47 - Vérité explosive
— C'est lui qui les a tous tués... Notre oncle, notre tante, notre cousin...
— Notre mère, Irina. Max a tué Dame Maria, notre mère à tous les deux.
Irina est prise de tremblement et s'écroule sur ses genoux. Arthur lui, essaie de garder son sang-froid mais est tendu.
— Je te déteste, dit Helyon. Je n'ai jamais compris pourquoi je m'acharnais sur un mage sombre que je ne connaissais pas... Mais je t'ai toujours détesté. Gaby t'a toujours préféré à moi, son frère.
— Helyon, commence Gabriella, je...
— Tais-toi. Tu étais au courant et tu n'as rien dit. Tu étais au courant pour Dame Maria. Tu ne nous as rien dit... Pourquoi ?
— Père m'a interdit d'en parler.
Max a toujours la tête baissée, l'esprit ailleurs.
« Je pense avoir une idée de pourquoi il voulait cacher tout ça », déclare Arthur.
Irina se jette soudainement sur Max et commence à lui frapper le visage. Elle cri et pleure en même temps. Max ne réagit pas et c'est Arthur qui finit par l'éloigner.
« Irina, calme-toi. Nous aurons notre vengeance. Pour l'instant nous allons nous servir de lui pour avoir les aveux de père. Mais avant j'ai besoin de voir quelque chose... »
Il attrape Max par les cheveux pour lui lever la tête. Ses yeux vides se posent sur moi. Quelques longues secondes s'écoulent, sans aucune réaction de sa part.
« D'accord », dit enfin Arthur. « On va voir si tu peux continuer à jouer la comédie. Helyon, on fait comme on dit. »
AAARGH ! Helyon me plante ses aiguilles dans les jambes et les bras. Après des jours dans le froid la douleur est dix fois plus insupportable. Même si aucun son ne sort de ma bouche, la souffrance se lit sur mon visage.
« Toujours pas ? Continue, Helyon. »
Il me plante de plus en plus d'aiguilles. Les larmes et le sang coulent. Je jure de tuer Helyon quand j'en aurai l'occasion.
« Bon. Je suis un peu déçu par ton manque de réaction mon « cousin ». Tue la Helyon. »
Helyon sort une plus grosse aiguille et la place juste devant mon cœur.
« ARRÊTE ! » s'écrit Max.
Comme s'il venait de s'éveiller, ses yeux ont retrouvé leur couleur et son visage est tiraillé par la colère et la tristesse. Arthur relève un peu plus sa tête pour le regarder. Il se met à rire.
— Oh non c'est trop beau ! Un monstre comme toi, ressentir de telles émotions, c'est presque un cadeau que tu me fais ! Je vais me servir de ta seule faiblesse.
— NON ! Fais de moi ce que tu veux, je serai ton pantin, ton jouet, mais par pitié arrêtez de faire du mal à Kat.
— Tout ce que je veux ?
J'ai envie de crier, de lui dire d'arrêter, de ne pas se livrer... pas pour moi. Helyon retire ses aiguilles de mon corps.
— Tu vas tuer le roi Octavius pour moi. Tu seras ensuite tué pour tes crimes.
— Est-ce qu'elle sera sauve ? dit-il en me regardant avec pitié.
— Oui. Sauve mais à notre service.
— ...J'accepte.
☲
Je me réveille en sursaut sur la banquette d'une voiture, une limousine vue la taille de la banquette. Tout cela n'était qu'un rêve ? Non, j'ai encore mal, je me rappelle très bien de la douleur. Mes mains et mes pieds sont toujours prisonniers mais cette fois de chaîne d'eau : Irina est à côté de moi, les bras croisés et les yeux fixés sur Gabriella qui est en face d'elle.
— On arrive bientôt. Je n'arrive pas à croire que tu nous aies caché ça Gaby...
— J'ai toujours aimé Max. Père m'a dit que c'était nécessaire de garder le secret, pour notre bien à tous.
Elle me regarde avec dédain.
— Qu'est-ce que vous allez faire d'elle ?
— Je ne sais pas et je m'en fous, elle sera surement au service d'Helyon. Toutes ces histoires ne m'importent pas. Tout ce que je voulais savoir c'était comment notre mère à Arthur et moi était morte, je n'ai jamais cru à la thèse de l'accident.
— Tu es prête à tuer Max, notre cousin, pour te venger ?
— Il est responsable, il doit payer.
— Ce n'est pas lui.
Elle se tourne vers moi, accrochée à mes derniers mots.
« Ce n'est pas lui qui les a tous tués. C'est Azrim, le démon qui le possède. Ça ne vous apportera rien de le- »
*PAF*
Gabriella m'a claqué la joue. Ses lèvres tremblent et ses yeux sont remplis de colère envers moi.
« C'est de ta faute si Helyon a tout découvert, de ta faute si on est ici ! Si tu n'étais pas venue à Solistis, si tu ne t'étais pas rapproché de Max... C'est MON âme sœur ! Max est à moi ! Pas à toi ! Pourquoi est-ce que c'est toi qu'il préfère ?! »
Elle fond en larme. Cette femme est vraiment fragile. C'est pour ça qu'elle semblait si jalouse le soir du Nouvel An, elle est obsédée par son cousin. Ils ont tous un grain dans cette famille.
— Tu oublieras Max, tu seras au service de mon frère et je serai heureuse à chaque fois que je te croiserai !
— Tu peux me faire boire toutes les potions d'oubli du monde, au fond de moi jamais je ne l'oublierai.
Elle me frappe à nouveau mais la douleur est infime comparé à ce que j'ai subi ces derniers jours. Nous arrivons au palais, escorté par la garde personnelle d'Irina, moi toujours attaché et Gabriella les yeux rougis par ses sanglots.
Irina ouvre en grand les portes de la salle du trône. Arthur est déjà présent, en train de parler à son père, le roi Octavius Sol, qui semble contrarié. Nous nous approchons toutes les trois et Irina me pousse au sol pour que je me retrouve à genoux devant le roi et Arthur.
— Qui est-ce ? s'exclame le roi à Irina.
— C'est l'élémentaliste de feu dont je viens de vous parler père, lui répond Arthur. Katalina.
— Écoute, toutes ces histoires n'ont aucun sens !
La porte s'ouvre en grand sur Helyon tirant Max par des chaînes dorées. Il est encore plus fatigué que la dernière fois... Helyon le lâche à côté de moi et il s'écroule sur ses genoux. Le roi se lève de son trône avec stupéfaction et se rapproche de nous.
« Vous ne pouvez le nier père », poursuit Arthur. « Gabriella et vous avez bien tenu votre langue mais maintenant j'ai besoin de savoir exactement pourquoi vous l'avez fait disparaître de nos mémoires. »
Le roi soulève la tête de Max par les cheveux et esquisse un sourire. « Tu ressembles tellement à ton père... » murmure-t-il.
« Ça fait longtemps que je ne vous ai point vu tous ensemble mes enfants... Oui, Max est bien votre cousin, le fils de mon énervant petit-frère Charlie. Un garçon inutile dans notre belle famille. Incapable de pratiquer la magie et n'ayant aucun talent. Sa seule utilité résidait dans le fait que son frère Aster était prêt à tout pour lui. J'ai décidé de me servir de ça. »
Je n'ai jamais voulu renoncer au trône mais lorsque mon frère a débarqué avec son fils, un génie, et m'a amené la preuve que son rejeton pouvait être le premier héritier du trône devant mon fils Arthur, j'ai senti que j'allais perdre ma place. Il devenait de plus en plus fort et était très respecté, il avait toutes les qualités pour être roi.
Je devais me débarrasser de lui.
La rumeur d'un possible changement de roi était arrivée jusqu'aux oreilles des démons supérieurs de notre pays et un jour, l'un deux est venu à moi. Une ombre géante était apparue dans la salle du trône, sans se faire remarquer par la garde royale. Ce démon, un monstre sans véritable forme, un monstre de fumée noire, se faisait appeler Azrim. Il avait eu vent de la rumeur et voulait « m'aider ».
« Je ferai disparaître Aster Sol et tu resteras roi ».
« Que veux-tu en échange démon ? »
« À manger. Je veux que pendant ton règne tu me laisses agir à ma guise, que tu fermes les yeux sur mes agissements. »
« C'est entendu. »
« Tu devras également me donner quelque chose de cher à tes yeux. Et le gamin. »
« Quel gamin ? Je ne te donnerai aucun de mes enfants ! »
« Max. Ton neveu. Il est frustré, fragile, malléable... il est parfait. »
Nous avons conclu notre accord, Azrim disposerait de Max et ferait disparaître Aster en échange de sa liberté d'agir. Un soir il attaqua le manoir de Charlie et fit un pacte avec Max en lui cédant tous ses pouvoirs. Quelques mois plus tard, il tua tous les résidents du manoir et scella la malédiction de l'heure dorée sur mon neveu. Ce qu'il n'avait pas évoqué dans le pacte, en bon démon, était le carnage qu'il avait créé dans le manoir. Il avait bien tué Aster mais s'était avant déchainé sur les domestiques, sur mon frère et sa femme et surtout sur mon ancien amour, Dame Maria, la mère d'Arthur et d'Irina. J'avais commis une erreur irréparable mais je conservais ma place. J'ai décidé d'effacer la mémoire de mes enfants, de cacher une partie de la vérité à Gabriella et d'en faire ensuite ma complice.
Azrim recueillit Max et lui apprit tout ce qu'il fallait pour être un mage sombre. Il profita de son emprise pour commettre d'innombrables meurtres que je ne pouvais sanctionner. Et puis il disparut. Max, à 18 ans, l'enferma à l'intérieur de lui définitivement afin de mettre fin à ces tueries.
C'est ce démon qui causa notre perte mais c'est moi qui tua indirectement tous ces gens. Tout ça pour le bien du royaume, pour conserver mon titre et mon pouvoir.
☲
La pièce se remplit de fumée noire. De gigantesques ombres sortent du sol. Max se relève et brise ses chaînes en étirant ses bras, du sang coulant de ses poignets. Je lève la tête vers lui : des yeux rouges, une aura terrifiant, sanguinaire.
Helyon lui touche l'épaule mais s'éloigne rapidement en criant de douleur... Sa main est en train de se faire dévorer par de petits serpents d'ombres. Il s'approche d'Arthur qui s'écarte avec un sourire malveillant sur le visage. Irina, surement par peur, essaie de le toucher avec son pouvoir d'eau, en vain... il n'est que fumé.
Tout est de ta faute. Ma vie est devenue un enfer à cause de toi. Tout ça pour ça.
Max arrache la couronne de la tête du roi qui s'écarte jusqu'à son trône, terrifié. Il la jette au sol et continue d'avancer vers Octavius.
« ARTHUR ! Ça va trop loin ! » crie Irina. « Arrête-le ! »
Un serpent géant se place devant cette dernière et Gabriella pour les empêcher d'avancer. Mes liens d'eau disparaissent et je suis enfin libre de mes mouvements.
Les ombres de Max entourent le roi et le serrent jusqu'à lui briser les membres. Je crie son prénom pour l'arrêter mais il ne prête pas attention à moi. Je ne veux pas qu'il devienne un monstre... Je ne veux pas que Max disparaisse pour laisser place à sa part d'ombre, Azrim.
Le règne d'Octavius Sol est désormais terminé.
Le roi hurle à la mort, les os broyés par les ombres et la chair dévorée par de petits monstres faits de fumée. Max pousse un cri qui résonne dans toute la pièce avant d'achever le roi.
Je dois le faire revenir, je dois essayer !
Je me lève avec difficulté et cours jusqu'à Max en évitant ses ombres. Je suis arrêté à quelques centimètres par Arthur qui me barre la route. J'essaie de le repousser avec le reste de mes forces mais rien n'y fait, il me donne un coup au visage ce qui me fait tomber par terre. Je lève les yeux et vois Arthur s'approcher de moi mais soudain se faire éjecter avec violence sur le côté par une des ombres de Max. Ce dernier se retourne vers moi en lâchant le « corps » du roi. Il s'évapore pour réapparaître devant moi, telle de la fumée et me prend par la taille. Sa main me brûle la chair... Non, l'ombre qu'est sa main me mord jusqu'au sang...
Je t'avais dit que le jour où j'aurai l'occasion de prendre le pouvoir, tu seras ma reine, mon phénix, mon délicieux amour.
Azrim a déjà pris pleine possession de lui. J'essaie de le frapper, de me défaire de son emprise mais son corps n'est que fumée noire. Pitié Max... Je saisis ce qui semble être son visage et l'embrasse. Mes lèvres me brûlent. Je sens un goût de fer sur mes lèvres, du sang.
Le monstre se sépare de moi, troublé. Il semble vouloir dire quelque chose mais est arrêté par une lumière aveuglante sortant du sol. Un sortilège qu'Arthur semble préparer depuis quelques minutes. Azrim est emprisonné par des lianes de lumière et Arthur se met derrière lui avant de prononcer son incantation.
« À ce jour, démon, tu seras à mon service, moi Arthur Sol, roi de Solis ».
Il hurle et me lance un dernier regard rempli de tristesse. Il murmure quelque chose dans un dernier souffle, des mots que je désire ne jamais oublier.
Je t'aime Kat.
Note de l'auteure : A partir de ce moment-là, je vous conseille de commencer la lecture de Nos heures passées qui est assez rapide à lire (une dizaine de chapitres) et qui vous donnera des clés pour la suite. La lecture n'est pas obligatoire mais conseillé 😊
Photo de couverture © Peter Forster
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[Deuxième correction - 11 avril 2019]
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