux et le vois au comptoir me signaler une table de libre. J'y fonce, sans tituber et me laisse tomber sur la chaise. La douleur au pied revient mais j'essaie de l'oublier.
- Tenez.
Il dépose un cocktail bleu pétillant devant moi. Je me méfie soudain.
- Il n'y a pas de drogue du violeur dedans hein ? Parce que sinon je suis prête à vous péter la gueule !
Il éclate de rire en buvant son cocktail, identique au mien. Je me sens un peu ridicule en me rendant compte de mes paroles.
- Non ne vous inquiétez pas. Et puis c'est stupide comme question, s'il y avait de la drogue dedans je ne vous le dirais pas.
- .... Bien vu. Du coup je ne sais plus quoi faire !
- C'est un cocktail anti-gueule de bois.
Je le regarde avec des gros yeux et il rigole de plus belle. J'aime bien son rire.
- ÇA EXISTE ?! Mais pourquoi on ne m'a pas mis au courant plus tôt ?!
- C'est expérimental ! Je travaille dans la création de potion, enfin surtout à but récréatif.
Je bois le cocktail qui me pique la gorge. Beuh...
- Oui, le goût n'est pas encore sûr, mais vous verrez, demain vous serez toute fraîche !
Je rigole à mon tour, sa joie est communicative. Nous passons quelques minutes à ne rien dire, juste à écouter la musique et regarder les gens s'amuser.
- J'aime bien ce genre d'ambiance, me dit-il. Les gens sont tellement heureux le samedi soir et dans une ville aussi forte en diversité c'est juste magique de voir tous ces gens différents partager un moment.
- C'est magique c'est sûr.
Je sors cette dernière phrase en le regardant droit dans les yeux afin de le troubler et ça fonctionne. Un peu trop malheureusement car le type prétexte un appel à recevoir (à 4h du mat' ? Sérieusement ?) et ne reviens pas à notre table. Je décide une demi-heure après d'aller me coucher dans ma réserve en espérant secrètement que le cocktail de mon froussard fera effet.
Attention ! L'abus d'alcool est dangereux pour la santé (et votre dignité), à consommer avec modération. :D
[Deuxième correction - 14 juin 2018]
https://youtu.be/D_JxMb8RLEY
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