Cauchemar
La journée se passa sans anicroche. Mlle Gallo vaquait à ses différentes occupations et moi je suivis Stanford dans tous ses déplacements. Il avait tenu à me présenter à ses contacts, histoire de passer la main, comme il disait. Ça donnait surtout l'impression qu'il partait pour de bon.
A la nuit tombée, je rejoignis enfin mon petit appartement payé gracieusement par mes employeurs. Il ne payait pas de mine, mais il était assez proche de mon lieu de travail, ce qui me simplifiait grandement la vie.
Après une bonne douche bien méritée, j'entrepris d'ouvrir certains de mes cartons. Contrairement à ce que j'avais pensé, changer de vie n'avait pas occasionné autant de déménagement que ça. Je m'étais contenté du minimum. De toute manière, à force de bourlinguer à travers le monde entier, je n'avais en définitive conservé très peu de choses. Et c'était bien ainsi. Tirer un trait sur mon ancienne vie avait été la meilleure chose à faire. Cela ne réglait pas tout, mais il me fallait prendre un nouveau départ. Au bout de quatre cartons éventrés et vidés, je renonçai, épuisé par le décalage horaire. Je m'effondrai alors sur mon lit défait, après avoir programmé mon réveil. En quelques secondes, je plongeai dans un sommeil profond.
Une vitre explosa. J'ouvris aussitôt les yeux. J'étais assis en face de Mike, mon meilleur ami. Il portait tout son équipement de mission. Celui-ci me criait des choses, mais je ne comprenais rien. Il armait alors son L85A1. Par réflexe, je saisis le mien. Soudain, une nouvelle détonation et Tim s'effondra entre nous. Sa tête ensanglantée gisait sur mes pieds. Il avait les yeux grands ouverts. C'est alors que les bruits, les odeurs me revinrent. Les coups de feu, l'odeur du sang, de la poudre, les cris des autres soldats, l'atmosphère sèche du désert. Aussitôt, je me remis en action. Mon arme était chargée. Je la collai à mon visage et visai, cherchant des yeux le sniper. Le choc du véhicule contre un mur en parpaing faillit me projeter hors de la benne. En quelques secondes, et sous une pluie de projectiles, nous débarquâmes et cherchâmes un abri. Logan prit une balle et se retrouva à terre. Le sac de premier secours avait roulé un peu plus loin. Mike s'en saisit et me rejoignit dans une petite ruelle poussiéreuse. Les balles continuaient à pleuvoir, tandis que deux autres soldats saisirent le blessé par l'encolure et le tirèrent hors de portée. Impossible de savoir où était ce salopard de tireur. Mon cœur battait à tout rompre, je transpirais comme un bœuf. Je trouvais alors un rétroviseur cassé au sol. Une aubaine. Je le pris et l'inclinai pour regarder à l'extérieur, sans me faire canarder. Soudain, une balle ripa et vint se loger dans un mur voisin. Je lâchai le miroir sous l'impact. Bordel ! Je pris le temps de réfléchir à la situation. Il fallait aveugler ce fils de pute. Je saisis un fumigène à ma ceinture et le balançai de l'autre côté du camion. En quelques secondes, la rue fut envahie d'une vapeur blanchâtre. Le sniper continuait cependant à nous tirer dessus. Profitant d'une accalmie, Mike prit une direction et moi l'autre. Je m'engouffrai dans une maison. Elle était heureusement vide. Je montai quatre à quatre les marches pour aboutir à une porte mansardée qui donnait sur le toit en ciment brut. A peine ai-je passé la tête qu'une balle siffla à mes oreilles. Putain ! Je m'étalai au sol. Soudain, sans prévenir, un chien me sauta dessus. Seule une chaine reliée à un poteau de métal l'empêcha de me bouffer.
C'est alors que je me réveillai en sursaut, dans mon lit, à Miami. Mes vêtements et mes draps étaient trempés. Mon cœur battait toujours aussi fort et je percevais encore l'odeur de terre sèche du désert, mêlée à celle de la poudre. Dehors, un chien hurlait. Saloperie de bestioles ! Je m'assis sur le bord du lit, tentant de reprendre mon souffle. J'en avais ma claque de ces cauchemars. Ils ne me lâchaient plus. Un haut-le-cœur me prit. Je me dirigeai vers la salle de bains et vomit le sachet de chips que j'avais avalé en guise de dîner. A chaque réveil, c'était pareil. Une nausée incontrôlable. Une impression prégnante d'y être encore. Et toujours ce sentiment de peur qui me prenait aux tripes, encore et encore.
Il fallait que je sorte. Pour boire. Pour noyer mon esprit. D'un geste rapide et assuré, j'enfilai mon tee-shirt et mon jean. En quelques minutes, je me retrouvai à arpenter la rue à la recherche d'un bar ouvert. J'entrai dans une sorte de pub. A cette heure, il n'y avait pas grand monde. Quelques mecs en train de se saouler. Je m'approchai du bar et commandai un whisky, que j'avalai d'une traite. Puis j'en pris un autre, puis encore un autre. Au bout du cinquième, je commençai à ralentir. L'alcool commençait enfin à faire effet, embuant mes pensées. J'étais affalé sur ce maudit tabouret quand mon regard croisa celui de la serveuse. Une jolie brune aux gros seins. Je me redressai et lui souris. Elle me rendit mon sourire. Et sans que je sache comment, je me retrouvai dans les toilettes en train de la sauter. Alcool et sexe étaient les meilleurs remèdes à mon mal que je connaissais.
Je m'appelle Adam O'Connell, j'ai trente-deux ans, bienvenue dans mon enfer.
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