Une sacrée bourde
Nous nous étions séparés pour couvrir le maximum d'hôtels. Notre objectif était de le repérer et de prévenir ensuite les autres. Le terrain était miné. Nous flirtions avec les limites. Alors il valait mieux faire attention à ce que nous faisions. Je devais être rapide et efficace. Léo risquait de s'inquiéter si je tardais à rentrer. Prendre un verre avec un ami ne pouvait durer toute la nuit.
Je regardai ma montre. Je me donnai encore deux heures. Ensuite, je rentrai. Quitte à reprendre nos recherches le lendemain s'il le fallait. Décidé, je poussai les portes du sixième hôtel de ma liste et me dirigeai droit vers l'accueil. Un jeune homme souriant me reçut.
- Bonsoir Monsieur. En quoi puis-je vous aider ?
- Je suis à la recherche d'un homme, dis-je, sans préambule, posant la photo devant lui.
Il y jeta un coup d'œil rapide.
- Je suis désolé Monsieur, mais je ne peux vous donner de renseignements sur nos clients.
- Il est client ici ? répliquai-je, m'engouffrant dans la brèche.
Il secoua la tête en soupirant.
- Vraiment Monsieur, je ne peux rien pour vous.
Je sentais bien qu'il ne lui fallait qu'une bonne raison pour se livrer.
- Ecoutez, je sais que c'est votre job mais j'ai vraiment besoin de le retrouver. Cet homme est dangereux. Il menace ma...
J'hésitai à choisir un titre. Qu'était Léo réellement pour moi ? ma patronne ? mon amie ? ma petite amie ? soudain, le bruit d'un ascenseur qui s'ouvre me sortit de ma réflexion. Je vis alors le visage du standardiste changer d'expression. Je me retournai aussitôt. Il était là, l'enfoiré. Il traversa le hall, sans même porter attention à moi. Avant même que l'employé n'intervienne et fiche tout en l'air, je lui emboitai le pas. Pas le temps de prévenir les autres.
Arrivés à l'extérieur, je le rattrapai et le hélai. Manuel se retourna en entendant son prénom. C'était bien lui. Plus de doute possible.
- On se connait, me demanda-t-il, dubitatif.
- Non, mais je viens de la part de Léo. Foutez-lui la paix.
Il me regarda un instant, avant d'éclater de rire.
- Laissez-moi deviner. Vous couchez avec cette salope ?
Les poings serrés, je ravalai la colère qui commençait à monter. Ce geste n'échappa pas à sa vigilance.
- Je vais le répéter une nouvelle fois. Laissez-la tranquille. Vous lui avez déjà fait assez de mal.
- Vous croyez ? ironisa-t-il. Je pense plutôt qu'il est temps qu'elle paie pour ce qu'elle m'a fait.
- Ce n'était qu'un juste retour des choses.
Il se tut et m'observa longuement.
- Elle vous a tout dit, n'est-ce pas. Et vous la soutenez ? alors vous êtes aussi cinglé qu'elle. Mais ne vous faites pas d'illusions. Vous n'êtes qu'un passe-temps. Quand elle se lassera de vous, elle ira ouvrir les cuisses pour un autre.
A ces mots, ma vue se voila. Et avant même que je réalise ce que j'étais en train de faire, mon poing s'écrasa violemment sur l'arête de son nez. Manuel se retrouva alors au sol, le visage en sang. Quand je réalisai ce qui venait de se passer, je me mis à jurer. J'avais perdu le contrôle. Putain de merde ! Je ne perdais jamais le contrôle. Il avait suffi qu'il insulte Léo pour que je pète les plombs.
Alors qu'il tentait, tant bien que mal, de se relever, Manuel partit dans un rire sinistre.
- Vous allez le regretter, petit con. Et elle aussi. Dites à Eleonora que maintenant je veux qu'elle vienne me voir demain avec cinq cents mille dollars. Et je veux la voir seule. Histoire de rattraper le temps perdu.
Son sourire sadique me donnait envie de lui sauter à nouveau à la gorge, mais je me ravisai. J'étais déjà allé trop loin. Putain. Je le regardai s'éloigner, les poings serrés contre mes cuisses. Quand il dépassa l'angle de la rue, je saisis mon téléphone et appelai Novac. Au bout de deux sonneries, il décrocha.
- Nicolaï, j'ai merdé. Je viens de mettre mon poing dans la figure de cette pourriture. Retrouvez-moi devant le Hyatt Hotel.
Après avoir raccroché, je m'assis sur le rebord de béton du parterre de fleurs. Tout en massant ma main, je repensai à la connerie que je venais de commettre. A présent, non seulement il avait de quoi faire chanter Léo, mais Manuel pouvait aussi me mettre la pression. Evidemment, il avait sauté sur l'occasion pour réclamer de l'argent. Et par-dessus le marché, il voulait rencontrer Léo, seul à seul. Il en était hors de question.
Je levai les yeux vers le bâtiment. J'y étais entré sans grande conviction, vu le standing. Mais on m'avait appris à ne négliger aucune piste. Comment cet enfoiré pouvait-il se payer une chambre ici ? au vu de sa tenue bon marché, il n'en avait pas les moyens. Alors comment ? qui avait-il arnaqué pour pouvoir se payer un hôtel de luxe ?
Je retournais dans ma tête tout ce que j'avais sur lui. C'était un ouvrier du bâtiment, avec un salaire de misère. Il n'avait plus de famille. Pas d'argent de côté non plus. Alors comment ? est-ce que quelqu'un l'avait aidé ? et pourquoi ? se pourrait-il que cette personne cherche aussi à nuire à Léo ? mais qui ? sûrement une personne que Léo avait fortement contrariée. Je ne voyais que ça.
Alors que j'étais plongé dans mes pensée, Novac se gara à côté de moi. J'ouvris la portière arrière, sans rien dire, et m'engouffrai à l'intérieur. Nous quittâmes le parking de l'hôtel en silence. Personne ne parla jusqu'à ce qu'on arrive devant l'immeuble Gallo Incorporations.
- Que comptes-tu faire ? demanda Amy.
- Je vais retrouver Léo et tout lui raconter. Nous allons trouver une solution ensemble.
- Si tu as besoin de quoi que ce soit...
Novac laissa sciemment sa phrase en suspens. Tous les deux savions ce que cela signifiait. Je secouai la tête pour décliner son offre. Cette solution n'était pas envisageable. En tous cas, pour l'instant. Je les remerciai plusieurs fois, avant de descendre de voiture. Je sentais la tension que s'était instaurée entre nous. Je les regardai s'éloigner, tout en me demandant comment on allait pouvoir se sortir de ce merdier. Je finis par me résigner à rentrer. Je saluai le gardien de nuit avant d'entrer dans l'ascenseur.
Il valait mieux attendre demain pour parler de tout ça. Inutile de bouleverser Léo un peu plus. Elle avait besoin de se reposer pour pouvoir encaisser la nouvelle. Alors que j'ouvris la porte de l'appartement, je fus surpris par le calme ambiant. Pas un bruit, pas une lumière. Arrivé dans la chambre, je constatai qu'elle était vide. Mon sang se glaça. Où était-elle ? sur le lit, une enveloppe. Je la saisis et l'ouvris frénétiquement en apercevant mon nom.
« Je suis allée dormir chez Chiara. Ne t'inquiète pas. J'éteins mon portable. Je reviendrai demain matin. Bisous.
Léo »
Enlisant ses mots, j'eus une drôle d'impression. Comme si cela sonnait faux. Mais je devais apprendre à lui faire confiance. C'est pourquoi je décidai d'aller me coucher sans elle. La nuit porte conseil. Peut-être allais-je trouver une solution dans mon sommeil. En tous cas, j'allais devoir la trouver rapidement, d'ici la fin de la journée de demain.
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