Chapitre 2

Milo

— Pouah. C'est quand la dernière fois que tu as pris une douche ?

Je fronce les sourcils devant cette minuscule créature aux allures étranges.

— J'en sors, là.

Je la laisse entrer tandis que ses gros godillots à chaînes cognent le parquet.
Cassie n'a aucune grâce. Là où elle passe, on la remarque. Il faut dire qu'avec ses cheveux longs colorés en violet, elle est particulièrement atypique. Son corps maigrichon semble trop faible pour porter toutes les chaînes qui pendent à son corps.

— T'as dû oublier le gel douche alors.

Elle me décroche un sourire moqueur en s'installant confortablement sur le canapé tombant presque en lambeaux. Béryl l'a couvert d'un plaid, selon elle, ça cache la misère. Je n'en suis pas convaincu :

— Va te faire foutre.

J'agite d'une main mes cheveux secs pour tenter de leur donner une forme :

— Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vu torse nu, dis donc.

Je grimace en considérant ce qui me sert de meilleure amie de toute ma hauteur. Elle louche sur mon torse ciselé par ma perte de poids et mes séances de musculation.
Je fronce le nez en secouant la tête :

— Tu veux un truc à boire ?

Elle croise ses petites jambes couvertes d'un collant noir :

— Non, merci. Béryl n'est pas là ?

J'attrape une cannette de soda qui traîne dans le frigo :

— Non, elle a la prérentrée de sa fac. Elle reviendra ce soir, je pense.

Je hausse les épaules avant de les faire rouler. Elles me paraissent si lourdes, si douloureuses. Peut-être le poids de la culpabilité ? Je fais jouer mes muscles en gorgeant mon estomac de bulles. Elles pétillent aux coins de mes lèvres comme les yeux de Cassi. Une lueur éteinte depuis bien longtemps dans mes yeux lourds de fatigue. Je n'ai toujours pas dormi et pourtant, je suis encore sur pied. Il faudrait que je m'inquiète. Peut-être ralentir le rythme ?

Je ne peux pas...

— À quoi tu penses ?

Elle me détaille attentivement en jouant avec le piercing à sa lèvre :

— À rien.

Je m'installe à ses côtés et, bien qu'elle ne souhaitait pas à boire, elle me pique ma cannette et avale goulûment. Je me mords la lèvre inférieure. Cassie est ma meilleure amie, c'est une très jolie fille aussi. Il y a une sorte de connexion entre nous, bien moins que de l'amour, cela dit, mais il est déjà arrivé que nous dérapions.

— T'as rendez-vous chez la psy cet aprèm, non ?

Je ne la quitte pas des yeux et hoche la tête lentement. Une goutte de coca roule sur son menton. Il me suffirait de me pencher pour l'attraper du bout de la langue. Mon ongle gratte l'accoudoir du canapé usé, perdu dans mes pensées :

— Tu vas y aller ?

Je secoue la tête en grognant :

— Bien sûr que non.

Je la connais depuis quelques mois, elle n'était pas dans ma sphère privée lors de l'accident. Lors de mon changement de vie. Elle ignore tout et ça restera ainsi.
Le psy ? Elle est seulement au courant, car ça a échappé à Béryl la dernière fois.
Résultat, en plus de ma jumelle, j'ai un autre puceron sur le dos :

— Tu devrais...

Je la dissuade du regard de rajouter autre chose. Je n'ai pas besoin d'une tierce personne m'interrogeant sur ma vie catastrophique. Ma sœur tient déjà ce rôle. Cassie me tend ma boisson un sourcil levé :

— Tu fais quoi ce soir ?

Nous sommes lundi et c'est mon seul jour de repos de la semaine. Je suis exténué...

— Béryl tient à ce que nous passions la soirée ensemble.

Nous ne nous voyons presque plus ces derniers temps. En un an, nous sommes presque devenus des inconnus. Aggravant la plaie dans mon cœur. Je ne l'avouerai pas, mais nos moments me sont chers, l'amour que j'ai pour elle est la seule chose positive de ma vie. Le seul rayon de soleil dans mon existence.

Je joue avec la languette en métal et Cassie hoche la tête :

— Tom fait une fête.

Je tire une moue de dégoût. En d'autres circonstances, j'aurais dit oui sans hésiter. Aujourd'hui... Je me sens las et épuisée. Comme si on avait retiré les derniers grains d'énergie de mon corps.
Je me perds peu à peu.
Chaque jour qui passe, je ne suis plus que l'ombre de moi-même.

Cassie porte sa main aux ongles peints en bleu électrique dans mes cheveux. Elle a l'air inquiète. Elle les caresse doucement avec un petit sourire :

— T'as de quoi fumer ?

Elle arrête son mouvement presque déçu que je n'entame pas un contact plus intime. Je la regarde farfouiller dans son sac de cuir et en tirer rapidement une petite boîte en métal rouillée, rectangulaire.
Elle l'ouvre et en tire un joint préalablement roulé, me le tend.
Je le cale entre mes lèvres alors qu'elle approche son briquet.
Son pouce roule et une étincelle jaillit embrasant le bout.

Je pousse un soupir de plaisir tandis que mes joues se creusent pour tirer le plus possible.
Mes poumons s'emplissent de cette drogue qui brouille mes pensées les plus sombres. Elles n'existent plus, comme si elles n'avaient jamais existé et que ma vie était normale.

Je recrache une épaisse fumée alors que Cassie me l'arrache des lèvres :

— Dis-moi... Elle commence avant de tirer une longue taffe.

Je me masse l'arête du nez en refoulant une migraine :

— J'ai un service à te demander...

Je lève un sourcil en passant une main sur mon torse nu. Je ne suis pas sûre que l'idée me plaise. Cassie a l'esprit farfelu et se retrouve toujours dans des situations foireuses. Ce n'est pas pour rien que nous sommes amis. Parce que généralement, je la suis toujours dans ses coups :

— J'ai mon cousin qui veut revenir en France.

Je termine ma cannette en attendant la suite :

— Il a déménagé y a quatre ans en Amérique avec mon oncle et ma tante...

Elle coupe en crachant une fumée épaisse qui me chatouille les naseaux :

— Et du coup, il n'a pas de quoi loger ici...

Je fronce les sourcils ne comprenant pas où elle veut en venir. Mon cerveau est bien trop fatigué pour me dessiner de quelconques scénarios. D'habitude, je suis doué pour anticiper. Là, rien.

— Tu sais que mon neuf mètres carrés du CROUS ne peut pas contenir deux personnes. Alors je me disais...

Ah.

C'est donc là qu'elle veut en venir.

Je suis lent, mais je peux déjà deviner sa future phrase :

— Tu es mon meilleur ami. Elle me brosse dans le sens du poil. Le seul en qui j'ai confiance...

C'est pas faux :

— Tu pourrais l'accueillir ? Le temps de quelques mois ?

Je plisse les yeux qui commencent à me piquer. Un petit ricanement m'échappe :

— Non.

Elle penche la tête sur le côté en ne cachant pas sa déception :

— Pourquoi ? Elle enchaîne. Je compte vraiment sur toi.

Elle prend des airs de gamine en plein caprice. Elle est presque mignonne.
Je laisse ma tête retomber sur le haut du canapé :

— Béryl ne voudra jamais.

Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais accepté. Nous ne nous serions pas dérangés. Ma sœur... C'est une autre histoire. Elle déteste qu'on perturbe son environnement :

— Milo, tu ne peux pas me dire non. T'es ma seule solution.

Je lâche un petit rire qui se rapproche plus du son étranglé :

— Donc tu pensais que j'allais dire oui ? Tu n'as pas d'autre plan ?

Je l'entends soupirer :

— Non...

Elle me fait de la peine. Peut-être que ma sœur pourrait faire un effort. Après tout, un loyer de plus ne serait pas de trop...

— Il peut payer un loyer ?

Elle ouvre de grands yeux. Elle me connaît, elle connaît mes intonations :

— Oui, bien sûr !

Elle se redresse vivement prête à boire chacune de mes paroles :

— Je vais en parler à Béryl, mais cherche une autre solution au cas où.

Elle tape dans ses mains, ravie. Apparemment, elle n'a pas entendu l'autre partie de ma phrase. Je préfère ne pas la couper dans son élan et admire son énorme sourire.

Elle a beau avoir vingt et un ans, cette fille en paraît seize à tout casser. Elle me saute au cou et me renverse presque.
Mon corps est trop mou, trop lent, et je peine à la réceptionner alors que c'est un poids plume :

— T'es le meilleur !

À moitié sur moi, elle embrasse le bout de mon nez que je plisse.
Je me tords le cou pour avancer la tête et mords sa joue :

— Tu sais que ça peut vite déraper ?

Je hausse les épaules en encerclant sa taille.
Est-ce un souci ? Non

— Pourquoi pas ?

Je rassemble le peu de force qu'il me reste et la retourne, l'allongeant sous moi. Elle lâche un petit gloussement sans résister. De toute façon, je suis bien plus fort qu'elle. Au contraire, elle pose une main sur ma nuque et plonge ses yeux dans les miens en se mordant la lèvre inférieure. Pourtant, il n'y a aucun désir dans ses yeux, juste de l'amusement :

— Je ne peux pas. J'ai cours dans moins d'une demi-heure.

Elle dépose un baiser sur le bout de mon nez. Contrairement à moi, cette tornade est une tronche même si elle ne l'avouera jamais et a un parcours scolaire flamboyant. Je relâche la pression de mon bassin sur ses hanches, je ne parviendrai pas à la retenir :

— On se voit demain, elle ajoute.

Elle me gratifie d'un sourire, ses mèches violettes retombant sur son front. Je hoche silencieusement la tête pour approuver alors qu'elle me repousse gentiment. Je la regarde enfiler son sac en passant une main dans mes cheveux. Je vais encore me retrouver seul. J'ai horreur de ça, ça laisse la voie libre aux voix dans ma tête...

Que vais-je faire de mon temps libre ?

— Je compte sur toi pour parler à Béryl.

Cassie m'offre un regard plein d'espoir en nouant ses cheveux en chignon bas. Elle a l'air de vraiment espérer.

— Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir.

Je la vois soupirer de soulagement, elle sait que moi, ça ne me pose pas de soucis :

— Bon à plus, Brad Pitt.

Elle plante un rapide baiser sur ma joue :

— À demain.

Je l'accompagne jusqu'à la porte où elle me remercie :

— Merci, je suis sûre que tu t'entendrais bien avec lui en plus.

Je l'arrête alors qu'elle s'apprête à s'échapper telle une tornade :

— Il s'appelle comment cet énergumène au fait ?

Elle me lance un petit sourire malicieux, ses grands yeux allumés d'une lueur étrange :

— Logan.

***

Voici le chapitre 2 du point de vue de Milo cette fois !

Comment le trouvez vous ? Vous aimez bien ce changement de point de vue ?

Envie de connaître un peu plus Milo ?

Comment pensez vous que Béryl va dire pour Logan et d'ailleurs qui est ce fameux Logan ahah ?

N'hésitez pas à me laisser toutes vos théories en commentaire !

Et à commenter et voter !

Merci beaucoup

Bisous

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