37 - Aster

« Les hommes sont tous des enfoirés. » 

Mme Aster, très bonne cliente du mage sombre, me fait la conversation dans le bureau d'Azrim. Une régulière qui vient à chaque fois qu'un homme la déçoit, donc au moins deux-trois fois par mois. Elle commande une potion d'oubli, très difficile à réaliser sauf si l'on possède les bons ingrédients, ce que nous avons ici. Potion qui lui sert à faire oublier son visage, sa présence, dans la tête des hommes qui l'ont déçu.

- Mon dernier en date, Percy, un type charmant, très beau, un petit jeune début de trentaine, mage de classe 5 quand même ! Eh bien je l'ai surpris avec une petite pétasse de 18 ans en train de se rouler des pelles dans les escaliers du bâtiment des archives magiques ! C'est le destin qui m'a conduit à les trouver ! LE DESTIN !

Je me contente de hocher la tête à ses paroles et me réjouit qu'elle ne puisse pas voir les expressions de mon visage. Généralement nous ne conversons pas, JE ne converse pas avec les clients et me contente d'être l'assistante. Mais cette Mme Aster attend toujours un avis sur chacune de ses histoires. Max, lui, se contente de l'ignorer et d'encaisser l'argent en ajoutant un « Au plaisir de vous revoir ».

« Croyez-vous au destin, mademoiselle l'assistante ? »

Je ne réponds pas et me contente de la fixer. Je ne sais pas si je suis autorisé à lui répondre.

- Le mage sombre n'est pas là, vous pouvez me répondre. Je suis prête à vous payer pour une conversation, j'ai beaucoup d'argent.

- Ce n'est pas nécessaire Madame.

- Ah ! s'exclame-t-elle. Elle parle ! Quel âge avez-vous ?

- 23 ans madame.

- Ma première relation était à 25 ans ! C'était le destin qui nous avait rapprochés, je débutais en tant qu'assistante magique, je n'avais pas assez de force pour être sur le terrain. Lui était au contraire un mage prodige, à peine plus vieux que moi et déjà classé au rang 7 : un génie !

- Le coup de foudre ?

- Pas du tout ma chère, tout l'inverse ! On s'est rencontré au travail, lui avec son air supérieur et moi avec mon orgueil, on se détestait. Et puis à une soirée de bureau on s'est violemment disputé pour finalement coucher sur le bureau de mon patron.

- Ah.

- On se détestait toujours mais il y avait une alchimie entre nous. Le destin nous attirait mutuellement l'un vers l'autre, même quand j'ai quitté mon travail ou quand il partait à l'autre bout du monde. On arrivait toujours à se retrouver malgré nous.

- Que s'est-il passé ensuite ?

- Il est mort il y a 14 ans.

Un silence très gênant entre nous s'installe. Mme Aster regardant ses doigts comme pour se replonger dans ses souvenirs.

- Je me suis mariée 2 fois, j'ai eu des tas d'autres relations mais je n'ai jamais été aussi seule depuis sa mort. Je me suis rendu compte que je l'aimais qu'à sa mort, nous n'avons jamais été en couple et c'est mon plus grand regret. J'ai pris son prénom comme nom de famille, « Aster », pour ne jamais oublier mon âme sœur.

Avant que je puisse lui répondre, Max entre dans le bureau avec plusieurs petits flacons qu'il pose sur le bureau. Il s'assoit et sort plusieurs feuilles, des contrats de confidentialité, qu'il remet à Mme Aster.

« Je ne vous réexplique pas comment ça fonctionne Mme Aster. Le prix est toujours le même.»

La cliente sort de son sac à main une très grosse liasse de billets qu'elle pose en face de nous puis signe les contrats et récupère les fioles. Elle se lève, serre la main de Max et s'approche de moi.

- Le destin, ma chère, me chuchote-t-elle. Votre âme sœur, c'est le destin qui vous l'amènera, mais il ne faudra pas vous en rendre compte trop tard.

- Au plaisir de vous revoir, lui dit Max lorsqu'elle quitte le bureau. 

Il regarde la liasse de billets et m'en tend quelques-uns.

« C'est ta commission. Elle a décidé de te donner un petit plus.»

Je prends l'argent : 50lis que je vais dépenser pour de nouvelles chemises.

- Elle m'a parlé de destin, de son âme sœur...

- Aster.

Je me tourne vers Max qui est affalé dans son fauteuil, les bras croisés et en pleine réflexion avec lui-même.

- Tu l'as connu ?

- Oui.

Je sens qu'il cache quelque chose mais je n'insiste pas.

- Tu ne veux pas en savoir plus ? Je t'ai connue plus curieuse.

- Si tu veux m'en parler, fais-le. Sinon tu as le droit d'avoir des secrets.

Max me signe de m'asseoir dans le fauteuil en face de lui. Il ne dit rien pendant de longues minutes, il soupire, lève la tête vers le plafond puis me regarde enfin :

- Aster était un grand mage, un génie parfois arrogant, jalousé par les autres mais admiré par tous ceux qu'il aidait. C'était le modèle de beaucoup de personnes. C'était mon modèle, celui à qui je voulais absolument ressembler. À tout prix.

- À ce point ?

- Au point que je passe un pacte avec un démon.

Quoi ... ?

*TOC TOC*

Nous sommes interrompus par Silver qui apporte d'autres documents à Max. Ce dernier me fait signe de prendre congé. Je monte jusqu'à ma chambre, me déshabille et essaie de digérer ce que je viens d'apprendre.

Cet Aster était son modèle et il vend des potions à son ex-amante ? Cette histoire est louche... Je prends mon holophone et ouvre l'application "informations, histoires et sociétés" et tape le prénom "Aster" dans la barre de recherche. Quelques articles datant d'il y a 14 ans ressortent, des articles très inquiétants. 

" Virage à 180° : quand un mage pète un plomb" / " L'élu au cœur sombre commet l'irréparable" / " Carnage : une pomme pourrie dans la société magique ? "

J'ouvre un article au hasard : « Aster, le plus grand mage de sa génération jalousé par ses pairs, a perdu l'esprit. La nuit du 20/21 mai, le mage aurait, dans un accès de folie, assassiné toute sa famille avant de se donner la mort au côté de ses parents. Les premiers mages sur les lieux qualifient son acte de "vrai carnage", "boucherie" ou encore plus simplement "digne d'un démon fou et enragé". La perte d'une partie de la plus grande famille du pays, une perte si immense que le roi Octavius a décidé de supprimer tout élément rappelant les actes du mage détraqué, pour ne pas entacher la mémoire de son frère Charlie et de dame Maria, tuée le soir même.» 

Mon dieu... Mme Aster a dû vivre avec un tel traumatisme... Et Max ? Son modèle, le mage parfait, a perdu la tête et est devenu un meurtrier. 

Est-ce cela qui l'a poussé à faire de même avec sa famille ?... J'aimerais bien croire que non.



N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire et à voter pour ce chapitre si vous aimez cette histoire ! Merci :D !

[Deuxième correction - 10 décembre 2018]    

Photo de couverture : Aster (Alain Delon version pub Dior Eau Sauvage)

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