Chapitre 2 - Regard Brouillé
C'est en regardant par sa fenêtre, les yeux épuisés par la nuit blanche qu'elle avait passé, que Marie commença à se poser des questions.
Qui était cette personne qu'elle voyait toutes les nuits, qui semblait la détester mais qui l'attirait étrangement ?
Marie ne le saura sûrement jamais. Et cela l'agaçait jusqu'à ne plus dormir.
Elle la voyait depuis quelques semaines. Mais plus en personnage secondaire. En personnage qui apparaît dans le fond, pendant des rêves où elle était avec ses amis ou avec sa famille.
Mais depuis la veille, ces rêves étaient tournés vers cette silhouette aux yeux luisant.
Donc elle avait passé la nuit à regarder à travers ses rideaux bleutés, le ciel étoilé du mois d'avril. Comme si... Elle attendait une réponse venant des étoiles.
C'était stupide.
Donc, quand elle entendit son réveil enfin sonner, elle détourna son regard de l'extérieur et s'habilla lentement.
Un quart d'heure plus tard, quand Madison ouvrit la porte pour la réveiller, Marie était prête. Cela surprit Madame Lagarde, qui ne s'attendait pas à voir sa fille habillée.
« Tu es malade ? Demanda Madison.
---- Bah non. Je me suis réveillée et je me suis habillée, mentit Marie.
---- Encore pire. »
La brune roula des yeux en appliquant du fond de teint sous ses yeux ; Juste ça, pour cacher ses cernes.
Sa mère descendit, après s'être assurée que Marie n'avait pas de fièvre. La jeune fille en profita pour se regarder une dernière fois dans le miroir, avant d'enfin sortir de sa chambre.
« Heya, dit Kim.
---- Encore là toi ? Interrogea sa sœur.
---- Toujours, souria-t-elle en buvant lentement. »
Elle tenait la main de Joe, qui discutait toujours avec Kévin.
Marie sorti du placard un bol et prit les céréales que sa mère lui tendait. Elle regarda le petit objet en porcelaine et demanda :
« Le lait avant ou après les céréales ?
---- Avant.
---- Après. »
Kim et Joe se regardèrent avant de se chamailler, chacun argumentait « Pourquoi mettre les céréales avant/après le lait. »
Marie roula des yeux, trop exténuée pour avoir la tête à ces sottises. Mais c'était elle qui avait posé la question...
Elle fini par verser ses pétales de blé soufflés au caramel dans le bol, puis le lait au centre. Elle mangea en silence, le regard perdu dans ses pensées.
« ...rie ? Marie tu m'écoute ? »
Elle tourna lentement son regard vers sa mère, qui était penchée vers elle.
« Tu es certaine que tu n'es pas malade ?
---- Oui oui, juste des mauvais rêves...
---- On se demande quel type de rêve tu fais, sourit Joe.
---- Vu mes cauchemars, tu étais sûrement dedans. »
Marie amena son bol à ses lèvres et but doucement le contenu blanc. Ses yeux se fermèrent alors que le lait dévalait sa gorge, direction son estomac.
Une fois fini, elle ramena son déjeuner à la cuisine et monta dans sa chambre. Elle refit son lit et entendit Kim monter.
« Hey petite sœur, dit la grande brune en s'appuyant contre la porte.
---- Yo.
---- Maman parlait de faire un pique-nique demain midi, après les cours... »
Marie ouvrit la bouche avant que sa grande sœur la coupe :
« Tu ne peux pas inviter Max, Sophie et Léa.
---- Pas juste...
---- Elle veut que tu sois bien habillée pour l'occasion.
---- Mais c'est juste un pique-nique !
---- Oui mais elle a invité Flavie et ses filles. »
Marie s'arrêta dans son occupation, se tourna lentement vers Kim et s'exclama :
« Il fallait commencer par ça ! Je... Je veux que sa fille aînée se sente mieux ! Je veux devenir son amie ! Je la présenterai à Sophie et Léa ! Et à Max aussi ! Ils l'accueilleront comme il se doit ! Elle ne sera plus en retrait et...
---- Calme toi Marie, pouffa sa sœur. Tu ne sais rien d'elle !
---- Je sais qu'elle est triste, seule et sûrement embêtée à son lycée. J'en sais bien assez pour devenir son amie.
---- Oui mais ce n'est pas toi qui va résoudre tout ses problèmes ! »
Marie se tût, regardant par la fenêtre.
« Laisse moi essayer. Je veux que cette fille soit heureuse. »
Elle se tourna vers Kim, un air déterminé sur le visage.
« Et si le courant passe bien entre nous, je demanderai à tata si je peux l'amener en vacances avec moi.
---- C'est gentil certe mais...
---- Kim. Je refuse que cette jeune fille soit harcelée. Juste parce qu'elle est différente. Ça ne signifie pas qu'elle doit être mise de côté.
---- Si seulement tout les adolescents raisonnaient comme toi... »
Marie prit son sac sur son épaule, regarda sa sœur et continua :
« J'en ferai mon amie.
---- Si tu le dis... Mais si elle reste à l'écart, évite de forcer.
---- Tu sais comment je suis.
---- Justement ! »
Marie s'engagea dans l'escalier et entendit Kim susurrer :
« C'est totalement stupide... Renier une enfant pour son physique, la persécuter à cause de sa personnalité voir même la pousser au suicide à cause de sa sexualité... C'est dégueulasse... »
Marie s'arrêta dans la descente de bois et eu une pensée éclair pour Élodie.
« Élodie c'est différent... On ne la harcèle pas. On la taquine juste. Et c'est même pas pour sa sexualité en elle-même que je la hais mais car elle est tom... »
Elle fut coupée dans ses réflexions par sa mère lui disant de se dépêcher, qu'elle allait l'amener.
« J'arrive ! Hurla-t-elle en se ressaisissant. »
~~~
Habituellement Marie adore les mathématiques. Après tout, elle s'en sort merveilleusement bien. Enfin, mieux qu'en français.
Mais aujourd'hui elle avait la tête à tout sauf aux cours.
Donc quand elle entendit Mr Frisard parler de calculs de puissance de manière approfondie, elle se posa sur sa table en grommelant. Elle était tout devant. Il lui était donc impossible de s'endormir.
Le professeur passait dans les rangs alors qu'il regardait les exercices, pour être sûr que tout ses élèves aient comprit. Il s'arrêta quelques secondes devant la table d'Élodie, qui s'était assoupie, écouteurs Bluetooth dans les oreilles.
« Je vois qu'une certaine personne s'est endormie. »
Il remonta ses petites lunettes rondes sur son long nez et frappa violemment son livre contre la table de fer. Élodie ouvrit les yeux brusquement et se redressa plus rapidement que la lumière. Elle regarda la classe, le regard encore endormi. Elle se frotta le visage, retira la feuille collée à la bave sur sa joue et bailla.
« Vous devez trouver mon cours extrêmement intéressant pour vous, grommela Frisard.
---- C'est pas ce que vous croyez Monsieur...
---- Alors vous vous permettez de vous assoupir car vous avez une moyenne plus que parfaite qui est de.. ? »
Le professeur la regarda intensément, attendant une réponse de sa part.
« De 9,84... finit Élodie en baissant les yeux.
---- Bien-sûr, vous n'êtes point au niveau de Mme Lagarde. Quand, comme elle, vous aurez près de 19 de moyenne, on en reparlera. »
Élodie regarda le sol. Marie pouvait encore voir les écouteurs dans ses oreilles. Heureusement pour la jeune fille, Mr Frisard ignorait tout sur la technologie, vivant dans le passé.
« Vu votre niveau, il serait fort pratique de vous envoyer au tableau.
---- En quoi cela serait pratique si je ne connais point l'énoncé, ni la formule à exercer ?
---- Demander le cahier de votre voisin et allez au tableau le faire. »
Élodie soupira et se leva, tenant d'une main ferme mais tremblante le cahier d'exercice de son camarade.
Marie l'observa, la fixa, la détailla de près ; Aujourd'hui encore, elle avait ce pull bien trop grand pour elle, lui tombant un peu au dessus du mi-cuisse. Ses bras étaient cachés à l'intérieur des manches. La jeune brune remarqua une tâche rougeâtre sur la manche gauche de son ennemie.
« Sûrement du ketchup. Elle n'est pas douée du tout. Tch. »
Élodie se tenait avec force le poignet avec la tâche. Et, d'une écriture bancale, elle recopia l'énoncé pour perdre du temps.
« Bien. C'est déjà ça. Maintenant, la formule. »
Élodie fronça les sourcils un peu plus (Marie ne pensait pas ça possible) et regarda dans le cahier, cherchant la solution.
« Posez ce cahier et faites-le par vous même !
---- Vous me faites rire ! Je suis incapable de faire tout ça ! »
Le professeur haussa un sourcil, se mordant la lèvre.
« Vous arrive-t-il d'écouter mes cours, Élodie ?
---- Bien-sûr Monsieur. Mais, contrairement à d'autres, les mathématiques ne sont point ma tasse de thé. J'ignore quoi faire et, ne souhaitant pas passer ma fin d'heure debout comme un légume devant le tableau, je vais passer le relai à Marie, qui est bien mieux placée dans cette belle matière qu'est la votre. »
Sur ces dires, Élodie posa le feutre effaçable sur la table de la brune, qui la regardait, choquée. Marie vit rouge et grinça :
« C'est à toi que le prof a demandé ! J'vais pas allez faire ton boulot juste parce que t'es conne !
---- Marie, restez polie ! Hurla Mr Frisard.
---- J'aimerai que tu ai un peu plus de respect pour moi, dit Élodie froidement. Après tout, je ne t'ai pas agressé. Je ne t'ai pas insulté. Je ne te gâche pas la vie, moi. »
Marie se leva violemment. Elle lança un regard rempli de haine à sa camarade, attrapa le feutre et résolu le problème, comme si c'était un calcul enfantin.
« Si tu écoutais un peu, tu apprendrai que c'est la chose la plus basique que tu va apprendre en seconde, gronda Marie en mettant le feutre contre le torse d'Élodie. »
Elle la poussa fortement et se rassit, maudissant la plus grande. Le corbeau, elle, retourna à sa place et prit la correction, n'écoutant pas les mots de Mr Frisard.
~~~
« Je n'ai jamais vu personne aussi bizarre qu'elle, bafouilla Léa entre son pain. »
Noah, un ami commun de tout le monde, leva un sourcil en posant sa brique de jus de fruits.
« De qui parles-tu ?
---- De l'autre bourgeoise geek là ! »
Noah réfléchit un instant et demanda :
« Tu parles d'Élodie ?
---- Totalement.
---- C'est pas la fille qui tournait constamment autour de Marie lors de votre seconde année de collège ? »
Marie grimaça avant de grogner entre ses dents :
« Si, c'est elle.
---- Elle a toujours eu un côté étrange, reprit Noah avant de boire. Mais ça ne fait pas d'elle une personne méchante.
---- Moi, je la supporte pas du tout ! Hurla Léa.
---- À un moment, vous étiez amies pourtant.
---- Pas avec moi, enchérit Sophie. Je l'ai toujours trouvé louche.
---- Je la supportais pendant les cours et était sympathique, expliqua Marie. Mais jamais j'ai été amies avec elle ! Et je le serai jamais ! Juste... Beurk ! C'est dégueulasse ! Juste m'en souvenir me donne des frissons ! »
Le petit groupe d'amis s'amusèrent à lui rappeler cette période cauchemardesque pour Marie, sauf Noah qui se taisait. Ce dernier était en première. Il était plutôt grand, avait la peau mate, des cheveux bruns et de beaux yeux gris. Marie ne le cachait pas, il était son premier amour.
« Arrêtez de me taquiner avec ça... C'était... Brr horrible ! Elle me collait tout le temps !
---- Maintenant, ch'es roi kchi fa colle, ria Max, la bouche pleine.
---- Ta mère ne t'a jamais dit de ne pas parler la bouche pleine ?! Hurla Léa. »
Ils se mirent à se chamailler tous ensemble, riant du présent.
« Vous faites quoi sinon demain, demanda Sophie en jetant son emballage de chips.
---- Ma mère organise un pique-nique... commença Marie.
---- Sérieux ?! Hurla Max. On vi...
---- Non. »
Le jeune homme n'avait même pas eu le temps de finir sa phrase que Marie cassa ses espoirs, sèchement.
« Whyyyyyyyyyyyy ? Pleurnicha Max en se jetant à terre. Ma mère ne veut jamais en faire...
---- J'aimerai bien. Mais mes parents ne veulent pas que des fous fassent peur à nos invitées.
---- Qui sont-ils ? Demanda Noah, curieux.
---- Une amie de ma mère et ses deux filles. À ce qui paraît, sa plus vieille fille est harcelée... »
Sophie blêmi et mit ses deux mains sur sa bouche.
« Mais... Quel horreur !
---- Et elle se... demanda Léa en faisant un geste sur son poignet.
---- Je pense oui... »
Ils se regardèrent tous avant de hurler :
« Tu fais tout pour sympathiser avec elle et tu nous la présente ! On va défoncer les connards ! »
Marie ria mais se refroidit petit à petit. Son regard pers transperça le noisette.
« Un problème, mongole ?! Cracha Marie envers Élodie.
---- Pas besoin de m'insulter. Je rentre juste chez moi, répondit froidement le corbeau. »
Ils la regardèrent passer avec attention.
« ... salope de Lagarde... gronda Élodie en regardant le sol, à quelques mètres du petit groupe.
---- Répète un peu pour voir ?! S'exclama Marie, qui venait de tourner au rouge.
Elle l'attrapa par le col de son pull, l'obligeant à se pencher pour être à sa hauteur.
« Tu OSES m'insulter après m'avoir dérangée en math. Sérieux, tu commence à me péter les couilles ! Jusque là, j'ai été TRÈS gentille avec toi. Mais je peux ruiner tes prochaines années. Je peux t'empêcher d'avoir la bourse scolaire que Miss veut pour sa maman. Je peux te faire dégager du club de théâtre. Tu sais, celui où t'as travaillé dur l'année dernière, où tu as délaissé tes amis pour pouvoir être prise. Oh mais... Quel est ce regard ? Allez arrêtes de chialer ! »
De multiples larmes coulaient sur le visage d'Élodie.
« Cry baby ! Ria Max. Pleurnicharde !
---- Ta gueule ! Sanglota Élodie.
---- C'est toi qui pleure. Tu viens nous faire chier et tu fais ta victime, hurla Marie. »
Élodie se dégagea. Elle tenta de reculer. Marie voyait qu'une partie de son masque de glace tombait.
« Bah alors ? Toi qui est toujours extrêmement polie tu parles mal ? Hurla Léa.
---- Arrêtes de croire que tu as le droit de tout ici !
---- Donc à la place j'ai le droit de rien ! Hurla Élodie.
Elle baissa la tête, le visage crispé. Les larmes dévalaient ses joues.
« Arrêtez... Supplia-t-elle.
---- Tu nous pètes les couilles. »
Marie leva la main, prête à la frapper. Son poignet fut retenu par Noah, qui la regardait froidement. Il posa une main sur l'épaule fragile d'Élodie, lui tendit un paquet de mouchoir et dit :
« Pars. Rentre chez toi. »
Élodie le regarda et parti en courant. Elle trébucha sur la bordure et s'étala au sol. Elle se releva maladroitement et grimaça, les quelques larmes lui restant coulaient. Elle prit son poignet et se mit à courir vers son arrêt de bus.
Le groupe de Marie se mit à parler entre eux, commentant l'audace qu'avait la jeune fille d'avoir insulté leur amie.
Et, au milieu de la bande se tenait Marie.
Marie, dont le regard était perdu.
Marie, qui fixait ce petit endroit où Élodie était tombée.
Ce petit endroit, où une tâche rougeâtre attirait son attention.
Et, après quelques instants de réflexion, Marie remarqua que la tâche...
Était absente avant l'arrivée d'Élodie...
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