Nos heures dorées [PARTIE 2]

Fin novembre. Les feuilles des arbres commencent à tomber et il fait de plus en plus froid dans notre ville de campagne. La ville de Mimosa, oui, comme l'arbre et le cocktail. 

Petite ville de campagne dans le fin-fond du royaume de Solis, à deux heures en express et cinq heures en train de la capitale Solistis. Des petits commerces, un bar/tabac, une salle d'arcade et une grande forêt protégeant la ville de tout danger extérieur. Une école primaire/collège/lycée et aucune école de magie : la magie est totalement interdite. Aucun mage, aucun démon, seulement des humains. Une grande fête par mois qui donne l'occasion à tous les habitants de boire et de juger les autres.

Ma maison, enfin la maison de mes parents, une vieille ferme sans animaux mais disposant de beaucoup d'espace et ayant pour seul voisin la forêt et la maison de mon ami d'enfance Nicolas.

Le magasin de mes parents, une librairie ayant pris feu sous ma colère mais depuis reconstruite avec l'aide de tous les habitants et dont j'ai dû payer la facture en revenant de la capitale.

- Katalina, est-ce que tu peux m'aider à déplacer cette commode s'il te plait ?

- Oui maman.

Cela fait presque deux mois que j'ai fui Solistis après avoir trahi mes (anciens) nouveaux amis et... Max. Après avoir découvert une face sombre de moi-même, n'ayant pas peur de tuer de la pire des façons. Je suis revenu avec le plus d'excuses jamais faîtes à mes parents et ils ont miraculeusement décidé de me pardonner. Enfin ils m'ont surtout pardonné après leur avoir donné tout l'argent de mon salaire en travaillant au Crépuscule, ce qui leur a permis de rembourser leurs dettes pour le nouveau magasin. J'ai repris mon ancien travail dans la librairie et ai dû expliquer à tous les curieux que j'avais quitté Mimosa non pas par fuite, mais parce que j'avais eu une proposition de travail intéressante. Kat la menteuse, le retour. J'ai dit à tout le monde, y compris mes parents, que j'avais compris m'ont erreur et que la capitale n'avait pas le magnifique charme de notre ville.

- Merci ma chérie. Je te laisse gérer la boutique ? Je dois aller acheter de nouvelles décorations de Noël, vu que les précédentes ont brûlé.

- Hum. Ok.

Je reprends ma lecture, assise sur le siège inconfortable derrière la caisse. Ce n'est pas le métier le plus palpitant du monde, je m'en rends bien compte après avoir pourchassé des démons et vendu des poisons et autres élixirs de charme.

- Saluuut Pyrooo !

Et merde. Stéphanie je-suis-plus-belle-que-tout-le-monde-et-je-le-sais et sa petite clique. La curiosité ronge les habitants de cette ville et beaucoup de mes anciens camarades de classe ne croient pas à la version améliorée de mon départ.

- Bonjour Stéphanie, dis-je avec mon plus beau sourire commercial. Tu as enfin décidé d'ouvrir ton esprit à la lecture ?

- AHAHAH très drôle Pyro ! Non avec les filles on voulait juste te faire un petit coucou !

- C'est Kat. On était dans la même classe chaque année depuis le primaire.

- Oui mais Pyro ça va tellement mieux avec tes antécédents de pyromane !

- Qu'est-ce que tu veux Steph ? dis-je lassé. Tu n'as pas un boulot ?

- Tu sais très bien que je n'ai pas besoin de travailler Pyro ! C'est mon Martin chou qui travaille avec mon père et moi je profite de la vie en attendant son retour.

Oua. Elle n'a pas beaucoup d'ambition dans la vie. Elle pourrait au moins mieux justifier son choix d'être femme au foyer, parce qu'elle ne leur donne pas une bonne image.

- Je suis venu te donner ça, me dit-elle en me tendant un carton.

- Une invitation ? Pour quoi ?

- Bon sang Pyro ! Martin et moi on va se marier ce week-end ! Tu étais déjà au courant avant de partir pour la capitale !

- J'étais la seule que tu n'as pas invitée Stéphanie. Tu as même invité mes parents.

- Ahhhh oui ! Je ne voulais pas te...froisser ? Ne pas te rappeler de mauvais souvenir, tu sais, ton mariage raté.

- Ouais.

- D'ailleurs tu pourras venir avec Nico ! Ce serait marrant !... Ah mais non j'oubliais, il y va déjà avec Lucie, hein Lucie ?

Cette dernière hoche vivement la tête et me fait un grand sourire.

- Ok. Cool.

Elle repart sur ces mots avec sa petite bande de mouton. Ces filles ont beau avoir mon âge, elles se croient toujours au lycée et n'évoluent pas.

Un mariage...

☲

Je ferme la boutique tranquillement. Tout est trop tranquille ici, même avant que je parte. Les gens sont ennuyeux, la moindre chose devient un événement.

- Hey Kat.

Je me retourne et tombe sur Nico. Ah Nicolas. Mon ami d'enfance, mon seul ami dans cette ville, mon premier amour, mon premier fiancé et mon premier chagrin d'amour.

- Hey. On se fait quoi ce soir ?

- On a reçu une copie HD de « l'Odyssée de l'espace » au ciné. T'es partante ?

- Allez.

Le père de Nico gère le seul cinéma de la ville, nous avons passé des week-ends entiers là-bas à refaire le monde. C'est aussi là-bas qu'on s'est embrassé pour la première fois. Nous arrivons au cinéma, faisons un rapide salut à son père et nous nous installons au fond de la salle.

- Tu vas aller au mariage de Steph et Martin ? lui demandé-je.

- Ouais. Martin m'a réparé ma moto gratos, exprès pour que je vienne.

- On y va ensemble ?

Nico me regarde dubitativement, d'un air « tu es sûr ? ».

- C'est bon c'était il y a 5 ans Nico ! On peut se montrer ensemble sans problème.

- Tu sais que j'y vais avec Lucie. Elle m'a demandé il y a 4 mois... Tu as changé Kat. Tu es plus sûr de toi et ton regard est plus franc. Pourquoi tu ne veux pas me raconter ce qu'il s'est passé à Solistis ?

- ... c'est compliqué.

- C'est une histoire de mec ?

- T'es sérieux Nico ? Tu ne vas pas me faire le coup du type jaloux après ce que tu m'as fait ?

Il ne dit rien. Il déteste quand je lui cache des choses.

- C'est plus compliqué qu'une histoire de mec. J'ai trahi des gens, j'ai fait du mal à quelqu'un d'important...

- Un mec.

- ...Ouais.

Je n'ai pas arrêté, pas un seul jour je n'ai cessé de penser à Max. Est-ce qu'il va bien ? Est-ce qu'il me pardonnera un jour ? Qu'est-ce qu'il fait ? Est-ce qu'il s'est trouvé une remplaçante ?.. Est-ce que je lui manque ? Non impossible... pas après tout ce que je lui ai fait.

- Tu ne te sentais vraiment pas bien en rentrant ici. Ce type t'a fait du mal ?

- Non, c'est moi qui lui ai fait du mal. Je l'ai brûlé.

Photo de couverture : © Jonah Pettrich

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[Deuxième correction - 19 août 2018]