Léo II

Le taxi me ramena à l'appartement au petit jour. J'avais arpenté la ville toute la nuit, dans l'espoir de glaner des informations sur Manuel. Mais rien, que dalle. A se demander si je ne m'étais pas trompée. Peut-être était-ce juste cette angoisse permanente de le voir ressurgir dans ma vie qui m'avait poussé à imaginer des choses. J'avais interrogé toutes ses anciennes connaissances, me replongeant dans des souvenirs douloureux. Tellement douloureux que je dus aller sur la tombe de maman pour vider mon cœur et laisser couler mes larmes.

A présent, je me sentais mieux. Beaucoup mieux. Je lui avais parlé de tout ce qui me pesait, tout ce que je lui avais tu. Elle n'avait jamais su ce que Manuel me faisait subir quand elle n'était pas là. Je n'avais jamais pu lui avouer, même si je sentais dans certains regards qu'elle devait s'en douter. Aujourd'hui, j'avais enfin vidé mon sac. Je lui avais parlé de la peur qui enserrait le ventre, de jour comme de nuit. Des cauchemars qui me maintenaient parfois éveillée.

Du sentiment d'impuissance et de panique que j'éprouvais en présence d'un homme. De ce que j'avais dû faire pour les tenir à distance. De la garde que j'étais devenue malgré moi. Je savais qu'elle l'avait compris, même si je lui cachais cet aspect de ma vie. Je lui expliquai que rien n'était de sa faute, qu'elle n'aurait rien pu faire de toutes manières. Je lui avouai à quel point elle me manquait chaque jour.

Je lui parlais d'Adam, de notre rencontre, de ce qu'il avait réussi à éveiller en moi. C'était le seul homme qui avait su voir au-delà des apparences. Le seul qui avait réussi à me faire douter, à faire exploser ma carapace. Le seul à qui j'avais ouvert mon cœur. Je prenais un grand risque, mais j'en avais envie, j'en crevais d'envie. Tout en lui parlant, je m'étais rendue compte alors qu'Adam avait pris de plus en plus de place dans ma vie. Qu'avec lui, je me sentais moins seule. Il m'aidait à supporter tout ça.

La voiture se gara devant l'entrée principale du bâtiment. Après avoir payé le chauffeur, je hâtai le pas pour rentrer. J'étais crevée, mais impossible d'aller me coucher dans mon lit. Adam devait sûrement y être. J'optai donc pour mon bureau. Ce n'était pas comme si cela ne m'était jamais arrivé. Quand on est obnubilé par le boulot, on oublie parfois de rentrer chez soi, même si c'est que quelques étages au-dessus. Je ne comptais plus le nombre de fois que je m'étais écroulée dans le canapé. Je programmai mon réveil pour éviter de croiser Hernandez. Deux petites heures de sommeil et ensuite je rejoindrai Adam. Je me glisserai dans le lit avec lui. Peut-être pourrais-je même profiter de la douceur de son étreinte. Je m'allongeai, fermai les yeux et m'endormis aussitôt.

Quand la sonnerie du téléphone me réveilla, je me sentais étonnamment reposée. J'aurais pensé faire des cauchemars, mais non. Adam avait vraiment une bonne influence sur moi. Je me levai et filai vers la petite salle d'eau que j'avais fait installer derrière la grande bibliothèque. J'inspectai rapidement mon apparence. Ça allait. Je quittai immédiatement le bureau pour rejoindre l'ascenseur. J'étais fébrile. Je n'avais qu'une envie, me réfugier dans ses bras. J'ouvris la porte en faisant le moins de bruit possible.

Je retirai mes vêtements, un à un, tout en me rapprochant de la chambre. Quand je l'aperçus enfin, j'étais déjà en sous-vêtements. Il dormait à poings fermés, allongé sur le ventre. Son dos musclé me donnait envie de semer des milliers de baisers, mais je me retins. Je soulevai doucement le drap et me glissai dessous. Je vins me coller contre lui. Sa chaleur se répandit dans mon corps. Il se mit à grogner. Je me rapprochai encore plus, enroulant ma jambe autour de la sienne.

- Bonjour, prince au bois dormant.

Adam tourna la tête vers moi. Son regard océan me coupa le souffle. Ses sourcils se froncèrent.

- Comment vas-tu ?

Toujours à s'inquiéter. C'est ce que j'aimais chez lui. Il angoissait toujours pour moi. Aucun homme, excepté Stanford, ne se souciait de ce que je pouvais ressentir. Ils croyaient tous que j'étais une garce sans cœur.

- Je vais bien. Arrête de te faire du souci.

Il m'attira alors dans ses bras. Je pouffai comme une ado.

- J'entends ça. Et moi qui me faisait un sang d'encre. Tu m'as fait vraiment très peur hier.

- Je m'en excuse. C'est de ma faute. Je me suis emballée. Ce n'est sûrement pas lui.

Le visage d'Adam se décomposa aussitôt. Mon cœur rata un battement.

- Qu'est-ce qui se passe ?

Il me relâcha et s'assit sur le lit, les bras posés sur ses genoux. Ce n'était pas bon signe. Pas bon du tout.

- C'était bien lui.

Une sueur froide déferla dans mon dos. Ma bouche s'assécha.

- Je suis désolé, Léo. Je t'ai menti. Je ne suis pas allé boire un verre avec Novac. Je suis allé à sa recherche et je l'ai trouvé. Mais j'ai merdé.

Il m'avait menti. Sur ce point, je ne pouvais pas lui en vouloir. J'avais fait exactement la même chose. Alors que j'allais le lui avouer, la sonnette de l'entrée retentit. Je me levai et saisis sa chemise au passage pour m'habiller. Quand j'ouvris la porte, je tombai nez à nez avec deux hommes en costume. Nous nous observâmes un instant.

- Mademoiselle Gallo ?

- Oui. Vous êtes ?

- Est-ce que Monsieur O'Connell est ici aussi ?

- Je ne vous répondrai que quand vous m'aurez dit qui vous êtes.

- Police criminelle, Mademoiselle. Nous devons vous parler à tous les deux.

Bordel de merde ! qu'est-ce qui s'était passé ? soudain, je sentis une main se poser sur ma hanche.

- Je suis Adam O'Connell. En quoi pouvons-nous vous aider ?

Les deux policiers détaillèrent nos tenues. Il est vrai que vêtus ainsi cela portait à confusion. Mais avant que je ne démentisse quoi que ce soit, Adam prit les devants.

- Il y a un problème ?

- Où étiez-vous hier soir ?

- Ensemble, rétorquai-je aussitôt.

La main d'Adam accentua un peu plus sa pression, mais son visage ne laissa rien transparaître.

- Pourriez-vous nous dire enfin de quoi il en retourne ? continua Adam.

- Pouvons-nous entrer pour en parler, s'il vous plait.

Je leur laissai un passage. Ils se dirigèrent vers le salon et s'installèrent. Adam et moi échangeâmes un regard. Il venait de me dire qu'il avait merdé. Soudain, l'angoisse me prit aux tripes.

- Pour être tout à fait honnête, je suis sorti en début de soirée, expliqua Adam.

- Nous le savions. Vous avez même eu une altercation avec la victime.

La victime ? Oh mon dieu ! Adam, qu'as-tu fait ?

- Pourquoi nous parlez-vous de victime ?

Le plus grand des deux policiers nous scruta un instant avant de débiter sur un ton monocorde.

- Hier soir, Monsieur Manuel Rossi a été assassiné.

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