53 - Mon prince

Le jour fatidique. Le jour du changement. Le jour de la vérité.

Le jour où je vais retrouver Max, en chair et en os.

Aujourd'hui le peuple est agité, comme prévu. Humains, mages et démons manifestent ensemble contre le roi. La garde royale est mobilisée pour contenir toute cette agitation mais Iron et moi avons une autre mission. Dans trois heures, juste avant l'heure dorée, nous irons à la prison de Solistis déclencher un énorme incendie.

J'ai réussi à convaincre Iron de participer à mon plan, sans lui donner tous les détails mais peu importe, tant qu'il y a des choses à brûler il répond présent. Il semble aussi convaincu que Az pour laisser Irina prendre la place du roi.

Soudain, mon holophone sonne. Helyon...

— Mon prince ? dis-je faussement.

— J'ai besoin de toi. Viens dans mes appartements. Maintenant.

Il raccroche et heureusement car mon dégoût aurait été clairement visible. Je suis soulagé de ne pas avoir affaire à Arthur qui m'aurait démasqué avec sa clairvoyance.

Je quitte la résidence, pas habillé comme il me l'a imposé mais en tenue adaptée au combat. Je veux rapidement en finir afin de pouvoir me concentrer sur notre mission. J'envoie un message à Iron lui disant de me retrouver comme prévu devant la prison dans trois heures.

J'arrive au palais et sens la tension chez les mages déambulant dans les couloirs. Mon collier me picote de plus en plus la peau mais j'ai tellement hâte de retrouver Max que ça n'a plus d'importance. Je remets en place ma broche royale et frappe à la porte. J'entre et retrouve Helyon, au milieu de la pièce les mains dans les poches de son pantalon, visiblement en train de m'attendre.

— Tu as pris ton temps Katalina, dit-il avec agacement.

— Pardon... mon prince.

Il passe devant moi et ferme la porte à clé. Il revient et attrape une de mes mèches de cheveux qu'il tortille entre ses doigts.

« Hum... Mon prince ? Vous avez fait venir pour quelle raison ? Je dois aider Iron à- »

Il m'interrompt en attrapant mon poignet en m'emmenant avec force devant son lit. Je n'aime pas du tout la tournure que prennent les événements.

— Helyon ?

— Je ne te céderai pas à mon frère.

Il me pousse sur le lit, se met au-dessus de moi et maintient mes poignets. Je ne fais aucun geste, je pourrai me défendre mais c'est trop tôt pour griller ma couverture. Je sais qu'il n'ira pas loin, ma peau est littéralement brûlante.

— Tu es à moi. Pas à Arthur. Et ce n'est pas avec toi qu'il aura un « héritier puissant », je sais que mon petit phénix ne le laissera pas faire.

— Je ne suis pas un objet, finis-je par cracher.

— Non, tu es bien plus que ça.

Il se rapproche dangereusement de mes lèvres et comme si Max sentait le danger, mon collier me picote de plus en plus.

« Tu es la future mère de MES enfants. »

Soudain, il m'embrasse fougueusement pendant de longues secondes interminables. Mon collier me brûle la peau. J'en ai marre, il me dégoûte... !

« Aie ! »

Un peu de sang coule de sa lèvre. Je l'ai bien mordu. Il fronce les sourcils mais affiche un sourire de défi.

— Ta flamme s'est ravivée... j'aime te voir me résister.

— Tu vas trop loin Helyon.

Il me gifle violemment. « C'est VOUS, pas TU. Respecte ton prince ! ».

Ok, ce n'est plus possible. Je commence à répliquer mais des aiguilles viennent se placer juste au-dessus de moi. Helyon sourit et retire son gant couvrant sa main bionique puis me caresse la peau.

— Tu ne pourras pas brûler ça.

— Lâche-moi !!

Une de ses aiguilles vient se planter dans ma main. « Chut ! » me murmure-t-il avant de passer sa main métallique sous mon débardeur noir. Il détache sa ceinture de l'autre pendant que d'autres petites aiguilles viennent de planter dans ma peau. La douleur est supportable mais je sais que si je fais le moindre mouvement brusque, les centaines d'aiguilles qui me surplombent seront comme des coups de poignard.

— Tu auras beau te marier avec lui, c'est ma descendance que tu auras en toi.

— Jamais je ne portais tes enfants ! Plutôt mourir !

— C'est moi qui déciderai de ta mort.

Il déchire un peu le haut de mon débardeur et s'arrête en apercevant la zone entourant mon collier : elle est rouge, irritée. Il fronce les sourcils et tapote mon collier puis reviens sur mon soutien-gorge mis à découvert. Il approche ses lèvres de ma poitrine...

Je ne ferais pas ça à sa place.

Helyon continue à balader ses mains sur mon corps. Ma vision s'assombrit peu à peu... La colère, la haine que je ressens envers lui vient de se décupler. Comme si Max me transmettait ses émotions, ses pensées.

Kat, réagis.

Ma tête tourne... Je ferme les yeux et sens Helyon finir de déchirer mon débardeur et se jeter sur ma peau presque dénudée.

KAT ! FAIS-LE !

*CRAC*

J'ouvre grands les yeux et fronce les sourcils. Helyon ne se rend toujours pas compte de ce qu'il vient de se passer. Ses yeux exorbités regardent son sang tomber sur mon ventre. Il relève la tête vers moi et crache un peu de sang qu'il retient avec sa paume.

Ma main enflammée a brutalement transpercé son ventre.

Je retire mon avant-bras de son corps et fais fondre les aiguilles tombant sur moi. Helyon s'écroule sur le dos, hors du lit. Je me relève et m'accroupis devant son corps agonisant. Il essaie d'articuler quelque chose, en vain.

« C'est moi qui viens de décider de ta mort, enfoiré de prince. »

Il tend la main dans un dernier espoir de répliquer avec la magie, en vain. Il arrête de se débattre quelques secondes plus tard.

Je me relève et croise mon regard dans un miroir doré. Je m'approche et m'observe : le regard aussi sombre qu'un démon mais aussi flamboyant que le plus ardent des feux. Un air débraillé, un corps et des vêtements couverts du sang royal.

J'ai tué Helyon. Enfin.

J'ai de nouveau tué un être humain...

Je serre mes bras contre ma poitrine. Est-ce qu'aimer Max me rend aussi démoniaque ? Non... Je n'avais pas le choix, Helyon allait me violer et je n'avais qu'une façon de répliquer. Je regarde à nouveau mon reflet et crois voir celui de Max à côté de moi.

Tu as fait ce qu'il fallait. Tu es devenue forte. Tu n'as plus peur. Tu es prête à tout affronter, que ce soit « bien ou mal ».

Oui, Max a raison. Je me dirige vers le dressing d'Helyon et attrape une de ses chemises ainsi qu'une ceinture. Je nettoie le sang sur mon corps et mon pantalon, j'enfile la chemise argentée et la ressers avec la ceinture au niveau de ma taille.

J'envoie un sms à Iron pour lui dire que je suis en route et repasse à nouveau devant le corps inanimé d'Helyon. Est-ce qu'il méritait vraiment de mourir ?...Oui. Je décide de détruire ce qu'il reste de lui en le brûlant. Un feu calme, chaud et qui disparaît juste après avoir fait le boulot.

Helyon Sol n'est plus.


— Phénix ? Je n'ai pas senti ton aura... Tu as l'air différente. Plus « sauvage ».

— Plus toi ? réponds-je à Iron.

— Ouais. Comme si le vrai feu s'était enfin allumé dans tes yeux.

Le vrai feu. Celui qui tue, qui détruit et qui sème le chaos.

Je ferme les yeux et touche mon collier. J'expire un grand coup et regarde devant nous : la prison de Solistis.

Le ciel se teint de couleurs magnifiques, presque magiques. L'heure dorée.

— En venant j'ai remarqué un grand mouvement de population vers le palais, me fait remarquer Iron. Ça va vraiment arriver ?

— Si tu le veux, oui. Mais tu sais ce que ça implique, Irina va rappliquer ici et tu vas devoir te mesurer à elle.

— Ce n'est pas un problème.

Il tend les bras vers le ciel et ferme les yeux. « On reste en contact Phénix » me dit-il avant de rouvrir les yeux, des yeux semblables aux miens il y a à peine deux heures. L'atmosphère se réchauffe soudainement et devient plus lourde. Il se met à rire, un rire effrayant mais témoignant de son excitation.

Une immense puissance de feu s'abat sur la prison... Un dragon. Iron est vraiment puissant. Il hoche la tête dans ma direction et je commence à courir jusqu'au bâtiment. J'ai expressément demandé à Iron de faire un effort et de créer des flammes incapables de brûler, juste de donner l'impression de dangerosité afin qu'aucun innocent ne soit blessé et surtout que je puisse faire sortir Lou, Mery et Gabriella de leurs cellules.

L'agitation, des mages et des gardes qui tentent de contenir les prisonniers et accessoirement les flammes. J'arrive avec une grande facilité à entrer dans la prison sans me faire remarquer. J'entre dans le centre de commandement et tombe face à face avec un mage ahuri.

« Qui êtes-vous ?! » s'écrit-il en levant une main devant moi.

En bougeant à peine la main, mes flammes se mettent à l'entourer ce qui provoque un sursaut chez lui qui le fait s'écrouler.

« Tu vas m'indiquer où est emprisonnée la princesse Gabriella Sol. »

Il essuie la sueur coulant de son front et se tourne vers un moniteur affichant les différentes cellules. Je m'approche, toujours en maintenant les flammes dansant autour de lui, et note le numéro de l'aile où est enfermée la princesse ainsi que mes amies.

Lou, Mery... J'arrive, je viens vous sauver !



Note de l'auteure : Pourquoi la mort d'Helyon est importante ? Pourquoi chamboule-t-elle autant Kat ?

Après avoir écrit la mort d'Helyon, j'ai eu une période de vide où pendant des jours je n'arrivais pas à avancer sur les derniers chapitres... Parce que ça mort signait la fin de quelque chose.
Si on oublie toutes les choses  tordues qu'il a faites, Helyon est le premier à avoir aidé Kat, celui qui lui a offert la  possibilité d'avoir une nouvelle vie et celui qui lui a fait rencontrer Max. Si Helyon n'avait pas été là, l'histoire n'aurait pas eu lieu.
Le fait que Kat tue Helyon est symbolique car elle tue ce qu'elle était avant, elle perd un peu plus de son humanité et devient aussi ambigu que Max.
Si il n'y avait pas eu d'histoire d'amour entre Kat et Max, elle aurait pu finir avec Helyon.
Il était certes sadique mais souffrait du manque de reconnaissance dans sa famille, de la tristesse du rejet constant de sa petite sœur et surtout de sa jalousie envers Max. Et je ne l'ai pas épargné en lui faisant perdre presque tout un bras !

A toi Helyon, mon prince, qui aurait pu devenir un héros mais qui est devenu brasier.


Photo de couverture : Helyon (Oliver Stummvoll)

N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire et à voter pour ce chapitre si vous aimez cette histoire ! Merci :D !

[Deuxième correction - 11 avril 2019]

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